IMPERIAL CABINET (1980) CO. LTD.

Décisions


IMPERIAL CABINET (1980) CO. LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-045

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 2 mars 1992

Appel n o AP-91-045

EU ÉGARD À un appel entendu du 4 au 6 novembre 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 25 avril 1991 relativement à un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

IMPERIAL CABINET (1980) CO. LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. L'appelant ayant payé la taxe en fonction du prix de vente, aucune somme d'argent n'a été versée par erreur. La question de savoir si l'appelant avait le droit de payer la taxe selon la méthode de la valeur déterminée ne relève pas des compétences du Tribunal.


W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le présent appel a pour fondement l'allégation de l'appelant selon laquelle il a versé des sommes d'argent par erreur lorsqu'il a calculé son obligation fiscale en fonction du prix de vente, comme le prévoit la Loi sur la taxe d'accise. L'appelant prétend avoir pris la décision de calculer son obligation fiscale en fonction du prix de vente alors qu'il ignorait qu'il aurait pu utiliser la méthode de la «valeur déterminée» prévue par le Mémorandum de l'Accise ET 202, et parce qu'il a été dissuadé d'utiliser cette méthode après qu'une cotisation ait été établie à son égard en fonction de celle - ci. Il soutient que son obligation fiscale aurait été moindre s'il avait utilisé la méthode de la valeur déterminée. C'est la raison pour laquelle il a demandé au ministre du Revenu national, en vertu de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise, le remboursement de sommes d'argent versées par erreur.

DÉCISION : L'appel est rejeté. L'appelant ayant payé la taxe en fonction du prix de vente, aucune somme d'argent n'a été versée par erreur. La question de savoir si l'appelant avait le droit de payer la taxe selon la méthode de la valeur déterminée ne relève pas des compétences du Tribunal.

Lieu de l'audience : Winnipeg (Manitoba) Dates de l'audience : Du 4 au 6 novembre 1991 Date de la décision : Le 2 mars 1992
Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant Michèle Blouin, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Roger D. Gripp, pour l'appelant Meg Kinnear, pour l'intimé





Le présent appel a pour fondement l'allégation de l'appelant selon laquelle il a versé des sommes d'argent par erreur lorsqu'il a calculé son obligation fiscale en fonction du prix de vente, comme le prévoit la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi). L'appelant prétend avoir pris la décision de calculer son obligation fiscale en fonction du prix de vente alors qu'il ignorait qu'il aurait pu utiliser la méthode de la «valeur déterminée» prévue par le Mémorandum de l'Accise ET 202 (le Mémorandum), et parce qu'il avait été dissuadé d'utiliser cette méthode après qu'une cotisation ait été établie à son égard en fonction de celle-ci. Il soutient que son obligation fiscale aurait été moindre s'il avait utilisé la méthode de la valeur déterminée. C'est la raison pour laquelle il a demandé au ministre du Revenu national (le Ministre), en vertu de l'article 68 de la Loi, le remboursement de sommes d'argent versées par erreur.

L'article 68 se lit comme suit :

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

M. Zvi Gitter, propriétaire et président de Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. (Imperial), a témoigné qu'il utilisait la méthode de la valeur déterminée pour calculer l'obligation fiscale d'Imperial sur le conseil de ses comptables. Il a déclaré qu'une cotisation d'environ 25 000 $ avait été établie à l'égard d'Imperial en 1985 ou 1986 en raison du fait qu'elle avait utilisé la méthode de la valeur déterminée. Par la suite, il a reçu copie d'une lettre envoyée par le bureau de Toronto du ministère du Revenu national, Douanes et Accise (Revenu Canada), lui faisant savoir qu'Imperial aurait dû avoir la possibilité d'utiliser la méthode de la valeur déterminée. Cependant, il a décliné d'employer de nouveau cette méthode pour éviter une nouvelle cotisation et parce qu'il n'était pas certain de son applicabilité. L'avocat de l'appelant a soutenu qu'une erreur avait été commise, et que cette erreur consistait dans le fait qu'Imperial avait le droit d'utiliser la méthode de la valeur déterminée pour calculer son obligation fiscale, mais qu'elle avait été dissuadée de l'utiliser dans la crainte qu'une nouvelle cotisation ne soit établie. Il a également indiqué que ce qui s'est produit dans le passé avec la fiche de décision 3700/107, laquelle définit les conditions précises de l'admissibilité de l'industrie des armoires de cuisine à l'utilisation de la méthode de la valeur déterminée prévue par le Mémorandum, explique pourquoi l'appelant ne pouvait pas savoir qu'il avait la possibilité d'utiliser la méthode de la valeur déterminée, et comment l'erreur a été commise.

