BEACON CHRISTIAN HIGH SCHOOL

Décisions


BEACON CHRISTIAN HIGH SCHOOL
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-90-003

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 1er juin 1992

Appel n o AP-90-003

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 mars 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national datée du 23 mars 1990 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BEACON CHRISTIAN HIGH SCHOOL Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis et le Tribunal renvoie l'affaire au ministre du Revenu national aux fins de réexamen conforme aux motifs de sa décision.


Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Pour calculer son remboursement de taxe de vente en vertu de l'article 68.26 de la Loi sur la taxe d'accise, l'appelant a appliqué la «méthode simplifiée» à des coûts de main - d'oeuvre et au prix d'achat de matériaux totalisant environ 185 000 $, et la «méthode d'identification» à des achats de matériaux seulement totalisant environ 58 000 $. Ces derniers matériaux ont été acquis au prix coûtant de l'un des membres de l'association de l'appelant qui est propriétaire d'une entreprise de construction. La main - d'oeuvre n'a pas été facturée. Le litige porte sur la question de savoir si, pour calculer le montant du remboursement de la taxe de vente, l'appelant peut appliquer la «méthode d'identification» à une catégorie de factures et la «méthode simplifiée» aux autres factures établies pour le même projet de construction. Si la réponse est non, comment doit-on traiter les transactions portant sur des matériaux vendus au prix coûtant et la main-d'oeuvre fournie à titre gracieux pour l'application de l'article 76 de la Loi sur la taxe d'accise, du règlement y afférent et des politiques pertinentes?

DÉCISION : L'appel est admis. Aucune disposition du Mémorandum ET 406 ne précise que les types de transactions visées par le présent appel ont été pris en compte pour établir la «méthode simplifiée». En d'autres mots, la méthode simplifiée permet-elle de tenir compte adéquatement des transactions lorsque les coûts de main-d'oeuvre ne sont pas facturés et que les marchandises sont acquises au prix coûtant? Le Tribunal déclare que, en l'instance, la condition énoncée au paragraphe 3(2) du Règlement sur les formules utilisées pour les remboursements, selon laquelle le Ministre doit tenir compte «de la nature des parties en cause dans cette transaction» n'est pas remplie. Le Tribunal déclare, en outre, qu'une fois la nature de ces transactions et les parties en cause dans ces transactions pris en considération, il ne subsiste aucun motif valable justifiant l'ajout du montant de ces achats au «total des versements faits en vertu de contrats» auquel un facteur de réduction de 66 p. 100 sera appliqué. En conséquence, le Tribunal renvoie l'affaire au Ministre aux fins de réexamen conforme aux motifs de sa décision.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 mars 1992 Date de la décision : Le 1 er juin 1992 Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault Greffier : Janet Rumball





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) [1] . Le Tribunal constate que les parties ont déposé un énoncé conjoint des faits le 23 janvier 1992 et demandé au Tribunal de statuer sur l'affaire sur la foi des documents écrits conformément à l'article 25 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [2] .

L'appelant est un organisme de bienfaisance à but non lucratif et une école chrétienne. Entre le 30 juin 1987 et le 20 décembre 1988, il a construit une annexe à l'édifice abritant l'école. La taxe de vente fédérale a été payée sur les matériaux achetés par l'appelant ou en son nom pour le projet de construction. Selon l'avis d'opposition signifié par l'appelant, celui-ci a utilisé la «méthode simplifiée» pour calculer le remboursement de taxe de vente applicable à l'achat de main-d'oeuvre et de matériaux totalisant environ 185 000 $, et la «méthode d'identification» pour calculer ledit remboursement applicable aux achats de matériaux seulement totalisant environ 58 000 $. Ces derniers matériaux ont été acquis au prix coûtant de l'un des membres de l'association de l'appelant qui est propriétaire d'une entreprise de construction et qui n'a pas facturé de montant au titre de la marge bénéficiaire sur les matériaux ou des coûts de main-d'oeuvre. D'après l'énoncé conjoint des faits, l'appelant a donc réclamé un remboursement de 8 372,80 $ après l'application des deux méthodes. Revenu Canada a rejeté la demande et recalculé le remboursement uniquement à l'aide de la «méthode simplifiée», ce qui a réduit le remboursement de 1 588,14 $. L'appelant s'est opposé à cette décision, que l'intimé a pourtant confirmée en alléguant que [traduction] «la loi permet au requérant de ne choisir qu'une seule des méthodes prescrites dans le Mémorandum ET 406» [3] .

Le litige porte sur la question de savoir si, pour calculer le montant du remboursement de la taxe de vente, l'appelant peut appliquer la «méthode d'identification» à une catégorie de factures et la «méthode simplifiée» aux autres factures établies pour le même projet de construction. Si la réponse est non, comment doit-on traiter les transactions portant sur des matériaux vendus au prix coûtant et la main-d'oeuvre fournie à titre gracieux pour l'application de l'article 76 de la Loi, du règlement y afférent et des politiques pertinentes?

