THE CLOSET SHOP INC.

Décisions


THE CLOSET SHOP INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° AP-90-055

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 6 août 1991

Appel n ° AP - 90 - 055

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 mars 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À l'Avis de décision publié par le ministre du Revenu national le 28 février 1990, relativement à un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

THE CLOSET SHOP INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis en partie. Le Tribunal conclut que les concepteurs de placards de l'appelante ont consacré la moitié de leur temps à des travaux d'installation. En conséquence, l'appelante a le droit d'exclure 50 p. 100 des commissions payées aux concepteurs de placards du prix de vente de ses marchandises aux fins de la détermination de la taxe de vente payable en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.


Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le présent appel, interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, est dirigé à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national, rejetant l'avis d'opposition de l'appelante ainsi que ses prétentions à l'effet que 50 p. 100 des commissions des concepteurs de placards constituent des dépenses d'installation, et que les dividendes versés à l'actionnaire-gestionnaire constituent une «rémunération» en vertu du Règlement sur le coût d'érection ou d'installation adopté en vertu de la division 46c)(ii)(A) de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis en partie.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 mars 1991 Date de la décision : Le 6 août 1991
Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre Arthur B. Trudeau, membre
Greffier : Nicole Pelletier Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Ont comparu : Bernard S. Dales, pour l'appelante illes Villeneuve, pour l'intimé
Cause citée : Aron Salomon v. A. Salomon and Company, Limited, [1987] H.L.(E.)22.






Dans le présent appel, interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national, l'appelante demande qu'il soit déclaré qu'elle a droit à une déduction de taxe de vente relativement aux commissions des concepteurs et à la rémunération de l'actionnaire-gestionnaire, tel que prévu par le Règlement sur le coût d'érection ou d'installation [2] (le Règlement).

LES QUESTIONS EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Le présent appel porte sur deux questions : premièrement, une partie des commissions versées aux concepteurs de placards peut-elle être considérée comme frais d'installation et déduite à ce titre du prix de vente des marchandises conformément à l'alinéa 5(1)m); deuxièmement, les dividendes versés à l'actionnaire-gestionnaire constituent-il une rémunération pouvant être incluse dans les frais d'installation dans le cadre de l'alinéa 5(1)d)?

Les dispositions pertinentes de la Loi et son règlement d'application sont les suivants :

La Loi

42. [3] ...

«prix de vente» Relativement à l'établissement de la taxe de consommation ou de vente, s'entend :

a) sauf dans le cas des vins, de l'ensemble des montants suivants :

...

(ii) tout montant que l'acheteur est tenu de payer au vendeur en raison ou à l'égard de la vente en plus de la somme exigée comme prix - qu'elle soit payable au même moment ou en quelque autre temps —, y compris, notamment, tout montant prélevé pour la publicité, le financement, le service, la garantie, la commission ou à quelque autre titre, ou destiné à y pourvoir,

...

46. [4] Pour déterminer la taxe de consommation ou de vente exigible en vertu de la présente partie :

...

c) dans le calcul du prix de vente de marchandises fabriquées ou produites au Canada, peuvent être inclus :

...

(ii) dans les circonstances que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement, une somme représentant :

(A) soit le coût de l'érection ou de l'installation des marchandises supporté par le fabricant ou producteur, lorsque le prix de vente de ces marchandises comprend leur érection ou installation,

...

calculé de la façon que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement.

Le Règlement

3. Aux fins de la disposition 26(6)c)(ii)(A) de la Loi sur la taxe d'accise, le coût d'installation déterminé conformément aux articles 4 à 7 peut être exclu du calcul du prix de vente des marchandises fabriquées ou produites au Canada.

...

