BHP-UTAH MINES LTD.

Décisions


BHP-UTAH MINES LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-047

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 19 mars 1993

Appel n o AP-91-047

EU ÉGARD À un appel entendu le 4 novembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 27 mars 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BHP-UTAH MINES LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national. La question consiste à déterminer si le béton et la bentonite utilisés pour ériger une barrière de ciment autour d'une mine sont admissibles à l'exemption de la taxe de vente fédérale aux termes de l'alinéa 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise à titre de matières consommées ou utilisées par un fabricant ou un producteur directement dans la fabrication ou la production de marchandises.

DÉCISION : L'appel est admis. Le processus de production lié à l'extraction du minerai de cuivre ne se limite pas à la sortie du minerai de cuivre; il peut nécessiter d'autres étapes, notamment la construction de la barrière de béton et de bentonite. Le Tribunal conclut qu'il y a un rapport ou un lien étroit entre le béton et la bentonite qui composent la barrière et l'extraction du minerai de cuivre de la mine, car cette barrière : 1) entoure le terrain qui contient le minerai; 2) constitue un ouvrage préparatoire nécessaire à l'extraction du minerai de cuivre; 3) est nécessaire jusqu'à la fin de l'extraction; et 4) empêche l'infiltration d'eau. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que le béton et la bentonite qui composent la barrière ont été utilisés directement dans la production du minerai de cuivre et sont donc admissibles à l'exemption.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 4 novembre 1992 Date de la décision : Le 19 mars 1993
Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Michèle Blouin, membre
Avocats pour le Tribunal : Brenda C. Swick-Martin Shelley Rowe
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Douglas C. Morley, pour l'appelant Wayne D. Garnons-Williams, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [. L.R.C. (1985), ch. E - 15.] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national. La question consiste à déterminer si le béton et la bentonite utilisés pour ériger une barrière de ciment autour d'une mine sont admissibles à l'exemption de la taxe de vente fédérale (TVF) aux termes de l'alinéa 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi à titre de «[m]atières [...] consommées ou utilisées par les fabricants ou producteurs directement dans [...] la fabrication ou la production de marchandises».

L'appelant exerce son activité sous la raison sociale Island Copper Mine et il exploite une mine de cuivre à ciel ouvert sur l'île de Vancouver à proximité du bras de Rupert. En 1989, l'appelant a décidé d'extraire du minerai de cuivre de mines situées sous le niveau de la mer et, pour se préparer en vue de cette activité, il a dû ériger une barrière pour empêcher l'infiltration d'eau de mer venant du bras de Rupert dans la mine. Entre juin et octobre 1989, ICOS Corporation of America/Nicholson Joint Venture (ICOS) a creusé, pour le compte de l'appelant, un canal entre la mine et le bras de Rupert et l'a ensuite rempli de béton et de bentonite pour constituer une barrière de ciment. ICOS avait acheté le béton et la bentonite et avait payé la TVF à l'achat.

Le 24 janvier 1990, ICOS a déposé une demande de remboursement de la TVF qu'elle avait payée sur le béton et la bentonite. Dans un avis de décision daté du 27 mars 1991, l'intimé a rejeté la demande de remboursement présentée par l'appelant qui a, par la suite, interjeté appel auprès du Tribunal.

Au cours de l'audience, l'avocat de l'appelant a soutenu que le béton et la bentonite sont admissibles à l'exemption précitée. Il a prétendu que la bentonite et le béton sont des «matières» et qu'ils ont été «consommés ou utilisés» dans le cadre de la production, car lorsqu'ils ont été coulés dans le canal, ils ont formé une barrière de ciment permanente et n'ont pu être réutilisés; il a ajouté que l'exploitant d'une mine est un «producteur» et que l'extraction du minerai de cuivre d'une mine correspond à la «production de marchandises» [. Arthur A. Voice Construction Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP - 89 - 133, le 24 octobre 1990.] .

