ROYAL TELECOM INC.

Décisions


ROYAL TELECOM INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel n° AP-90-027

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 5 avril 1991

Appel n ° AP-90-027

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 février 1991 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 29 mars 1990 au sujet d'une demande de nouvelle détermination déposée conformément à l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ROYAL TELECOM INC. Appelante

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8517.10.00 comme postes téléphoniques d'usagers.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le présent appel est interjeté, en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes, d'une nouvelle détermination du sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous - ministre), classant les marchandises en cause comme postes téléphoniques d'usagers dans le numéro tarifaire 8517.10.00. L'appelante demande qu'il soit déclaré que les marchandises doivent être classées dans la sous - position tarifaire 8525.20 comme appareils d'émission pour la radiotéléphonie. Le Sous - ministre considère que le téléphone sans cordon constitue une combinaison de machines devant servir d'abord et avant tout à la téléphonie par fil, puisqu'il doit être relié au réseau de téléphonie filaire pour être pleinement opérationnel. L'appelante soutient que les marchandises en cause sont des appareils d'émission pour la radiotéléphonie parce que le combiné et le bloc de base contiennent un émetteur récepteur et sont reliés par des ondes radioélectriques à modulation de fréquence (FM) de faible énergie.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8517.10.00 comme postes téléphoniques d'usagers.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 21 février 1991 Date de la décision : Le 5 avril 1991
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat du Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : D.T. Mulholland, pour l'appelante Ian M. Donahoe, pour l'intimé
Jurisprudence : IMS International Mailing Systems Ltd. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise (1988), 18 C.E.R. 57 (Commission du tarif); The Trimont Corporation Ltd. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise (1961), 2 R.C.T. 244 (Commission du tarif).






LA QUESTION EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Le présent appel est interjeté, en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes [1] (la Loi), par Royal Telecom Inc., à l'encontre d'une nouvelle détermination faite par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 8517.10.00 comme postes téléphoniques d'usagers destinés à la téléphonie par fil. La question est de savoir si les postes téléphoniques sans cordon de types EXCXX-Excursion et Royal Telecom, qui tous deux comprennent un émetteur récepteur dans le combiné et le bloc de base et sont reliés par des ondes radioélectriques à modulation de fréquence (FM) de faible énergie, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8517.10.00 comme postes téléphoniques d'usagers destinés à la téléphonie par fil ou si, comme l'appelante le soutient, ils devraient être classés dans la sous-position tarifaire 8525.20 comme appareils d'émission pour la radiotéléphonie.

Il s'agit plus particulièrement de déterminer si les téléphones doivent être classés comme radiotéléphones parce que le combiné et le bloc de base sont reliés par des signaux radioélectriques ou s'ils doivent être définis comme téléphones filaires parce qu'ils doivent être reliés au réseau téléphonique commuté public pour établir des communications en tant que téléphones.

Pour les fins du présent appel, les dispositions pertinentes du Tarif des douanes [2] sont les suivantes :

10. Le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire de l'annexe I est effectué, sauf indication contraire, conformément aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et des Règles canadiennes énoncées à cette annexe.

11. Pour l'interprétation des positions et sous - positions de l'annexe I, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière, organisme créé par la Convention portant création d'un Conseil de coopération douanière faite à Bruxelles le 15 décembre 1950 et à laquelle le Canada est partie.

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RÈGLES GÉNÉRALES POUR L'INTERPRÉTATION

DU SYSTÈME HARMONISÉ

...

RÈGLE 1

LE LIBELLÉ DES TITRES DE SECTIONS, DE CHAPITRES OU DE SOUS - CHAPITRES EST CONSIDÉRÉ COMME N'AYANT QU'UNE VALEUR INDICATIVE, LE CLASSEMENT ÉTANT DÉTERMINÉ LÉGALEMENT D'APRÈS LES TERMES DES POSITIONS ET DES NOTES DE SECTIONS OU DE CHAPITRES ET, LORSQU'ELLES NE SONT PAS CONTRAIRES AUX TERMES DESDITES POSITIONS ET NOTES, D'APRÈS LES RÈGLES SUIVANTES.

