SUNTECH OPTICS INC.

Décisions


SUNTECH OPTICS INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-082

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 2 juin 1992

Appel n o AP-91-082

EU ÉGARD À un appel entendu le 20 février 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national, le 14 mai 1991, concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

SUNTECH OPTICS INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté. Les lunettes de soleil en cause ne sont pas considérées comme des «vêtements et chaussures» au sens de l'article 1 de la partie XV de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, tel que déterminé par le gouverneur en conseil dans le Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelant est un distributeur, non titulaire d'une licence, de lunettes de soleil non prescrites. Les lunettes de soleil sont dotées de qualités protectrices qui bloquent certaines bandes de lumière (rayons ultraviolets) du spectre de couleurs. Elles ont été importées au Canada dans un certain nombre de styles, de couleurs et de formes différents.

L'appel porte sur la question de savoir si les lunettes de soleil sont exonérées de la taxe de vente fédérale à titre de «vêtements et chaussures» aux termes de l'article 1 de la partie XV de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise et du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que les lunettes de soleil sont des «marchandises qui sont conçues pour être utilisées avec les vêtements» aux termes de l'alinéa 2q) du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures et, à ce titre, sont assujetties à la taxe de vente fédérale conformément à l'article 50 de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 20 février 1992 Date de la décision : Le 2 juin 1992
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Charles A. Gracey, membre Desmond Hallissey, membre
Services juridiques : France Deshaies
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : S.E. Paul, pour l'appelant M. Kinnear, pour l'intimé





L'appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi). Il porte sur un avis de décision rendu le 14 mai 1991 par le ministre du Revenu national et dans lequel ce dernier ratifiait un avis de détermination du 28 septembre 1990, qui avait pour effet de refuser la remise de 504 131,41 $ payée au titre de la taxe de vente fédérale sur des marchandises importées entre le 26 août 1988 et le 20 juillet 1990.

L'appelant est un distributeur, non titulaire d'une licence, de lunettes de soleil non prescrites (les lunettes de soleil). Les lunettes de soleil sont dotées de qualités protectrices qui bloquent certaines bandes de lumière (rayons ultraviolets) du spectre de couleurs. Elles ont été importées au Canada dans un certain nombre de styles, de couleurs et de formes différents.

Le présent appel porte sur la question de savoir si les lunettes de soleil sont exonérées de la taxe de vente fédérale à titre de «vêtements et chaussures» aux termes de l'article 1 de la partie XV de l'annexe III de la Loi. Conformément au paragraphe 50(1) de la Loi, la taxe imposée en vertu de l'article 50 ne vise pas la vente ou l'importation de ces marchandises.

Le sens donné à l'expression «vêtements et chaussures» est déterminé par règlement par le gouverneur en conseil [2] . À cet égard, le règlement pertinent est le Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures [3] (le Règlement).

ANNEXE III

PARTIE XV

VÊTEMENTS ET CHAUSSURES

1. Vêtements et chaussures, y compris les articles et les matières devant être incorporés dans leur production domestique ou commerciale, que le gouverneur en conseil peut déterminer par règlement.

Les éléments pertinents du Règlement sont les suivants :

2. Aux fins de la Partie XV de l'Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, il est déterminé que les vêtements et chaussures comprennent

...

f) les coiffures telles que les passe - montagnes, les protège - casquettes, les bonnets, les protège - oreilles, les chapeaux, les capuchons, les coiffures tricotées, les bonnets de nuit, les bonnets de pluie, les bonnets de douche, les toques, les chapeaux et bonnets d'uniformes,

...

k) les vêtements et accessoires divers tels que les peignoirs, les maillots de bain, les sorties de plage, les ceintures, les robes de chambre, les porte - jarretelles, les gants, les robes d'intérieur, les mitaines, les cravates, les chemises de nuit, les pyjamas, les foulards, les vestes d'intérieur et les bretelles,

mais ne comprennent pas

...

n) les marchandises qui ont des dispositifs de protection ou d'autres caractéristiques nécessaires pour la pratique d'un sport ou l'exercice d'une activité récréative, notamment les gants de base - ball ou de hockey, les souliers de quilles ou de curling, les gants de golf, les culottes rembourrées, les casques et masques protecteurs, les patins, les lunettes de ski et autres types semblables de lunettes et les chaussures ou les bottes à clous ou à crampons,

...

q) les marchandises qui sont conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures telles que les couronnes, les harnais pour transporter le matériel, les sacs à main, les fanions, les bourses, les sceptres, les écussons, les parapluies, les portefeuilles et autres accessoires servant à garnir les vêtements et les chaussures,

...

