MCA (CANADA) LTD.

Décisions


MCA (CANADA) LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-90-123

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 11 août 1992

Appel n o AP - 90 - 123

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 mai 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 27 juillet 1990 relativement à un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

MCA (CANADA) LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelant, MCA (Canada) Ltd., est un distributeur de vidéocassettes sur le marché canadien. Lorsqu'il obtient une bande maîtresse de sa société mère située aux États - Unis, l'appelant conclut avec VTR Productions Ltd., un laboratoire canadien et une société indépendante, une entente de production de copies de la vidéocassette. La question en litige consiste à déterminer si l'appelant a le droit, aux termes de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise, de se faire rembourser la taxe de vente fédérale payée par erreur pour la raison qu'il n'est pas le fabricant de vidéocassettes aux termes de l'alinéa b) ou de l'alinéa f) de la définition de «fabricant ou producteur» de l'article 2 de la Loi sur la taxe d'accise, et qu'il aurait dû, par conséquent, payer la taxe de vente sur le prix de vente pratiqué par son fournisseur plutôt que sur le prix de vente pratiqué par lui - même envers ses revendeurs.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que l'alinéa 2(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise pose entre autres comme condition que les marchandises soient le résultat d'une «fabrication», ce qui n'est pas le cas ici, les marchandises étant, de l'avis du Tribunal, produites plutôt que fabriquées. Le Tribunal conclut que le simple fait de reproduire des vidéocassettes et de les emballer, comme c'est le cas ici, sont des activités de production et non de fabrication. Le Tribunal est également de l'avis que l'appelant n'est pas un «fabricant ou producteur» au sens de l'alinéa 2(1)f) de la Loi sur la taxe d'accise. Compte tenu du fait que la production des marchandises en question consiste essentiellement en la reproduction d'une bande maîtresse sur une vidéocassette, le Tribunal conclut que les activités de VTR Productions Ltd. sont exclues du champ d'application de l'alinéa 2(1)f) de la Loi sur la taxe d'accise. En conséquence, l'appelant n'était pas le producteur ni le fabricant des vidéocassettes pendant la période de remboursement.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 6 mai 1992 Date de la décision : Le 11 août 1992
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Michèle Blouin, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Rick H. Kesler, pour l'appelant Ian M. Donahoe, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national en vertu du paragraphe 81.17(5) de la Loi.

L'appelant, MCA (Canada) Ltd., est un distributeur de vidéocassettes sur le marché canadien. Avant le 1er juillet 1985, l'appelant a payé la taxe de vente fédérale sur la vente des vidéocassettes en fonction du prix de vente de celles-ci facturé par lui aux revendeurs. Le 8 avril 1986, l'appelant a fait une demande de remboursement visant une partie de la taxe de vente fédérale qu'il avait payée sur ces ventes. L'appelant soutenait que, n'étant pas le producteur des vidéocassettes, il aurait dû payer la taxe de vente fédérale sur le prix de vente pratiqué par son fournisseur plutôt que sur le prix de vente pratiqué par lui-même envers ses revendeurs et que, par conséquent, il avait payé une partie de la taxe de vente par erreur. Le 26 juin 1987, la demande de remboursement de l'appelant a été rejetée aux termes d'un avis de détermination pour la raison que l'appelant était réputé être un producteur, aux termes de l'article 2 de la Loi, pour avoir fourni le matériel d'emballage au producteur réel des marchandises. Le 18 septembre 1987, l'appelant a signifié un avis d'opposition à l'égard de cette détermination, qui a été ratifiée le 27 juillet 1990.

La question en litige consiste à déterminer si l'appelant a droit, aux termes de l'article 68 de la Loi, à un remboursement de la taxe de vente fédérale payée par erreur. La question consiste plus particulièrement à savoir si l'appelant est un fabricant de vidéocassettes distribuées au Canada aux termes de l'alinéa b) ou de l'alinéa f) de la définition de «fabricant ou producteur» de l'article 2 de la Loi (mentionnés ci-après comme alinéas 2(1)b) et f) de la Loi).

