TIMMINS TIRE SALES LTD.

Décisions


TIMMINS TIRE SALES LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° AP-90-107

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 10 février 1992

Appel n ° AP - 90 - 107

EU ÉGARD à un appel entendu le 9 octobre 1991 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD à une décision rendue par le ministre du Revenu national le 26 juin 1990 relativement à un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

TIMMINS TIRE SALES LTD. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Le Tribunal renvoie la cotisation au ministre du Revenu national qui déterminera quel pourcentage des rabais de masse correspond aux ventes exemptées de taxe. Les rabais de masse doivent être soustraits du prix de gros des pneus afin de déterminer le prix de vente réel sur lequel la taxe était payable et, par conséquent, le montant de la taxe de vente payée par l'appelante sur les pneus exemptés et qu'elle avait le droit de se faire rembourser.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelante, Timmins Tire Sales Ltd. (Timmins), est un grossiste en pneus de Timmins (Ontario). C'est un important distributeur de la compagnie Goodyear Tires (Goodyear), laquelle lui fournit environ 95 p. 100 des pneus qu'elle écoule. Environ 10 p. 100 des ventes de pneus de Timmins sont exemptées de taxe, et la société avait coutume de déduire immédiatement le prix de la taxe de vente fédérale du prix facturé au client. La taxe étant incluse dans le prix des pneus achetés à Goodyear par Timmins, celle - ci a demandé un remboursement de la taxe qu'elle avait payée sur les ventes exemptées.

La formule adoptée par Timmins pour les remboursements a été élaborée avec l'aide de vérificateurs du ministère du Revenu national, Douanes et Accise (Revenu Canada). Pendant plusieurs années, Revenu Canada a accepté toutes les demandes de remboursement déposées et en a fait le traitement, et n'a jamais mis en question la méthode adoptée par Timmins pour demander les remboursements ni les calculs faits par celle - ci en conséquence. Cependant, une cotisation a été établie à l'égard de Timmins pour la raison qu'elle avait utilisé «un facteur fiscal incorrect» [traduction] dans le calcul de ses remboursements et qu'elle n'avait pas tenu compte des rabais de masse consentis par Goodyear.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal renvoie la cotisation au ministre du Revenu national qui déterminera quel pourcentage des rabais de masse correspond aux ventes exemptées de taxe. Ces rabais de masse doivent être soustraits du prix de gros des pneus afin de déterminer le prix de vente réel sur lequel la taxe était payable et, par conséquent, le montant de la taxe de vente payée par l'appelante sur les pneus exemptés et qu'elle avait le droit de se faire rembourser.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 9 octobre 1991 Date de la décision : Le 10 février 1992
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Bernard G. Roach, pour l'appelante Gilles Villeneuve, pour l'intimé





L'appelante, Timmins Tire Sales Ltd. (Timmins), est un grossiste en pneus de Timmins (Ontario) dont le chiffre d'affaires est de l'ordre de cinq à six millions de dollars par an. C'est un important distributeur de la compagnie Goodyear Tires (Goodyear), laquelle lui fournit environ 95 p. 100 des pneus qu'elle écoule. M. Ron Smith, qui occupait les fonctions de chef de bureau et de comptable pour l'appelante pendant la période de vérification, a témoigné lors de l'audience qu'environ 10 p. 100 des ventes de pneus de l'appelante étaient effectuées en franchise de taxe auprès d'acheteurs de l'industrie forestière qui avaient droit à des exemptions de taxe sur l'achat de machines et d'équipements. Lorsqu'une vente exemptée était conclue, la partie du prix facturé correspondant à la taxe de vente fédérale était immédiatement déduite. Comme la taxe était incluse dans le prix des pneus achetés à Goodyear par Timmins, celle-ci demandait chaque mois au ministère du Revenu national, Douanes et Accise (Revenu Canada) le remboursement de la taxe qu'elle avait payée sur les ventes exemptées.

