NIKKA INDUSTRIES LTD.

Décisions


NIKKA INDUSTRIES LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel n° AP-90-018

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 20 août 1991

Appel n ° AP - 90 - 018

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 avril 1991, en vertu de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À une révision effectuée par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, en vertu de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation au sujet d'une demande soumise conformément à l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

NIKKA INDUSTRIES LTD. Appelante

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

L'appel est admis. Le Tribunal conclut que la corde de polypropylène renforcée de plomb en cause n'est pas de la même description que les marchandises visées par la conclusion du Tribunal antidumping, dans le cadre de l'Enquête n° ADT-8-82, concernant le dumping de la corde tordue de polypropylène, originaire ou exportée de la République de Corée.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le 25 mars 1987, Nikka Industries Ltd. (Nikka) a commandé 100 rouleaux de corde de polypropylène à trois brins renforcée de plomb de Bum Hwa Industrial Co. Ltd., de la Corée (l'exportateur) au prix de 43 $ US le rouleau (première importation). Le 19 août 1988, Nikka a commandé à l'exportateur 100 autres rouleaux de corde de polypropylène à trois brins renforcée de plomb au prix de 64,80 $ US le rouleau (deuxième importation).

Conformément à l'Avis de cotisation daté du 14 décembre 1988, des droits antidumping de 2 929,16 $ ont été imposés à Nikka (somme qu'elle a payée) à l'égard de la première importation. Selon le Relevé détaillé de rajustement B2 - 1 produit par Douanes Canada le 3 février 1989, des droits antidumping de 4 144,61 $ ont été imposés à Nikka à l'égard de la deuxième importation; la société a d'ailleurs versé cette somme. Dans les deux décisions, il était précisé que la corde tordue de polypropylène à trois brins renforcée de plomb était assujettie à des droits antidumping en conformité avec le Mémorandum D15 - 1 - 26.

En vertu de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, Nikka a interjeté appel auprès du sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise à l'égard de ces deux décisions; ces appels ont été rejetés en vertu de la décision rendue le 6 mars 1990. À la suite des appels, des rajustements mineurs ont été apportés au calcul des valeurs normales et des prix à l'exportation pour tenir compte d'une modification du taux de change qui a donné lieu à un nouveau montant dû de 78,26 $ en ce qui a trait à la première importation et à un remboursement de 67,39 $ pour ce qui est de la deuxième importation. Le 10 mai 1990, Nikka a interjeté appel auprès du Tribunal.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que la corde de polypropylène renforcée de plomb en cause n'est pas de la même description que les marchandises visées par la conclusion du Tribunal antidumping, dans la cadre de l'Enquête n ° ADT - 8 - 82, concernant le dumping de la corde tordue de polypropylène, originaire ou exportée de la République de Corée.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 9 avril 1991 Date de la décision : Le 20 août 1991
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat du Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Thomas P. Fellhauer, pour l'appelante Brian J. Saunders, pour l'intimé
Jurisprudence : Corde tordue de polypropylène, de polyéthylène et de nylon, originaire ou exportée de la République de Corée, Tribunal antidumping, Enquête n° ADT-8-82, le 7 octobre 1982; Corde tordue de polypropylène et de nylon originaire ou exportée de la République de Corée, Tribunal canadien des importations, Réexamen n° R-6-86, le 17 février 1987. Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et Le Tribunal antidumping, [1982] 2 C.F. 283; Sarco Canada Limited c. Le Tribunal antidumping, [1979] 1 C.F. 247; Dryden House Sales Ltd. c. Le Tribunal antidumping, [1980] 1 C.F. 639.





LA QUESTION EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

La question en litige dans le cadre du présent appel consiste à déterminer si les marchandises importées, c'est-à-dire la corde de polypropylène à trois brins renforcée de plomb originaire de la République de Corée, sont de la même description que les marchandises ayant fait l'objet d'une conclusion du Tribunal antidumping et donc assujetties à des droits antidumping.

