BLACK & DECKER CANADA INC.

Décisions


BLACK & DECKER CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-90-192

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 16 décembre 1992

Appel n o AP-90-192

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 octobre 1992 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 23 novembre 1990 concernant une demande de réexamen en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BLACK & DECKER CANADA INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant importe des aspirateurs à main légers appelés «CarVacs», qui sont conçus pour usage dans les véhicules et les bateaux et alimentés par la batterie du véhicule ou du bateau. Le présent appel a pour objet de déterminer si les marchandises en cause sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8508.80.00 à titre d'«Outils électromécaniques à moteur électrique incorporé, pour emploi à la main», comme l'a prétendu l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8509.10.00 à titre d'«Appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique», comme l'a soutenu l'intimé.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Selon le Tribunal, les marchandises en cause sont des appareils utilisés pour l'exécution de tâches ou d'activités domestiques et, par conséquent, sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8509.10.00. L'expression « 0 … usage domestique» employée dans le libellé de la position tarifaire ne limite pas aux quatre murs de la maison l'endroit où sont exécutées ces activités.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 octobre 1992 Date de la décision : Le 16 décembre 1992
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Dennis A. Wyslobicky, pour l'appelant Dogan Akman, pour l'intimé






Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi), à la suite d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) le 23 novembre 1990 conformément au paragraphe 63(3) de la Loi.

Black & Decker Canada Inc. fabrique et importe des produits de consommation qu'il distribue à des détaillants partout au Canada. Les marchandises en cause sont des «CarVacs» (modèle 9509) que l'appelant achète à sa société mère aux États-Unis. Le «CarVac» est un aspirateur à main léger, muni d'un moteur électrique de 12 volts et d'un cordon électrique au bout duquel se trouve une fiche de 12 volts. Conçu pour usage dans les véhicules et les bateaux, il est branché dans l'allumeur à cigarettes et alimenté grâce à la batterie du véhicule ou du bateau.

Les marchandises en cause ont été importées le 25 avril 1989. À l'époque, elles avaient été classées dans le numéro tarifaire 8509.10.00 du Tarif des douanes [2] à titre d'«Appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique». Le 18 juillet 1989, l'appelant a demandé, en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi, qu'une révision soit effectuée relativement au classement tarifaire des marchandises. L'appelant a fait valoir que les marchandises étaient plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8508.80.00 à titre d'«Outils électromécaniques à moteur électrique incorporé, pour emploi à la main». Le 3 novembre 1989, un agent désigné a classé les marchandises dans le numéro de subdivision statistique 8509.10.00.90 à titre d'«Autres [a]spirateurs de poussières». Le 23 novembre 1990, par suite d'une demande de réexamen de la révision, le Sous-ministre a classé les marchandises dans le numéro tarifaire 8509.10.00. Black & Decker Canada Inc. a fait appel de cette décision devant le Tribunal.

Le présent appel a pour objet de déterminer si les marchandises en cause sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8508.80.00 à titre d'«Outils électromécaniques à moteur électrique incorporé, pour emploi à la main», comme l'a prétendu l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8509.10.00 à titre d'«Appareils électromécaniques à moteur électrique incorporé, à usage domestique», comme l'a soutenu l'intimé.

L'appelant a cité un témoin, M. Craig Berry, chef de produit à la Division des outils électriques destinés aux consommateurs de Black & Decker Canada Inc. M. Berry est responsable, entre autres choses, de la commercialisation du «CarVac» qui est assurée par la division susmentionnée. M. Berry a expliqué comment fonctionnait le «CarVac» et pourquoi ce dernier ne pouvait facilement être adapté à un usage domestique, et a passé en revue les documents de la société accompagnant le produit et dans lesquels ce dernier est qualifié B®d'outil». Il a également fait remarquer que le «CarVac» était différent du «Dustbuster», un autre produit fabriqué par l'appelant et que l'on branche dans les prises de courant ordinaires. Il a signalé que le «Dustbuster» était mis en marché par la Division des articles ménagers et non par la Division des outils électriques destinés aux consommateurs.

Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a fait valoir que le classement d'une marchandise en vertu du Tarif des douanes doit commencer au niveau de la position tarifaire et que, par conséquent, en l'espèce, les marchandises ne peuvent être classées autrement qu'à titre «d'aspirateurs», qui figurent seulement dans une sous-position de la position tarifaire 85.09, s'il a déjà été déterminé que les marchandises sont visées par le libellé de cette position tarifaire. L'appelant a soutenu que les marchandises n'étaient pas visées par le libellé de la position tarifaire 85.09, étant donné qu'il ne s'agissait pas «d'appareils à usage domestique» et qu'elles étaient plus correctement décrites comme des «outils pour emploi à la main» conformément à la position tarifaire 85.08. Le Tribunal constate que les autres mots ou expressions clés qui se trouvent dans les deux positions tarifaires, soit «électromécaniques» et «à moteur électrique incorporé», se retrouvent dans chacune des positions tarifaires et ne sont pas en litige.

Pour arrêter le sens du terme «outil», l'avocat de l'appelant s'est servi de diverses définitions tirées de dictionnaires. Il a déclaré que, en résumé, il s'agissait d'objets utilisés manuellement ou directement par la main et que, de toute évidence, cette définition engloberait le «CarVac». Il a étayé cette définition d'exemples tirés des Notes explicatives [3] de la position tarifaire 85.08. Reconnaissant l'allégation de l'intimé, selon laquelle les outils de la position tarifaire 85.08 ne visent que les produits utilisés à des fins industrielles, l'avocat a indiqué que dans les Notes explicatives de cette position tarifaire, il est fait mention de produits tels que les «Ciseaux électriques à main [...] destinés à être utilisés dans [...] les ménages», les «Cisailles à tailler les haies» et les «Désherbeuses».

L'avocat a ensuite expliqué pourquoi les marchandises ne devraient pas être considérées comme des «appareils à usage domestique». D'abord, il a signalé que, selon les Notes explicatives de la position tarifaire 85.09, cette expression désigne «les appareils utilisés normalement dans les ménages». Pour définir le terme «ménage», l'avocat a renvoyé le Tribunal à diverses définitions tirées des dictionnaires qui insistent sur les notions de structure matérielle, de limites quant à l'espace et d'établissement domestique. Il a fait valoir que le «CarVac» n'est pas destiné à être utilisé dans la maison et que les endroits où il peut être utilisé, par exemple un bateau, une camionnette de camping ou une autocaravane, n'ont aucun rapport avec la maison ou la famille. L'avocat a également renvoyé le Tribunal à diverses définitions du terme «domestique» et a signalé que ces définitions insistent également sur une structure et un lieu de résidence et sont de nature restrictive. Enfin, l'avocat a passé en revue les diverses marchandises énumérées dans les Notes explicatives des deux positions tarifaires. Il a signalé que tous les articles classés dans la position tarifaire 85.09 sont communément utilisés à l'intérieur de la maison, alors que certains articles classés dans la position tarifaire 85.08 peuvent être utilisés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la maison (p. ex. une scie circulaire) ou exclusivement à l'extérieur de la maison (p. ex. des cisailles à tailler les haies).

L'avocat de l'intimé a soutenu que, au lieu de chercher dans les dictionnaires et les Notes explicatives un sens à l'expression «à usage domestique» utilisée dans la position tarifaire 85.09, le Tribunal devrait tout d'abord consulter les Notes accompagnant le Chapitre 85, plus particulièrement la Note 3. Cette note indique, en partie, que la position tarifaire 85.09 couvre «sous réserve qu'il s'agisse d'appareils [...] des types communément utilisés à des usages domestiques : a) les aspirateurs de poussières». L'avocat a invité le Tribunal à interpréter l'expression «à usage domestique» à la lumière du contexte dans lequel il est utilisé dans cette Note et, plus particulièrement, à la lumière des termes «types», «communément» et «usages». Il a signalé que tous ces termes sont, à des degrés divers, non restrictifs, ce qui permet d'interpréter l'expression «à usage domestique» de façon non restrictive et non de la façon restrictive préconisée par l'appelant.