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ANNEXE I

Section XVI

...

Notes.

...

3. Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d'espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu'un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l'ensemble.

...

5. Pour l'application des Notes qui précèdent, la dénomination «machines» couvre les machines, appareils, dispositifs, engins et matériels divers cités dans les positions des Chapitres 84 ou 85.

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85.17 Appareils électriques pour la téléphonie ou la télégraphie par fil, y compris les appareils de télécommunication par courant porteur.

8517.10.00 - Postes téléphoniques d'usagers

85.25 Appareils d'émission pour la radiotéléphonie, la radiotélégraphie, la radiodiffusion ou la télévision, même incorporant un appareil de réception ou un appareil d'enregistrement ou de reproduction du son; caméras de télévision.

8525.20 - Appareils d'émission incorporant un appareil de réception

Pour les besoins du présent appel, les dispositions pertinentes des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises sont les suivantes :

Section XVI

...

Notes de la Section.

...

VI. - MACHINES À FONCTIONS MULTIPLES; COMBINAISONS DE MACHINES

...

En règle générale, une machine conçue pour assurer plusieurs fonctions différentes est classée suivant la fonction principale qui la caractérise.

...

Il en est de même des combinaisons de machines formées par l'association, sous la forme d'un seul corps, de plusieurs machines ou appareils d'espèces différentes exerçant, successivement ou simultanément, des fonctions distinctes et généralement complémentaires, visées dans des positions différentes de la Section XVI.

...

LA PREUVE

Depuis environ le 1er juin 1988 jusque vers le milieu du mois de novembre de la même année, l'appelante a importé au Canada cinq chargements de téléphones sans cordon de Hong Kong et des États-Unis par le port d'entrée de Toronto. Il s'agissait de deux modèles de téléphone sans cordon, à savoir le EXCXX-Excursion et le Royal Telecom 32025. Au moment de l'importation, les marchandises faisant partie de chaque chargement ont été classées dans le numéro tarifaire 8517.10.00 comme postes téléphoniques d'usagers destinés à la téléphonie par fil et, en conséquence, ont été assujetties au tarif douanier pertinent.

Aux termes de l'alinéa 60(1)a) de la Loi, l'appelante a demandé, le 24 août 1989, une nouvelle détermination du classement tarifaire de quatre des cinq chargements, puis, le 28 août 1989, du cinquième. De la fin du mois de septembre jusqu'au début du mois de novembre 1989, les nouvelles déterminations ont été renvoyées à l'appelante, chacune d'entre elles faisant état du fait que les téléphones sans cordon étaient correctement classés dans le numéro tarifaire 8517.10.00.

Le 14 décembre 1989, l'appelante a déposé encore une demande de nouvelle détermination du classement tarifaire en vertu de l'alinéa 63(1)a) de la Loi. Le 29 mars 1990, le Sous-ministre a effectué la nouvelle détermination confirmant le classement tarifaire.

Le 7 juin 1990, l'appelante a interjeté appel auprès du Tribunal.

L'appelante a commencé à déposer des preuves par l'intermédiaire d'un technicien en génie électronique, M. Ron Wain, diplômé du Conestoga College of Applied Arts and Technology. M. Wain occupe les fonctions de directeur des opérations à la Royal Telecom Inc. de Calgary (Alberta). Le témoin a déposé en preuve qu'un poste téléphonique à cordon pourvu d'un combiné câblé ne comporte pas l'émission de signaux radioélectriques à haute fréquence (HF), contrairement aux postes téléphoniques cellulaires et aux postes téléphoniques sans cordon. Dans ces deux derniers cas, l'énergie acoustique est convertie en ondes radioélectriques transmises entre un élément portatif et un bloc de base. Les ondes radioélectriques sont démodulées dans le bloc de base et reconverties en énergie électrique, puis introduites dans le réseau téléphonique commuté public. Le témoin a déposé en preuve des éléments tendant à montrer que le téléphone cellulaire doit toujours être branché sur le réseau public pour établir une communication téléphonique, de même que le téléphone sans cordon.

