QUEBECOR PRINTING (CANADA) INC.

Décisions


QUEBECOR PRINTING (CANADA) INC.,
QUEBECOR PUBLITECH INC.
ET
BRITISH AMERICAN BANK NOTE INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-91-103, AP-91-104, AP-91-105 et AP-91-106

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 27 juillet 1993

Appel n o AP - 91 - 103

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 décembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 15 avril 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

QUEBECOR PRINTING (CANADA) INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Ottawa, le mardi 27 juillet 1993

Appel n o AP - 91 - 104

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 décembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 15 avril 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

QUEBECOR PUBLITECH INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.





Ottawa, le mardi 27 juillet 1993

Appel n o AP - 91 - 105

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 décembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 15 avril 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BRITISH AMERICAN BANK NOTE INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.





Ottawa, le mardi 27 juillet 1993

Appel n o AP - 91 - 106

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 décembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 15 avril 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BRITISH AMERICAN BANK NOTE INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.





Les appelants oeuvrent dans le domaine de l'imprimerie. Ils impriment et vendent des chèques à d'importants établissements financiers et à leurs déposants. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les dépenses engagées par les appelants lors de certaines activités menées à l'intérieur de leurs locaux commerciaux avant la prise en charge des chèques par la Société canadienne des postes (par exemple, le tri des chèques et leur conditionnement dans des contenants appropriés) constituent des coûts qui peuvent être exclus lors du calcul du prix de vente des chèques aux termes de la division 46c)(ii)(B) de la Loi sur la taxe d'accise et du Règlement sur l'exclusion du coût du transport aux fins de la taxe de vente.

DÉCISIONS : Les appels sont rejetés. Les dépenses engagées sont caractérisées comme des dépenses antérieures au transport effectué par la Société canadienne des postes. En outre, les appelants n'ont pu fournir les documents spécifiquement exigés par la réglementation afin d'appuyer les frais allégués concernant le tri postal effectué à l'interne.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 décembre 1992 Date des décisions : Le 27 juillet 1993
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant John C. Coleman, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Thérèse Desjardins, pour les appelants Rosemarie Millar, pour l'intimé





Il s'agit de quatre appels interjetés aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard de cotisations établies par le ministre du Revenu national (le Ministre) en application de l'article 81.15 de la Loi.

Les appelants oeuvrent dans le domaine de l'imprimerie. Ils impriment et vendent des chèques à d'importants établissements financiers et à leurs déposants.

En ce qui concerne les appels nos AP-91-103 et AP-91-104, les appelants ont fait l'objet des cotisations respectives de 43,352,12 $ et de 20,880,25 $ à titre de taxes impayées. Quant aux appels nos AP-91-105 et AP-91-106, les sommes cotisées pour non-paiement de taxes s'élèvent respectivement à 137,522,94 $ et à 231,365,20 $. À la suite de la signification d'avis d'opposition par les appelants, quatre avis de décisions en date du 15 avril 1991 ont ratifié les cotisations au motif qu'il n'existe aucun fondement législatif permettant d'admettre les avis d'opposition. Selon l'intimé, les coûts déduits dans le calcul du prix de vente à titre de coûts de transport constituent plutôt des frais relatifs à des activités antérieures au transport des marchandises entre les locaux commerciaux du fabricant ou à la livraison des marchandises de ces mêmes locaux à la clientèle. Portées en appel, ces quatre causes ont été entendues ensemble par le Tribunal.

La question que doit trancher le Tribunal consiste à déterminer si les dépenses engagées par les appelants lors de certaines activités (par exemple, le tri des chèques et leur conditionnement dans des contenants appropriés, le pesage desdits contenants) menées à l'intérieur de leurs locaux commerciaux avant la prise en charge des chèques par la Société canadienne des postes (Postes Canada), et ce afin de minimiser les factures postales et d'accélérer la livraison des chèques à la clientèle, constituent des coûts qui peuvent être exclus lors du calcul du prix de vente des chèques aux termes de la division 46c)(ii)(B) de la Loi et du Règlement sur l'exclusion du coût du transport aux fins de la taxe de vente [2] (le Règlement).

Mme Thérèse Desjardins, conseillère en taxe de vente, a représenté les appelants et a témoigné en leur nom. Après avoir souligné que les listes de prix pour les chèques portent la mention que les coûts du transport sont en sus du prix de vente, elle a expliqué la méthode utilisée pour comptabiliser les coûts du transport. Ainsi, tous les montants reçus des clients à titre de coûts du transport sont imputés sur un compte collectif, duquel les dépenses payées à Postes Canada sont débitées. Ces dépenses reflètent les montants que Postes Canada demande aux appelants et elles sont appuyées par des factures (reçus) émises par Postes Canada. Ces factures (reçus) de Postes Canada ne mentionnent pas le crédit exact accordé aux appelants pour les travaux exécutés par eux dans le but d'accélérer la livraison des chèques à sa clientèle. Le solde créditeur est redevable à l'escompte ou au crédit de 18 p. 100 accordé aux appelants par Postes Canada en raison du volume d'envois postaux et des opérations de tri effectuées. À cet égard, Mme Desjardins a fait remarquer que les frais de main d'oeuvre et les frais indirects sont supportés par les appelants. Enfin, elle a précisé que l'escompte n'est pas transmis aux établissements financiers ni aux déposants.

