ÉLECTRICITÉ STANDARD INC.

Décisions


ÉLECTRICITÉ STANDARD INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° AP-90-001

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 4 février 1992

Appel n ° AP-90-001

EU ÉGARD À un appel entendu le 12 novembre 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 12 janvier 1990 relativement à un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ÉLECTRICITÉ STANDARD INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les câbles de traction, les sectionneurs, les cosses de câbles et les pièces de jonction exothermiques en métal de dérivation en question ne sont pas admissibles à l'exemption fiscale prévue pour le «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer» conformément à l'article 3 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.


John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le présent appel vise à déterminer si le matériel et les câbles en question sont admissibles à l'exemption fiscale prévue pour le «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer» conformément à l'article 3 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 12 novembre 1991 Date de la décision : Le 4 février 1992
Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant W. Roy Hines, membre Michèle Blouin, membre
Avocat pour le Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Colin R. Kingsford, pour l'appelante Alain Lafontaine, pour l'intimé





Le présent litige porte sur la question de savoir si le matériel qui alimente en électricité les rails «collecteurs» du métro de Montréal est un «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer» conformément à l'article 3 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi). La version anglaise de cette disposition se lit comme suit :

Railway locomotives and railway rolling stock including equipment specially designed for movement on railway tracks; rail flaw detector apparatus for testing rail in railway tracks.

La version française de ce paragraphe est ainsi rédigée :

Locomotives et matériel ferroviaire roulant y compris le matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer; appareils servant à détecter les défauts des voies de chemin de fer.

En 1985, l'appelante a conclu un marché avec la Communauté urbaine de Montréal (CUM) en vue de la prestation et de l'installation de produits électriques dans le cadre d'un projet d'agrandissement du réseau de métro de la CUM. Ces produits comprennent des câbles de traction, des sectionneurs, ainsi que du matériel accessoire.

L'appelante a rempli le marché et a déposé une demande de remboursement (au montant de 13 427,72 $) de la taxe de vente fédérale payée par elle sur l'achat du matériel en question. L'appelante soutenait que les marchandises étaient exemptées de taxe de vente conformément à la disposition législative mentionnée ci-dessus. Les agents du ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise (Revenu Canada) et le ministre du Revenu national (le Ministre) ont rejeté cette demande. L'appelante a alors fait appel de la décision du Ministre auprès du Tribunal.

M. Louis Melamed, l'évaluateur des coûts relatifs au marché en question, a témoigné à l'audience pour le compte de l'appelante. Selon ce témoin, les marchandises en cause sont utilisées de la manière suivante : il y a, à chaque station de métro, un redresseur qui convertit le courant de 15 000 V reçu en courant de 750 V. Les câbles de traction en question, qui ont été spécialement conçus pour le marché d'agrandissement du métro de Montréal, sont utilisés exclusivement pour transmettre ce courant électrique aux rails collecteurs par l'intermédiaire de sectionneurs. En d'autres termes, il s'agit de lignes d'énergie électrique spécialisées.

Chaque wagon de métro est pourvu d'un «collecteur» qui, comme son nom l'indique, se déplace le long des rails et «ramasse» le courant contenu dans ceux-ci. L'énergie électrique est alors transférée des collecteurs au moteur électrique dont est muni chaque wagon.

Le témoin a déclaré également que les sectionneurs ont un fonctionnement très comparable à celui des interrupteurs de lampe domestiques. Ils sont utilisés pour interrompre et rétablir le flux de courant électrique qui va du redresseur de la station de métro aux rails collecteurs. Le matériel accessoire en question consiste en «terminaisons» utilisées pour «terminer» les câbles entre le redresseur et les sectionneurs, ainsi qu'entre ces sectionneurs et les rails collecteurs.

M. Melamed a témoigné que la seule fonction de ces produits est d'alimenter les wagons de métro en énergie électrique. Il a déclaré qu'en réalité, les wagons de métro ne fonctionneraient pas sans le matériel en question. Il a dit aussi qu'aucune des marchandises en cause ne se déplace le long des rails : elles sont, en fait, immobiles et ont été conçues pour que ce soient les wagons de métro qui se déplacent le long des rails.