M. Wain a déposé, en outre, que la majorité des circuits électroniques du combiné portatif sont constitués de circuits HF qui ne sont propres ni aux téléphones à cordon, ni aux téléphones sans cordon. La plupart des circuits du bloc de base du téléphone de modèle Excursion 1 (pièce A-1) sont également à haute fréquence. À une question du Tribunal, le témoin de l'appelante a répondu que le combiné portatif est totalement constitué d'un émetteur radioélectrique alors que le bloc de base est une combinaison d'un téléphone et d'un émetteur radioélectrique.

Le deuxième témoin de l'appelante était M. Blaine C. Gray, bachelier en sciences (ingénierie) de l'University of Western Ontario. M. Gray est gestionnaire du contrôle de la qualité pour la SGS Standards Approval and Compliance Inc. de Mississauga (Ontario). Le témoin a présenté en preuve le fait que le ministère des Communications et l'Association canadienne de normalisation (CSA) font une différence entre les téléphones sans cordon qui émettent des signaux radioélectriques et des signaux audiofréquences, et les téléphones à cordon qui n'émettent que des signaux audiofréquences. La principale norme de classement des téléphones sans cordon est la norme C22.2, n° 1, du CSA, intitulée «appareils de radio, appareils de télévision et appareils électriques à alimentation électrique». Par contre, le téléphone à cordon normal est classé sous la norme C22.2, n° 225-M, du CSA, intitulée «équipement de télécommunication».

Le premier témoin de l'intimé était M. Tho Le-Ngoc, qui est titulaire d'un doctorat avec spécialisation en télécommunication numérique de l'Université d'Ottawa. M. Le-Ngoc est actuellement professeur agrégé au département de génie électrique et de génie informatique de la Concordia University. Pour contrer l'argument de l'appelante fondé sur l'analogie entre les téléphones cellulaires et les téléphones sans cordon, le témoin a déposé en preuve les différences entre ces deux systèmes. La différence la plus évidente est que le combiné sans cordon n'est compatible qu'avec un seul bloc de base, alors que le bloc de base desservant les t 9‚léphones cellulaires peut fonctionner avec des types nombreux de combinés portatifs. Sur le plan proprement technique, le lien HF entre le combiné et le bloc de base des téléphones sans cordon est appelé communication de point à point, c'est-à-dire en mode bilatéral. Dans le cas des téléphones cellulaires, le lien HF entre l'élément portatif et le bloc de base est appelé communication point à multipoints, ce qui veut dire que l'élément de base peut communiquer avec tout élément portatif du système cellulaire.

En outre, le bloc de base du système cellulaire offre une technique d'accès multiple appelée commutation téléphonique. Par conséquent, le lien HF remplit tout à la fois une fonction de communication et une fonction de commutation. Par contre, le bloc sans cordon ne remplit pas cette fonction de commutation, et le signal HF ne sert qu'à remplacer le cordon.

Contredisant en cela le témoin de l'appelante, M. Le-Ngoc a déposé en preuve qu'il n'est pas nécessaire à un système téléphonique cellulaire d'être branché sur le réseau téléphonique commuté public pour qu'une communication s'établisse entre deux téléphones cellulaires desservis par le même bloc de base. Ce n'est pas le cas des téléphones sans cordon qui doivent toujours être branchés sur le système public.

Le second témoin de l'intimé était M. William A. Claypole. M. Claypole est gestionnaire au Service de la nomenclature internationale du Programme des douanes du ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise. Il est également le délégué de Douanes et Accise aux réunions du Comité du Système harmonisé qui se tiennent à Bruxelles. Il a déposé en preuve le classement des téléphones sans cordon dans la Communauté économique européenne et dans d'autres pays. Il a également déposé en preuve les recommandations récentes du sous-comité d'examen du Comité du Système harmonisé visant à modifier la nomenclature du Tarif des douanes de façon à classer les téléphones sans cordon dans la position tarifaire 85.17.