Lors du contre-interrogatoire, Mme Desjardins a admis que, grâce à l'escompte accordé par Postes Canada, le montant payé par les divers clients pour le transport a toujours été plus élevé que celui effectivement payé par les appelants à Postes Canada.

Mme Lucie Bergevin-Given, vérificatrice dans le dossier de l'appel no AP-91-106 et connaissant également les autres dossiers, a témoigné pour le compte de l'intimé. Elle a fait un bref historique des cotisations en cause et a rappelé que la demande de remboursement faite par l'appelant avait été approuvée au mois de novembre 1988, sous réserve d'une vérification ultérieure. La vérification en question a débuté en janvier 1989 et, à la suite de celle-ci, un avis de cotisation a été envoyé dans le but de recouvrer le montant payé à l'appelant. Ce témoin a ensuite expliqué, à l'aide d'une facture versée au dossier, le fonctionnement du compte collectif. En réponse à une question de l'avocate de l'intimé, Mme Bergevin-Given a reconnu l'existence au dossier de factures présentées par Postes Canada. Elle s'est empressée, toutefois, de souligner l'absence de toute preuve documentaire numérique justifiant les dépenses en cause faites par Custom Cheques of Canada (une division de British American Bank Note Inc.) et qui sont débitées de l'excédent imputé aux banques.

Lors du contre-interrogatoire, Mme Bergevin-Given a admis ne pas être au fait de documents que l'appelant a remis à l'intimé en septembre 1990 à la suite de la signification de l'avis d'opposition. Mme Desjardins a alors déposé en preuve comme pièce A-1 un document comptable de Custom Cheques of Canada qui indiquait les coûts supportés à l'interne par l'appelant lors des opérations de tri. Mme Bergevin-Given a également mentionné que de nombreuses demandes faites lors de la vérification pour appuyer les coûts, tant auprès du cabinet d'experts-comptables de l'appelant qu'auprès de certains employés de la British American Bank Note Inc., étaient généralement restées sans réponse. Enfin, ce témoin a affirmé qu'il n'y a aucune façon d'établir un lien entre l'excédent et les chiffres figurant dans la pièce A-1. Mme Bergevin-Given a fait remarquer que la vérification de ces chiffres exigerait de la part du contribuable une ventilation du contenu du compte de produits ainsi que des documents précis permettant de justifier une telle ventilation.

Mme Dawn Schellenberg, directrice des Finances à Custom Cheques of Canada, a été le deuxième témoin des appelants. Elle a précisé que la documentation accompagnant la demande de remboursement dans le dossier de l'appel no AP-91-106 était minimale, et qu'une requête dans le but d'obtenir des documents supplémentaires pour supporter l'ensemble des débits et des crédits n'a jamais été présentée. Cependant, en réponse à une question du Tribunal, Mme Schellenberg a reconnu ne pas savoir si le cabinet d'experts-comptables de l'appelant avait été contacté ou non à cet effet. En réponse à une question de l'avocate de l'intimé, ce témoin a admis qu'il n'y a aucun lien entre l'excédent et les chiffres de la pièce A-1. Commentant cette réponse de Mme Schellenberg, Mme Desjardins a fait remarquer que la différence entre le prix obtenu et le prix demandé aux clients provenait, d'une part, de l'escompte accordé par Postes Canada pour avoir effectué le tri postal et, d'autre part, d'une ristourne sur quantité. Mme Desjardins a ensuite ajouté qu'il fallait considérer l'excédent d'une manière globale; il sert à couvrir les frais engagés à l'interne et une petite portion de celui-ci n'est pas supportée par des coûts, car cette portion correspond, en fait, à une ristourne sur quantité. Elle n'a pas précisé la portion exacte de l'excédent attribuable à l'escompte accordé par Postes Canada pour le travail de tri postal.

Lors de l'argumentation, Mme Desjardins a d'abord soutenu ne pas avoir à se référer aux directives prévues au Règlement parce qu'il est «absolument clair» que le prix de vente des chèques est «séparé, identifié, et facturé séparément» des coûts du transport. À cet égard, elle a invoqué la décision no 1135/17-1 du ministère du Revenu national en date du 17 novembre 1982 au sujet des services d'expédition d'imprimés. Elle a aussi invoqué un argument d'équité, soulevant sous ce rapport la différence de traitement des frais supportés à l'interne comparativement à ceux payés à une tierce personne et ce, même si les opérations en cause sont les mêmes.