Selon l'appelante, le paragraphe d'exemption en question doit être interprété selon l'intention du Parlement. Il n'est guère possible que le Parlement ait eu l'intention de limiter l'exemption uniquement au matériel qui se déplace sur des rails de chemin de fer. Ce type de matériel est déjà implicitement contenu dans l'expression «locomotives et matériel ferroviaire roulant». En d'autres termes, une interprétation aussi étroite de ce paragraphe aurait pour effet de rendre redondante l'expression «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer».

L'appelante a suggéré que le Parlement avait pour intention que soient incluses, dans l'expression «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer», des marchandises qui ne se déplacent pas le long de rails de chemin de fer, mais qui font néanmoins partie intégrante du processus de déplacement du matériel le long de ces rails. Les marchandises en cause font partie de la «centrale d'énergie» nécessaire au déplacement des wagons de métro et, à ce titre, sont du «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer».

Pour sa part, l'intimé a soutenu que deux conditions doivent être observées pour que les marchandises soient exemptées de la taxe de vente. Tout d'abord, les marchandises doivent être du «matériel»; or, l'intimé a affirmé qu'elles ne peuvent être ainsi caractérisées.

Plus encore, même si les marchandises sont du «matériel», la loi prévoit qu'elles doivent être également destinées à «être déplacées sur des rails de chemin de fer», et non à «déplacer du matériel sur des rails de chemin de fer». En d'autres termes, a soutenu l'intimé, la question de savoir si le matériel est conçu pour le déplacement d'un autre matériel sur des rails de chemin de fer est non pertinente. Il faut que le matériel lui-même soit spécifiquement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer. L'intimé a fait valoir que la version française du paragraphe d'exemption est claire à cet égard. Il a, en outre, soutenu que le Parlement avait pour intention que l'expression «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer» vise les wagons plats, les wagons couverts, les fourgons de queue et le matériel d'entretien des rails.

Après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments de l'une et l'autre partie, le Tribunal est d'avis que l'appel doit être rejeté. La présente cause porte essentiellement sur la portée de l'expression «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer» qui apparaît dans le paragraphe d'exemption en question. Afin de déterminer si cette expression peut être définie comme incluant les marchandises en cause, le Tribunal s'est penché sur le contexte législatif de l'article 3 de la partie XVII de l'annexe III ainsi que sur la version française de ce paragraphe d'exemption, qui fait également autorité.

La partie XVII est intitulée «Matériel de transport». Elle comprend une grande variété d'articles tels que les tracteurs routiers, remorques de camion, locomotives et matériel ferroviaire, véhicules automobiles et véhicules articulés conçus pour le transport de passagers, autobus ou fourgonnettes équipés pour le transport de personnes handicapées, autobus scolaires, aéronefs pour le transport des personnes, aéroglisseurs conçus pour transporter des passagers, navires et autres vaisseaux.

Ainsi que le titre «Matériel de transport» de la partie XVII l'indique implicitement, le Tribunal considère que l'élément commun à toutes les marchandises visées par cette partie est que le matériel mentionné dans celle-ci est utilisé lui - même pour transporter des marchandises ou des personnes. Si l'article 3 de la partie XVII est interprété conformément à ce contexte législatif, il s'ensuit que le Parlement avait pour intention que le mot «matériel», dans l'expression «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer», s'entendrait du matériel qui, en lui-même, est spécialement conçu pour transporter des marchandises ou des personnes au moyen de rails de chemin de fer.

La version française de l'article 3 de la partie XVII est conforme à la version anglaise et au contexte général de la partie XVII exposé ci-dessus. La version française des termes «equipment specially designed for movement on railway tracks» est «matériel spécialement conçu pour être déplacé sur des rails de chemin de fer». Dans la version française, l'expression en question ne vise que le matériel qui a été spécialement conçu «pour être déplacé» sur des rails de chemin de fer.

Compte tenu des restrictions statutaires imposées par l'article 3 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi exposées ci-dessus, et compte tenu qu'aucune des marchandises en question ne se déplace sur les rails du métro, le Tribunal considère que l'appel ne peut être admis. L'appel est rejeté.


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Publication initiale : le 7 juillet 1997