M. Harold Atkinson, directeur des ventes de Suntech Optics Inc. (pour le district de l'Est du Canada) a témoigné pour l'appelant. Il a indiqué que celui-ci offrait une gamme très variée de styles (plus de 200), de couleurs et de formes de lunettes de soleil. Il a de plus décrit le mode de production des lunettes de soleil ainsi que les divers matériaux qui entrent dans leur fabrication. Le témoin a expliqué que les gammes de produits de l'appelant pouvaient être réparties en diverses catégories : mode féminine, mode masculine, lunettes de sport et verres «à la mode du jour» (par exemple, le style «rétro»). L'appelant vend également des lunettes de soleil pour enfants. M. Atkinson a de plus indiqué que les gens portent des lunettes de soleil pour protéger leurs yeux et pour être à la mode. Les lunettes de soleil protègent les yeux en absorbant les rayons ultraviolets. Il a aussi présenté diverses autres activités où des lunettes de soleil sont portées (par exemple, pour faire des courses, conduire la voiture, s'adonner au nautisme, faire des excursions, etc.), mais il a mentionné qu'elles n'avaient aucune utilisation précise. Les lunettes de soleil sont principalement vendues dans des pharmacies. Le choix des styles et des couleurs est principalement fonction de renseignements obtenus dans diverses revues de modes, revues sportives, foires commerciales et catalogues et fournis par un conseiller en mode de Montréal. En réponse aux questions de l'avocate de l'intimé, M. Atkinson a déclaré que, en général, les lunettes de soleil étaient portées à l'extérieur et n'étaient pas faites de matières textiles.

L'avocate de l'appelant a convoqué M. K. Slater, professeur à l'École de génie de l'Université de Guelph, et a demandé au Tribunal de le considérer comme témoin expert dans le domaine de la science des matériaux, des propriétés des vêtements, du confort et des matières textiles. L'avocate de l'intimé s'est opposée à ce que M. Slater soit considéré comme un expert en matière de lunettes de soleil. Le Tribunal, après avoir entendu les qualités du témoin, a accepté de le considérer comme un témoin expert en matière textiles et en vêtements, mais ne lui a pas reconnu de compétences équivalentes en rapport avec les lunettes de soleil. Dans son témoignage, M. Slater a indiqué que les quatre fonctions traditionnelles des vêtements étaient la décoration, le prestige, la protection contre les éléments et la pudeur. Il a ajouté que, ces derniers temps, ses travaux l'avaient porté à croire que l'une des qualités les plus recherchées des vêtements était d'accroître le confort.

L'avocate de l'appelant a avancé que les lunettes de soleil étaient un vêtement au sens ordinaire du mot (clothing) et tel que défini dans le dictionnaire : «covering for the human body or garments in general: all the garments and accessories worn by a person at any one time» [4] (sert à couvrir le corps humain ou habillement général : tous les habillements ou accessoires portés par une personne à un moment donné - traduction). Le fait que les lunettes de soleil ne soient pas composées de matières textiles, a-t-elle ajouté, ne signifie pas qu'elles ne peuvent être classées comme des vêtements.