Pendant la période pertinente, les alinéas 2(1)b) et f) de la Loi se lisaient comme suit :

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés :

b) toute personne, firme ou personne morale qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou autre droit à des marchandises en cours de fabrication, soit par elle, en son nom, soit pour d'autres ou en son nom par d'autres, que cette personne, firme ou personne morale vende, distribue, consigne ou autrement aliène les marchandises ou non;

...

f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle - ci, prépare des marchandises pour la vente en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, ou en les enduisant ou les finissant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs.

Lors de l'audience, les parties se sont entendues sur les faits suivants : l'appelant reçoit de MCA Home Video Inc., sa société mère des États-Unis, la bande maîtresse d'un vidéo pour lequel Universal Studios détient les droits d'auteur. Après avoir reçu la bande maîtresse, l'appelant conclut avec VTR Productions Ltd. (VTR), un laboratoire canadien et une société indépendante, une entente de production de copies de la vidéocassette sur des cassettes vierges achetées par l'appelant. Les pochettes de carton dans lesquelles les vidéocassettes sont emballées sont fournies à VTR par l'appelant. VTR fait emballer les vidéocassettes dans ses installations par ses employés et au moyen de son équipement. Les copies des vidéocassettes sont faites aux frais de VTR en attendant leur paiement par l'appelant.

L'appelant a cité deux témoins à comparaître. Le premier d'entre eux, M. Erich Pertsch, est le président de MCA Home Video Canada, une division de MCA (Canada) Ltd., ainsi que le vice-président, Finances et administration, de cette dernière société. Le témoin a expliqué la relation entre MCA (Canada) Ltd. et MCA Home Video Inc. des États-Unis. Selon M. Pertsch, MCA Home Video Inc. détient les droits sur tous les films produits par Universal Studios. L'appelant est donc titulaire d'une licence lui donnant un droit exclusif de distribution, au Canada, de vidéocassettes de ces films. Quant à la relation entre l'appelant et VTR, le témoin l'a qualifiée de relation normale de client à fournisseur. Il a précisé qu'il s'agissait d'une relation fondée sur la confiance (compte tenu des caractéristiques des marchandises) et comportant un arrangement exclusif visant la vente à MCA (Canada) Ltd. des vidéocassettes reproduites par VTR à partir des bandes maîtresses qu'elle obtient par l'intermédiaire de l'appelant. Le témoin a ajouté qu'il fournit à VTR non seulement la bande maîtresse du film, mais également les pochettes de carton et les étiquettes à coller sur les cassettes, obtenues les unes et les autres de MCA Home Video Inc. des États-Unis. M. Pertsch a témoigné que VTR fournit sa propre pellicule d'emballage moulante pour les vidéocassettes, quoique l'appelant fournisse à VTR des échantillons de la pellicule d'emballage utilisée aux États-Unis ainsi que le logo qui doit y être apposé.

Le second témoin, M. Jerry Zaludek, était le président de VTR pendant la période de remboursement. Il a expliqué qu'au début, VTR et l'appelant n'étaient pas officiellement liés par contrat et que les achats étaient fondés sur une liste de prix ou sur un tarif d'insertion. Le témoin a également confirmé que la nature de la relation entre les deux sociétés étaient strictement celle d'une relation d'entreprise à client. Le témoin a également nommé une série de sociétés, en l'occurrence des studios qui faisaient également partie des clients de VTR pendant la période de remboursement et qui semblent avoir payé la taxe de vente sur leurs achats de vidéocassettes reproduites par VTR.

Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a d'abord soumis que les activités de celui-ci ne correspondent pas à la définition de «fabricant ou producteur» donnée à l'alinéa 2(1)b) de la Loi. De l'avis de l'avocat, il faut, pour correspondre à cette définition, posséder, détenir, réclamer ou employer un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou un autre droit à des marchandises en cours de fabrication. À cet égard, l'avocat a-t-il précisé, tant que l'appelant n'a pas acheté les vidéocassettes, il n'a aucun droit sur les marchandises mentionnées à l'alinéa 2(1)b), c'est-à-dire les composantes des cassettes, plus précisément, le contenant de plastique pour la bande, la bande elle-même et les autres pièces connexes. L'avocat a également plaidé que l'appelant n'exerce aucune autre activité de fabrication matérielle. De plus, a-t-il ajouté, les activités de VTR constituent une forme de «production», et non de «fabrication», selon la distinction établie entre ces termes par la jurisprudence. En conséquence, ces activités ne correspondent pas à la définition, qui ne vise que les «marchandises en cours de fabrication».