Les dispositions pertinentes de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la Loi) qui s'appliquent au présent appel sont les suivantes :

3. Les marchandises sous - évaluées ou subventionnées importées au Canada alors que le Tribunal a établi avant leur dédouanement, par ordonnance ou dans ses conclusions, que le dumping ou le subventionnement de marchandises de même description soit cause, a causé ou est susceptible de causer un préjudice sensible, soit cause ou a causé un retard sensible, sont assujetties aux droits suivants :

a) dans le cas de marchandises sous - évaluées, des droits antidumping d'un montant égal à la marge de dumping des marchandises;

...

56.(1) Lorsque des marchandises sont importées après la date de l'ordonnance ou des conclusions du Tribunal ou celle du décret imposant des droits compensateurs, prévu à l'article 7, est définitive une décision rendue par un agent des douanes dans les trente jours après déclaration en détail des marchandises aux termes des paragraphes 32(1), (3) ou (5) de la Loi sur les douanes et qui détermine :

a) la question de savoir si les marchandises sont de même description que des marchandises auxquelles s'applique l'ordonnance ou les conclusions, ou le décret;

...

LES FAITS ET LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

a) Conclusion du Tribunal antidumping

Le 7 octobre 1982, le Tribunal antidumping a rendu une conclusion [2] (la conclusion de 1982), en vertu du paragraphe 16(3) de l'ancienne Loi antidumping [3] à l'égard de la corde tordue de polypropylène, de polyéthylène et de nylon, originaire ou exportée de la République de Corée. Le Tribunal antidumping a conclu que :

1. le dumping au Canada de la corde tordue de polypropylène, originaire ou exportée de la République de Corée avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables; et que

2. le dumping au Canada de la corde tordue de nylon, originaire ou exportée de la République de Corée avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables; mais que

3. le dumping au Canada de la corde tordue de polyéthylène, originaire ou exportée de la République de Corée n'avait pas causé, ne causait pas et n'était pas susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables.

Dans des conclusions de réexamen [4] rendues le 17 février 1987, le Tribunal canadien des importations a ordonné, à partir de cette date, la prorogation de la conclusion de l'ancien Tribunal antidumping, sans aucune modification.

b) Importation par l'appelante

Le 25 mars 1987, Nikka Industries Ltd. (Nikka) a commandé 100 rouleaux de corde de polypropylène à trois brins renforcée de plomb à Bum Hwa Industrial Co. Ltd., de la Corée (l'exportateur) au prix de 43 $ US le rouleau (première importation). La valeur à l'acquitté de cette première importation s'établissait à 5 783,50 $ CAN.

Le 19 août 1988, Nikka a commandé à l'exportateur 100 autres rouleaux de corde de polypropylène à trois brins renforcée de plomb au prix de 64,80 $ US le rouleau (deuxième importation). La valeur à l'acquitté de cette deuxième importation s'établissait à 7 840,80 $ CAN.

En vertu de l'Avis de cotisation du 14 décembre 1988, à la suite d'une décision prise en vertu de l'article 57 de la Loi, des droits antidumping de 2 929,16 $ ont été imposés à Nikka (somme qu'elle a versée) à l'égard de la première importation. Conformément au Relevé détaillé de rajustement B2-1 produit par Douanes Canada le 3 février 1989, également à la suite d'une décision prise en vertu de l'article 57 de la Loi, des droits antidumping de 4 144,61 $ ont été imposés à Nikka (somme qu'elle a également payée) relativement à la deuxième importation. Dans les deux décisions, il était précisé que la corde tordue de polypropylène renforcée de plomb était assujettie à des droits antidumping en conformité avec le Mémorandum D15-1-26.