En renvoyant le Tribunal aux Notes explicatives de la position tarifaire 85.09, l'avocat a signalé que, après la partie de la Note sur laquelle s'est arrêté l'appelant, il est indiqué que, pour déterminer si un appareil en particulier peut être qualifié «d'appareil à usage domestique», il faut voir si l'appareil sert à des fins autres que «les besoins ou les exigences des ménages». Selon l'avocat, cette interprétation va au-delà de l'utilisation dans la maison comme telle pour englober tout endroit, où qu'il se trouve, ayant les caractéristiques d'un ménage. Cette remarque de l'avocat fait suite à la question qu'il a posée auparavant à l'appelant, lorsque ce dernier a établi une distinction entre une maison et une autocaravane, question qu'il a formulée comme suit : [traduction] «Qu'est-ce qui distingue le fait de vivre dans une autocaravane à celui de vivre dans une maison? L'aspect "domestique" est-il moindre lorsqu'on vit dans une autocaravane plutôt que dans une maison?»

Pour réfuter les arguments de l'appelant à l'appui du classement des marchandises dans la position tarifaire 85.09, l'avocat de l'intimé a signalé qu'un tel classement violerait la règle ejusdem generis, selon laquelle les termes généraux à la fin d'une énumération de personnes ou d'objets doivent être restreints par rapport aux termes qui les précèdent. Il a fait valoir que les marchandises en cause ne sont pas des «outils» au même titre que les scies, les perceuses, les clés et les toupies qui sont énumérées avant le numéro tarifaire proposé par l'appelant. L'avocat a ajouté que, si le Tribunal jugeait que les marchandises en cause pouvaient être classées dans les deux positions tarifaires, puis en vertu de la Règle 3 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [4] (les Règles générales), elles devaient alors être classées dans la position tarifaire 85.09, étant donné que l'expression «outils pour emploi à la main» ne constituerait pas une description très précise et que, de façon implicite, la position tarifaire 85.08 conviendrait davantage.

Le Tribunal juge que les «CarVacs» en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8509.10.00. Il arrive à cette conclusion en tenant compte du fait que ce sont les mesures législatives et les principes applicables à l'interprétation de ces mesures législatives, y compris ceux qui sont énoncés dans les Règles générales et les Règles canadiennes connexes, qui doivent régir l'interprétation des marchandises en cause. Le Tribunal porte particulièrement attention à la Règle 1 des Règles générales qui, comme il l'a signalé dans la décision qu'il a rendue dans York Barbell Co. Ltd. v. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] , est d'une importance primordiale pour classer des marchandises en vertu du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [6] . La Règle 1 stipule que le classement est d'abord déterminé par le libellé des positions tarifaires et des Notes de Sections ou de Chapitres connexes.

Le Tribunal juge que l'expression «appareils à usage domestique» ne devrait pas être interprétée de la façon proposée par l'appelant. À la lumière des termes «communément» et «normalement» utilisés respectivement dans la Note 3 du Chapitre 85 et dans les Notes explicatives de la position tarifaire 85.09, lesquels qualifient tous les deux l'expression «appareils à usage domestique», le Tribunal est d'avis que cette expression ne devrait pas être interprétée de façon restrictive et que ces appareils sont utilisés dans le cadre de tâches ménagères, que celles-ci soient exécutées dans la maison ou à l'extérieur des quatre murs de la maison. À cet égard, il est difficile de comprendre comment les tâches ménagères exécutées dans une autocaravane peuvent différer sensiblement de celles qui sont exécutées dans une maison. En concluant que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position tarifaire 85.09, le Tribunal juge également approprié leur classement au niveau d'une sous-position à titre d'aspirateurs. Enfin, dans la mesure où les marchandises en question peuvent être considérées comme décrites à la position tarifaire 85.08, nous arrivons à la conclusion, d'après la Règle 3 a) des Règles générales, qu'elles sont décrites de façon plus précise à la position tarifaire 85.09.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, Conseil de coopération douanière, première édition, Bruxelles, 1986.

4. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), annexe I.

5. (1992) 5 TCT 1150.

6. Conseil de coopération douanière, première édition, Bruxelles, 1986.


Publication initiale : le 9 juillet 1997