THE CHOCOLATE MESSENGER LTD.

Décisions


THE CHOCOLATE MESSENGER LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-90-101

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 19 mai 1992

Appel n o AP-90-101

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 mars 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 17 mai 1990 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

THE CHOCOLATE MESSENGER LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Il est évident que la Loi sur la taxe d'accise vise à exclure de façon constante de la définition de «fabricant ou producteur» une personne qui exerce des activités semblables à celles de l'appelant. Reconnaissant cette intention manifeste, le Tribunal conclut que l'appelant ne doit pas être considéré comme un fabricant ou un producteur aux termes des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelant, The Chocolate Messenger Ltd. (CML), est une petite chocolaterie située au centre - ville de Toronto. Il prépare en magasin des marchandises vendues au comptoir, pour consommation immédiate, ou livrées à la demande des clients. En outre, CML prépare sur mesure des marchandises consommées par ses clients et peut également emballer les marchandises selon les exigences des clients.

L'appelant achète une base de chocolat comestible appelée «couverture» et des moules à truffes. Parmi les autres ingrédients qu'il utilise, mentionnons des écorces de fruits confites, du gingembre, du massepain, des biscuits Oreo, des cerises à cocktail au marasquin, de la crème à fouetter et des liqueurs. L'appelant fait fondre la couverture et en enrobe certains ingrédients pour produire des confiseries finies. Il utilise également des moules pleins et creux pour fabriquer des formes diverses à l'aide de la couverture. Les truffes sont faites à partir de moules dans lesquels on verse un mélange de crème à fouetter, de couverture fondue et de liqueur.

Dans le cadre du présent appel, il convient de déterminer si l'appelant est un fabricant ou un producteur aux termes de la Loi sur la taxe d'accise et si, par conséquent, il doit verser la taxe de vente sur les confiseries qu'il vend.

DÉCISION : L'appel est admis. Il est évident que la Loi sur la taxe d'accise vise à exclure de façon constante de la définition de «fabricant ou producteur» une personne qui exerce des activités semblables à celles de l'appelant. Reconnaissant cette intention manifeste, le Tribunal conclut que l'appelant ne doit pas être considéré comme un fabricant ou un producteur aux termes des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 9 mars 1992 Date de la décision : Le 19 mai 1992
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre W. Roy Hines, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Elena Nisbet Butler, pour l'appelant John B. Edmond, pour l'intimé





L'appelant, The Chocolate Messenger Ltd. (CML), est une petite chocolaterie située au centre-ville de Toronto. Il prépare en magasin des marchandises vendues au comptoir, pour consommation immédiate, ou livrées à la demande des clients. En outre, CML prépare sur mesure des marchandises consommées par ses clients et peut également emballer les marchandises selon les exigences des clients.

Outre le propriétaire, l'appelant compte un employé à plein temps dont les fonctions consistent à servir les clients, à prendre les commandes au téléphone, à emballer les produits et à aider le propriétaire à préparer les marchandises.

L'appelant achète une base de chocolat comestible appelée «couverture» et des moules à truffes, à base de chocolat blanc ou foncé ou de chocolat au lait. Il achète la couverture en blocs de 5 kg, et les moules à truffes en boîtes de 504. Parmi les autres ingrédients utilisés par l'appelant, mentionnons des écorces de fruits confites, du gingembre, du massepain, des biscuits Oreo, des cerises à cocktail au marasquin, de la crème à fouetter et des liqueurs.

L'appelant fait fondre la couverture et en enrobe certains ingrédients pour produire des confiseries finies. Il utilise également des moules pleins et creux pour fabriquer des formes diverses à base de couverture; par exemple, des produits de fantaisie, comme des bouteilles de champagne en chocolat. Les truffes sont faites à partir de moules dans lesquels on verse un mélange de crème à fouetter, de couverture fondue et de liqueur. Certains produits moulés de plus grandes dimensions peuvent ensuite être remplis de truffes.

Dans le cadre du présent appel, il convient de déterminer si l'appelant est un fabricant ou un producteur aux termes de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) et si, par conséquent, il doit verser la taxe de vente sur les confiseries qu'il vend.

