DIAMANT BOART TRUCO LTD.

Décisions


DIAMANT BOART TRUCO LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-90-166

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 27 juillet 1992

Appel n o AP-90-166

EU ÉGARD À un appel entendu le 25 juin 1992 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 22 novembre 1990 concernant une demande de réexamen en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

DIAMANT BOART TRUCO LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis. Les ébauches pour lames de scies circulaires importées par l'appelant sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6804.21.10.00 à titre de lames de scies circulaires et leurs parties devant servir dans les machines pour tailler la pierre.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le litige porte sur le classement tarifaire approprié des marchandises en question. L'appelant soutient que ces dernières sont des lames de scies circulaires en diamant naturel ou synthétique aggloméré devant servir dans les machines pour tailler la pierre, aux termes du numéro tarifaire 6804.21.10.00. Quant à l'intimé, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, il affirme que les marchandises sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 6804.21.90.00 à titre d'autres meules et d'autres articles similaires en diamant naturel ou synthétique, aggloméré.

DÉCISION : L'appel est admis. Les éléments de preuve démontrent clairement et de façon incontestable que les ébauches en question présentent les caractéristiques essentielles des lames de scies circulaires et ne peuvent servir qu'à être transformées en lames de scies circulaires. Toujours selon les éléments de preuve, il est clair que les marchandises sont destinées uniquement à servir dans les machines pour tailler la pierre. Le Tribunal est d'avis que le numéro tarifaire 6804.21.10.00 vise les tailleurs de pierre, et que c'est à ces professionnels qu'il doit s'en remettre pour interpréter le sens de l'expression «machines pour tailler la pierre». D'après les éléments de preuve incontestés fournis par ces intervenants, cette expression désigne les machines pour tailler la pierre tant naturelle qu'artificielle. Cela dit, et comme les marchandises en question sont destinées uniquement à servir dans les «machines pour tailler la pierre», le Tribunal conclut que les ébauches en question sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 6804.21.10.00.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 25 juin 1992 Date de la décision : Le 27 juillet 1992
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant W. Roy Hines, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Michael A. Kelen, pour l'appelant Alain Préfontaine, pour l'intimé





L'appelant, Wheel Trueing Tool Company of Canada Ltd. (maintenant Diamant Boart Truco Ltd.), est un fabricant canadien de lames diamantées pour scies servant aux machines pour tailler la pierre. Ses installations de production sont situées à Mississauga (Ontario) et regroupent entre 20 et 40 employés. Entre le 6 janvier et le 10 mars 1989, l'appelant a importé des ébauches de lames de scies circulaires en acier (les marchandises en question) de diamètre et de largeur différents pour fabriquer des lames de scies diamantées.

Le litige porte sur le classement tarifaire approprié des marchandises en question. L'appelant soutient que ces dernières sont des lames de scies circulaires en diamant naturel ou synthétique aggloméré devant servir dans les machines pour tailler la pierre, aux termes du numéro tarifaire 6804.21.10.00. Quant à l'intimé, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, il affirme que les marchandises sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 6804.21.90.00 à titre d'autres meules et d'autres articles similaires en diamant naturel ou synthétique, aggloméré.

Selon les éléments de preuve fournis au cours de l'audience, les ébauches de lames de scies circulaires présentent un trou d'axe de meule au centre. Elles comportent aussi parfois des fentes et des trous de cheville. Pour transformer les ébauches de lames en produits finis, on procède au soudage au laser ou au brasage de segments imprégnés de diamants sur le pourtour des ébauches. Les segments imprégnés de diamant sont fabriqués à l'aide d'un procédé appelé «frittage» suivant lequel des particules de diamant naturel ou synthétique de taille et de concentration variables sont fixées à la forme requise au moyen d'une poudre métallurgique comme le tungstène. Après le soudage, les diamants sont mis à nu par meulage. Les lames sont ensuite étiquetées, et parfois peintes, avant d'être vendues.