Nikka a interjeté appel auprès du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) à l'égard de ces décisions en invoquant l'article 58 de la Loi; ces appels ont été rejetés en vertu de la décision rendue le 6 mars 1990. À la suite des appels, des rajustements mineurs ont été apportés au calcul des valeurs normales et des prix à l'exportation pour tenir compte d'une modification du taux de change qui a donné lieu à un nouveau montant dû de 78,26 $ en ce qui a trait à la première importation et à un remboursement de 67,39 $ pour ce qui est de la deuxième importation.

Le 10 mai 1990, Nikka a interjeté appel auprès du Tribunal.

c) Les marchandises importées

L'appelante a présenté son témoin, le directeur général de Nikka, M. Peter Yamauchi. Ce dernier a décrit les marchandises en cause comme de la corde tordue de polypropylène renforcée de plomb. La corde se compose de trois brins de fibres de polypropylène, chacun renforcé au centre par un fil de plomb. Les fibres de polypropylène ont une surface rugueuse, ce qui confère à la corde une apparence naturelle à la vue et au toucher.

Le témoin a déclaré que la corde de polypropylène renforcée de plomb était destinée à l'industrie de la pêche commerciale qui l'utilise en exclusivité. Plus particulièrement, les pêcheurs de morue et de flétan s'en servent comme «ligne à grande distance» ou «ligne de fond», qui est ancrée au fond de l'océan et à laquelle sont rattachés des «ouvrages mécaniques» dont les extrémités sont dotés de crochets. La corde renforcée de plomb en question est particulièrement utile comme ligne à grande distance parce qu'elle coule à pic dans l'eau et que sa surface rugueuse empêche le glissement des noeuds.

La corde a été commandée en longueurs de 1 800 pi, ce qui correspond à une tessure, c'est-à-dire, à la longueur normale d'une ligne à grande distance. Le témoin a déclaré qu'il a précisé le poids de plomb désiré dans la corde. Une tessure simple pèse environ 48 lb, dont environ 18 lb pour le plomb qu'elle renferme.

M. Yamauchi a établi une distinction entre la corde renforcée de plomb et la corde ordinaire tordue à base de polypropylène. Il a indiqué que contrairement à la corde renforcée de plomb, la corde ordinaire se compose de plusieurs filaments. Il a également précisé que le fini de la corde ordinaire est lisse. Le témoin a ajouté que la corde ordinaire pourrait être utilisée à toutes fins; cependant, elle ne serait pas utilisée comme ligne de fond parce qu'elle flotte et que sa surface lisse permet aux noeuds de glisser. Il a déclaré que toutes les quincailleries vendent de la corde ordinaire destinée à des usages généraux. Par contre, la corde renforcée de plomb ne se vend que dans les magasins spécialisés dans la pêche commerciale et n'est jamais utilisée comme corde d'usage général. Le témoin a expliqué que la brochure affichant les produits de l'appelante établit une distinction entre la corde renforcée de plomb et la corde ordinaire, à la rubrique «ligne de fond».

M. Yamauchi ajoute qu'il ne connaissait pas d'autres producteurs canadiens de corde renforcée de plomb en 1981 ou 1982. C'est en 1987 ou 1988 qu'il a appris que Scotia Twines Limited produisait un tel produit au Canada.

Aucun témoin n'a été appelé à comparaître pour l'intimé.

L'ARGUMENTATION

L'argumentation de l'avocat de l'appelante comportait trois parties générales. D'abord, il analysait la définition de l'expression «marchandises de même description» à l'article 3 et au paragraphe 56(1) de la Loi. Ensuite, il examinait la description des marchandises en question; enfin, il passait en revue la description des marchandises énoncées dans la conclusion du Tribunal antidumping.

Pour ce qui est de la signification de l'expression «marchandises de même description» utilisée dans la Loi, l'avocat a soutenu que le Tribunal devrait s'en tenir au sens commun de cette expression. Selon lui, le Tribunal ne devrait pas invoquer la définition de l'expression «marchandises similaires» de la Loi, car elle a acquis une signification spéciale et est utilisée dans un contexte particulier. Il a préconisé la prudence pour ce qui est du recours à la jurisprudence dans le cas de l'expression «marchandises similaires», mais, en général, il appuyait les arguments des tribunaux dans ces causes.