L'ARGUMENTATION

Lors de l'audience, l'appelante a présenté deux arguments principaux appuyant l'opinion voulant que les téléphones sans cordon devraient être classés dans la position 85.25. Le principal argument était que les téléphones sans cordon, tout comme les téléphones cellulaires, fonctionnent au moyen de signaux HF, et que les téléphones cellulaires sont classés dans la position 85.25. Toujours à l'appui de cet argument, l'appelante a soutenu que la plupart des composantes électriques d'un téléphone sans cordon ont trait à la fonction d'émission de signaux HF, et qu'en outre la CSA classe les téléphones sans cordon dans la catégorie des équipements radioélectriques. L'appelante a soutenu, en outre, qu'aux États-Unis les téléphones sans cordon étaient classés dans la position 85.25 depuis 1989 et que les classements tarifaires en vigueur dans les autres pays devaient être pris en considération.

L'appelante a insisté sur les similitudes entre les téléphones cellulaires et les téléphones sans cordon. Dans l'un et l'autre cas, l'énergie acoustique est convertie en ondes radioélectriques qui sont alors échangées entre un élément portatif et un bloc de base dans lequel les ondes sont démodulées et transformées de nouveau en énergie électrique puis introduites dans le réseau téléphonique commuté public. L'appelante a soutenu qu'à ce titre, les deux types de téléphone pouvaient être considérés comme semblables en ce qui a trait à leur rapport avec le système public. De plus, le téléphone cellulaire étant classé dans la position tarifaire 85.25, il devait en être de même des téléphones sans cordon.

L'appelante a soutenu également que le classement des téléphones sans cordon dans la catégorie de l'équipement radioélectrique par la CSA est un élément de grande signification pour le classement tarifaire. Les téléphones sans cordon devant répondre à des normes de services radio, contrairement aux téléphones à cordon, il serait plus naturel de les classer, aux fins des tarifs douaniers, comme appareils pour la radiotéléphonie.

L'appelante a soutenu de plus que, comme la plupart des circuits électroniques des téléphones sans cordon sont des circuits HF, lesquels ne sont propres ni aux téléphones à cordon, ni aux téléphones sans cordon, le classement tarifaire devrait tenir compte de ce fait et que les marchandises en cause devraient être classées comme appareils d'émission pour la radiotéléphonie.

Pour étayer son argument, l'appelante a extrait de dictionnaires la définition de plusieurs termes parmi lesquels : «transceiver» (poste émetteur récepteur), «telephony» (téléphonie), «radio - telephony» (radiotéléphonie), «radio telephone» (émetteur radiotéléphonique) et «radio frequency» (haute fréquence). L'appelante a plus particulièrement attiré l'attention du Tribunal sur deux termes : «radio frequency» (haute fréquence), qui est défini dans le Webster's Third New International Dictionary comme «an electro magnetic wave frequency intermediate between audio frequency and infrared frequencies used in radio and television transmission» (fréquence d'onde électromagnétique intermédiaire entre l'audiofréquence et les fréquences infrarouges utilisées lors de transmissions radioélectriques et télévisuelles); et «radio-telephony» (radiotéléphonie), qui est défini dans le même dictionnaire comme «telephony carried on by the aid of radio waves without connecting wires» (téléphonie effectuée par ondes radioélectriques sans fil de connexion). L'appelante n'a pas développé cet argument terminologique au cours de l'audience. Cependant, dans son mémoire, après avoir cité les définitions en question et informé le Tribunal du fait que les marchandises en cause émettaient des signaux radioélectriques sur des fréquences de 30 à 300 MHz, l'appelante a conclu qu'il conviendrait de classer les marchandises dans la position tarifaire 85.25.

L'intimé a souligné le fait que les marchandises fonctionnent en rapport avec le réseau téléphonique commuté public, dans le cadre duquel les communications sont effectuées d'abord et avant tout par fil. Tout en concédant que le bloc de base et le combiné sont reliés par des signaux radioélectriques à modulation de fréquence, l'intimé a souligné que ces signaux sont convertis en impulsions électriques et introduits dans le réseau téléphonique. L'intimé a fait valoir que c'est la connexion entre le bloc de base et le système téléphonique qui fait l'utilité de ce dispositif et définit la fonction principale des marchandises. Il a soutenu en outre que l'appelante néglige ce fait lorsqu'elle souligne que l'unité de base et le combiné échangent des signaux radioélectriques.