Selon des éléments de preuve incontestés fournis à l'audience, les ébauches servent uniquement à fabriquer des lames en acier pour scies circulaires. Ces lames sont destinées exclusivement à servir dans des machines pour tailler divers types de pierre naturelle, comme le granit ou le calcaire, et de pierre artificielle, dont le béton, la tuile, les pavés autobloquants et la brique. Les témoins ont déclaré que la pierre artificielle est faite de pierre naturelle et d'autres matériaux servant de colle pour lier ensemble les morceaux de pierre naturelle. Les témoins ont aussi indiqué que les machines, auxquelles sont destinées les lames, sont appelées «machines pour tailler la pierre», que la pierre devant être coupée soit naturelle ou artificielle.

Les numéros tarifaires pertinents de l'annexe I du Tarif des douanes [1] , de même que les dispositions applicables des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé (les Règles générales) et les notes explicatives correspondantes, se lisent comme suit :

68.04 Meules et articles similaires, sans bâtis, à moudre, à défibrer, à broyer, à aiguiser, à polir, à rectifier, à trancher ou à tronçonner, pierres à aiguiser ou à polir à la main, et leurs parties, en pierres naturelles, en abrasifs naturels ou artificiels agglomérés ou en céramique, même avec parties en autres matières.

6804.10.00.00 -Meules à moudre ou à défibrer

-Autres meules et articles similaires :

6804.21 --En diamant naturel ou synthétique, aggloméré

6804.21.10.00 ---Lames de scies circulaires et leurs parties devant servir dans les machines pour tailler la pierre

6804.21.90.00 ---Autres

Selon la Règle 2 a) des Règles générales :

Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu'il présente, en l'état, les caractéristiques essentielles de l'article complet ou fini.

La Note explicative afférente à cette règle se lit comme suit :

Les dispositions de cette Règle s'étendent aux ébauches d'articles, sauf dans le cas où elles sont spécialement dénommées dans une position déterminée. Sont à considérer comme ébauches , les articles non utilisables en l'état, ayant approximativement la forme ou le profil de la pièce ou de l'objet fini, ne pouvant être utilisés, sauf à titre exceptionnel, à d'autres fins qu'à la fabrication de cette pièce ou de cet objet.

L'appelant a soulevé plusieurs arguments pour justifier son choix de classement tarifaire. Il a déclaré que les lames de scies circulaires munies de segments de diamants étaient visées par la décision de la Commission du tarif dans l'affaire Imperial Granite Inc. et Heritage Memorials Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [2] . Dans cette cause, la Commission a statué que les lames de scies, qui servaient à tailler la pierre naturelle et artificielle, étaient des pièces d'une machine servant à façonner la pierre. Elles étaient donc admissibles à la franchise de droits prévue au numéro tarifaire 42700-6 du Tarif des douanes avant l'entrée en vigueur du Système harmonisé de description et de codification des marchandises [3] (le Système harmonisé). À la suite de l'adoption du Système harmonisé, les marchandises en question n'étaient plus admissibles à la franchise de droits. L'appelant a demandé le rétablissement du taux de droits appliqué avant l'instauration du Système harmonisé. Le 18 mai 1990, le ministre d'État (Privatisation et Affaires réglementaires) de l'époque, l'honorable John McDermid, a informé l'appelant de sa décision de modifier le nouveau Tarif des douanes rétroactivement au 1er janvier 1988 de manière à permettre l'importation en franchise des «ébauches en acier servant à fabriquer des lames de scies pour les machines pour tailler la pierre». L'appelant soutient que cette décision a débouché sur la création du numéro tarifaire 6804.21.10.00 le 28 juin 1990. Par conséquent, selon l'appelant, le numéro tarifaire dans lequel celui-ci souhaite voir classer les marchandises en question a été adopté par le Parlement à sa demande et dans le but de s'appliquer aux marchandises en question.

L'appelant a également soutenu que les marchandises en question satisfont aux dispositions de la Règle 2 a) des Règles générales et de ces Notes explicatives dans la mesure où les marchandises sont des ébauches ayant approximativement la forme ou le profil des lames de scies finies et qu'elles sont importées uniquement pour être transformées en lames de scies diamantées devant servir dans les machines pour tailler la pierre.

