LACLEDE CHAIN MANUFACTURING CO.

Décisions


LACLEDE CHAIN MANUFACTURING CO.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-90-209

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 30 octobre 1992

Appel n o AP-90-209

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 septembre 1992 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 12 février 1991 concernant une demande de réexamen en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LACLEDE CHAIN MANUFACTURING CO. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal considère que les chaînes d'adhérence importées par l'appelant ont été correctement classées par l'intimé dans le numéro tarifaire 7315.20.00, comme «skid chains» (chaînes antidérapantes).


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel a pour objet de déterminer si les chaînes d'adhérence destinées aux véhicules automobiles ont été correctement classées par l'intimé dans le numéro tarifaire 7315.20.00, comme «skid chains» (chaînes antidérapantes) en fer ou en acier, ou si elles sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8708.29.99, comme autres parties et accessoires de véhicules automobiles ou, encore, dans le numéro tarifaire 7326.90.90, comme autres ouvrages en fer ou en acier.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les chaînes d'adhérence en cause ont été correctement classées par l'intimé.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 17 septembre 1992 Date de la décision : Le 30 octobre 1992
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre W. Roy Hines, membre
Avocat pour le Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : John D. Armstrong, pour l'appelant Howard Baker, pour l'intimé





Le présent appel porte sur le classement tarifaire approprié des marchandises qui, à l'époque où elles ont été importées au Canada, étaient décrites par l'appelant, soit Laclede Chain Manufacturing Co. (Laclede), comme des chaînes d'adhérence. Laclede est une division de la société canadienne Laclede Steel Co. de St. Louis (Missouri).

Les fonctionnaires des douanes, puis le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, soit l'intimé dans le présent appel, ont classé les chaînes d'adhérence comme des «skid chains» (chaînes antidérapantes) en fer ou en acier dans le numéro tarifaire 7315.20.00. L'appelant a fait valoir que ces chaînes sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8708.29.99, comme autres parties et accessoires de véhicules automobiles ou, encore, dans le numéro tarifaire 7326.90.99, comme autres ouvrages en fer ou en acier.

Outre les documents soumis par les deux parties, M. Ford Rosborough, le directeur des ventes de la société de l'appelant, a témoigné lors de l'audience. Les chaînes en cause, constituées d'acier, sont installées sur les pneus de divers types de véhicules automobiles comme les camions, les voitures, etc. M. Rosborough a déclaré que les chaînes sont des dispositifs servant à améliorer la traction des véhicules par mauvais temps et dans diverses conditions de travail où la traction est importante.

D'après le témoin, ces chaînes d'adhérence sont des «anti-skid chains» et non des «skid chains». Elles sont placées sur des pneus pour empêcher le glissement qui se produirait sans elles. M. Rosborough a affirmé que l'expression «skid chains» désigne des chaînes d'adhérence auxquelles des «barrettes» sont soudées et que l'on utilise exclusivement dans les opérations forestières pour améliorer la traction des véhicules lors du «débusquage», c'est-à-dire lors du transport des billes hors de la forêt.

Les chaînes en cause, qui sont de fabrication différente selon les divers types et modèles de pneus, sont expédiées de l'usine de Laclede à Maryville (Missouri) dans des boîtes ou des sacs de plastique, à raison d'une paire par contenant, prêtes à être vendues et installées sur les pneus. Dans certains cas, une barre de renforcement en «V» peut être soudée aux chaînes transversales. Selon M. Rosborough, ces chaînes sont des accessoires en ce sens qu'elles ne sont pas normalement vendues avec un véhicule. Ces marchandises constituent «des pièces de rechange».