5.(1) Lorsqu'un fabricant ou un producteur vend des marchandises données à un prix qui en comprend l'installation mais qu'il ne vend pas de marchandises identiques à un prix qui n'en comprend pas le coût d'installation, la partie de ce prix qui correspond au coût d'installation est égale au total des montants suivants :

...

d) lorsque la surveillance ou les travaux d'installation sont effectués par le propriétaire ou un associé d'une entreprise, la rémunération accordée au propriétaire ou à l'associé pour le temps passé, à l'endroit de l'installation, à surveiller ou à effectuer les travaux d'installation, si

(i) il peut être établi que la rémunération ne dépasse pas celle payée ordinairement aux ouvriers, aux contremaîtres ou aux surveillants qui exécutent un travail semblable, et

(ii) des registres satisfaisants sont tenus pour justifier le temps consacré à la surveillance ou à l'exécution des travaux d'installation;

...

m) le coût des plans et devis et des formules utilisés sur place pour les travaux d'installation;

...

8. Le fabricant ou le producteur doit justifier le coût d'installation déterminé conformément à l'article 5 ou 7 par des preuves documentaires qu'il soumet au sous - ministre du Revenu national (Douanes et Accise).

LES FAITS ET LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

L'appelante vend au grand public des systèmes de placards faits sur mesure, et les installe. Chaque placard est conçu pour un client particulier, puis coupé, assemblé et monté par la société. Un système de placard comprend des tiroirs, des montants et des étagères fabriqués par la compagnie à partir de laminés de mélanine, ainsi qu'un système d'accrochage en chrome.

Le 21 décembre 1988, l'intimé a établi à l'égard de l'appelante, et relativement à la période allant du 3 juin 1985 au 30 juin 1988, une cotisation au montant de 55 027,17 $, y compris les taxes impayées, l'intérêt et la pénalité. L'appelante a déposé un avis d'opposition à cette cotisation, lequel a été reçu par l'intimé le 2 février 1989, et rejeté dans un avis de décision daté du 28 février 1990. L'appelante a alors interjeté appel de cette décision au présent Tribunal.

Lors de l'audience, la présidente de la société The Closet Shop Inc. (Closet Shop), Mme Brenda Dales, a comparu à titre de témoin et a décrit l'organisation et les activités de cette société.

Mme Dales est la fondatrice et la seule actionnaire de Closet Shop, qui a été constituée en 1979. Les activités de cette société comprennent l'opération d'une salle d'exposition, d'un point de vente de service de détail et d'une fabrique. Elle compte environ 15 employés, parmi lesquels des charpentiers, des installateurs, des vendeurs et des concepteurs. Les responsabilités de Mme Dales englobent l'administration, les relations publiques, la conception des placards, la gestion du point de vente et la supervision des activités d'installation des placards.

Mme Dales a décrit les étapes du processus de vente, de conception et d'installation des placards. Tout commence lorsqu'un client fixe un rendez-vous avec l'un des concepteurs de l'appelante. Le concepteur prend les mesures de l'espace où le placard doit être installé et relève les problèmes éventuels, tels que ceux qui ont trait aux trous de ventilation ou aux difficultés d'accès. Les mesures sont prises jusqu'à une précision d'un seizième de pouce. Le concepteur s'informe alors auprès du client de ses exigences ou besoins particuliers. Par exemple, il lui demandera l'âge, la taille et le sexe de l'utilisateur ou des utilisateurs du placard. Muni des mesures prises et des directives du client, le concepteur trace sur les lieux un plan général du placard et en discute avec le client. Il arrive parfois qu'il lui propose plusieurs options.

Lorsque le client et le concepteur s'entendent en gros sur le plan général, le concepteur prépare un plan plus détaillé et une estimation de coûts. Si le client désire aller de l'avant avec le projet, il signe une copie de l'estimation détaillée et verse un dépôt.

Si une commande est effectivement passée, le concepteur prend des arrangements pour l'installation avec la fabrique et prépare des instructions de coupe et des plans d'installation. Ces derniers sont faits à l'échelle requise sur du papier quadrillé et contiennent des renseignements destinés aux installateurs, tels que le nom, l'adresse et le numéro de téléphone du client, les pièces dans lesquelles il faut installer les placards, l'endroit où la clé du domicile a été placée au cas où le client ne serait pas chez lui, etc. Les renseignements fournis aux installateurs doivent être très complets, car les concepteurs n'assistent généralement pas à l'installation, et les clients sont souvent absents à ce moment-là eux aussi.