Entre 1985 et 1988, Revenu Canada a effectué environ 12 vérifications sur place de l'activité commerciale de l'appelante. Dans leur déposition, M. Smith et M. Jim Martin, ce dernier étant le secrétaire-trésorier de Timmins pendant la période de vérification et le détenteur actuel de la totalité des actions de Timmins, ont soumis, à titre d'élément de preuve, que la formule adoptée par Timmins pour calculer les remboursements avait été élaborée avec l'aide des vérificateurs de Revenu Canada. Revenu Canada avait accepté toutes les demandes de remboursement déposées, en avait fait le traitement et n'avait jamais remis en question la méthode de demande de remboursement adoptée par l'appelante ni les calculs faits par celle-ci. Cependant, la formule de remboursement a été mise en cause à l'occasion d'une vérification effectuée par un nouveau vérificateur.

Aux termes d'un avis de cotisation datant du 8 février 1989 et couvrant la période allant du 1er juillet 1985 au 31 mai 1988, Revenu Canada a établi à l'égard de l'appelante une cotisation d'un montant total de 54 115,79 $. La cotisation était fondée sur le fait que l'appelante aurait utilisé un «facteur fiscal incorrect» [traduction] dans le calcul de ses remboursements. Dans l'avis de dE9‚cision, le ministre du Revenu national (le Ministre) a confirmé la cotisation, ajoutant que l'appelante n'avait pas tenu compte, dans le calcul de ses remboursements, des rabais de masse consentis par Goodyear.

M. Martin a témoigné qu'il fut un temps où Goodyear comptabilisait séparément le montant de la taxe de vente inclus dans le prix de chaque pneu vendu à Timmins. Cependant, cette pratique avait cessée et il était devenu nécessaire de faire une évaluation du montant de la taxe de vente fédérale contenue dans les prix. Cette évaluation était rendue compliquée par l'existence d'un rabais de masse consenti à l'appelante par Goodyear. Ce rabais était fondé sur la vente en grande quantité de pneus destinés à des véhicules de tourisme, à des camions légers, à des camions lourds et à des véhicules agricoles. Deux fois par année, Timmins recevait de Goodyear un crédit de 12 000 à 15 000 $, dont le reçu ne portait que la mention «product bonus», et n'indiquait pas quel montant avait trait à des ventes exemptées.

Lorsque Timmins demandait à Revenu Canada le remboursement de cette taxe de vente, elle ne savait pas quel était le montant du rabais de masse. Elle ne pouvait pas non plus déterminer quelle partie du crédit correspondait à des ventes exemptées. M. Martin a témoigné qu'il était impossible de savoir exactement combien un pneu avait coûté. Timmins ne déduisait pas les rabais de masse et demandait un remboursement de la taxe de vente contenue dans le prix de gros des pneus. Le témoin a déclaré que les vérificateurs de Revenu Canada étaient au courant de la méthode utilisée par l'appelante pour calculer le remboursement de la taxe de vente auquel elle avait droit.

Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

1) l'appelante a-t-elle correctement calculé les remboursements de taxe de vente auxquels elle avait droit; et, dans la négative,

2) l'adoption par Revenu Canada, dans la cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelante, d'un mode de calcul différent de celui qui était utilisé par celle-ci après que ce mode ait été approuvé implicitement par les agents de Revenu Canada dans le cadre d'une série de vérifications est-il irrecevable pour cause d'estoppel?

L'avocat de l'appelante a soutenu que Timmins avait correctement calculé le montant de la taxe de vente qu'elle avait le droit de se faire rembourser, eu égard aux dispositions de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) [1] et au conseil reçu des vérificateurs de Revenu Canada qui avaient travaillé sur place. L'avocat a soumis que la cotisation était arbitraire et dénuée de fondement législatif.

L'avocat a déclaré, en outre, qu'ayant examiné, évalué et accepté les calculs des remboursements faits par l'appelante pendant trois ans et effectué de nombreuses vérifications sur place, Revenu Canada ne peut, pour cause d'estoppel, revenir sur sa position. Si Revenu Canada revenait sur sa position, cela serait inéquitable et plongerait l'appelante dans de graves difficultés financières. L'avocat a reconnu que la Couronne ne peut pas être liée par les observations ni par les interprétations données aux contribuables par des représentants de Revenu Canada et qui sont incompatibles avec la Loi et les règlements. Il a soutenu, cependant, que cette exception à la règle de l'estoppel ne s'applique pas ici, attendu que la Loi ne fournit aucune indication sur la façon de calculer un remboursement de taxe, et que ni la Loi, ni aucun règlement ne précise qu'il devrait être tenu compte des rabais de masse.

