BRIGHAM PIPES LIMITED

Décisions


BRIGHAM PIPES LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-078

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 6 juillet 1992

Appel n o AP - 91 - 078

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 avril 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 20 mars 1991 concernant un avis d'opposition signifié en vertu des articles 81.15 et 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BRIGHAM PIPES LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelant, qui est en affaires depuis 1906, est le plus important fabricant canadien de pipes pour fumeurs. Son appel au Tribunal porte sur deux questions. La première a trait à la valeur en fonction de laquelle doit être établie la cotisation. La seconde consiste à déterminer si l'appelant avait le droit de déduire de la taxe payable au ministère du Revenu national des sommes d'argent qu'il avait versées par erreur.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal n'a pas d'autre choix que de maintenir la décision du ministre du Revenu national selon laquelle la cotisation doit être établie en fonction du prix de vente, conformément au paragraphe 50(1) de la Loi sur la taxe d'accise. Pour ce qui est de la seconde question, le Tribunal conclut que l'appelant était légalement empêché de déduire de la taxe payable au ministère du Revenu national des sommes d'argent qu'il avait versées par erreur.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 28 avril 1992 Date de la décision : Le 6 juillet 1992
Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant W. Roy Hines, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Services juridiques : France Deshaies
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : M. H. Brigham, pour l'appelant Gilles Villeneuve, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'un avis de décision rendu par l'intimé le 20 mars 1991 et ayant pour effet de confirmer un avis de cotisation visant la période allant du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1989 et aux termes duquel l'appelant est redevable de 57 512,56 $, y compris les taxes, les pénalités et les intérêts.

L'appelant, qui est en affaires depuis 1906, est le plus grand fabricant canadien de pipes pour fumeurs. Son appel au Tribunal porte sur deux questions. L'appelant calculait son obligation fiscale au titre de la taxe de vente fédérale en fonction du prix établi pour les grossistes auxquels il vendait ses pipes, conformément au Mémorandum de l'Accise ET 202 (le Mémorandum). Cependant, ainsi qu'un représentant de l'appelant l'a reconnu, celui-ci n'était pas admissible à l'utilisation du Mémorandum. La première question consiste à déterminer si, dans ces conditions, l'appelant est autorisé à continuer de se prévaloir de la méthode de la valeur déterminée pour calculer son obligation fiscale. La seconde question consiste à déterminer si l'appelant avait le droit de déduire de la taxe payable au ministère du Revenu national (Revenu Canada) des sommes d'argent qu'il avait versées par erreur.

Pendant de nombreuses années, l'appelant s'est prévalu des dispositions du Mémorandum pour déterminer la valeur de ses marchandises aux fins de l'impôt. Le Mémorandum prévoit qu'un fabricant peut verser la taxe sur le «prix établi pour les grossistes» plutôt qu'en fonction du prix de vente de ses marchandises, pourvu qu'il vende à au moins deux grossistes indépendants et que ses ventes aux grossistes représentent au moins 15 p. 100 de ses ventes nationales.

Selon M. Michael Brigham, président de Brigham Pipes Limited, qui a comparu comme témoin à l'audience, le principal grossiste de l'appelant a fermé ses portes en 1985. Depuis 1987, l'appelant n'a fait affaires qu'avec un grossiste, et ses ventes à celui-ci ont représenté moins de 15 p. 100 de l'ensemble de ses ventes.

Tout en concédant que l'appelant n'avait pas répondu aux conditions d'utilisation du Mémorandum, M. Brigham a soutenu que celui-ci devrait avoir le droit de payer la taxe en fonction de la valeur déterminée la plus basse, comme il l'avait toujours fait. Il a fait remarquer que la stricte application du paragraphe 50(1) [2] de la Loi a pour effet d'accroître l'écart déjà considérable qui sépare les taxes payées par les importateurs de celles qui sont payées par les fabricants canadiens. M. Brigham a également affirmé que l'incapacité de l'appelant à répondre aux conditions du Mémorandum était due pour une bonne part au fait que les taxes fédérales et provinciales pesant sur l'industrie du tabac ont à peu près décuplé au cours des huit dernières années, ce qui a eu pour effet d'inciter les grossistes à vendre moins d'articles de tabagie. Il est injuste, a déclaré M. Brigham, d'alourdir encore davantage le fardeau fiscal de la société en exigeant qu'elle paye la taxe en fonction du prix de vente.

L'avocat de l'intimé a soutenu pour sa part, en ce qui a trait à la question de la valeur imposable, que les compétences du Tribunal ne s'étendent pas à l'application de concessions administratives telles que le Mémorandum, ni à des questions d'équité. De l'avis de l'avocat, le paragraphe 50(1) de la Loi oblige clairement l'appelant à payer la taxe en fonction du prix de vente.