La fiche de décision 3700/107, datée du 9 janvier 1985, faisait état de la première valeur déterminée autorisée pour l'industrie des armoires de cuisine. Cependant, elle a été modifiée avant d'être publiée dans le bulletin de Revenu Canada intitulé Nouvelles de l'Accise. Le 23 avril 1985, la fiche de décision 3700/107-1 a été publiée en remplacement de la fiche 3700/107.

M. Edward R. Reid, qui a travaillé au Manitoba pour Revenu Canada comme agent d'interprétation à l'extérieur de Winnipeg, a témoigné pour l'appelant. Il a déclaré que les deux fiches de décision n'avaient jamais ét 9‚ approuvées au Manitoba. Il a ajouté qu'il avait reçu pour instruction de ne pas informer l'industrie manitobaine des armoires de cuisine de l'existence de la fiche de décision avant que ne soit terminée une enquête interne visant à confirmer la validité de cette fiche. Des éléments de preuve ont été produits quant au fait que ni M. Reid ni aucun autre agent des bureaux de Revenu Canada à Winnipeg n'avait informé l'industrie des armoires de cuisine de l'existence de la fiche de décision 3700/107-1 et de la possibilité de se prévaloir de la méthode des valeurs déterminées.

Le 6 juin 1986, M. Reid, sur instruction de ses supérieurs, a écrit à l'administration centrale de l'Accise, à Ottawa, une lettre dans laquelle il mettait en doute la validité de la fiche de décision 3700/107-1. M. John Sitka, directeur adjoint de l'Établissement de la valeur à la direction de l'Interprétation fiscale de l'Accise, a répondu par écrit le 15 octobre 1986 que le rabais de 33 1/3 p. 100 autorisé au titre de la valeur déterminée était fondé sur une seule étude de cas, et non sur un examen global de l'industrie. En conséquence, la fiche de décision 3700/107-1 a été retirée à partir de cette date et classée «inactive».

M. Sitka a témoigné que le 5 novembre 1986, il a envoyé un message aux directeurs régionaux de la direction de l'Accise par l'intermédiaire d'«iNet» (un système de messagerie électronique interne utilisé par Revenu Canada). Il a informé les directeurs régionaux que la fiche de décision 3700/107-1 resterait «active» en attendant le résultat d'une étude nationale qui, à son avis, serait bientôt terminée. Cependant, la fiche de décision n'a jamais été «réactivée». Ainsi, toute référence à la fiche de décision par l'intermédiaire de Revenu Canada ou d'un service de rapport, faisait état du fait que celle-ci était inactive et qu'elle ne pouvait être utilisée par l'industrie. M. Sitka a témoigné que si un exemplaire de la fiche de décision avait été demandé à Revenu Canada, ce dernier aurait informé le demandeur que la fiche de décision 3700/107-1 pouvait être utilisée par l'industrie des armoires de cuisine.

Le 16 mars 1989, la fiche de décision 3700/107-2 a été publiée, à la suite d'une enquête nationale sur l'industrie des armoires de cuisine. Ce n'est pas avant octobre 1989 qu'elle a été publiée dans les Nouvelles de l'Accise.

Il ressort clairement des éléments de preuve déposés auprès du Tribunal que toute l'industrie canadienne des armoires de cuisine avait le droit, aux termes de la politique de Revenu Canada, de calculer son obligation fiscale conformément à la fiche de décision 3700/107-1 du 23 avril 1985 au 16 mars 1989. La fiche de décision 3700/107-2 est ensuite entrée en vigueur, quoique la chose n'ait pas été annoncée avant la fin d'octobre 1989. Tel qu'il est indiqué ci-dessus, ce renseignement n'a pas été communiqué à l'industrie desservie par le bureau du district de Winnipeg. De fait, il ressort des éléments de preuve présentés par les témoins de l'appelant que le statut «actif» de cette fiche de décision était inconnu des agents directement rattachés au bureau de Winnipeg, quoique la fiche ait été utilisée par l'industrie dans les autres régions du pays. De toute évidence, «iNet», le système de messagerie interne de Revenu Canada, a été inefficace dans le cas de la région de Winnipeg. De plus, le fait que Revenu Canada n'ait pas «réactivé» la fiche de décision ni pris les mesures appropriées pour informer les services de rapports fiscaux de ce changement, a entraîné de la confusion pour l'industrie et pour Revenu Canada même. De l'avis du Tribunal, l'erreur présumée en l'espèce peut, en tant que telle, être considérée comme directement attribuable à Revenu Canada. Cette erreur semble avoir eu pour résultat une application inéquitable et injustifiable de la politique ministérielle à l'industrie d'une région du pays.