Dans son argumentation, l'appelant a allégué que le classement des marchandises en cause déterminé par l'intimé, soit des «skid chains» (chaînes antidérapantes), est incorrect, car, dans le langage courant, ces chaînes sont appelées «chaînes d'adhérence». L'appelant a en outre soutenu que ce numéro tarifaire vise des marchandises utilisées dans des opérations comme le débusquage des billes. Il a fait remarquer que les chaînes d'adhérence sont exclues du numéro tarifaire 7315.20.00 en vertu des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [1] (les Notes explicatives) de la position 73.15, qui précisent que celle-ci n'inclut pas les «pièces de machines dans lesquelles la chaîne ne joue qu'un rôle secondaire». L'appelant a fait valoir que les chaînes d'adhérence en cause jouent un rôle qui est secondaire par rapport à celui du pneu et sont donc exclues du numéro tarifaire choisi par l'intimé.

L'appelant a soutenu que les chaînes d'adhérence en cause sont plus correctement classées comme autres parties et accessoires de véhicules automobiles dans le numéro tarifaire 8708.29.99, car les chaînes ont toujours été considérées comme un accessoire de véhicule. Il en est de même des enjoliveurs, des marchepieds, des garde-boue, des porte-bagages, etc.

D'après l'intimé, les chaînes d'adhérence en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7315.20.00, car elles sont constituées d'acier et sont employées comme «skid chains» (chaînes antidérapantes) destinées aux véhicules automobiles, c'est-à-dire selon les définitions des dictionnaires, comme chaînes de traction.

L'intimé a contesté l'allégation de l'appelant voulant que les Notes explicatives excluent les chaînes en cause du numéro tarifaire choisi par l'intimé, en faisant remarquer que ces mêmes notes précisent que la position 73.15 inclut les «skid chains» (chaînes antidérapantes) pour automobiles.

L'intimé a également fait valoir que l'expression «chaînes antidérapantes» figure dans la version française du numéro tarifaire 7315.20.00, terme qui, d'après lui, décrit précisément les chaînes en cause.

De plus, l'intimé a affirmé que les chaînes en cause ne constituent pas d'autres parties et accessoires de véhicules automobiles visés au numéro tarifaire 8708.29.99 car, quoique les chaînes en cause puissent être décrites comme des accessoires, il est plus juste de les décrire comme des accessoires de roues et non de véhicules automobiles. En outre, selon l'intimé, il est bien établi en droit que les marchandises doivent être classées d'après les caractéristiques qu'elles présentent au moment de l'importation. À ce moment-là, les marchandises en cause ont été décrites comme des chaînes d'adhérence, et elles présentent donc les caractéristiques essentielles des chaînes d'adhérence.

Enfin, l'intimé a fait remarquer que les marchandises ne peuvent pas être classées dans le numéro tarifaire 7326.90.99, comme autres ouvrages en fer ou en acier, car il s'agit d'une disposition résiduelle ne devant servir que si des marchandises importées ne peuvent pas être décrites ailleurs d'une manière plus précise. L'intimé a soutenu que les marchandises en cause sont décrites d'une façon plus précise au numéro tarifaire 7315.20.00.

Après avoir examiné les éléments de preuve ainsi que le droit applicable, le Tribunal considère que les chaînes en cause ont été correctement classées dans le numéro tarifaire 7315.20.00. Le Tribunal est arrivé à cette conclusion en se rappelant que c'est la loi et les principes applicables à son interprétation, y compris les principes énoncés dans les Règles générales pour l'interprétation du système harmonisé [2] (les Règles générales) et les règles canadiennes correspondantes, qui doivent régir l'interprétation des numéros tarifaires en litige.

La version anglaise du numéro tarifaire 7315.20.00 utilise l'expression «skid chains» (chaînes antidérapantes). L'appelant a fait valoir que les chaînes en cause ne peuvent pas être classées dans le numéro tarifaire 7315.20.00, car celui-ci ne vise que les chaînes employées dans les opérations de débusquage et non les chaînes de véhicules automobiles comme celles que l'appelant a importées. De l'avis du Tribunal, cette thèse est indéfendable.