La Loi stipule que toute institution d'enseignement peut obtenir le remboursement de la taxe de vente sur le prix des matériaux achetés pour la construction d'un bâtiment pour cette institution. L'article 68.26 de la Loi se lit comme suit :

68.26 Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie VI à l'égard de matériaux et que les matériaux ont été achetés :

a) par une école, une université ou une autre semblable institution d'enseignement, ou pour son compte, et sont destinés exclusivement à la construction d'un bâtiment pour cette institution;

...

une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à cette institution, organisme ou société, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant l'achat des matériaux.

La «méthode d'identification» qui, en résumé, consiste à établir le montant exact payé au titre de la taxe de vente, correspond uniquement à l'application de cette disposition [4] . Or, la Loi prévoit une exception pour les cas où le montant de la taxe de vente est difficile à établir :

76. Lorsqu'il est difficile, en raison des circonstances, de déterminer le montant exact de tout paiement pouvant être versé conformément à l'un des articles 68 à 68.29 ou de toute déduction pouvant être effectuée en vertu de l'article 73 ou 74, le ministre peut, en remplacement, avec le consentement de la personne à qui le paiement peut être versé ou de celle qui peut effectuer la déduction, verser un paiement ou autoriser une déduction en vertu de cet article, dont le montant déterminé, de la manière que le gouverneur en conseil peut déterminer par règlement, est le montant exact du paiement ou de la déduction.

Le Règlement sur les formules utilisées pour les remboursements [5] (le Règlement), qui a ultimement donné lieu 0… la mise en oeuvre de la «méthode simplifiée», a été adopté sous le régime de l'ancien article 47C (maintenant l'article 76) de la Loi sur la taxe d'accise [6] . L'article 3 du Règlement se lit comme suit :

3.(1) Lorsqu'en vertu de la Loi une personne a le droit

a) de faire une déduction sur la taxe qu'elle doit acquitter,

b) d'obtenir un remboursement de taxe payée, ou

c) de recevoir le paiement du Ministre d'un montant égal à la taxe payée,

et que les circonstances rendent difficile la détermination exacte de cette déduction, de ce remboursement ou de ce paiement par le Ministre, le montant de la déduction, du remboursement ou du paiement par le Ministre doit être, avec le consentement de ladite personne, établi de la façon énoncée dans le paragraphe (2).

(2) Le montant exact de la déduction, du remboursement ou du paiement par le Ministre, établi aux fins du paragraphe (1), doit être égal à la taxe qui aurait été versée au moment de l'imposition de la taxe sur les marchandises, sur la base du prix ou de la valeur déterminés en réduisant

a) le prix de vente des marchandises visées par les transactions à propos desquelles il est demandé une déduction, un remboursement ou un paiement par le Ministre, ou

b) le prix contractuel dans les cas où les marchandises ont servi à exécuter une entreprise et où aucun prix de vente des marchandises visées par les transactions à l'égard desquelles il est demandé une déduction, un remboursement ou un paiement par le Ministre ne peut être établi,

d' un pourcentage fixé par le Ministre, compte tenu de la catégorie des marchandises, de la nature de la transaction et des parties en cause dans cette transaction qui a donné lieu à la demande d'une déduction, d'un remboursement ou d'un paiement par le Ministre. (soulignement ajouté)

La «méthode simplifiée» exposée à l'article 8 du Mémorandum ET 406 tire ses origines du dernier passage du paragraphe 3(2) du Règlement [7] . En résumé, il s'agit de fixer un pourcentage permettant d'extraire les composants non taxables comme les bénéfices et la main-d'oeuvre. Ce pourcentage est appliqué au coût total d'un projet de construction duquel certains frais non taxables et les taxes provinciales sont exclus pour refléter plus précisément le montant de la taxe de vente payée sur les matériaux. On applique ensuite le taux approprié de taxe de vente pour obtenir le montant de taxe de vente remboursable.

Selon le principal argument invoqué par l'appelant, la «méthode simplifiée» suppose au départ qu'un entrepreneur principal participe au projet de construction et que tous les coûts de main-d'oeuvre sont compris dans le prix stipulé au contrat, fixé suivant les taux courants en vigueur dans l'industrie. En d'autres mots, l'appelant a soutenu que la méthode n'a pas été établie en tenant compte de la main-d'oeuvre fournie à titre gracieux et des matériaux vendus au prix coûtant, comme c'est le cas en l'instance. L'appelant a donc conclu qu'il n'avait pas reçu le remboursement intégral de la taxe de vente auquel il avait droit en vertu de la Loi.

L'intimé a déclaré que la «méthode simplifiée» visée à l'article 8 du Mémorandum ET 406 doit s'appliquer au «total des versements faits en vertu de contrats», qui englobe «tous les versements faits à un ou plusieurs entrepreneurs intéressés directement à la préparation du terrain, à la construction et à l'équipement d'un ou plusieurs bâtiments, que ces versements soient visés par un seul contrat ou par une série de contrats concernant les différentes étapes du projet». L'intimé a soutenu que le fait d'interdire l'emploi des deux méthodes élimine les distorsions et permet de s'assurer que les remboursements correspondent au montant effectivement payé au titre de la taxe de vente. L'intimé a ajouté qu'il y aurait distorsion si l'appelant était autorisé à appliquer la méthode d'identification aux factures établies uniquement pour les matériaux. L'intimé a précisé que la Cour fédérale du Canada, par le biais de deux jugements, ainsi que le Tribunal conviennent que ces méthodes ne peuvent pas être appliquées simultanément au même projet de construction [8] .