L'avocat de l'appelant a présenté le problème en ces termes :

1) l'appelant avait-il le droit d'utiliser la méthode de la «valeur déterminée» aux termes du Mémorandum et des fiches de décision pertinentes; et, dans l'affirmative,

2) l'appelant a-t-il versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et a-t-il été tenu compte de ces sommes d'argent à titre de taxes aux termes de la Loi, ce qui autoriserait l'appelant à un remboursement, lorsque l'appelant a calculé son obligation fiscale en matière de taxe de vente en utilisant la méthode du «prix de vente» sans savoir qu'il aurait pu utiliser la méthode de la «valeur déterminée» ou sans avoir été avisé de ce fait?

Le Tribunal est une créature issue de la loi et de ses règlementse d'application. L'étendue de ses compétences et de ses pouvoirs doit être trouvée dans des textes statutaires, tels que la Loi sur la taxe d'accise et les règlements adoptés en rapport avec cette dernière. En dépit du fait que la preuve indique que des sociétés semblables à la société appelante et installées dans d'autres régions du Canada avaient été autorisées à utiliser la méthode de la valeur déterminée, le Tribunal remarque avec regret qu'il n'a pas les compétences nécessaires pour déterminer si la société appelante aurait elle-même eu le droit d'utiliser cette méthode. Les conditions d'admissibilité à ce droit sont exposées dans le Mémorandum, et, comme les dispositions de celui-ci ne sont pas fondées sur la Loi ni sur un règlement pris en vertu de cette dernière, le Tribunal n'a pas compétence pour juger si l'appelant avait ou non le droit d'utiliser cette méthode.

Le paragraphe 59(1) de la Loi confère au ministre des Finances ou au ministre du Revenu national le pouvoir de prendre, par règlement, toute mesure d'application de la Loi. Cependant, le Mémorandum n'est pas un règlement pris en vertu de la Loi [2] . Il peut être considéré comme une politique ministérielle dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire. En conséquence, la méthode de la valeur déterminée est dépourvue d'autorisation légale et le Tribunal n'a pas les compétences ni les pouvoirs nécessaires pour faire prévaloir une telle méthode au détriment des stipulations de la Loi.

L'article 68 de la Loi prévoit que le Ministre rembourse à un contribuable toute somme d'argent versée «par erreur de fait ou de droit ou autrement» lorsqu'il «a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes... en vertu de la présente loi». Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si le Ministre avait raison de décider que des sommes d'argent n'ont pas été versées par erreur lorsqu'il en a été tenu compte à titre de taxes en vertu de la Loi, quelle que soit la méthode utilisée pour calculer cette taxe.

L'appelant a payé la taxe en fonction du prix de vente comme le prévoit explicitement la Loi. Il n'a pas été soutenu que des erreurs de calcul se seraient produites, ni que des déductions fiscales ou des ventes exemptées n'auraient pas été reconnues, etc. L'appelant a déclaré qu'il avait fait une erreur en payant les taxes sur une assiette moins avantageuse que celle qu'il aurait choisi autrement. Il a soutenu qu'il avait le droit d'utiliser la méthode de la valeur déterminée prévue par le Mémorandum pour déterminer son obligation fiscale. Il a fait appel au Tribunal pour demander à celui-ci de faire valoir son droit. Cependant, le Tribunal n'a pas le pouvoir de faire prévaloir une méthode incompatible avec la Loi ou dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire au détriment de l'assiette fiscale prévue par les textes législatifs.

En conséquence, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15, dans sa version modifiée.

2. Pour qu'un texte soit considéré comme règlement, il doit satisfaire à certaines exigences de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), ch. S - 22. Le Mémorandum ne satisfait pas à ces exigences.


Publication initiale : le 24 juin 1997