BOUTIQUE DU STORE DÉCORATIF INC.

Décisions


BOUTIQUE DU STORE DÉCORATIF INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-90-122

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 21 août 1991

Appel n o AP - 90 - 122

EU ÉGARD À une demande entendue le 14 mai 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national datée du 16 août 1990 concernant un avis d'opposition déposé conformément à l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BOUTIQUE DU STORE DÉCORATIF INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. L'appelante n'a pu établir que la Loi sur la taxe d'accise l'autorisait à exercer la déduction qu'elle a effectuée et elle n'a pas démontré que la cotisation contestée était contraire à la Loi sur la taxe d'accise.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - L'appelante pouvait-elle déduire de ses déclarations mensuelles un montant équivalent à la taxe de vente payée par elle au fournisseur, qui lui avait vendu, non exemptées de cette taxe, des marchandises partiellement fabriquées?

Le présent appel est interjeté à l'encontre de la décision du ministre du Revenu national rejetant l'opposition présentée par l'appelante à l'égard de l'Avis de cotisation daté du 30 novembre 1988. L'appelante fut cotisée, car elle n'avait pas produit de déclarations mensuelles pour les mois de septembre, octobre et novembre 1987 du fait qu'elle avait déduit de ses remises mensuelles de la taxe de vente le montant de cette taxe attribuable à certains achats effectués auprès d'un de ses fournisseurs ayant refusé de lui vendre exempt de taxe des marchandises préfabriquées.

DÉCISION : L'appel est rejeté. L'appelante n'a pu établir que la Loi sur la taxe d'accise l'autorisait à exercer des déductions sur ses déclarations mensuelles et que la cotisation contestée était contraire à la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 14 mai 1991 Date de la décision : Le 21 août 1991
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant John C. Coleman, membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Nathalie Aubin, pour l'appelante Rosemarie Millar, pour l'intimé
Jurisprudence : Geocrude Energy Inc. c. Le ministre du Revenu national, le Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel n o 2937, le 21 août 1989 (décision portée en appel); Price (Nfld.) Pulp and Paper Limited c. La Reine, [1974] 2 C.F. 436; Her Majesty The Queen v. M. Geller Incorporated, [1963] S.C.R. 629.





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national (le Ministre) rejetant l'opposition présentée par l'appelante à l'égard de l'Avis de cotisation daté du 30 novembre 1988.

LA QUESTION EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

La question que doit trancher le Tribunal consiste à déterminer si l'appelante pouvait déduire de ses déclarations mensuelles un montant équivalent à la taxe de vente payée par elle au fournisseur qui lui avait vendu, non exemptées de cette taxe, des marchandises partiellement fabriquées.

Les dispositions de la Loi, pertinentes à cet appel, se lisent comme suit :

50.(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous - alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

...

50.(5) Par dérogation au paragraphe (1), la taxe de consommation ou de vente n'est pas exigible sur les marchandises suivantes :

a) celles vendues par un fabricant titulaire de licence à un autre fabricant titulaire de licence si elles sont des marchandises partiellement fabriquées;

...

42. ...

«marchandises partiellement fabriquées»

...

b) les marchandises qui doivent être préparées en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant, remballant, enduisant ou finissant, pour être vendues à titre de marchandises assujetties à la taxe de consommation ou de vente, à l'exclusion des marchandises qui sont préparées de cette façon dans un magasin de détail pour y être vendues exclusivement et directement aux consommateurs;

Le ministre est le seul à décider si des marchandises sont ou non des marchandises partiellement fabriquées.

...

73.(1) Toute personne autorisée conformément au paragraphe (4) qui produit une déclaration en vertu des articles 20, 21.32 ou 78 et à qui un montant serait payable aux termes de l'un des articles 68 à 68.153 ou 68.17 à 69 si elle en faisait la demande en bonne et due forme à la date de la production de la déclaration peut, en remplacement, déclarer ce montant dans son rapport et le déduire, en totalité ou en partie, d'un paiement ou d'une remise de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes déclarés dans cette déclaration.

LES FAITS

L'appelante, conformément à la Loi, est un fabricant titulaire de licence et, à ce titre, est réputée être un fabricant de stores verticaux. Les faits révèlent qu'au cours de la période de cotisation s'étendant du 1er janvier 1985 au 31 juillet 1988, l'appelante a fait partie d'un regroupement d'achat. C'est par l'entremise de ce dernier, désigné sous le nom de Cantrex, que l'appelante se procurait certaines marchandises partiellement fabriquées. Il appert qu'un des fournisseurs du regroupement, la compagnie Vertican Inc., ait refusé d'accepter le numéro de licence de l'appelante, lui faisant payer par le fait même la taxe de vente attribuable à ses achats.