L'avocate de l'appelant a ensuite fait valoir que les lunettes de soleil répondaient à toutes les fonctions d'un vêtement, à savoir la décoration, le prestige, la protection contre les éléments et la pudeur. Les lunettes de soleil répondent comme suit à toutes ces fonctions : elles suivent de près la mode et sont utilisées comme décoration; les lunettes de soleil de mode et les modèles haut de gamme peuvent être achetées pour marquer le prestige; elles protègent les yeux des rayons ultraviolets; et elles peuvent cacher une blessure ou mettre celui qui les porte à l'abri des regards inquisiteurs. De plus, l'avocate a soutenu que les lunettes de soleil s'acquittaient d'une cinquième fonction, celle du confort : le confort physique de celui qui les porte et qui n'est plus obligé de plisser les yeux à cause du soleil et le confort mental de celui qui sait que ses yeux sont voilés en public.

L'avocate de l'appelant a ajouté par la suite que les lunettes de soleil en question devraient être exonérées de la taxe de vente fédérale en vertu du paragraphe 51(1) de la Loi, parce qu'il s'agit du genre de marchandises exonérées de la taxe en vertu des alinéas 2a) à 2k) du Règlement. De façon plus précise, elle a soumis que les lunettes de soleil étaient des «coiffures» aux termes de l'alinéa 2f), parce qu'elles sont analogues aux cache-oreilles. Autrement, elle a prétendu que les marchandises devraient être visées par l'alinéa 2k) du Règlement à titre de «vêtements et accessoires divers» parce que, à l'instar des articles mentionnés dans cet alinéa, les lunettes de soleil sont souvent portées à la plage, à la ville ou à la maison.

L'avocate de l'appelant a soutenu que les termes «comprennent» et «tels que» que l'on retrouve dans le Règlement signifient que les alinéas ne sont pas exhaustifs. Par conséquent, même si le Tribunal concluait que les lunettes de soleil n'étaient pas des coiffures ou des vêtements et accessoires divers, les lunettes de soleil devraient être exonérées à titre de vêtements. Elle a indiqué que le critère minimal permettant de classer un article en tant que vêtement devait être le fait que cet article est «a covering for the human body or [is] being worn» (sert à couvrir le corps humain ou est porté - traduction). Comme les lunettes de soleil sont portées et servent à couvrir une partie du corps humain, elles satisfont à ce critère minimal.

L'avocate de l'intimé a d'abord indiqué que le bon sens et le sens qui est habituellement donné au terme empêchaient de considérer des lunettes de soleil comme des vêtements. Elle a fait valoir que les lunettes de soleil étaient mieux classées à l'alinéa 2n) à titre de «marchandises qui ont des dispositifs de protection ou d'autres caractéristiques nécessaires pour la pratique d'un sport ou l'exercice d'une activité récréative», parce qu'elles ont une forme semblable et remplissent des fonctions analogues à celle des masques et des lunettes à coques, parce qu'elles possèdent un élément de protection dû au fait qu'elles protègent contre les rayons ultraviolets et parce qu'elles sont utilisées pour la pratique d'un sport ou l'exercice d'une activité récréative. Autrement, les lunettes de soleil devraient être classées à l'alinéa 2q) du Règlement à titre de «marchandises qui sont conçues pour être utilisées avec les vêtements et les chaussures».

Après avoir examiné les éléments de preuve et les arguments dont il a été saisi, le Tribunal conclut que l'appel devrait être rejeté. À son avis, les termes «comprennent» et «tels que» utilisés à l'article 2 du Règlement montrent que les articles énumérés ne sont que des exemples, car il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce que le législateur ait pu dresser la liste de tous les articles imaginables pouvant être considérés comme des vêtements. Le Tribunal estime qu'aucune des marchandises citées dans les clauses d'exemption ressemble suffisamment aux lunettes de soleil pour entraîner l'exonération de ces dernières.

Le Tribunal conclut que les lunettes de soleil ne sont pas des vêtements au sens qui est habituellement donné à ce terme. Il reconnaît toutefois que bon nombre des articles énumérés dans le Règlement ne sont pas, à proprement parler, considérés comme des vêtements (par exemple, les parapluies, les sceptres, etc.). Les fonctions et les usages habituels des vêtements mentionnés par l'appelant ne permettent pas de conclure qu'une marchandise doit être considérée comme un vêtement. Il en est ainsi parce que certains articles pourraient remplir ces fonctions tout en étant exclus du champ d'application du Règlement. Il est donc nécessaire de mener une analyse plus approfondie. Le Règlement est le meilleur moyen pour aider le Tribunal à déterminer si une marchandise devrait ou non être considérée comme un vêtement.

