PIERRE ROBERGE

Décisions


PIERRE ROBERGE
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-90-012

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 19 mai 1992

Appel n o AP-90-012

EU ÉGARD À une demande entendue le 13 février 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national datée du 14 mars 1990 concernant un avis d'opposition signifié conformément à l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

PIERRE ROBERGE Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l'appelant est responsable à titre personnel de la taxe de vente établie au nom des trois raisons sociales «Supertrim», «Intertrim» et «Trimit».


John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelant est actionnaire et administrateur uniques des sociétés commerciales «Intersplice Inc.» et «Interveneer Ltée». Le 12 mars 1986, il a déposé et enregistré à la Cour supérieure, district de Montréal, une déclaration de raisons sociales attestant son intention de faire des affaires dans le domaine de la fabrication de lisières de chant en bois ou en mélamine et de feuilles de placage de bois sous les raisons sociales «Supertrim», «Intertrim» et «Trimit».

La question en litige est de déterminer qui, soit l'appelant ou ses deux sociétés, doit être tenu responsable de la taxe de vente établie au nom des trois raisons sociales susmentionnées.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l'appelant est responsable à titre personnel de la taxe de vente établie au nom des trois raisons sociales en question.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 13 février 1992 Date de la décision : Le 19 mai 1992
Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant Michèle Blouin, membre Desmond Hallissey, membre
Services juridiques : France Deshaies
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Guy C. Gervais, pour l'appelant Rosemarie Millar, pour l'intimé





Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi).

Le 2 mars 1988, l'appelant a été cotisé pour un montant de 19 817,32 $ incluant taxes, pénalité et intérêt pour la période allant du 15 janvier 1987 au 31 juillet 1987. Le 24 mars 1988, l'appelant s'est opposé à la cotisation, mais celle-ci fut par la suite confirmée par l'intimé le 14 mars 1990.

L'appelant est actionnaire et administrateur uniques des sociétés commerciales «Intersplice Inc.» et «Interveneer Ltée». Le 12 mars 1986, il a déposé et enregistré à la Cour supérieure, district de Montréal, une déclaration de raisons sociales attestant son intention de faire des affaires dans le domaine de la fabrication de lisières de chant en bois ou en mélamine et de feuilles de placage de bois sous les raisons sociales «Supertrim», «Intertrim» et «Trimit».

La question en litige est de déterminer qui, soit l'appelant ou ses deux sociétés, doit être tenu responsable de la taxe de vente établie au nom des trois raisons sociales susmentionnées.

Monsieur Roberge a témoigné lors de l'audience. Il a décrit divers aspects et certaines activités de ses deux sociétés. Interveneer Ltée, créée en 1978, s'occupait principalement de l'achat et de la vente de placages de bois. Intersplice Inc., constituée en 1980, avait pour objet la fabrication de lisières de chant en bois ou en mélamine et de feuilles de placage de bois. Les deux sociétés occupaient les mêmes locaux. En 1987, le comptable de l'appelant a suggéré à ce dernier de faire, en son nom personnel, une déclaration de raisons sociales sous les trois noms susmentionnés. Le but de l'enregistrement était d'obtenir un nom de commerce pour les produits de bandes de chant et de distinguer les ventes de feuilles de placage de bois des ventes de lisières de chant. Se fiant aux conseils de son comptable, l'appelant a signé la demande sans poser de question. Il en a été de même pour la demande de licence de taxe de vente de fabricant selon l'article 31 de la Loi, faite le 14 janvier 1987 en son nom et pour le compte des trois raisons sociales.

Lors de son plaidoyer, l'avocat de l'appelant a prétendu que le comptable avait commis une erreur de fait et de droit en suggérant à l'appelant de faire une déclaration de raisons sociales en son nom personnel. La déclaration aurait dû être faite au nom des sociétés Interveneer Ltée et Intersplice Inc. À l'appui de sa prétention, l'avocat a soutenu que les sociétés étaient exploitées sous le même toit, ne possédaient qu'un seul compte de banque conjoint et que tous les biens fabriqués sous les trois raisons sociales étaient produits pour le compte de Interveneer Ltée ou Intersplice Inc. De plus, il a ajouté que les biens, ainsi que les comptes à recevoir générés par la fabrication de ces biens, avaient été cédés en garantie pour le financement des opérations d'Interveneer Ltée et d'Intersplice Inc. en avril 1987. Selon l'avocat de l'appelant, ces éléments démontrent que les trois raisons sociales n'existaient que pour le compte des deux sociétés. Conséquemment, par suite de la faillite de ces dernières, l'intimé aurait dû faire auprès du syndic de faillite une réclamation à titre de créancier privilégié aux termes de l'article 136 de la Loi sur la faillite [2] plutôt que de poursuivre ou de cotiser l'appelant en se basant sur une déclaration de raisons sociales et sur une demande de licence de taxe de vente de fabricant. Finalement, l'avocat de l'appelant a prétendu que l'attitude de l'intimé selon laquelle il ne s'en tient qu'aux documents portant la signature de l'appelant était trop formaliste et inéquitable.