L'avocat a souligné que dans les documents relatifs aux transactions commerciales, l'appelante et l'exportateur désignent les marchandises en question comme de la corde de polypropylène renforcée de plomb. Dans le milieu, la corde est désignée comme une «ligne de fond renforcée de plomb» ou «polypropylène renforcée de plomb». L'appelante soutient qu'elle ne pouvait pas commander de la corde de polypropylène et s'attendre de recevoir de la corde renforcée de plomb. De même, un pêcheur doit préciser qu'il désire recevoir de la corde renforcée de plomb s'il compte recevoir les marchandises en cause. Comme la quantité de plomb contenue dans la corde est importante, l'avocat a soutenu que l'expression «renforcée de plomb» est essentielle pour l'identification et la description des marchandises.

L'avocat de l'appelante a soutenu que la conclusion du Tribunal antidumping est fondée sur une politique de protection de la production canadienne de marchandises similaires. À cet égard, il a invoqué la cause Noury Chemical Corporation et Minerals & Chemicals Ltd. c. Pennwalt of Canada Ltd. et Le Tribunal antidumping [5] ; à la page 287, le juge Le Dain déclare ce qui suit :

... le but de la Loi [antidumping] doit être de protéger la production de marchandises qui, étant donné qu'elles sont identiques ou ressemblent étroitement aux marchandises sous - évaluées, subissent la concurrence de ces dernières...

L'avocat a souligné que Scotia Twines Limited, une entreprise qui fabrique maintenant de la corde de polypropylène renforcée de plomb, n'a pas pris part aux délibérations tenues par le Tribunal antidumping en 1982. Par conséquent, l'industrie nationale de la corde renforcée de plomb était inexistante en 1982.

L'avocat de l'appelante a demandé au Tribunal de se reporter à l'exposé des motifs de la conclusion du Tribunal antidumping pour préciser le type de corde de polypropylène tordues importée qui était visé par la conclusion. Il a fait remarquer que la conclusion portait ni plus ni moins sur la corde tordue de polypropylène et de nylon. Il a soutenu que la conclusion visait principalement la corde synthétique tordue et excluait la corde tressée et tressée carrée. Le Tribunal antidumping a d'ailleurs adopté ce point de vue parce que les parties plaignantes ne fabriquaient que de la corde tordue et qu'il ne se préoccupait pas d'autres marchandises qui n'étaient pas produites, notamment la corde renforcée de plomb.

L'avocat a souligné au Tribunal deux paragraphes de la conclusion de 1982 qui, à son avis, permettent de déterminer les marchandises en cause. À la page 3 de la conclusion [6] , le Tribunal antidumping décrivait les marchandises de la manière suivante :

La corde tordue de polypropylène et la corde tordue de polyéthylène sont fabriquées à partir de granules ou de pastilles de résine auxquelles on a ajouté des pigments de couleur pendant leur extrusion pour en faire des monofilaments continus d'une couleur donnée. En mettant ces monofilaments en faisceau, on obtient de la ficelle. Plusieurs ficelles tordues ensemble forment des brins qui sont eux - mêmes tordus pour obtenir de la corde.

La corde de polypropylène est légère, résistante et souple, sans compter qu'elle est plus économique que les trois autres types de cordes en question (elle se vend à environ la moitié du prix de la corde de nylon). Elle peut être utilisée pour une grande variété d'applications marines, agricoles ou générales, et est très populaire sur le marché de la quincaillerie au détail car c'est un article polyvalent et économique.