Quoique le Tribunal compatisse aux difficultés que connaît l'appelant relativement à la première question en litige, il ne peut lui venir en aide. Le Tribunal n'a pas compétence pour accorder un allégement en équité. Il ne peut refuser d'appliquer la loi, même pour des motifs d'équité [3] . La Loi impose la taxe de vente en fonction du prix de vente ou de la quantité vendue de toutes les marchandises produites ou fabriquées au Canada. La méthode de la valeur déterminée fournie par le Mémorandum pour calculer l'obligation fiscale n'est pas compatible avec la Loi. Ainsi que le Tribunal l'a déclaré dans une décision antérieure, «... le Tribunal n'a pas le pouvoir de faire prévaloir une méthode incompatible avec la Loi ou dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire au détriment de l'assiette fiscale prévue par les textes législatifs [4] ».

Le second point soulevé par l'avocat de l'appelant a trait à la question de savoir si l'appelant avait le droit de déduire de la taxe payable à Revenu Canada des sommes d'argent qu'il avait versées par erreur.

M. Brigham a expliqué que, le 10 février 1986, l'appelant a importé un lot de pipes. Revenu Canada, conformément à son habitude, a considéré ces pipes comme des «marchandises partiellement fabriquées» qui n'étaient pas assujetties à la taxe au moment de l'importation, conformément au paragraphe 50(5) [5] de la Loi. Cependant, l'appelant a payé la taxe sur ces marchandises au moment de leur importation.

Il a également payé la taxe sur les mêmes marchandises lorsqu'elles ont été vendues entre les mois de mai et de décembre 1986. Ayant payé la taxe deux fois sur les mêmes marchandises, l'appelant s'est rendu compte de son erreur et a déduit le montant payé en trop de la taxe qu'il devait verser à Revenu Canada pour les mois de juin à septembre 1988. Il n'a pas demandé officiellement le remboursement de la taxe payée par erreur. Le 11 avril 1990, l'appelant a reçu un avis de cotisation à l'égard de la somme qu'il avait déduite de ses paiements.

L'appelant a plaidé qu'il s'était trompé en payant la taxe au moment de la vente, à partir de mai 1986, plutôt qu'au moment de l'importation, en février 1986, et qu'il n'a donc pas dépassé le délai de deux ans prévu par la Loi. Par contre, l'intimé a soumis que l'erreur de l'appelant s'est produite en février 1986, lorsqu'il a payé la taxe sur l'importation de marchandises partiellement fabriquées, en contravention du paragraphe 50(5) de la Loi.

En étudiant la question, le Tribunal remarque que les parties s'entendent quant au fait que la taxe sur les marchandises a été effectivement payée deux fois. Le Tribunal estime, cependant, que l'erreur s'est produite lorsque la taxe a été payée sur l'importation des pipes, qui pouvait faire l'objet d'une exonération.

Plutôt que de faire une demande de remboursement des sommes payées par erreur, aux termes de l'article 68 de la Loi, l'appelant a déduit ces sommes des taxes qu'il devait payer à Revenu Canada pour la période allant du mois de juin au mois de septembre 1988. Le Tribunal remarque que les articles 73 ou 74 de la Loi accordent le pouvoir de faire une déduction plutôt que de demander un remboursement, quoiqu'aucun élément de preuve n'ait été présenté à ce sujet. Pour pouvoir se prévaloir de l'une ou l'autre de ces dispositions, l'appelant aurait dû recevoir l'autorisation du ministre du Revenu national et être admissible, aux termes de l'article 68 de la Loi, à un remboursement des sommes versées par erreur. Or, l'appelant n'était pas admissible à un remboursement aux termes de l'article 68, car le délai de deux ans suivant le versement était écoulé. En conséquence, comme il était empêché, aux termes de l'article 68, de se faire rembourser les sommes payées par erreur, il était également empêché de déduire, aux termes de l'article 73 ou 74, les sommes payées par erreur. En conséquence, l'appelant doit être débouté de sa demande sur ce point.

En conséquence, l'appel est rejeté. Le Tribunal n'a pas le pouvoir d'écarter la décision du ministre du Revenu national quant au fait que la taxe doit être payée sur le prix de vente des marchandises en cause. Pour ce qui est de la seconde question, le Tribunal conclut que l'appelant était légalement empêché de déduire de la taxe payable à Revenu Canada des sommes qu'il avait versées par erreur.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15, dans sa version modifiée.

2. 50(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente... sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises : a) produites ou fabriquées au Canada : (i) payable... par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre, ... b) importées au Canada...

3. Voir Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration, [1986] 3 C.F. 70, à la p. 77, confirmé dans [1989] 1 R.C.S. 141.

4. Artec Design Inc. c. le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-90-117, le 2 mars 1992, p. 4.

5. 50(5) Par dérogation au paragraphe (1), la taxe de consommation ou de vente n'est pas exigible sur les marchandises suivantes : ... b) celles importées par un fabricant titulaire de licence si elles sont des marchandises partiellement fabriquées; ...


Publication initiale : le 25 juin 1997