L'avocat a affirmé que l'appelant ne répond pas non plus à la définition de «fabricant ou producteur» du paragraphe 2(1)f) de la Loi, qui prévoit que la personne prépare les marchandises «par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle-ci», ce qui n'est pas le cas ici, attendu que le producteur, VTR, n'agit par pour le compte de l'appelant. De plus, l'appelant n'agit pas par l'intermédiaire du producteur puisque ce dernier agit pour son propre compte, supporte les frais de production des marchandises et les risques de perte, et, enfin, détient le titre de propriété des marchandises et les possède effectivement, jusqu'à leur fourniture.

Pour terminer, l'avocat a fait valoir que la disposition nouvelle et précise de l'alinéa 2(1)j) de la Loi, qui a été adoptée après la période de remboursement, vise des situations analogues à celle qui se présente en l'espèce concernant les distributeurs de vidéocassettes qui sont maintenant réputés être des producteurs pour les besoins de la Loi. L'alinéa 2(1)j), a-t-il déclaré, est une nouvelle disposition d'imposition visant à combler une lacune de la Loi. L'avocat a incité le Tribunal à appliquer la décision qu'il a rendue dans la cause Bois - Aisé de Roberval Inc. c. Le ministre du Revenu national [2] , dans laquelle il avait conclu qu'un produit ajouté à l'annexe III de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre [3] n'était pas couvert par la disposition générale de cette loi avant sa modification.

L'avocat de l'intimé a plaidé que l'appelant est réputé être le fabricant aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi parce qu'il «possède... un droit à des marchandises en cours de fabrication», quoique VTR possède les vidéocassettes jusqu'au moment du paiement. Selon l'avocat, l'appelant a un droit de propriété sur les «marchandises en cours de fabrication» parce qu'il a obtenu de MCA Home Video Inc. une licence exclusive de distribution des vidéocassettes que VTR, de son côté, a l'obligation de vendre à l'appelant. L'avocat a déclaré, en outre, qu'il ressort de la preuve soumise que l'appelant exerce un certain contrôle sur VTR et que VTR n'est rien de moins qu'un agent de MCA (Canada) Ltd., qui lui fournit les bandes maîtresses, les pochettes et les étiquettes. De plus, l'avocat a affirmé que le procédé selon lequel les cassettes vierges sont transformées en vidéocassettes confère aux marchandises de nouvelles formes, qualités et propriétés, ou une combinaison de celles-ci, au sens donné à ces termes par la Cour suprême du Canada dans la décision The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Ltd. [4] , et que, en conséquence, ces marchandises sont «fabriquées». L'avocat a également invoqué une décision rendue par la division de première instance de la Cour fédérale dans la cause The Queen v. E.J. Piggott Enterprises Ltd. [5] , dans laquelle la Cour avait conclu que des cassettes de marque Ferropak contenant des bandes magnétiques étaient produites ou fabriquées au sens de la Loi.

L'avocat a plaidé qu'à défaut, si l'appelant n'est pas un «fabricant ou producteur» aux termes de l'alinéa 2(1)b) de la Loi, il est réputé être le fabricant aux termes de l'alinéa 2(1)f) de la Loi parce que les vidéocassettes sont produites par VTR pour l'appelant exclusivement. L'avocat a soumis qu'il existe des éléments de preuve quant au fait que VTR «agit pour le compte» de l'appelant au sens de l'alinéa 2(1)f). À ce sujet, l'avocat a soutenu que les termes «pour le compte de» sont significatifs de l'intention du Parlement de donner un sens large au genre de relation visé par la disposition, alors que des termes tels que «au nom de» sont utilisés ailleurs dans l'article 2, en l'occurrence à l'alinéa 2(1)b). Enfin, l'avocat a plaidé que l'utilisation de pellicules d'emballage moulantes par VTR constitue une preuve du fait que VTR emballe des marchandises au sens de l'alinéa 2(1)f).