L'avocat a fait remarquer que la conclusion de 1982 énonce de façon très précise le contenu en matières premières, le processus de fabrication et l'utilisation finale de la corde tordue de polypropylène, mais n'indique pas que ces éléments devraient s'appliquer également à la corde de polypropylène renforcée de plomb. Il a soutenu que parce que les marchandises en question renferment un noyau de plomb dans chaque brin, elles sont donc différentes pour ce qui est du contenu en matières premières, du processus de fabrication et de l'utilisation finale. La corde renforcée de plomb n'est pas un produit léger, économique et polyvalent, attrayant pour le marché de quincaillerie au détail, mais elle est plutôt conçue spécifiquement pour être utilisée comme ligne de fond par l'industrie de la pêche commerciale parce qu'elle coule à pic au fond de l'eau. Il a fait remarquer que les marchandises en cause renferment une matière première spéciale, c'est-à-dire, du plomb, qui a dû être ajouté à l'étape de la fabrication.

Sans étoffer son argumentation au cours de l'audience, l'appelante a mentionné dans son mémoire que l'alinéa 56(1)a) de la Loi stipule que la décision de l'agent de douane doit porter sur «la question de savoir si les marchandises sont de même description que des marchandises auxquelles s'applique l'ordonnance ou les conclusions, ou le décret» et non pas sur «la question de savoir si les marchandises sont du même genre ou de la même catégorie de marchandises auxquelles s'applique l'ordonnance ou les conclusions». En conséquence, l'appelante a fait valoir que les marchandises importées diffèrent suffisamment des marchandises décrites dans la conclusion de 1982 pour qu'elles ne soient pas considérées comme des marchandises de même description et, à moins que les marchandises importées ne soient des marchandises de même description (et non du même genre ou de la même catégorie), elles ne sauraient être assujetties à des droits antidumping.

L'appelante a en outre fait valoir, dans son mémoire, qu'il ne convient pas d'adopter une interprétation plus large de la conclusion de 1982 sans un examen en règle et exhaustif de la situation de la corde renforcée de plomb, y compris des allégations des parties qui fabriquent et vendent de la corde renforcée de plomb, plus particulièrement en raison des sévères pénalités imposées à l'égard des marchandises visées par la conclusion de 1982. L'appelante a conclu que, généralement, en matière d'interprétation législative, les lois financières doivent défavoriser les autorités fiscales.

L'avocat de l'intimé a souligné que le Tribunal antidumping a rendu sa conclusion à la suite d'une détermination préliminaire du Sous-ministre, qui s'est prononcé au sujet de la corde tordue de polypropylène, de polyéthylène et de nylon, originaire ou exportée de la République de Corée. Le Tribunal antidumping aurait pu appliquer sa conclusion de préjudice sensible à l'égard de toutes les marchandises, ou d'une partie de celles-ci, visées par la détermination préliminaire. Il aurait pu exclure des marchandises de la catégorie de marchandises précisée par le Sous-ministre, comme il l'a fait pour la corde de polyéthylène. En conséquence, l'avocat a soutenu que le Tribunal antidumping aurait pu exclure certaines marchandises, comme la corde renforcée de plomb, de la catégorie générale de la corde de polypropylène, ce qu'il n'a pas fait. Il a donc prétendu que la catégorie de marchandises à laquelle la conclusion de 1982 se rapporte englobe l'ensemble de la catégorie de la corde de polypropylène.

L'avocat a soutenu que les éléments de preuve déposés appuient l'allégation selon laquelle la corde renforcée de plomb est une sous-catégorie de la corde de polypropylène. Il s'est reporté aux déclarations du témoin de l'appelante, M. Yamauchi, qui a indiqué que la corde se compose de polypropylène et d'un fil de plomb dans chacun des brins. Il a également invoqué les diverses brochures déposées par l'appelante à titre de pièces et qui précisent que les marchandises en cause sont composées de polypropylène.