S'il s'agit d'un travail particulièrement important ou si des problèmes se posent, les concepteurs se rendront sur les lieux au moment de l'installation. Il faut parfois légèrement modifier les plans au moment de l'installation, mais ces modifications ne peuvent être faites qu'avec l'approbation du concepteur.

L'appelante a fourni au Tribunal un exemplaire d'une analyse du temps consacré par les concepteurs aux différentes étapes du processus de prestation des placards (ajout au mémoire de l'appelante, à la page 20). Mme Dales qui est l'auteur de l'analyse, a expliqué que le travail des concepteurs pouvait se diviser en cinq phases :

1. la prise de mesures exactes

2. la consultation des clients

3. la préparation des plans d'installation

4. la préparation de la liste de coupe destinée à la fabrique

5. l'inspection des lieux au moment de l'installation.

Cette analyse était déduite de cinq marchés de prestation de placards conclus par le témoin de 1986 à 1988. Le montant de ces marchés variait de 550 $ à 6 500 $ ce qui, selon Mme Dales, est représentatif de l'activité de l'appelante.

Le temps consacré aux différentes étapes était classé dans l'une des trois catégories suivantes : client, installation ou fabrique.

Selon Mme Dales, les mesures prises lors de l'étape un servent à deux fins : l'estimation des coûts et le tracé des plans d'installation. En conséquence, la moitié du temps consacré à l'étape un était consacré au client, et l'autre moitié à l'installation. L'étape deux, que Mme Dales a décrite comme étant celle de la «conclusion de la vente», était considérée comme entrant dans la catégorie «client». L'étape trois était classée dans la catégorie «installation» et l'étape quatre dans la catégorie «fabrique». L'étape cinq, l'inspection des lieux, n'est pas toujours nécessaire. Si une nouvelle visite est nécessaire, elle est considérée comme entrant dans la catégorie «installation».

Il ressort de l'analyse fondée sur les cinq marchés, que le temps consacré par les concepteurs à l'installation représente 50 p. 100 de tout le temps qu'ils consacrent aux marchés de prestation de placards. Cette estimation concorde avec une autre analyse déposée par l'appelante de pair avec son mémoire, quoique cette dernière analyse porte sur des marchés remplis en une période autre que la période de cotisation en cause.

Mme Dales a expliqué que les concepteurs ne touchaient pas d'autre salaire qu'une commission sur les ventes de placards. Dans la plupart des cas, ces commissions s'élevaient à 15 p. 100 du prix de vente, moins les frais d'installation et la taxe de vente provinciale. Si les concepteurs ne concluent pas de vente, ils ne touchent pas de revenu. En conséquence, la moitié de leur salaire est liée au travail d'installation.

Mme Dales a témoigné qu'elle perçoit sa propre rémunération sous forme de salaire ou de dividendes, ou encore les deux à la fois, tout dépendant des recommandations de ses comptables. Mme Dales ne reçoit aucune commission sur son travail de conception.

Mme Dales a témoigné qu'elle supervise tous les aspects de l'activité de l'appelante. En plus de faire le travail de conception des placards de quelques clients particuliers, elle approuve personnellement tous les concepts de placards mis au point par les autres concepteurs avant que les instructions y afférent soient envoyés à la fabrique. Elle rencontre également tous les matins les charpentiers pour faire le point sur les installations prévues pour la journée. Selon Mme Dales, le vérificateur de Revenu Canada a contrôlé la durée du temps qu'elle consacre à ces différentes tâches en examinant son journal et en interrogeant les employés de la fabrique.

L'ARGUMENTATION

L'avocat de l'appelante a abordé, en premier lieu, la question des frais d'installation des concepteurs. Selon l'avocat, le Mémorandum de l'Accise ET 205 stipule clairement que les plans et devis ainsi que les formules utilisés sur place lors de l'installation sont des montants déductibles du prix de vente lors de la détermination de la taxe de vente payable.