L'intimé a fait valoir que le téléphone sans cordon est une combinaison de machines constituées d'au moins deux machines de différentes sortes, adaptées les unes aux autres pour constituer un ensemble, et remplissant chacune des fonctions distinctes et complémentaires, selon la définition de la note 3 de la section XVI des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Toujours renvoyant à cette note, l'intimé a soutenu que ces combinaisons de machines sont classées selon leur principale fonction et que les marchandises en cause fonctionnent principalement dans le cadre du système public, dont la première caractéristique est précisément qu'il fonctionne par fil.

Contrairement à l'appelante qui prétendait que la classement américain des téléphones sans cordon doit être pris en considération aux fins du classement canadien, l'intimé a soutenu que le classement adopté par la Communauté économique européenne et les autres pays étrangers doit aussi être pris en considération. Il a soutenu qu'il semble que la grande majorité des pays classent ces marchandises dans la position tarifaire 85.17, et que les futures modifications au Système harmonisé refléteront cette réalité. L'intimé a soutenu en somme que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position relative aux téléphones filaires.

L'intimé a également souligné le fait que le bloc de base du téléphone sans cordon fait partie de la marchandise soumise au classement tarifaire et appartient à l'abonné du réseau public, alors que le classement des téléphones cellulaires ne vise pas la station fixe appartenant à une seconde partie et qui est passablement éloignée de l'élément portatif.

L'intimé a également demandé au Tribunal de considérer les marchandises sous tous leurs aspects pour déterminer quelle en est la nature exacte, sans se laisser éblouir par la «magie électronique».

Il a de plus fait valoir le fait que les marchandises en cause sont décrites en tant que téléphones dans l'usage courant et dans les définitions de dictionnaire fournies par l'appelante elle-même et qu'elles sont achetées et vendues comme téléphones et non comme dispositifs radioélectriques.

L'intimé concluait qu'à la lumière de ce qui précède, l'appel devrait être rejeté.

LES MOTIFS

Le Tarif des douanes contient un certain nombre de Règles générales d'interprétation du Système harmonisé visant à faciliter l'uniformisation du classement des marchandises échangées dans le monde. L'article 10 de la Loi prévoit que le classement des marchandises est effectué conformément aux Règles générales, sauf indication contraire. En employant l'expression «est effectué» dans l'article 10, le législateur indique que la référence aux Règles générales n'est pas facultative, mais bien obligatoire.

La règle 1 des Règles générales stipule, entre autres, que le classement est déterminé d'après les libellés des positions et des notes de sections ou de chapitres. Ce qui est en cause dans le présent appel, c'est la question de savoir si les marchandises devraient être classées dans la position tarifaire 85.17 comme «Appareils électriques pour la téléphonie... par fil... », ou, comme le réclame l'appelante, dans la position tarifaire 85.25 comme «Appareils d'émission pour la radiotéléphonie... ». Référant aux termes utilisés par chaque position, il est clair qu'il s'agit d'«appareils» destinés à la téléphonie, c'est-à-dire tout simplement d'appareils téléphoniques. La distinction fondamentale est celle qui sépare la téléphonie radioélectrique de la téléphonie par fil.

La décision The Trimont Corporation Ltd. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [3] mentionnée par l'intimé dans son mémoire contient la proposition selon laquelle il faut considérer, en matière des diverses dispositions de classement tarifaire, le sens courant des mots. Selon ce principe, la question est donc de savoir si les marchandises en cause sont le plus correctement classées, en prenant les mots dans leur sens ordinaire, comme radiotéléphones ou comme téléphones filaires. Cette proposition est renforcée encore par la thèse adoptée dans la décision IMS International Mailing Systems Ltd. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [4] , également citée par l'intimé dans son mémoire, et selon laquelle les éléments tarifaires doivent être définis selon la fonction première des marchandises en cause.