L'avocat a prétendu que les «marchandises de même description» ne doivent pas nécessairement être des marchandises en tous points identiques aux marchandises assujetties à la conclusion de 1982. Il a soutenu que le Tribunal peut adopter le concept des marchandises semblables établi dans l'ancienne Loi antidumping [7] et celui des marchandises similaires dans l'actuelle Loi sur les mesures spéciales d'importation [8] . À cet égard, l'avocat a mentionné au Tribunal diverses décisions de la Cour d'appel fédérale.

Dans la décision visant Sarco Canada Limited c. Le Tribunal antidumping [9] à la page 253, le juge Heald a déclaré qu'aux fins de la définition de l'expression «marchandises semblables», le Tribunal «... devait considérer toutes les caractéristiques ou qualités des marchandises et non quelques-unes seulement». L'avocat a fait remarquer que la décision appuie la proposition voulant que le Tribunal doit tenir compte de toutes les caractéristiques des marchandises en cause, y compris leur composition, leurs fonctions et le marché visé.

La deuxième décision invoquée par l'avocat de l'intimé est l'arrêt Noury Chemical [10] . Il a cité la page 287 où l'on identifie l'objet de la Loi. Il a précisé que le tribunal a rejeté l'argument voulant que les marchandises semblables ne comprennent que les marchandises qui ressemblent de près aux marchandises sous-évaluées, à condition qu'elles ne soient pas identiques. Il a soutenu que la Loi a pour objet de protéger la production canadienne; la décision Noury Chemical appuie la proposition voulant que l'on adopte une démarche élargie pour déterminer si les marchandises sous-évaluées portent atteinte à la production canadienne.

La troisième décision invoquée par l'avocat de l'intimé est l'affaire Dryden House Sales Ltd. c. Le Tribunal antidumping [11] . Il a mentionné qu'à la page 644, la Cour d'appel s'est dite convaincue, même s'il existait quelques différences entre les marchandises produites par la demanderesse et les marchandises assujetties à la conclusion de préjudice, que le Tribunal antidumping était justifié de déterminer qu'elles n'étaient pas uniques et que le marché n'était pas suffisamment différent pour les retirer de la catégorie générale visée par la conclusion de préjudice.

Abordant la question de l'importance de ces décisions, l'avocat a fait remarquer que la conclusion rendue par le Tribunal antidumping portait en partie sur la corde tordue de polypropylène. Il a prétendu que les éléments de preuve déposés à l'audience révèlent que les marchandises en question sont tordues et composées de polypropylène. Il a soutenu que la seule caractéristique que l'appelante considère comme ne s'appliquant pas à la conclusion réside dans l'ajout de plomb. L'avocat a prétendu qu'une toute petite modification ne suffit pas à soustraire les marchandises de la conclusion, car une telle situation va à l'encontre de l'objet de la Loi. Il a fait remarquer que si tel 9‚tait le cas, les conclusions de préjudice ne seraient applicables que pendant quelques jours, c'est-à-dire, jusqu'à ce que les exportateurs étrangers apprennent qu'ils peuvent ajouter un brin de plomb ou apporter une petite modification à leur produit pour le soustraire aux conclusions.

LES MOTIFS

Aux fins du présent appel, la partie pertinente de la conclusion du Tribunal antidumping précise ce qui suit :

1. le dumping au Canada de la corde tordue de polypropylène, originaire ou exportée de la République de Corée a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises semblables;...

[soulignement ajouté]

Selon l'article 3 de la Loi, seules les marchandises de même description visées par une ordonnance ou des conclusions sont assujetties à des droits antidumping. Par conséquent, dans le présent appel, le Tribunal s'est reporté à la catégorie de marchandises, c'est-à-dire, la corde tordue de polypropylène précisée dans la conclusion du Tribunal antidumping pour déterminer la description des marchandises visées par cette conclusion.