De l'avis de l'avocat, c'est à l'intimé qu'il incombe de dire pourquoi il n'accepte pas les estimations des dépenses d'installation présentées par l'appelante. Cette dernière s'est toujours montrée très coopérative et franche, n'hésitant pas à ouvrir ses dossiers à des fins d'examen, et a préparé à deux reprises des analyses du temps consacré par les concepteurs à différentes tâches. L'intimé n'a produit aucun élément allant à l'encontre de ces estimations. L'avocat de l'appelante soutient que le travail d'installation des concepteurs est susceptible de faire l'objet du même genre de vérification, de la part de Revenu Canada, que celle dont a fait l'objet l'emploi du temps de la présidente. Si Revenu Canada était disposé à faire enquête sur le temps que Mme Dales a consacré au travail d'installation, il devrait également le faire pour les concepteurs.

Selon l'avocat de l'appelante, l'intimé a adopté une acception étroite du terme «commission». Dans le cas de l'appelante, les concepteurs s'acquittent de nombreuses fonctions qui pourraient être facilement remplies par des dessinateurs ou d'autres encore. Comme le montrent les éléments de preuve, leur travail est très différent de celui des vendeurs de bijoux ou de produits fabriqués. L'avocat a pressé le Tribunal de prendre en considération la nature véritable de la transaction, plutôt que la terminologie employée.

Pour ce qui est des dividendes, l'avocat de l'appelante a soutenu que la présidente ne faisait que gérer ses rémunérations de façon à se trouver dans la meilleure position possible quant à l'impôt sur le revenu. Il ne fait aucun doute qu'elle est une participante active dans l'entreprise et qu'elle travaille à temps plein, de sorte qu'elle a droit à une rémunération.

L'avocat de l'appelante a soutenu que la situation de l'appelante est différente de celle d'une entreprise publique où les dividendes sont déterminés par les directeurs. La présidente de l'appelante est le seul actionnaire d'une société privée. En conséquence, le montant et la fréquence des dividendes relèvent de ses compétences. La question de savoir si son revenu prend la forme de dividendes ou celui d'un salaire est non pertinente.

Selon l'avocat de l'appelante, il semble que la lecture au sens strict de l'alinéa 5(1)d) du Mémorandum, qui traite de la rémunération des propriétaires où des partenaires d'une entreprise, interdit à un agent d'une société à responsabilité limitée de recevoir une rémunération. De l'avis de l'avocat, tel ne peut être l'intention du Règlement.

Selon l'avocat de l'intimé, ce qui est en cause d'abord et avant tout dans le présent appel c'est la question de savoir si les frais supportés par l'appelante sont conformes aux dispositions de l'alinéa 5(1)m) du Règlement et justifiés par les preuves documentaires qu'exige l'article 8 du Règlement. L'avocat a soutenu que, dans cette cause, c'est à l'appelante qu'il incombe de prouver le bien-fondé de sa thèse et a cité diverses autorités qui ont établi que le fardeau de la preuve incombe au contribuable qui désire réduire son fardeau fiscal.

La position de l'avocat de l'intimé était que les commissions, considérées en elles-même, ne peuvent être directement déductibles à titre de frais d'installation parce qu'elles ont trait à des ventes, et non à un travail d'installation. Cela est conforme au sens ordinaire du terme. Cependant, l'intimé a reconnu que la partie des paiements versés aux concepteurs de placards relativement au travail d'installation peut être déduite en vertu du Règlement si l'appelante peut montrer que cette partie des paiements a trait effectivement au travail d'installation. Or, dans le cas présent, l'appelante n'a pu établir, au delà de toute probabilité ou hors de tout doute raisonnable, qu'elle a supporté des frais d'installation en vertu de l'alinéa 5(1)m) du Règlement.

L'intimé estimait que la thèse de l'appelante présentait plusieurs défauts. Premièrement, l'avocat de l'intimé a maintenu que les documents présentés à Revenu Canada et inclus dans le mémoire de l'appelante portaient sur l'année 1989, soit une année ultérieure à la période de vérification. Bien que l'avocat ait reconnu qu'une autre série de documents ait été présentée relativement à la période de vérification, il a soutenu que ces nouveaux documents ont moins de poids parce qu'ils n'ont pas été préparés par les concepteurs eux-mêmes, mais par Mme Dales. Enfin, l'avocat a fait remarquer que l'échantillon était trop petit pour permettre de tirer aucune conclusion, puisque cinq marchés seulement ont été analysés sur un total de 1 500 pendant la période pertinente.