Le Gage Canadian Dictionary [3] dit que le verbe «skid» signifie «slip or slide sideways out of control, while moving» ([traduction] glisser latéralement et perdre le contrôle, alors qu'on est en mouvement) et il donne l'exemple suivant : «The car skidded on the slippery road.» ([traduction] La voiture a dérapé sur la chaussée glissante.) De même, The Oxford English Dictionary [4] définit le verbe «skid», entre autres, comme «To slip obliquely or sideways, esp. owing to the muddy, wet, or dusty state of the road; to side-slip. Usually said of cycle or motor-car wheels, but also of horse-vehicles or persons.» ([traduction] Glisser obliquement ou latéralement, notamment parce que la chaussée est boueuse, mouillée ou poussiéreuse; déraper. Se dit habituellement de roues de bicyclettes ou de véhicules automobiles, mais aussi de véhicules tirés par des chevaux ou de personnes.) À tout le moins, donc, l'expression «skid chains» (chaînes antidérapantes) figurant au numéro tarifaire 7315.20.00 désigne des chaînes dont la fonction est liée au glissement de véhicules causé par certaines conditions qui, sans la présence de ces chaînes, réduiraient la traction du véhicule.

La version française correspondante du numéro tarifaire 7315.20.00 utilise les termes «chaînes antidérapantes». Le Tribunal reconnaît qu'il est bien établi en droit que l'interprétation d'une disposition législative qui est commune aux deux versions de langues officielles doit l'emporter, les deux versions faisant également autorité [5] .

D'après Le Grand Robert de la langue française [6] , le mot «antidérapant» signifie «Propre à empêcher le dérapage des véhicules». Quant au terme «dérapage», il vient du verbe «déraper» [7] , qui veut dire, entre autres choses, «Glisser latéralement sur le sol, en parlant des roues (d'une automobile, d'une bicyclette... )». D'une manière semblable, le Harrap's Shorter French-English Dictionary [8] traduit le mot «antidérapant» par «non-skid».

Vu ces définitions, la signification ordinaire courante de l'expression française «chaînes antidérapantes» au numéro tarifaire 7315.20.00, laquelle expression française fait également autorité, s'applique à des chaînes propres à empêcher les pneus d'un véhicule de glisser latéralement sur le sol ou de déraper. En raison de ce qui précède, on ne saurait limiter la définition de «skid chains» (chaînes antidérapantes) à des chaînes utilisées dans des opérations forestières de débusquage qu'en ne tenant pas compte de la version française du numéro tarifaire.

Ainsi, la notion de chaînes destinées à améliorer la traction d'un véhicule en l'empêchant de glisser ou de déraper est commune aux versions anglaise et française du numéro tarifaire 7315.20.00. D'après le témoignage même de l'appelant, les chaînes en cause sont des «anti-skid chains», c'est-à-dire qu'elles sont utilisées pour améliorer la traction et empêcher le dérapage qui se produirait sans elles.

Dans l'esprit du Tribunal, le principe de la plus grande spécificité énoncé dans les Règles générales et dans les Règles canadiennes, c'est-à-dire qu'entre deux numéros tarifaires entrant en concurrence, le plus spécifique l'emporte, vient renforcer cette conclusion. Même si le Tribunal concluait que les chaînes en cause pourraient être classées dans le numéro tarifaire 8708.29.99, comme autres parties et accessoires de véhicules automobiles, ou dans le numéro tarifaire 7326.90.99, comme autres ouvrages en fer ou en acier, ce qu'il s'abstient de faire, le Tribunal considère que le numéro tarifaire choisi par l'intimé décrit d'une manière plus précise et plus spécifique les chaînes importées par l'appelant.

En conséquence, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. Conseil de coopération douanière, première édition, Bruxelles, 1986.

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), annexe I, dans sa version modifiée.

3. Toronto, Gage Educational Publishing Company, 1983, à la p. 1051.

4. Volume XV, deuxième édition, Oxford, Clarendon Press, 1989, à la p. 600.

5. Slaight Communications Inc. c. Davidson [1989] 1 R.C.S. 1038; Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31.

6. Paul Robert, tome I, deuxième édition, Paris, à la p. 414.

7. Ibid., tome II, à la p. 386.

8. Harrap Diffulivre-Gage, 1982, à la p. 32.


Publication initiale : le 9 juillet 1997