Dans l'exposé des motifs du Tribunal antidumping, à la rubrique «Les produits» est énoncée la vaste gamme de matériaux utilisés pour fabriquer la corde. Au paragraphe suivant, le Tribunal antidumping rétrécit son point de vue en invoquant la corde composée de matériaux synthétiques et fait remarquer par la suite que les parties plaignantes ne fabriquent que de la corde tordue. Au paragraphe suivant, le Tribunal antidumping rétrécit encore une fois son interprétation et ne cite que la corde tordue de polypropylène. Vu que les parties plaignantes ne fabriquent que de la corde tordue, le Tribunal antidumping n'a pas tenu compte des marchandises qui «... ne font habituellement pas concurrence à [la corde tordue] car leurs caractéristiques techniques, leurs propriétés et leur coût de fabrication sont différents». Par conséquent, la portée de l'examen du Tribunal antidumping en ce qui a trait à la corde de polypropylène est plutôt restreinte et spécifique.

La conclusion du Tribunal antidumping à savoir ce qui constitue des marchandises semblables ne s'applique pas tout à fait au présent appel. Il s'agit plutôt de déterminer si la corde tordue de polypropylène renforcée de plomb est une marchandise de même description que la corde tordue de polypropylène visée par la conclusion du Tribunal antidumping.

Les éléments de preuve déposés révèlent clairement que le marché de la corde renforcée de plomb est très étroit et très spécialisé et que ce produit ne peut être remplacé efficacement par de la corde tordue de polypropylène. La corde ordinaire est considérée comme de la corde à usages multiples habituellement vendue sur le marché de la quincaillerie de détail. Par contre, la corde renforcée de plomb est vendue exclusivement à l'industrie de la pêche commerciale, uniquement dans des points de vente spécialisés desservant ce marché. En principe, ces deux types de corde ne se font pas concurrence sur le marché. La corde ordinaire est peu coûteuse, contrairement à la corde renforcée de plomb. En fait, la structure de prix de ces deux types de corde est différente, la corde ordinaire étant vendue au pied et la corde renforcée de plomb étant vendue au poids. Ces deux produits sont également décrits et mis en marché de façon différente, en fonction de leur différence sur le plan technique, soit l'ajout de fils de plomb.

Le plomb constitue une composante importante de la corde de polypropylène renforcée de plomb. Ce produit définit clairement cette corde et la distingue de la corde ordinaire de polypropylène qui ne renferme pas de plomb. Le plomb est utilisé pour la fabrication de la corde pour une raison précise, c'est-à-dire, pour accroître la gravité de la corde par rapport à celle de l'eau. Le Tribunal ne considère pas que l'ajout de plomb constitue une modification mineure servant à atténuer les faits de la conclusion du Tribunal antidumping.

Pour ces raisons, le Tribunal conclut que la corde tordue de polypropylène renforcée de plomb ne fait pas partie de la catégorie des marchandises englobant la corde tordue de polypropylène à laquelle s'applique la conclusion.

LA CONCLUSION

L'appel est admis. Le Tribunal conclut que la corde de polypropylène renforcée de plomb n'est pas de la même description que les marchandises visées par la conclusion du Tribunal antidumping, dans le cadre de l'Enquête n° ADT-8-82, concernant le dumping de la corde tordue de polypropylène, originaire ou exportée de la République de Corée.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S-15, dans sa version modifiée.

2. Corde tordue de polypropylène, de polyéthylène et de nylon, originaire ou exportée de la République de Corée, Tribunal antidumping, Enquête n ° ADT-8-82, le 7 octobre 1982.

3. S.R.C. (1970), ch. A-15.

4. Corde tordue de polypropylène et de nylon originaire ou exportée de la République de Corée, Réexamen no R-6-86, le 17 février 1987.

5. [1982] 2 C.F. 283.

6. Supra, note 2, p. 3.

7. Supra, note 3.

8. Supra, note 1.

9. [1979] 1 C.F. 247.

10. Supra, note 5.

11. [1980] 1 C.F. 639.


Publication initiale : le 7 juillet 1997