Selon l'avocat de l'intimé, les estimations de l'appelante ne satisfont pas au Règlement, qui exige d'un contribuable qui se fonde sur l'article 5 pour calculer les frais d'installation, qu'il étaye sa déclaration de registres des coûts précis.

En terminant avec la question des frais d'installation, l'avocat a indiqué que l'intimé n'était pas totalement insensible à la prétention de l'appelante dans la mesure où il a accordé à cette dernière une déduction de 28 p. 100 au titre des frais généraux reliés aux frais de commission.

Pour ce qui est de la rémunération de la présidente, l'avocat de l'intimé a soutenu que les dividendes ne sont pas admissibles en vertu de l'alinéa 5 (1)d) du Règlement. Le dictionnaire anglais The Concise Oxford Dictionary [5] définit le terme «remuneration» (rémunération) comme signifiant «pay for services rendered» (salaire pour services rendus). Il appert, à la lecture des alinéas 5(1)a) à 5(1)d) du Règlement, que le terme «remuneration» est utilisé indifféremment avec celui de «wages» et «salaries». Selon l'avocat, les dividendes ne sont pas proportionnels aux services rendus, mais au capital investi.

L'avocat de l'intimé a soulevé en outre que l'actionnaire-gestionnaire n'est ni le propriétaire de l'entreprise, ni un partenaire de cette dernière. À cet égard, l'avocat a cité la cause Aron Salomon v. A. Salomon and Company, Limited [6] , à l'occasion de laquelle il a été établi qu'une société a une existence distincte de celle de ses actionnaires.

LES MOTIFS

La première question en cause dans cet appel consiste à déterminer si l'appelante a le droit de déduire les commissions versées aux concepteurs de placards à titre de dépenses d'installation dans le calcul de la taxe payable en vertu de la Loi.

Après avoir examiné le Règlement pertinent et les éléments de preuve qui lui ont été soumis, le Tribunal ne peut accepter la position de l'intimé selon laquelle les commissions ne peuvent jamais être considérées comme des frais d'installation admissibles pour la raison qu'elles se rapporteraient à des ventes et non à une activité d'installation. Rien, dans le Règlement, n'interdit spécifiquement de considérer les commissions ou les frais de conception comme des dépenses d'installation. De l'avis du Tribunal, le point de vue étroit adopté par l'intimé n'a pas de fondement dans le Règlement lui-même.

Dans ce cas précis, les concepteurs de placards de l'appelante ont fait beaucoup plus que de conclure des ventes. Le témoignage de Mme Dales et les preuves documentaires déposées par l'appelante ont permis d'établir que les concepteurs ont pris des mesures, préparés des plans et fournis des instructions aux charpentiers-installateurs. Le Tribunal considère ces activités comme des activités d'installation et ne voit pas de raison de principe pour laquelle une partie du revenu des concepteurs ne serait pas admise à être considérée comme dépenses d'installation.

La question qui se pose ensuite au Tribunal est de savoir quel pourcentage de l'ensemble des commissions des concepteurs devrait être traité à titre de frais d'installation, sans oublier le fait que le Règlement exige que les montants admissibles soient étayés de documents.

Sur cette question, le Tribunal considère que les explications données par Mme Dales sur les analyses préparées par l'appelante sont très crédibles quant au temps consacré par les concepteurs de placards aux différentes phases de leur activité. Les compétences de Mme Dales en la matière étaient très évidentes. Non seulement a-t-elle elle-même une expérience personnelle de la conception des placards, mais, en tant que présidente de la société, elle s'occupe effectivement de la répartition de la charge de travail et des dépenses parmi ses employés et comprend bien leur travail.