La présidente de CML, Mme Elena Nisbet Butler, représente l'appelant. Elle reconnaît la description de l'expression «fabricant ou producteur» utilisée dans la cause Her Majesty the Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. [2] . Cependant, elle fait remarquer que dans des décisions plus récentes, les tribunaux ont déterminé que, dans le contexte de la préparation des aliments, cette expression a une autre signification. Dans la cause opposant Controlled Foods Corporation Limited c. Sa Majesté la Reine [3] , la cour a conclu que l'expression «fabricant ou producteur» ne s'appliquait pas aux activités du contribuable visé, même si dans le cadre de ces dernières, d'importantes modifications étaient apportées aux formes, aux qualités et aux propriétés des matières premières utilisées pour créer le produit fini. Mme Butler en vient donc à la conclusion que dans le cas des aliments, l'entreprise ne doit pas uniquement couper, mélanger, faire fondre, faire cuire et préparer des aliments destinés à la consommation pour être considérée comme «fabricant ou producteur».

La représentante de l'appelant fait valoir que les activités de CML ne constituent pas des opérations de fabrication marginales définies ainsi à l'alinéa 2(1)f) de la Loi :

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

...

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés :

...

f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle-ci, prépare des marchandises pour la vente, notamment en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs.

...

Selon Mme Butler, les activités de CML correspondent aux définitions des termes et expressions «fusion», «mélange», «coupe sur mesure» et «magasin de détail» telles qu'entendues par Revenu Canada. Par conséquent, CML est considérée comme un fabricant marginal, sauf en ce qui touche l'exclusion des personnes qui préparent des marchandises pour la vente dans un magasin de détail.

Mme Butler soutient également que si l'appel de CML est admis, le remboursement ne doit pas se limiter aux sommes payées par erreur pendant les deux années qui ont précédé la date de dépôt de la demande officielle de remboursement, c'est-à-dire le 18 mai 1989. Elle déclare que l'appelant a déposé, le 26 octobre 1987, une demande de remboursement officieuse, en précisant qu'il n'était pas un fabricant ou un producteur. En réponse à cette demande, Revenu Canada a informé l'appelant, le 16 novembre 1987, qu'il devait payer la taxe, car ses activités étaient «correctement classées comme des activités de fabrication traditionnelles». Cette décision était fondée en partie sur une mauvaise compréhension des activités de CML. Mme Butler est d'avis que Revenu Canada aurait dû être tenu, d'une certaine façon, d'informer l'appelant qu'il devait demander officiellement un remboursement s'il avait l'intention de conserver son droit à un tel remboursement. Par conséquent, si l'appel est admis, le remboursement ne doit pas être limité, car Revenu Canada n'a pas informé CML de l'obligation de demander un remboursement en la forme prescrite, ce qui a placé CML dans une situation de préjudice.

L'avocat de l'intimé fait valoir que la Loi ne définit pas l'expression «fabricant ou producteur traditionnel». Cependant, les tribunaux ont déterminé que

[...] la fabrication désigne l'action de créer des articles destinés à une utilisation, la création de marchandises ou d'articles de tout genre, la production, à la main ou à l'aide de machines, d'articles à partir de matières premières ou préparées pour leur donner de nouvelles formes, qualités ou propriétés [4] . [traduction]

L'avocat soutient qu'aux fins de la Loi, les termes «production» et «fabrication» sont équivalents. Il fait toutefois remarquer qu'ils ne sont pas synonymes et qu'une activité non apparentée à la fabrication peut être considérée comme de la production [5] .

L'avocat prétend que lorsque l'appelant achète des blocs de couverture de 5 kg, des moules à truffes et des ingrédients, et qu'il vend des confiseries enrobées de chocolat, des pièces moulées et des truffes, il donne de nouvelles formes, qualités ou propriétés aux matières premières ou préparées. Il fait valoir que la nature de l'activité commerciale de l'appelant correspond en tous points à la définition de l'expression «fabricant traditionnel». Le fait que l'activité principale de l'appelant consiste à vendre au détail des produits en chocolat ne change en rien le fait qu'il est le fabricant ou le producteur de ces marchandises; c'est plutôt la fonction production ou fabrication qui justifie l'obligation de payer la taxe [6] . En conséquence, l'appelant doit payer la taxe de vente sur les marchandises qu'il crée.