Chaque alinéa du Règlement comporte deux parties. La première renferme un exposé général de la catégorie que doit viser l'alinéa et la deuxième, une énumération des marchandises comprises dans cette catégorie. L'énumération sert de guide aux articles que la catégorie entend viser ou couvrir. Le sens ordinaire et grammatical doit être donné aux termes que renferme le Règlement.

Dans le cas présent, les avocates des parties ont indiqué quatre catégories dans lesquelles pourraient être comprises les lunettes de soleil, soit les alinéas 2f), 2k), 2n) et 2q). Les lunettes de soleil ne sont pas nommément incluses dans l'un ou l'autre de ces alinéas. Il incombe donc au Tribunal de déterminer par quel alinéa les lunettes de soleil sont logiquement visées.

En ce qui a trait à l'alinéa 2f), le Tribunal conclut que les lunettes de soleil ne peuvent être comprises dans la catégorie des articles énumérés comme coiffures. Elles couvrent parfois les yeux, mais elles ne sont pas portées sur la tête pour la couvrir et pour protéger le crâne. Par ailleurs, elles ne ressemblent pas suffisamment aux autres articles énumérés pour qu'il soit justifié de les classer comme coiffures.

En ce qui concerne l'alinéa 2k), l'appelant s'est principalement fondé sur le fait que les articles portés à la plage sont semblables aux lunettes de soleil. Encore une fois, le Tribunal n'estime pas que les lunettes de soleil soient semblables aux articles mentionnés dans cet alinéa. Un accessoire est parfois secondaire et ajoute à la beauté, à l'aspect pratique ou à l'efficacité de l'article dont il est accessoire. Les lunettes de soleil peuvent ajouter à la beauté de l'apparence générale d'une personne plutôt qu'à la beauté des vêtements. Elles constituent, plutôt, des articles distincts, non reliés aux vêtements. Elles ont pour rôle de protéger les yeux et non de s'harmoniser aux vêtements ou de les accompagner.

En ce qui a trait à l'alinéa 2n), le Tribunal conclut que les lunettes de soleil ne peuvent être visées par cette catégorie, car elles ne sont pas «nécessaires» à la pratique d'un sport. Les éléments de preuve ont montré que l'appelant ne vend pas de lunettes de soleil utilisées exclusivement pour la pratique d'un sport. Elles peuvent être portées pour l'exercice d'une gamme d'activités, comme une simple promenade à l'extérieur ou la conduite d'une voiture par temps ensoleillé. En outre, même si les lunettes de soleil ont certains dispositifs de protection, elles ne ressemblent pas aux dispositifs de protection énumérés ou censés être inclus dans l'alinéa.

Le Tribunal conclut que la catégorie s'appropriant le mieux aux lunettes de soleil en question est celle visée par l'alinéa 2q), soit celle des marchandises qui sont conçues pour être utilisées avec les vêtements. Les lunettes de soleil, à l'instar des parapluies, des sceptres ou des bourses, remplissent une fonction distincte, qui est indépendante et non liée aux vêtements, même si elles sont généralement portées ou mises avec des vêtements.

Enfin, en ce qui a trait à la question des dépens soulevée par l'appelant, le Tribunal n'a pas la compétence d'accorder les dépens lors du règlement d'un appel en vertu du paragraphe 81.27(2) de la Loi.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985) ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. L.R.C. (1985) ch. E-15, dans sa version modifiée, article 1 de la partie XV de l'annexe III.

3. DORS/84-247, Gazette du Canada partie II, vol. 118, no 7, p. 1232.

4. Webster's Third New International Dictionary, Merriam - Webster Inc., États - Unis d'Amérique, 1986, à la page 428.


Publication initiale : le 25 juin 1997