L'avocat a invoqué la cause Pacific Petroleums Ltd. v. The Deputy Minister of National Revenue for Customs and Excise [. Commission du tarif, appel no 1342, le 14 novembre 1978.] à l'issue de laquelle la Commission du tarif a statué que le ciment utilisé pour étayer un puits de pétrole constitue du matériel consommé et utilisé directement dans la production de marchandises. La Commission du tarif a conclu ce qui suit : 1) un puits en exploitation correspond à la production de marchandises au sens de l'exemption; 2) le ciment utilisé dans le puits de pétrole est en contact direct avec le pétrole; 3) une fois coulé et durci, le ciment utilisé dans le puits de pétrole est destiné à la production de pétrole à partir de ce puits particulier et il ne peut être réutilisé; et 4) en conséquence, le ciment utilisé dans le puits de pétrole est considéré comme du matériel consommé ou utilisé directement dans la production de marchandises au sens de l'exemption.

L'avocat de l'appelant a également soutenu que le béton et la bentonite ont été utilisés directement dans le processus de production lié à l'extraction du minerai de cuivre de la mine. Il a invoqué la cause Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise c. Amoco Canada Petroleum Company Ltd. [. Cour d'appel fédérale, no du greffe A-1845-83, le 3 décembre 1985.] , à l'issue de laquelle la Cour d'appel fédérale a conclu qu'un pipeline qui permet d'acheminer des matières premières à une usine située à 30 km est utilisé «directement» dans le processus de fabrication, car le pipeline est nécessaire et essentiel pour le processus de fabrication et il n'y a eu aucun «intermédiaire», c'est-à-dire un processus de production entre les deux usines raccordées au pipeline.

L'avocat de l'appelant a invoqué la décision Amoco pour étayer sa position, à savoir qu'il n'est pas nécessaire que la barrière de béton et de bentonite soit placée contre la paroi rocheuse pour être considérée comme «essentielle» et, par conséquent, directement liée au processus de production de la mine. Il a soutenu qu'il n'y a pas d'«intermédiaire» entre la barrière et le processus d'extraction proprement dit, comme cela aurait été le cas si la barrière avait servi, par exemple, à protéger le matériel de pompage utilisé pour garder la mine au sec. L'avocat a également affirmé que la décision Amoco est conforme à la cause Esso Resources Canada Limited c. Le ministre du Revenu national [. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2984, le 4 décembre 1989.] , à l'issue de laquelle le Tribunal a conclu qu'il n'y avait pas de rapport ni de lien étroit entre le matériel utilisé dans les pipelines et la production de pétrole brut à partir du bitume parce que le matériel servait à transporter du gaz naturel utilisé pour produire de la vapeur destinée à faire fondre le bitume. L'étape supplémentaire, c'est-à-dire la production de vapeur, constituait l'«intermédiaire» qui empêchait le matériel utilisé dans les pipelines d'être lié directement à la production de pétrole brut à partir du bitume.

Pour étayer davantage sa position, l'avocat de l'appelant a également cité la cause Hydro - Québec c. Le ministre du Revenu national [. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2374, le 20 décembre 1991.] , à l'issue de laquelle le Tribunal a conclu que divers disjoncteurs et condensateurs utilisés pour le transport de l'électricité sont admissibles à l'exemption énoncée aux alinéas 1a), l), o) et 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi parce qu'ils servent, tout comme la barrière visée par le présent appel, à «assurer la non-interruption du processus de production [. Ibid. à la p. 25.] ».

L'avocat de l'intimé a fait valoir que le béton et la bentonite utilisés pour construire la barrière ne sont pas des matières consommées ou utilisées directement dans la fabrication ou la production de marchandises, même si ces matières ne peuvent être réutilisées. Il a reconnu que l'extraction du minerai de cuivre d'une mine constitue une activité de production de marchandises, mais n'a pas reconnu que le béton et la bentonite sont des matières consommées ou utilisées directement dans la production de marchandises, c'est-à-dire du minerai de cuivre. Il a fait remarquer que le terme «directement» a été interprété dans la jurisprudence pertinente comme englobant les expressions «sans intermédiaire» et «un rapport ou lien étroit». Le terme «directement» exige donc l'existence d'un rapport ou d'un lien étroit entre la barrière de béton et de bentonite et l'extraction du minerai de cuivre, élément absent dans la cause à l'étude.