Contrairement aux téléphones portatifs, les téléphones sans cordon et les téléphones à cordon doivent, pour fonctionner, être reliés matériellement au système téléphonique commuté public. Quoique les téléphones sans cordon comportent une composante radioélectrique, il ne s'agit que d'une composante secondaire de l'appareil, lequel doit être relié au système filaire pour pouvoir établir la communication. Quoique cette composante radioélectrique accroisse le caractère pratique des marchandises en cause, il n'en demeure pas moins que celles-ci sont vendues, essentiellement, pour être utilisées dans le cadre de la téléphonie par fil.

Les téléphones radioélectriques et filaires ont leur propre position tarifaire et, par conséquent, un téléphone ne peut être classé dans les deux catégories à la fois. Il s'agit de savoir si la fonction première de l'appareil est définie par sa composante radioélectrique ou par sa composante filaire. Si une importance relative était accordée à ces deux caractéristiques et si les marchandises étaient classées en conséquence, les téléphones sans cordon seraient classés comme téléphones filaires car la composante radioélectrique des téléphones sans cordon ne fait que remplacer le cordon dont ils sont dépourvus. Ce classement est également des plus conformes à l'usage verbal courant.

Il est également possible de se pencher sur les définitions soumises par l'appelante. Dans le Webster's Third New International Dictionary, «radio-telephony» (radiotéléphonie) est défini comme «telephony carried on by the aid of radio waves without connecting wires» (téléphonie effectuée par ondes radioélectriques sans fil de connexion). Le terme «telephony» (téléphonie) est défini dans le Random House Dictionary comme «a system of telecommunication in which telephonic equipment is employed in the transmission of speech or other sound between points, with or without the use of wires» (un système de télécommunication par lequel un appareil téléphonique est employé pour la transmission de la parole ou d'autres sons entre points, par fil ou sans fil). Il est possible de conclure de ces deux définitions que la radiotéléphonie est un système de télécommunication dans lequel le son ou la parole sont transmis, sans liaison filaire, au moyen d'ondes radioélectriques. De toute évidence, aucune télécommunication n'est possible avec les téléphones sans cordon en question sans liaison filaire avec le système téléphonique commuté public. Par conséquent, il est possible de soutenir que les téléphones sans cordon ne sont pas des radiotéléphones classés comme «Appareils d'émission pour la radiotéléphonie... », et doivent être plus correctement considérés comme des téléphones filaires classés dans la position 85.17 parmi les «Appareils électriques pour la téléphonie... par fil... ».

Le Tribunal n'a pas trouvé convaincante l'analogie faite par l'appelante entre les téléphones cellulaires et les téléphones sans cordon. De nombreuses différences entre les deux systèmes ont été mises en évidence. La plus importante de ces différences tient au fait que le bloc de base du téléphone sans cordon fait partie de la marchandise soumise au classement tarifaire, alors que la station de base du téléphone cellulaire n'en fait pas partie. Le téléphone sans cordon, en tant qu'il est soumis au classement tarifaire, doit être relié par fil au système extérieur, alors que le téléphone cellulaire, en tant qu'il est soumis au classement tarifaire, est relié à l'extérieur par signaux radioélectriques.

Le Tribunal constate qu'il n'est pas lié par le classement tarifaire d'un pays étranger. Les recommandations qui ont pu être faites relativement aux futures modifications à apporter aux positions du Tarif des douanes sont également considérées comme non pertinentes.

Le Tribunal considère également comme non convaincant l'argument faisant état des normes de la CSA. Le Tribunal reconnaît que les marchandises en question comportent des composantes radioélectriques et que le classement des téléphones avec cordon et sans cordon sous différentes normes de la CSA ferait appel à des considérations distinctes de celles qui relèvent du classement tarifaire.

LA CONCLUSION

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les téléphones sans cordon sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8517.10.00 comme postes téléphoniques d'usagers.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée.

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), dans sa version modifiée.

3. (1961), 2 R.C.T. 244 (Commission du tarif).

4. (1988), 18 C.E.R. 57 (Commission du tarif).


Publication initiale : le 7 juillet 1997