De l'avis du Tribunal, l'analyse de l'emploi du temps des employés présentée par l'appelante et expliquée par Mme Dales répond à l'exigence de preuves documentaires de l'article 8 du Règlement. L'analyse portait sur presque toutes les années de la période de cotisation et sur des marchés d'importance variable, et était représentative du travail de l'appelante. Le Tribunal se demande comment, à moins de procéder à une vérification de chaque conception de placard, il serait possible d'obtenir une meilleure idée de l'emploi du temps des concepteurs que celle qui est fournie par ces analyses. De fait, il appert à l'examen du dossier pertinent que les agents de Revenu Canada n'ont pas craint de procéder au même genre d'analyse ex post de l'emploi du temps de Mme Dales lorsqu'ils ont calculé le montant de la partie de son salaire qui est admissible à une déduction à titre de frais d'installation en vertu de l'alinéa 5(1)d) du Règlement.

Le Tribunal constate que les résultats de la ventilation de l'emploi du temps pendant la période de cotisation correspond à une autre analyse de l'emploi du temps effectué par l'appelante relativement aux marchés de 1989. Quoique les marchés de 1989 n'entrent pas dans la période de cotisation en cause dans le présent appel, il semble au Tribunal qu'il y a un rapport de proportion passablement constant entre le temps consacré aux prises de mesure, aux tracés des plans et aux autres activités «d'installation» et le temps total consacré à un marché de placards. Par conséquent, le Tribunal ne croit pas que des échantillons supplémentaires ou que des échantillons provenant d'autres concepteurs changeraient les données de la cause de façon appréciable.

En conclusion, pour ce qui est des commissions des concepteurs, le Tribunal conclut que l'analyse faite par l'appelante du temps consacré par les concepteurs aux différentes étapes de la réalisation des marchés de prestation de placards, complétée par l'explication fournie par Mme Dales sur les tâches dont s'acquittent les concepteurs de placards, établit le bien-fondé de la thèse de l'appelante selon laquelle les concepteurs consacrent 50 p. 100 de leur temps au travail d'installation. Par conséquent, le Tribunal estime que 50 p. 100 des commissions versées aux concepteurs devraient être déduits du prix de vente des marchandises aux fins de la détermination de la taxe de vente payable en vertu de l'article 5 du Règlement et de la division 46c)(ii)(A) de la Loi.

La seconde question concerne l'admissibilité des dividendes à titre de frais d'installation en vertu du paragraphe 5(1)d) du Règlement. En résumé, les dividendes versés à l'actionnaire-gestionnaire peuvent-ils être considérés comme une rémunération dans l'application du Règlement à la Loi?

Sur cette question, le Tribunal admet les arguments avancés par l'avocat de l'intimé. En droit des sociétés, les dividendes se rapportent au rendement du capital aux actionnaires. Leur importance et la fréquence de leur versement dépend du capital investi et de la rentabilité de l'entreprise et non de l'effort fourni par l'investisseur. La présidente de l'appelante ayant décidé, pour des motifs liés à l'impôt sur le revenu, de toucher une partie de son revenu sous forme de dividende, il ne lui est plus permis de traiter le même revenu à titre de salaire pour les besoins de la Loi. En somme, le Tribunal est convaincu qu'au paragraphe 5(1)d) du Règlement, le terme «rémunération», considéré dans son contexte, ne comprend pas les dividendes.

LA CONCLUSION

L'appel est admis en partie. Le Tribunal conclut que les concepteurs de placards de l'appelante ont consacré la moitié de leur temps au travail d'installation. Par conséquent, l'appelante a le droit d'exclure 50 p. 100 des commissions payées aux concepteurs de placards du prix de vente de ses marchandises pour les besoins de la détermination de la taxe de vente payable au terme de la Loi. Quant à la question des dividendes versés à l'actionnaire-gestionnaire, le Tribunal conclut que l'appelante n'a pas le droit d'inclure ces dividendes à titre de frais d'installation dans la détermination du prix de vente de ces marchandises en vertu de la Loi.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. DORS/83-136, 4 février 1983, repris en partie par le Mémorandum de l'Accise ET 205.

3. Anciennement S.R.C. (1970), ch. E-13, dans sa version modifiée, paragraphe 26(1).

4. Anciennement S.R.C. (1970), ch. E-13, dans sa version modifiée, division 26(6)c)(ii)(A).

5. The Clarendon Press, 1982.

6. [1987] H.L.(E.) 22.


Publication initiale : le 7 juillet 1997