LES ÉDITIONS PANINI DU CANADA LTÉE

Décisions


LES ÉDITIONS PANINI DU CANADA LTÉE
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-90-167 et AP-90-168

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 28 octobre 1991

Appels n os AP - 90-167 et AP-90-168

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 septembre 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue le 21 décembre 1990 par le sous-ministre du Revenu national relativement à un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

LES ÉDITIONS PANINI DU CANADA LTÉE Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que l'insertion d'autocollants dans des livres imprimés ne constitue pas une activité de fabrication ou de production. En conséquence, les autocollants ne représentent pas des articles ou matières devant servir à la fabrication ou à la production de livres.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelante, Les Éditions Panini du Canada Ltée, importe des livres aux fins de revente. Ces livres sont exempts de la taxe de vente parce qu'ils représentent des «... livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires... ». L'appelante importe également des autocollants qui, selon elle, sont fabriqués expressément pour ces livres.

Les livres sont produits en séries différentes et peuvent contenir entre 180 et 360 autocollants. Les autocollants sont vendus en pochettes renfermant six unités chacune. Ils sont habituellement achetés par ou pour de jeunes consommateurs qui les utilisent pour remplir les espaces prévus dans les livres. Ils servent à illustrer l'histoire ou le thème du livre.

Il convient de déterminer si les autocollants en question sont exempts de la taxe en vertu de l'article 51 et de l'alinéa 3(1)a) de la partie III de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, à titre d'articles et matières destinés à la fabrication ou à la production de livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que l'insertion d'autocollants dans des livres imprimés ne constitue pas une activité de fabrication ou de production. En conséquence, les autocollants ne représentent pas des articles ou matières devant servir à la fabrication ou à la production de livres imprimés.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 septembre 1991 Date de la décision : Le 28 octobre 1991
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant W. Roy Hines, membre Michèle Blouin, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : M. Kaylor, pour l'appelante R. Millar, pour l'intimé





L'appelante importe des livres aux fins de revente. Ces livres sont exempts de la taxe de vente parce qu'ils représentent des «... livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires... ». L'appelante importe également des autocollants qui, selon elle, sont fabriqués expressément pour ces livres.

Les livres sont produits en séries différentes et peuvent contenir entre 180 et 360 autocollants. Les autocollants sont vendus dans des pochettes individuelles qui portent le titre d'une série. Chaque pochette comprend six autocollants et est vendue séparément. Les autocollants sont habituellement achetés par ou pour de jeunes consommateurs qui les utilisent pour remplir les espaces prévus dans les livres. Ils servent à illustrer l'histoire ou le thème du livre.

Il convient de déterminer si les autocollants en question sont exempts de la taxe en vertu de l'article 51 et de l'alinéa 3(1)a) de la partie III de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi), à titre d'articles et matières destinés à la fabrication ou à la production de livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires.

L'appel est rejeté pour plusieurs raisons.

Il est évident que l'intention de l'appelante consiste à vendre séparément les livres et les autocollants. Cependant, il n'est pas vraiment nécessaire de vendre ces articles séparément, sauf s'il s'agit d'une stratégie de vente axée sur la production de bénéfices. Sur le plan pratique, un fabricant pourrait produire un livre renfermant les autocollants et ainsi profiter du régime de l'exemption. Une telle solution serait toutefois contraire à la stratégie commerciale de l'appelante.

Il est reconnu que, pour le groupe d'âge approprié, l'insertion des autocollants dans les espaces prévus est ou peut être éducative. Toutefois, l'argument voulant que cette activité représente de la fabrication ou de la production constitue certainement une déformation de l'intention du législateur. En effet, il faut vraiment faire un effort d'imagination pour prétendre qu'un consommateur fabrique ou produit des livres imprimés lorsqu'il utilise ces livres aux fins expresses pour lesquelles ils ont été conçus, c'est-à-dire servir d'albums d'autocollants et recevoir les autocollants.

Il existe d'autres obstacles logiques. Habituellement, si la production ou la fabrication est continue, les composantes requises sont offertes dans les proportions exactes ou en quantités suffisantes pour achever le processus. Prenons l'exemple d'une cuisinière. Le processus de production serait désorganisé si le fabricant recevait sept éléments chauffants au lieu des quatre requis, mais pas de four. C'est exactement le cas dans la présente cause. L'un des éléments de preuve déposé devant le Tribunal, un livret intitulé Les animaux du monde, renferme 180 espaces prêts à recevoir des autocollants. Le consommateur doit acheter les autocollants vendus par pochettes de six. Les pochettes indiquent le livre auquel les autocollants sont destinés, mais ne comportent aucun renseignement sur les autocollants qu'elles renferment. Une telle situation complique la tâche du consommateur, car il doit se procurer plusieurs paquets d'autocollants et il se retrouve inévitablement avec des doubles avant d'avoir fini de remplir le livre.

Cependant, un consommateur peut écrire à l'appelante et commander au plus 25 autocollants, mais il doit acquitter des frais de manutention pour chaque commande. Bien que l'appelante accepte des commandes bien plus importantes sur demande, une limite est précisée dans le livre. Il s'agit là d'un autre obstacle arbitraire qui empêche le consommateur de remplir facilement le livre.

Enfin, le fabricant invite les enfants à échanger les autocollants avec leurs amis. Quoiqu'utile, cette suggestion vise à soutenir l'intérêt des jeunes tout en donnant à l'appelante l'occasion d'accroître ses ventes et non à permettre au consommateur de remplir plus rapidement le livre.

Il convient de mentionner le coût relatif du livre et des autocollants. Trois livres dont le coût se situe entre 0,50 $ et 0,79 $ ont été présentés comme éléments de preuve. Il faut entre 180 et 360 autocollants pour remplir chacun de ces livres. Les autocollants se vendant 0,60 $ la pochette, une série complète de 180 autocollants coûterait donc 18,00 $. La stratégie de mise en marché de l'appelante est tout à fait évidente.

Le Tribunal a examiné de très près les causes citées par l'avocat de l'appelante. Il a accordé une attention spéciale aux causes Morris Academy [2] et Gruen Watch [3] portant sur les éléments qui constituent la fabrication et la production. De l'avis du Tribunal, la cause présente est différente des causes précitées parce que les livres et les pochettes d'autocollants importés ne peuvent être réputés matières premières ou éléments du processus d'achèvement de l'activité de fabrication ou de production des marchandises. Au mieux, ils peuvent être qualifiés de marchandises dont les enfants se servent pour apprendre à coller des images dans des espaces prévus à cette fin. Selon le Tribunal, cette activité ne correspond pas au concept de la fabrication ou de la production prévu par la Loi.

Vu que l'appelante soutient dans son argumentation que sa stratégie de mise en marché représente simplement un moyen de poursuivre le processus de production et que le Tribunal réfute cet argument, l'appel doit être rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Morris Academy c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, (1984) 9 R.C.T. 377.

3. Gruen Watch Company of Canada Limited et al. v. Attorney - General of Canada, [1950] C.T.C. 440 (Cour suprême de l'Ontario, Haute Cour de justice).


Publication initiale : le 9 juillet 1997