L'avocat de l'intimé a établi une distinction à l'égard de la cause Pacific à partir des faits recueillis et du fait que le ciment a été utilisé directement dans le puits de pétrole à l'emplacement de production. À son avis, les causes Esso et Amoco révèlent que le terme «directement» sous-entend l'existence d'un rapport ou d'un lien étroit, ce qui ne correspond pas à l'expression «partie intégrante et essentielle». L'avocat a fait valoir que la barrière de béton et de bentonite fait partie de l'infrastructure de la mine; elle n'est pas utilisée directement dans l'extraction du minerai de cuivre de la mine ou n'a pas de lien étroit avec ladite extraction. Si la mine était située au-dessus du niveau de la mer, il n'aurait pas été nécessaire d'ériger une telle barrière pour extraire le minerai.

Le Tribunal conclut que le béton et la bentonite sont admissibles à l'exemption de la TVF à titre de matières consommées ou utilisées par les producteurs directement dans la production de marchandises au sens de l'alinéa 2a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

Conformément aux principes énoncés dans la décision Pacific, le Tribunal est convaincu que le béton et la bentonite sont des matières et qu'ils ont été consommés ou utilisés lorsqu'ils ont été coulés dans le canal pour constituer une barrière de ciment; ils ont par la suite durci et n'ont pu être réutilisés. Il reste à déterminer si le béton et la bentonite ont été utilisés directement dans le processus d'extraction du minerai de cuivre.

Pour arriver à sa décision, le Tribunal se reporte à la cause Amoco, où la Cour d'appel fédérale a conclu que le terme «directement» ne doit pas être pris dans son sens étroit et que «[e]n l'absence de directives précises dans la Loi, aucun motif rationnel ne [...] justifie de fixer arbitrairement ce commencement [du processus de production] [...]». En outre, le Tribunal partage le point de vue de la Cour d'appel fédérale, à savoir que le sens conféré au terme «directement» doit tenir compte des faits propres à chaque cause.

De l'avis du Tribunal, l'extraction du minerai de cuivre d'une mine constitue un processus de production qui comprend plusieurs étapes et qui ne se limite pas à l'action de sortir du minerai de cuivre d'une mine. Les parties ont convenu que la construction de la barrière était nécessaire pour l'extraction du minerai de cuivre, car elle empêchait l'infiltration d'eau provenant du bras de Rupert dans la mine.

Dans la cause Esso, le Tribunal a conclu que le terme «directement» signifie qu'il doit exister «un rapport ou lien étroit» entre les marchandises faisant l'objet d'une demande d'exemption et le processus de production. Dans cet appel, le Tribunal a décidé que les pipelines et le matériel connexe n'étaient pas admissibles à l'exemption prévue au sous-alinéa 1a)(i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, qui a trait aux machines et appareils utilisés principalement et directement dans la production. Le Tribunal a conclu que le pipeline ne servait pas à transporter des matières premières utilisées pour fabriquer du bitume ou pour transformer le bitume dans une forme le rapprochant de son état fini et, vu que ni le pipeline ni les matières premières n'entraient en contact avec les marchandises produites, le pipeline a été considéré comme une infrastructure.

En appliquant à la présente cause le «concept de rapport ou de lien proche» énoncé dans la décision Esso, le Tribunal conclut qu'il existe un rapport ou un lien étroit entre la bentonite et le béton qui composent la barrière et l'extraction du minerai de cuivre de la mine. D'abord, la barrière composée de béton et de bentonite entoure le terrain qui renferme le minerai de cuivre. Ensuite, la barrière de béton et de bentonite constitue un ouvrage préparatoire nécessaire à l'extraction proprement dite du minerai de cuivre, la mine ne pouvant être exploitée sans cette étape. Enfin, la barrière de béton et de bentonite demeure un élément nécessaire jusqu'à la fin de l'extraction pour empêcher en tout temps l'infiltration d'eau dans la mine.

Ayant établi qu'il existe un rapport étroit entre la barrière de béton et de bentonite et l'extraction du minerai de cuivre, le Tribunal conclut que le béton et la bentonite qui composent la barrière sont utilisés directement par l'appelant dans la production de minerai de cuivre et, en conséquence, sont admissibles à l'exemption. L'appel est admis.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 24 juin 1997