L'avocat fait remarquer que l'appelant soutient que ses activités doivent être considérées comme la production de marchandises dans l'industrie de la boulangerie, donnant droit, prétend-il, à une exemption de la taxe en vertu de l'article 51 de la Loi, car les marchandises représentent des denrées alimentaires énoncées à l'article 1 de la partie V de l'annexe III de la Loi. Selon l'avocat, l'appelant n'a pas tenu compte du fait que les produits qu'il fabrique, contrairement aux produits de boulangerie ordinaires, ne donnent pas droit à l'exemption de la taxe appliquée aux denrées alimentaires en vertu de l'alinéa 1e) de la partie V de l'annexe III.

L'avocat fait remarquer qu'en vertu de l'article 68 de la Loi, une demande de remboursement des sommes payées par erreur par l'appelant ne peut porter que sur les deux années précédant sa présentation. Il prétend donc que si l'appel de CML est admis, l'appelant n'aura droit qu'au remboursement des taxes payées dans les deux ans précédant le 18 mai 1989. Les demandes de remboursement doivent être présentées en la forme prescrite, condition qui existait avant que l'appelant ne d 9‚pose sa demande officieuse, le 26 octobre 1987 [7] . En outre, en sa qualité de fabricant titulaire d'une licence, l'appelant a acheté ses fournitures en franchise de taxe à titre de «marchandises partiellement fabriquées» en vertu de l'alinéa 50(5)a) [8] de la Loi. L'avocat soutient que si l'appel est admis, l'appelant doit payer la taxe qu'il n'était auparavant pas tenu de payer du fait qu'il était un fabricant titulaire d'une licence.

L'avocat fait valoir que l'application de la cause impliquant Controlled Foods citée par l'appelant se limite à l'industrie de la restauration et que l'appelant n'en fait pas partie. En outre, toute injustice apparente découlant du fait qu'un fabricant ou un producteur est tenu de payer la taxe de vente alors que certains de ses concurrents peuvent en être exemptés en vertu du Règlement exemptant certains petits fabricants ou producteurs de la taxe de consommation [9] ou de vente n'annule pas l'obligation de payer la taxe imposée au producteur ou au fabricant [10] .

Dans le cadre de son examen, le Tribunal a jugé très révélateurs les propos du juge Urie dans la décision concernant Controlled Foods. Dans sa décision, la cour a déterminé qu'aux fins de la préparation de repas et de boissons, de nouvelles formes, qualités et propriétés ont été conférées aux diverses composantes. Pourtant, elle a conclu que l'appelant n'était pas un fabricant ni un producteur. En d'autres termes, le critère appliqué à la décision concernant York Marble, et qui est si souvent invoqué pour préciser si une partie est un fabricant ou un producteur, ne permet pas toujours de trancher la question. Le Tribunal note que cette décision est conforme à une décision rendue antérieurement par la Cour Suprême du Canada dans la cause His Majesty the King v. Vandeweghe Limited, en vertu de laquelle le juge en chef Duff avait déclaré, à l'égard de l'expression «toutes les marchandises a) produites ou fabriquées au Canada», que

Les termes «produites» et «fabriquées» n'ont pas un sens très précis; nous devons donc nous reporter au contexte pour en établir la signification et l'application aux dispositions que nous devons analyser [11] . [traduction]

En conséquence, le Tribunal ne s'est pas senti obligé de conclure que l'appelant est un fabricant ou un producteur du seul fait que ses activités permettent de donner de nouvelles formes aux ingrédients qu'il utilise pour créer des confiseries. Ce facteur est particulièrement important compte tenu du doute qu'entretenait le Tribunal au sujet de l'applicabilité du critère utilisé dans la cause York Marble et des conclusions préconisées par l'avocat de l'intimé aux fins de l'application de ce critère.