Le 22 décembre 1987, l'appelante avisait l'intimé qu'elle n'avait pas produit de déclarations mensuelles pour les mois de septembre, octobre et novembre du fait qu'elle avait déduit de ses remises mensuelles de la taxe de vente le montant de la taxe de vente relative aux achats susmentionnés.

Le 30 novembre 1988, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise cotisait l'appelante pour un montant de taxes impayées de 4 754,48 $, dont une somme de 3 378,95 $ au titre de déductions non autorisées, ainsi qu'une somme de 1 375,53 $ relative à des erreurs et omissions d'écritures. Des intérêts s'élevant à 443,14 $ et une amende de 308,81 $ lui étaient également imposés.

Le 16 janvier 1989, un avis d'opposition contestait la partie de la cotisation afférente à la somme de 3 378,95 $ pour déductions non autorisées. Toutefois, le 16 août 1990, l'intimé confirmait la cotisation et c'est à l'égard de cette décision que l'appelante se pourvoit maintenant devant ce Tribunal.

L'ARGUMENTATION

Dans son mémoire au Tribunal, l'appelante a allégué qu'elle avait déjà payé la taxe de vente à son fournisseur, que d'autres fournisseurs avaient accepté de lui créditer la taxe de vente déjà payée, que le gouvernement n'avait rien fait pour la diriger ou l'aider quant à l'application de la Loi et, enfin, qu'on ne lui avait jamais fait parvenir quelque document susceptible de l'éclairer relativement au crédit de la taxe de vente.

À l'audition, Mme Nathalie Aubin, représentante de l'appelante, a témoigné à l'appui des prétentions de cette dernière. Le témoin a expliqué que l'appelante s'était associée au regroupement d'achat Cantrex vers les mois d'août ou septembre, mais qu'elle reçut seulement au mois de décembre les premières factures des achats effectués auprès de Vertican Inc. À cette date, le témoin s'aperçut que la taxe de vente était incluse dans le prix de vente. Elle entreprit donc des démarches tant auprès du regroupement d'achat Cantrex et de Vertican, qu'auprès du gouvernement.

Selon Mme Aubin, Vertican Inc. a refusé de créditer la taxe de vente à l'appelante parce que le gouvernement avait avisé ce fournisseur que telle était la façon de procéder. Quant au regroupement d'achat Cantrex, il l'avisa que l'appelante n'obtiendrait probablement pas le crédit demandé. Enfin, un préposé de l'intimé l'a informée qu'un vérificateur devait se rendre chez l'appelante. Le témoin a révélé qu'aucun vérificateur ne s'était présenté malgré le fait que Mme Aubin ait rappelé le même préposé à ce sujet. C'est ainsi que le témoin, agissant pour le compte de l'appelante, a décidé de déduire ce qui, à ses yeux, avait déjà été payé comme taxe de vente.

Dans une seconde partie de son témoignage, alors qu'elle répondait aux questions des membres du Tribunal, Mme Aubin a expliqué que l'appelante était un détaillant et non un fabricant. L'appelante reçoit à son magasin de détail des lamelles de PVC et les place avec un rail dans une boîte. Le tout est ensuite vendu directement aux consommateurs selon les mesures spécifiquement demandées. Dans la foulée de ces explications, le témoin a également révélé qu'elle ne croyait pas que l'appelante réalisait une activité d'assemblage.

Mme Aubin a également présenté l'argumentation orale au nom de l'appelante. Elle a réaffirmé que la somme d'argent, objet du présent appel, représentait bel et bien le paiement de la taxe de vente et ne faisait pas simplement partie intégrante du prix d'acquisition des marchandises achetées auprès de Vertican Inc., tel que le prétend l'intimé. Ce dernier, a-t-elle suggéré, ne peut également prétendre que les transactions qui ont donné lieu au litige ne concernent que les personnes impliquées puisqu'il s'agit en l'espèce du paiement de la taxe fédérale.