Le Tribunal estime que les faits relatifs au présent appel le distinguent des autres causes invoquées par l'avocat de l'intimé. L'appelant a appliqué la «méthode simplifiée» aux factures portant à la fois sur des coûts de main-d'oeuvre et sur l'achat de matériaux, pour ensuite recourir à la «méthode d'identification» parce que l'un de ses fournisseurs, qui avait aussi installé les marchandises, n'a facturé aucune marge bénéficiaire à l'égard des matériaux et a fait don de la main-d'oeuvre. À l'instar de la Cour fédérale du Canada et du Tribunal dans l'affaire County of Wheatland, le Tribunal convient que le Ministre a pour politique d'interdire aux contribuables d'utiliser simultanément les deux méthodes de calcul de la taxe de vente pour établir le montant du remboursement de ladite taxe dans le cadre d'un même projet de construction. Ceci dit, la question que doit maintenant trancher le Tribunal consiste à déterminer si les transactions effectuées au prix coûtant et ne comportant pas de frais de main-d'oeuvre, comme c'est le cas en l'instance, doivent être prises en considération sans distinction dans le «total des versements faits en vertu de contrats» pour l'application de la «méthode simplifiée». À cette question, le Tribunal répond «non». Le Tribunal fait remarquer que la «méthode simplifiée» énoncée dans le Mémorandum ET 406 est une mesure adoptée en vertu du Règlement, dont le paragraphe 3(2) stipule que le Ministre doit tenir compte «de la nature de la transaction et des parties en cause dans cette transaction» avant de réduire d'un pourcentage :

a) le prix de vente des marchandises visées par les transactions à propos desquelles il est demandé une déduction, un remboursement ou un paiement par le Ministre, ou

b) le prix contractuel dans les cas où les marchandises ont servi à exécuter une entreprise et où aucun prix de vente des marchandises visées par les transactions à l'égard desquelles il est demandé une déduction, un remboursement ou un paiement par le Ministre ne peut être établi, ...

Le Tribunal estime qu'aucune disposition du Mémorandum ET 406 ne précise que les types de transactions visés par le présent appel ont été pris en considération pour établir la «méthode simplifiée», c'est-à-dire, qu'il n'y a aucune indication que la méthode simplifiée permet de donner suite adéquatement aux transactions où les coûts de main-d'oeuvre n'ont pas été facturés et où les matériaux ont été achetés au prix coûtant. En conséquence, le Tribunal déclare que, dans la mesure où cette méthode est appliquée sans distinction, comme en l'instance, la condition énoncée au paragraphe 3(2) du Règlement, selon laquelle le Ministre doit tenir compte «de la nature des parties en cause dans cette transaction» avant de réduire le prix contractuel n'est pas remplie. En outre, selon le Tribunal, une fois que la nature de ces transactions et que les parties en cause dans ces transactions sont prises en considération, il ne subsiste aucun motif valable justifiant l'ajout du montant de ces achats au «total des versements faits en vertu de contrats» auquel un facteur de réduction de 66 p. 100 sera appliqué. Ce facteur ne doit pas s'appliquer à ces transactions. Selon le Tribunal, le fait que cela entraîne l'application d'une formule reprenant les principes des deux méthodes n'est pas important, compte tenu du Règlement.

En outre, l'intimé n'a pas convaincu le Tribunal que la distorsion résultante, qui donnerait lieu à un remboursement supérieur au montant exact payé au titre de la taxe de vente, pourrait découler de l'exclusion des transactions relatives aux matériaux achetés du fournisseur qui n'a pas facturé de marge bénéficiaire ou de frais de main-d'oeuvre.

Compte tenu des faits en l'instance, le Tribunal déclare que l'appel est admis et renvoie l'affaire au Ministre aux fins de réexamen conforme aux motifs de sa décision.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. DORS/91-499, Gazette du Canada Partie II, Vol. 125, no 18, p. 2912, le 14 août 1991.

3. Avis de décision no 90898RE, du 23 mars 1990.

4. Voir aussi The Board of Governors of the University of Alberta and Her Majesty The Queen, Cour fédérale du Canada, Division de première instance, T-604-89, le 28 août 1991, en appel.

5. Codification des règlements du Canada, 1978, ch. 591.

6. R.S.C. 1952, ch. 100, tel que modifié par S.C. 1966, ch. 40, art. 6.

7. Écoles, universités, bibliothèques publiques et habitations d'étudiants, Ottawa, le 28 juin 1985.

8. Re Kamloops School Board (District No. 24) (1987), 87 DTC 5199 (C.A.F.); The Board of Governors of the University of Alberta v. Her Majesty The Queen, Cour fédérale du Canada, Division de première instance, T-604-89, le 28 août 1991; County of Wheatland No. 16 c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2894, le 13 janvier 1992.


Publication initiale : le 7 juillet 1997