BLOWEY-HENRY, A DIVISION OF MOUSSA & SONS ENTERPRISES

Décisions


BLOWEY-HENRY, A DIVISION OF MOUSSA & SONS ENTERPRISES
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° AP-90-058

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 6 février 1992

Appel n ° AP-90-058

EU ÉGARD À un appel entendu le 25 octobre 1991 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 13 mars 1990 relativement à un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BLOWEY - HENRY, A DIVISION OF MOUSSA & SONS ENTERPRISES Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Le Tribunal conclut que les articles de mobilier en question ont été achetés par le ministère des Services sociaux de la province de l'Alberta.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelante exploite un commerce de meubles en gros dans la province de l'Alberta. Dans le cadre de son activité, elle vend des meubles sur lesquels elle paye la taxe de vente fédérale, car elle ne détient pas la licence de grossiste prévue par la Loi sur la taxe d'accise.

Des meubles ont été vendus du 16 février au 28 mars 1989, et la question soumise au Tribunal consiste à déterminer si les articles de mobilier en question ont été vendus au ministère des Services sociaux de la province de l'Alberta ou s'ils ont été achetés par le ministère des Services sociaux de la province de l'Alberta au nom de clients de celui - ci qui sont des particuliers bénéficiant de l'aide sociale.

DÉCISION : L'appel est admis. Ayant examiné la preuve administrée par les parties, le Tribunal conclut que c'est le ministère des Services sociaux de la province de l'Alberta qui a acheté les meubles et les a donnés à ses clients, qui sont pour la plupart des bénéficiaires de l'aide sociale.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 25 octobre 1991 Date de la décision : Le 6 février 1992
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Roy Hines, membre
Services juridiques pour le Tribunal : France Deshaies
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Gordon W. Flynn, pour l'appelante Linda J. Wall, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) [1] d'un avis de décision du ministre du Revenu national daté du 13 mars 1990 et ayant pour effet d'interdire le remboursement de la taxe de vente fédérale payée par l'appelante sur les meubles achetés d'elle par le ministère des Services sociaux de la province de l'Alberta (le M.S.S.), qui a remis ces meubles à des bénéficiaires de l'aide sociale.

L'appelante exploite un commerce de meubles en gros dans la province de l'Alberta. Dans le cadre de son activité, elle vend des meubles sur lesquels elle paye la taxe de vente fédérale, car elle ne détient pas la licence de grossiste prévue par la Loi.

Des meubles ont été vendus du 16 février au 28 mars 1989, et la question soumise au Tribunal consiste à savoir si les articles de mobilier en question ont été vendus au M.S.S. ou si le M.S.S. les a achetés au nom de ses clients ou à titre d'agent de ceux-ci, lesquels sont des particuliers bénéficiant de l'aide sociale.

La disposition d'imposition de la Loi se trouve dans l'article 50. Cet article impose fondamentalement une taxe sur le prix de vente de toutes les marchandises produites ou fabriquées au Canada ou importées au Canada. Par conséquent, la vente de meubles par l'appelante entrait dans le champ d'application de l'article 50.

Cependant, le paragraphe 68.19(1) de la Loi prévoit que la taxe soit remboursée à certaines conditions lorsque les marchandises sont vendues à un gouvernement provincial. Lorsque les conditions précisées dans cet article sont observées, la taxe peut être remboursée à la province ou à l'entité qui l'a payée ou en a supporté les frais.

Le paragraphe 68.19(1) stipule :

68.19 (1) Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III, IV ou VI à l'égard de marchandises et que Sa Majesté du chef d'une province a acheté ou importé les marchandises à une fin autre que :

a) la revente;

b) l'utilisation par un conseil, une commission, un chemin de fer, un service public, une université, une usine, une compagnie ou un organisme que le gouvernement de la province possède, contrôle ou exploite, ou sous l'autorité de la législature ou du lieutenant - gouverneur en conseil de la province;

c) l'utilisation par Sa Majesté de ce chef, ou par ses mandataires ou préposés, relativement à la fabrication ou la production de marchandises, ou pour d'autres fins commerciales ou mercantiles,

une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée soit à Sa Majesté de ce chef soit à l'importateur, au cessionnaire, au fabricant, au producteur, au marchand en gros, à l'intermédiaire ou à un autre commerçant, selon le cas, si Sa Majesté ou le commerçant en fait la demande dans les deux ans suivant l'achat ou l'importation des marchandises par Sa Majesté.

Donc, pour que la cause de l'appelante prévale eu égard aux faits présentés au Tribunal, il faut, entre autres choses, que les marchandises en question aient été achetées par le M.S.S.

L'appelante a soutenu que c'est le M.S.S. qui a acheté les meubles et les a donnés à ses clients, lesquels sont pour la plupart des bénéficiaires de l'aide sociale. L'avocat de l'appelante a fait valoir le fait que c'était le M.S.S. qui a émis toutes les formules, a précisé toutes les modalités du marché ainsi que le prix que l'appelante devait faire payer, a dirigé toutes les négociations et a payé en totalité les marchandises qu'il avait commandées.