L'avocate représentant l'intimé s'est opposée aux prétentions de l'appelante, notamment sur le paiement de ce que l'appelante a qualifié de taxe de vente. L'avocate a suggéré que le mécanisme par lequel l'appelante entendait opérer la déduction se retrouve à l'article 73 de la Loi. Or, la déduction permise par cette disposition renvoie à l'article 68. Seul un montant sujet à remboursement en vertu de cet article, conclut-elle, peut être déduit sous l'égide de l'article 73. L'avocate a prétendu, à cet égard, que l'appelante n'avait pas payé la taxe de vente, mais un prix convenu entre elle et le fournisseur et, conséquemment, qu'aucun remboursement ne peut être réclamé en vertu de l'article 68 de la Loi. L'avocate a cité à l'appui de ses prétentions des décisions de ce Tribunal, de la Cour Fédérale et de la Cour suprême [2] qui confirment qu'un paiement tel que celui effectué par l'appelante ne constitue pas le paiement d'une taxe.

L'intimé a également argué que l'entente intervenue entre l'appelante et le fournisseur, Vertican Inc., relativement au paiement de la taxe de vente, ne concerne que les parties impliquées et n'affecte pas son droit de réclamer à l'appelante la taxe de vente conformément à la Loi. Enfin, l'intimé a prétendu qu'il revient à l'appelante d'agir conformément aux dispositions de la Loi.

LES MOTIFS

Bien que la situation soit infortunée pour l'appelante, le Tribunal ne peut souscrire à ses prétentions et adhère plutôt aux arguments de l'intimé. La Loi ne permet pas à un contribuable de se faire justice lui-même. Rien dans la Loi n'autorise l'appelante à déduire de ses déclarations et remises mensuelles un montant correspondant à la somme payée à son fournisseur à titre de taxe de vente. Que ce dernier ait refusé d'accepter le numéro de licence de fabricant de l'appelante et que le prix de vente ait inclu le coût de la taxe de vente ne lie pas l'intimé.

D'autre part, l'article 73 ne s'applique pas en l'espèce, même si l'on considérait que le paiement fait par l'appelante constituait le paiement d'une taxe, ce dont doute le Tribunal à la lumière des décisions citées par l'intimé.

Ainsi, le Tribunal note que, tel qu'il se lit depuis le 4 mars 1986 [3] , l'article 73, et notamment le paragraphe (4), pose des conditions strictes quant aux déductions sur remise de taxes qu'est autorisé à exercer un contribuable dans le rapport qu'il doit produire. Selon la preuve, aucune de ces conditions ne semble avoir été remplie. Compte tenu de l'inapplicabilité de l'article 73, le Tribunal n'a donc pas à se prononcer sur la question de savoir si le déboursé fait par l'appelante eut satisfait les conditions posées par l'article 68 de la Loi ou si, empruntant les mots de l'intimé, il constituait le paiement d'une taxe.

Enfin, le Tribunal observe que bien que l'appelante soit titulaire d'une licence, les termes de l'exemption prévue au paragraphe 50(5) et la définition des mots «marchandises partiellement fabriquées» à l'article 42 de la Loi sont loin de qualifier l'appelante pour l'exemption à laquelle elle prétend avoir droit. Les faits et explications tels que révélés par son propre témoin indiquent, en effet, que l'appelante n'est pas un fabricant et qu'elle n'assemble ni ne coupe sur mesure les stores qu'elle vend. L'appelante emballe bien les marchandises en question, mais elle le fait à l'intérieur de son magasin de détail afin d'y être vendues exclusivement et directement aux consommateurs. Ainsi, malgré qu'elle fût titulaire de licence à titre de fabricant en vertu de la Loi, la preuve démontre bien que l'appelante ne rencontrait ni la première condition posée par le paragraphe d'exemption 50(5), étant donné qu'elle n'est pas un fabricant, ni la seconde condition qui renvoie à la définition de «marchandises partiellement fabriquées», puisqu'elle opère à partir d'un magasin de détail et vend exclusivement et directement aux consommateurs.

L'appelante n'a pu établir devant le Tribunal que la Loi l'autorisait à exercer la déduction qu'elle a effectuée ou que la cotisation en question était contraire à la Loi. Le Tribunal n'a d'autre choix que de rejeter l'appel.

LA CONCLUSION

L'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. Geocrude Energy Inc. c. Le ministre du Revenu national, le Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel no 2937, le 21 août 1989 (décision portée en appel); Price (Nfld.) Pulp and Paper Limited c. La Reine, [1974] 2 C.F. 436; Her Majesty The Queen v. M. Geller Incorporated, [1963] S.C.R. 629.

3. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, L.R.C (1985), ch. 7 (2e suppl.), art. 34.


Publication initiale : le 8 juillet 1997