En outre, l'appelant a soutenu que le numéro tarifaire 6804.21.10.00 englobe les lames de scies circulaires devant servir dans les machines pour tailler aussi bien la pierre naturelle que la pierre artificielle. L'appelant a souligné que l'expression «machines pour tailler la pierre» devait être interprétée dans le sens courant accepté dans l'industrie. Les témoins, qui connaissent bien le secteur de la taille de la pierre, ont tous déclaré que les machines pour tailler la pierre englobent les machines servant à tailler aussi bien la pierre naturelle que la pierre artificielle. En effet, les documents publicitaires de l'appelant relatifs aux marchandises en question précisent que les marchandises de l'appelant peuvent servir à diverses machines pour tailler la pierre servant au découpage à sec de la pierre naturelle, de la brique, de la tuile, des carreaux pour murs, du grès et des tuyaux en béton, du béton armé, etc.

Enfin, l'appelant a fait remarquer que le Parlement n'a pas employé les mots «machines pour tailler la pierre naturelle» comme il aurait pu le faire s'il avait voulu limiter l'application du numéro tarifaire aux lames qui taillent la pierre naturelle sans faire intervenir le procédé de fabrication ou la valeur ajoutée. À titre d'exemple de cette distinction, l'appelant a cité le numéro tarifaire 6801.00.00, dont le Parlement a clairement restreint l'application à la pierre «naturelle».

L'intimé a soutenu que le numéro tarifaire en question s'applique uniquement aux machines servant à tailler la pierre naturelle. Citant des définitions des mots «pierre» et «stone» tirées de dictionnaires français et anglais, il a déclaré que les mots «stone» et «pierre» ne s'étendaient pas, au sens courant, à la pierre artificielle. Comme les éléments de preuve montrent clairement que les marchandises sont destinées à servir dans des machines pour tailler aussi bien la pierre naturelle que la pierre artificielle, l'intimé estime qu'il convenait de classer ces marchandises dans le numéro tarifaire 6804.21.90.00.

Les éléments de preuve démontrent de façon claire et incontestée que les ébauches en question présentent les caractéristiques essentielles des lames de scies circulaires et ne peuvent servir qu'à être transformées en lames de scies circulaires. Les éléments de preuve montrent aussi clairement que les marchandises sont destinées uniquement à servir dans des machines pour tailler la pierre. Le litige en l'espèce porte donc sur la question de savoir si, au sens du numéro tarifaire 6804.21.10.00, l'expression «machines pour tailler la pierre» désigne uniquement les machines servant à tailler la pierre naturelle. Le Tribunal estime qu'il ne convient pas de restreindre ainsi le sens de cette expression, et qu'elle englobe aussi les machines pour tailler la pierre artificielle.

Le Tribunal convient avec l'appelant que l'expression «machines pour tailler la pierre» doit être interprétée selon le sens que lui donnent les tailleurs de pierre. Dans un jugement de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Olympia Floor and Wall Tile Company c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [4] , le juge Ryan a déclaré, au nom de la Cour :

Il semble raisonnablement clair que si un terme utilisé dans le Tarif des douanes a, dans un commerce, un sens particulier, ce terme devrait être interprété selon cette acceptation. Mais, bien sûr, plusieurs mots utilisés par le Tarif des douanes sont des mots tout à fait ordinaires que l'on emploie dans la conversation de tous les jours; on doit interpréter ces mots suivant leur sens ordinaire. Un exemple de deux termes dont l'un a été interprété de façon technique et l'autre selon son sens ordinaire.

Dans cette cause, la Cour s'est penchée sur la question de savoir si la Commission du tarif avait eu raison d'interpréter le sens de l'expression «carreaux en terre cuite» suivant son acception courante et ordinaire. En statuant que la Commission du tarif aurait dû interpréter cette expression au sens qu'elle a dans le commerce, la Cour, en citant un jugement antérieur de la Cour de l'échiquier selon lequel l'expression «graisses alimentaires mélangées» devait être examinée selon son sens dans le commerce, a déclaré ce qui suit :

Le terme «carreaux en terre cuite» n'est pas davantage employé dans le langage usuel que ne l'est l'expression «graisses alimentaires mélangées». Il s'agit du genre d'expression qui semble presque appeler la production d'éléments de preuve visant à établir si le commerce lui confère une signification particulière [5] .