De son côté, l'avocate de l'intimé a plaidé que l'appelant devait être tenu responsable personnellement des taxes établies au nom des trois raisons sociales. À cet effet, elle s'est appuyée sur plusieurs éléments de preuve. D'une part, la déclaration de raisons sociales du 12 mars 1986 indique clairement que l'appelant faisait affaires à titre personnel sous les noms et les raisons sociales «Supertrim», «Intertrim» et «Trimit». De plus, il était précisé dans la demande de licence de taxe de vente de fabricant que la demande était faite par l'appelant à titre personnel et pour le compte desdites raisons sociales. Cette demande de licence mentionnait également la banque avec laquelle l'appelant faisait affaires personnellement et non celle d'Intersplice Inc. et d'Interveneer Ltée.

L'avocate de l'intimé a ajouté qu'à la suite de la demande de licence de taxe de vente de fabricant, une lettre datée du 20 mars 1987 fut envoyée par Revenu Canada, Douanes et Accise, à l'appelant à titre personnel et pour le compte des trois raisons sociales, lui indiquant qu'il était maintenant assujetti à la taxe de vente fédérale en vertu de l'article 50 de la Loi. Le 18 septembre 1987, une deuxième lettre adressée à l'appelant signala à ce dernier qu'aucune taxe n'avait encore été remise sur les ventes imposables et qu'un vérificateur communiquerait avec lui sous peu. Selon l'intimé, l'appelant aurait dû savoir qu'en raison de ces deux lettres il était assujetti au paiement de la taxe. L'avocate ajouta que l'appelant, pour ne pas engager sa responsabilité personnelle, aurait dû modifier la déclaration et la demande de licence, ce qui ne fut jamais fait. Par suite de la lettre du 18 septembre 1987, un vérificateur s'est présenté au bureau de l'appelant au mois de février 1988 pour y effectuer une enquête. Il y a trouvé un journal des ventes au nom d'Intertrim. Le journal indiquait que des taxes pour un montant total de 17 643,45 $ étaient dues pour les mois de janvier à juillet 1987, ce qui correspond au montant et à la période pour lesquels l'appelant a été cotisé en l'espèce. De plus, quatre factures dressées par Intertrim pour la vente de marchandises à des clients furent trouvées sur les lieux.

Quant à la cession en garantie des biens et des comptes à recevoir, l'avocate de l'intimé a signalé au Tribunal qu'un contrat d'affacturage daté du 7 avril 1987 avait été passé pour le compte d'Intertrim. Ce contrat mentionne que l'appelant est propriétaire unique d'Intertrim et porte la signature de l'appelant. De plus, le contrat stipule que : «The above agreement will be binding on the undersigned personnally» (L'accord susmentionné engage le soussigné à titre personnel). Selon l'intimé, l'appelant ne peut pas soutenir que les biens appartenaient aux deux sociétés.

Finalement, l'avocate de l'intimé a invoqué l'application de l'article 1835 du Code civil du Bas - Canada, lequel prévoit que les allégations contenues dans la déclaration mentionnée à l'article 1834b (i.e., la déclaration de raisons sociales) ne peuvent pas être remises en question par aucun de ses signataires.

Après avoir revu la preuve et considéré les arguments avancés dans cette cause, le Tribunal en vient à la conclusion que l'appel doit être rejeté.

L'article 50 de la Loi impose au détenteur de licence de taxe de vente de fabricant l'obligation de payer la taxe sur le prix de vente. Cette obligation est énoncée en termes non équivoques. Le fait d'être mal renseigné par son comptable ne peut pas être pris en considération lorsqu'il s'agit d'établir ses obligations fiscales. En outre, l'ignorance alléguée par l'appelant des conséquences qu'entraînerait la signature des documents ne peut pas être une excuse et ne justifie pas le non-paiement de la taxe.

Même si le Tribunal ne doute pas que l'appelant ait agi de bonne foi, tous les documents soumis en l'espèce montrent qu'il a engagé sa responsabilité personnelle. Le témoignage de l'appelant confirme qu'il a lui-même signé, et la déclaration de raisons sociales, et la demande de licence de taxe de vente de fabricant. En outre, l'appelant savait ou aurait dû savoir, à la lumière des lettres envoyées par l'intimé datées du 20 mars 1987 et du 18 septembre 1987, qu'il était assujetti à la taxe fédérale.

En ce qui a trait au caractère inique qu'entraînerait l'attitude de l'intimé selon laquelle il ne s'en tient qu'aux documents et aux signatures, le Tribunal rappelle qu'il n'est pas autorisé à introduire des concepts d'équité ou à accepter des considérations humanitaires dans le règlement d'un appel [3] .

Pour ces motifs, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. L.R.C. (1985), ch. B-3.

3. Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration, [1986] 3 C.F. 70, à la p. 77; Walbern Agri-Systems Ltd. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 3000, le 21 décembre 1989.


Publication initiale : le 7 juillet 1997