Pour déterminer si en vertu de ses activités l'appelant doit être considéré comme un fabricant ou un producteur aux termes de la Loi, le Tribunal s'est reporté au contexte de la Loi pour vérifier l'intention du Parlement. La représentante de l'appelant fait remarquer que la définition de l'expression «fabricant ou producteur», à l'alinéa 2(1)f) de la Loi, permet de préciser qui est fabricant ou producteur en vertu de la Loi. Au sujet de cette disposition, le Tribunal souligne que les activités de l'appelant comprennent la préparation de marchandises destinées à la vente, notamment en fusionnant, en mélangeant et en diluant divers ingrédients et en enrobant de couches de chocolat certaines marchandises comme des écorces de fruits confites ou des cerises, ces activités ayant toutes pour but de créer des confiseries chocolatées. Ces activités sont manifestement énoncées à l'alinéa f). Pourtant, cette disposition exclut de la définition de «fabricant ou producteur» les personnes qui exercent ces activités dans un magasin de détail pour vendre exclusivement et directement ces marchandises aux consommateurs. Il s'agit d'une autre situation qui s'applique à l'appelant.

En vertu de l'alinéa 2(1)i) de la Loi, la définition de «fabricant ou producteur» englobe :

(i) toute personne qui vend des marchandises mentionnées à l'annexe III.1 sauf une personne qui vend ces marchandises exclusivement et directement aux consommateurs;

L'article 3 de l'annexe III.1 englobe les «aliments destinés à la consommation humaine énumérés aux alinéas 1e) à m) de la partie V de l'annexe III». L'alinéa 1e) de la partie V de l'annexe III comprend «les bonbons, les confiseries qui peuvent être classées comme bonbons, et toutes les marchandises qui sont vendues au titre de bonbons, comme [...] le chocolat [...]. La représentante de l'appelant soutient que parce que CML vend des confiseries chocolatées qui peuvent être classées comme bonbons, elle serait visée par la définition de fabricant ou producteur à l'alinéa 2(1)i) de la Loi, sauf dans le cas de l'exclusion des personnes qui vendent ces marchandises exclusivement et directement aux consommateurs. Le Tribunal est d'accord avec cette affirmation.

Les deux dispositions susmentionnées signifient qu'il est évident que la Loi vise, de façon constante, à exclure de la définition de «fabricant ou producteur» une personne qui exerce des activités semblables à celles de l'appelant. Reconnaissant cette intention manifeste, le Tribunal conclut que l'appelant ne doit pas être considéré comme un fabricant ou un producteur aux termes des dispositions de la Loi. Par conséquent, l'appel est admis.

Conformément aux articles 68 et 72 de la Loi, la demande de l'appelant se limite aux sommes payées par erreur deux ans avant le 18 mai 1989, date à laquelle il a présenté, en la forme prescrite, une demande de remboursement des sommes payées par erreur. Cependant, le Tribunal note que dans la correspondance échangée avec CML deux ans plus tôt, Revenu Canada n'a pas déterminé correctement la nature des activités de l'appelant et n'a pas donné suite à la demande de remboursement déposée par cette dernière. Il n'a pas mentionné à l'appelant qu'il devait présenter une demande en la forme prescrite. Par conséquent, le Tribunal estime qu'il conviendrait de rembourser toutes les sommes payées par erreur par CML.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. Infra, note no 4.

3. [1981] 2 C.F. 238.

4. Minister of National Revenue v. Dominion Shuttle Co. Ltd. (1933), 72, C.S. du Québec, 15; cité avec l'approbation du juge Spence dans la cause opposant Her Majesty the Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, [1968] R.C.S. 140.

5. Her Majesty the Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, supra, note no 4.

6. Hobart Canada Inc. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise (1985), 85 DTC 5440.

7. Voir, p. ex. L.R.C. (1985), ch. 7 (2e suppl.), art. 34, en vigueur le 1er mai 1986, modifiant le paragraphe 72(2) de la Loi, exigeant qu'une demande déposée en vertu de l'article 68 soit présentée en la forme prescrite.

8. Anciennement l'alinéa 27(2)a).

9. DORS/82-498, 13 mai 1982.

10. Roy Dennis Roofing Ltd. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-89-271, le 22 août 1991.

11. [1934] R.C.S. 244.


Publication initiale : le 8 juillet 1997