Le Tribunal remarque tout d'abord que, contrairement à la position adoptée apparemment par l'intimé dans cet appel, les alinéas définissant le «fabricant ou producteur» à l'article 2 de la Loi ne doivent pas être considérés comme épuisant tous les types de relations qui peuvent lier deux personnes ou plus travaillant à la production ou à la fabrication de marchandises. En ce sens, il est toujours possible que certains types de relations ne soient pas visés par ces alinéas. Il y a et il s'est présenté, en effet, des situations non prévues par ces dispositions. L'ajout de l'alinéa 2(1)j) en 1986 [6] , par exemple, avait pour but de remédier à la situation des distributeurs de vidéocassettes de façon correcte et satisfaisante. Les alinéas 2(1)a) à j), tels qu'ils se lisent présentement, visent des circonstances spécifiques et non la totalité des circonstances. De plus, il ne faut pas oublier que la détermination de «fabricant ou producteur» aux termes de la Loi comporte l'imposition d'un fardeau fiscal. Pour ces raisons, le Tribunal est d'avis que chacune des conditions de l'une des définitions susmentionnées doit être remplie avant qu'il soit conclu qu'une personne est réputée être le producteur ou le fabricant aux termes de la Loi, et que cette personne est ainsi tenue de payer, conformément à l'article 50 de la Loi, la taxe de vente sur le prix de vente qu'elle pratique.

Ceci dit, le Tribunal porte son attention aux alinéas 2(1)b et f) de la Loi qui étaient en vigueur durant la période pertinente. Pour ce qui est de l'alinéa 2(1)b), le Tribunal conclut que l'une des conditions qu'il pose est que les marchandises doivent être «fabriquées». De l'avis du Tribunal, la simple reproduction sur vidéocassettes et le simple fait d'emballer des marchandises, comme c'est le cas en l'espèce, ne constituent pas des activités de «fabrication», mais des activités de «production», et cela à la lumière de la décision rendue par la Cour suprême de l'Ontario dans la cause Gruen Watch Company of Canada Ltd. et al. v. Attorney General of Canada [7] citée dans la décision York Marble [8] invoquée par l'intimé, et dans laquelle la Cour suprême avait reconnu que les deux termes ne sont pas synonymes.

Le Tribunal conclut également que l'appelant n'est pas un «fabricant ou producteur» au sens de l'alinéa 2(1)f) de la Loi. Compte tenu du fait que la production des marchandises en question consiste essentiellement en la reproduction d'une bande maîtresse sur une vidéocassette, le Tribunal conclut que les activités de VTR dépassent de beaucoup le champ d'application de l'alinéa 2(1)f). En ce sens, quoique VTR ait fait de l'emballage dans une certaine mesure, le Tribunal conclut qu'il n'«agissait (pas) pour le compte de» l'appelant et qu'il n'a nullement préparé les «marchandises pour la vente en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, ou en les enduisant ou les finissant». VTR, en effet, était bel et bien le producteur des marchandises qui devaient être emballées par la suite. L'emballage des vidéocassettes effectué par VTR, même avec les pochettes de carton fournies par l'appelant, n'a rien changé au fait que le rôle de VTR consistant d'abord et avant tout à fournir les marchandises produites à l'appelant.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l'appelant n'était pas le producteur ou le fabricant des vidéocassettes pendant la période de remboursement et admet l'appel.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15, dans sa version modifiée.

2. Tribunal canadien du commerce extérieur, appels nos AP-90-169 et AP-91-100, le 20 mars 1992, à la page 3.

3. L.R.C. (1985), ch. 12 (3e suppl.), dans sa version modifiée.

4. [1968] R.C.S. 140.

5. 73 D.T.C. 5013.

6. L.C. (1986), ch. 9, art. 1.

7. [1950] C.T.C. 440.

8. Ibid., renvoi no 4, à la page 147.


Publication initiale : le 8 juillet 1997