L'intimé a soutenu que le M.S.S. a acheté les meubles au nom de ses clients, ou à titre d'agent de ceux-ci, lesquels sont des bénéficiaires de l'aide sociale. L'intimé a d'abord soutenu que la présente question en litige ne relevait pas du droit contractuel. Le Tribunal ne partage pas l'opinion de l'intimé. Pour déterminer si les marchandises en question ont été achetées par le M.S.S. en conformité avec le paragraphe 68.19(1) de la Loi, le Tribunal s'est référé aux principes du droit contractuel. L'existence d'un contrat de vente pour les marchandises en question entre l'appelante et le M.S.S. pourrait certainement prouver que la condition posée par le paragraphe 68.19(1) a été observée.

Le Tribunal a examiné l'appel d'offres du M.S.S. et a conclu que ce document démontre clairement une volonté du M.S.S. de contracter avec l'appelante ou, du moins, d'y être lié d'une façon entraînant des conséquences légales. De fait, l'appel d'offres a donné à l'appelante la possibilité de conclure de nombreux contrats ayant force exécutoire avec le M.S.S.

Deuxièmement, l'intimé a soutenu que le M.S.S. n'était pas partie aux contrats ultimement conclus et que le M.S.S. n'avait agi qu'à titre d'agent des divers bénéficiaires de l'aide sociale. L'intimé s'est référé à une disposition des formulaires d'autorisation et de facturation d'achat qui stipulait :

Le client ou tuteur est le véritable acheteur des marchandises ou des services et il en devient le propriétaire. Le Ministère n'est responsable que du montant brut autorisé par la présente et ne doit pas être considéré comme une partie relativement à l'achat des marchandises ou des services autorisé par la présente. [Traduction]

Le Tribunal est d'avis que cet argument n'est pas valable. Les éléments de preuve soumis par l'appelante démontrent clairement qu'il n'était pas dans l'intention des parties qu'une telle disposition soit applicable. Les formulaires d'autorisation et de facturation d'achat mentionnés ci-dessus n'étaient normalement reçus qu'après que les marchandises avaient été commandées, facturées et expédiées. De plus, l'appel d'offres contenait une clause selon laquelle les marchandises étaient destinées :

à l'usage du gouvernement de la province de l'Alberta et comportent l'utilisation de fonds de l'État, et ne sont pas destinées à être revendues et sont exonérées à ce titre des taxes de vente et d'accise, sauf indication contraire dans la présente. [Traduction]

Il ressort également des éléments de preuve que cet énoncé était parfois renforcé par une clause supplémentaire selon les modalités de l'entente stipulée dans l'appel d'offres, telle que :

nous certifions que ces marchandises et services sont achetés avec des fonds de l'État par le gouvernement de la province de l'Alberta. [Traduction]

ou, dans des formulaires d'autorisation et de facturation d'achat plus récents, telle que :

Ceci est pour certifier que le bien ou les services, ou les deux, commandés ou achetés, ou les deux, aux termes des présentes sont achetés par les services à la famille et les services sociaux, qui font partie de la Couronne au titre de l'Alberta, ou sont classés comme un service gouvernemental libre d'impôt. [Traduction]

Ces éléments de preuve corroborent le fait qu'en aucun temps l'appelante n'a contracté ou eu l'intention de contracter avec les bénéficiaires de l'aide sociale. Le Tribunal accepte le fait que l'appelante est un grossiste qui vend exclusivement à des intermédiaires ou au gouvernement et jamais à des particuliers. C'est la raison pour laquelle elle vend les meubles à un prix inférieur à leur prix de détail. Les ventes de l'appelante sont des ventes à crédit, et celle-ci a témoigné qu'elle ne ferait pas de ventes à crédit aux bénéficiaires de l'aide sociale.

Enfin, le Tribunal ne croit pas que le M.S.S. ait agi à titre d'agent des bénéficiaires de l'aide sociale. Le M.S.S. établit et négocie toutes les modalités relatives à la facturation, à l'approvisionnement, à la prestation, à la qualité, à la quantité et aux soumissions en réponse aux appels d'offres. Les bénéficiaires de l'aide sociale n'interviennent en rien dans ces questions. Le M.S.S. traite toutes les plaintes relatives à des marchandises défectueuses. Enfin, et ce qui est plus important, le Tribunal a constaté que le M.S.S. a payé en totalité les marchandises qu'il avait commandées. Invoquer la théorie du mandat n'équivaudrait qu'à éluder la règle du lien de droit contractuel.

Après avoir considéré tous les éléments de preuve et les arguments, le Tribunal conclut que les transactions entre l'appelante et le M.S.S. entrent dans le champ d'application du paragraphe 68.19(1) de la Loi et, en conséquence, conclut que c'est la Couronne au titre provincial qui a acheté les marchandises en question.

L'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.


Publication initiale : le 7 juillet 1997