Pour sa part, l'avocat de l'intimé a soutenu que c'est à l'appelante qu'il incombe d'établir que la cotisation est erronée. L'avocat a représenté que les témoins de l'appelante ont admis qu'il n'avait pas été tenu compte des rabais de masse dans le calcul des remboursements de taxe et que, par conséquent, les remboursements étaient supérieurs à la taxe payée sur les pneus. De plus, l'avocat a soutenu que la disposition d'estoppel ne s'applique pas contre la Couronne et que le Tribunal ne dispose pas d'une juridiction d'équité.

Goodyear a vendu des pneus à Timmins sur la base d'un prix de gros qui, selon M. Martin, était identique pour tous les distributeurs au Canada. Le témoin a déclaré, en outre, que le prix réel d'un pneu payé par un distributeur était fonction du volume de pneus achetés à Goodyear. C'est le rabais de masse accordé par Goodyear qui faisait qu'un distributeur payait moins que le prix de gros d'un pneu.

Aux termes de l'article 50 de la Loi, la taxe est imposée sur le «prix de vente» (ou la quantité vendue) de toutes les marchandises produites ou fabriquées au Canada. Dans la présente cause, le «prix de vente» correspond au prix réel payé par Timmins pour les pneus, lequel est fonction du prix de gros moins tout rabais de masse consenti. Aux termes de la Loi, Timmins était tenue de calculer le rabais de masse lié aux ventes exemptées et de réduire en proportion le montant des remboursements demandés. La difficulté de cette tâche, pas plus que les observations d'un vérificateur de Revenu Canada, n'affranchissent le contribuable de l'obligation de s'en acquitter. L'appelante n'ayant pas tenu compte des rabais de masse dans ses demandes de remboursement, elle s'est fait rembourser des sommes supérieures à la taxe payée. Aux termes de l'article 81.39 de la Loi, ces paiements en trop sont réputés êtres des taxes en vertu de la Loi et sont payables par l'appelante.

De l'avis du Tribunal, compte tenu des ventes dont a fait état l'appelante et qui n'ont pas été contestées par l'avocat de l'intimé, l'évaluation faite par Revenu Canada de la taxe due semble considérablement exagérée. Comme l'ont fait remarquer les témoins de l'appelante, une partie seulement des rabais de masse a trait à des ventes exemptées. Cependant, compte tenu de l'ampleur de la cotisation, il est possible que, dans l'établissement de cette dernière, une partie excessive des rabais ait été reliée à des ventes exemptées.

L'avocat de l'intimé n'a appelé aucun témoin, quoique l'avocat de l'appelante ait eu l'intention de faire un contre-interrogatoire du vérificateur à l'origine de la vérification ayant abouti à la cotisation. À cet égard, l'avocat de l'appelante a informé le Tribunal qu'il avait été avisé du fait que ce vérificateur serait présent à l'audience, et qu'il avait donc compté sur la présence de celui-ci. Cependant, contrairement aux assurances données, le vérificateur n'était pas présent à l'audience. Les efforts de l'avocat s'en sont trouvés contrariés, et le Tribunal n'a pu bénéficier de l'aide que le vérificateur aurait pu lui fournir.

En conséquence, l'appel est admis. Le Tribunal renvoie la cotisation au Ministre qui déterminera quel pourcentage des rabais de masse correspond aux ventes exemptées de taxe. Les rabais de masse doivent être soustraits du prix de gros des pneus afin de déterminer le prix de vente réel sur lequel la taxe était payable et, par conséquent, le montant de la taxe de vente payée par l'appelante sur les pneus exemptés et qu'elle avait le droit de se faire rembourser.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.


Publication initiale : le 8 juillet 1997