Dans le jugement de la Cour de l'échiquier auquel se rapporte le juge Ryan, la Cour a formulé les commentaires suivants, par l'entremise du juge Kerr, au sujet de l'interprétation, par la Commission du tarif, de l'expression «graisses alimentaires mélangées» selon son emploi dans le commerce :

Nous devons donc examiner d'abord le sens de l'expression «graisses alimentaires mélangées» telle qu'elle est employée au numéro tarifaire 1305-1. Cette expression, pour autant que je sache, n'est pas définie dans le tarif douanier, ni dans aucune autre loi du même genre. Elle décrit un article du commerce et je ne crois pas qu'elle soit une expression employée couramment, si ce n'est par des gens qui le fabriquent, le vendent ou en font le commerce. Je pense que la Commission du tarif avait toute latitude de fixer le sens dans lequel l'expression est utilisée dans le langage des gens du métier et d'interpréter en ce sens l'expression employée au numéro tarifaire 1305-1 [6] .

Le Tribunal estime que ces observations s'appliquent en l'espèce. Il est d'avis que le numéro tarifaire 6804.21.10.00 fait référence aux tailleurs de pierre dans l'industrie, et que c'est à ces professionnels qu'il doit s'en remettre pour interpréter le sens de l'expression «machines pour tailler la pierre». D'après les éléments de preuve incontestés fournis par ces personnes, cette expression désigne les machines servant à tailler la pierre tant naturelle qu'artificielle. Cela dit, et comme les marchandises en question sont destinées uniquement à servir dans les «machines pour tailler la pierre», le Tribunal conclut que les ébauches en question sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 6804.21.10.00.

En conséquence, l'appel est admis.





RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le litige porte sur le classement tarifaire approprié des marchandises en question. L'appelant soutient que ces dernières sont des lames de scies circulaires en diamant naturel ou synthétique aggloméré devant servir dans les machines pour tailler la pierre, aux termes du numéro tarifaire 6804.21.10.00. Quant à l'intimé, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, il affirme que les marchandises sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 6804.21.90.00 à titre d'autres meules et d'autres articles similaires en diamant naturel ou synthétique, aggloméré.

DÉCISION : L'appel est admis. Les éléments de preuve démontrent clairement et de façon incontestable que les ébauches en question présentent les caractéristiques essentielles des lames de scies circulaires et ne peuvent servir qu'à être transformées en lames de scies circulaires. Toujours selon les éléments de preuve, il est clair que les marchandises sont destinées uniquement à servir dans les machines pour tailler la pierre. Le Tribunal est d'avis que le numéro tarifaire 6804.21.10.00 vise les tailleurs de pierre, et que c'est à ces professionnels qu'il doit s'en remettre pour interpréter le sens de l'expression «machines pour tailler la pierre». D'après les éléments de preuve incontestés fournis par ces intervenants, cette expression désigne les machines pour tailler la pierre tant naturelle qu'artificielle. Cela dit, et comme les marchandises en question sont destinées uniquement à servir dans les «machines pour tailler la pierre», le Tribunal conclut que les ébauches en question sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 6804.21.10.00.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 25 juin 1992 Date de la décision : Le 27 juillet 1992
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant W. Roy Hines, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Michael A. Kelen, pour l'appelant Alain Préfontaine, pour l'intimé Michael A. Kelen et Richard R. Ducharme, pour les intervenants Bomba Diamond Tools Co. Ltd., Graff Diamond Products Ltd., Lamage Division of J.K.S. Industries Inc. et Diamond Systems Inc., au soutien de l'appelant
[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), ch. C-41, dans sa version modifiée.

2. (1986) 11 R.C.T. 164.

3. Conseil de coopération douanière, Bruxelles, première édition, 1986.

4. Décision inédite, Cour d'appel fédérale, no du greffe A-115-82, le 14 septembre 1983, pp. 6-7.

5. Ibid., à la p. 8.

6. Hunt Foods Export Corp. of Canada Ltd. et al. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, [1970] R.C.É. 828, à la p. 838.


Publication initiale : le 9 juillet 1997