L'avocate de l'intimé a soutenu, pour sa part, qu'il ne s'agit pas d'une question d'équité, mais plutôt d'une question de droit. Tout en reconnaissant que les appelants ont droit à une déduction pour les coûts du transport, elle a ajouté que ces derniers doivent être des coûts réels. Après avoir examiné les dispositions législatives pertinentes, dont la définition du prix de vente donnée à l'article 42 de la Loi, l'avocate de l'intimé a prétendu que le prix de vente en fonction duquel la taxe est calculée doit comprendre les coûts du transport, sauf ceux déductibles aux termes de l'article 46 de la Loi. Selon elle, l'excédent payé par la clientèle des appelants n'est pas admissible à titre de coûts de transport, et il est clair que cet excédent doit être inclus dans le calcul aux fins de la taxe de vente.

Poursuivant son raisonnement, l'avocate de l'intimé a souligné l'importance de l'exception prévue à l'article 46 de la Loi, car celle-ci constitue la base de la déduction. À son avis, les dépenses qualifiées de coûts du transport par les appelants n'en sont pas au sens de la Loi, car il ne s'agit pas des coûts subis lors du transport même des marchandises. À cet égard, elle a cité la décision de la Cour d'appel fédérale dans Chevron Canada Limited c. Le ministre du Revenu national [3] . Selon l'avocate, le transport des chèques n'a réellement eu lieu qu'à partir du moment où Postes Canada s'est chargée d'expédier les produits manufacturés. Enfin, citant les dispositions du Règlement, notamment l'article 4, elle a allégué que les seuls montants pouvant être exclus du prix de vente sont les coûts appuyés par des reçus postaux de Postes Canada. Elle a aussi souligné que les coûts précisés par les appelants sont non-vérifiables, se référant pour cet argument à l'absence de lien mentionnée par Mme Schellenberg. Enfin, elle a plaidé pour une interprétation stricte des dispositions pertinentes.

Après avoir revu l'ensemble des éléments de preuve et considéré les arguments invoqués par les parties, le Tribunal conclut que les appels doivent être rejetés. Il y a lieu, tout d'abord, de préciser que la définition élargie de «prix de vente» à l'article 42 de la Loi ne laisse guère de doute dans l'esprit du Tribunal que les coûts du transport payés aux appelants par leurs nombreux clients font partie du «prix de vente» des chèques. Il est dès lors nécessaire de s'en remettre à l'exception prévue à l'article 46 de la Loi et de déterminer si les conditions qui y sont énoncées par le législateur sont satisfaites en l'instance. La division 46c)(ii)(B) de la Loi prévoit l'exclusion, dans les circonstances prescrites par le gouverneur en conseil, du coût du transport des marchandises soit lors de leur transport entre les locaux commerciaux du fabricant au Canada, soit comme dans les présents appels, lors de la livraison des marchandises des locaux commerciaux du fabricant à l'acheteur.

Le Tribunal est d'avis que les dépenses reliées aux opérations de tri ayant pu être engagées à l'interne par les appelants ne sont pas visées par la division 46c)(ii)(B) de la Loi. À la lumière de la division 46c)(ii)(B) de la Loi, le Tribunal croit que seuls les coûts réels du transport, supportés à partir de la prise en charge des chèques par Postes Canada aux fins de livraison, peuvent être exclus du prix de vente.

Même si le Tribunal avait été prêt à accepter les prétentions des appelants concernant la nature des dépenses de prélivraison, il n'en demeure pas moins qu'il aurait rejeté les appels au motif de non-respect des conditions prescrites par le gouverneur en conseil. À la lecture des modalités précises énoncées dans le Règlement d'exécution de l'article 46 de la Loi, le Tribunal est d'avis que la seule disposition qui serait applicable en l'espèce est le paragraphe 4(1) du Règlement. Ce paragraphe stipule que lorsque les marchandises sur lesquelles la taxe de vente est exigible «sont transportées par la Société canadienne des postes [...] le montant exclu au titre du coût du transport doit être appuyé par des reçus postaux ou des reçus de transport qui identifient les marchandises transportées». Il s'agit là d'une disposition qui ne comporte aucune ambiguïté. Dès que Postes Canada est le transporteur des marchandises, le fabricant est tenu d'appuyer tout montant exclu du prix de vente à titre de coûts du transport au moyen de reçus postaux. Ce choix délibéré du gouverneur en conseil fait en sorte que les coûts du transport engagés par l'intermédiaire du service postal sont appuyés d'une preuve documentaire facile à obtenir et qu'ils sont alors facilement vérifiables. Or, dans les présents appels, le Tribunal n'a pu que constater l'impossibilité pour les appelants de produire des reçus postaux afin d'appuyer leurs dépenses de tri. Aucun pourcentage d'escompte n'était mentionné sur les reçus ou factures de Postes Canada relativement au travail de tri postal effectué par les appelants. Les appelants n'ont pas établi l'escompte exact obtenu de Postes Canada, par contrat, pour l'exécution d'un travail de tri fait normalement par Postes Canada. En effet, dans la convention entre Postes Canada et les appelants, seul un escompte global de 18 p. 100 est mentionné.

Le Tribunal fait observer qu'il aurait été disposé à considérer l'argument voulant que les frais de transport puissent comprendre certains escomptes consentis par Postes Canada. Ces escomptes, prévus par contrat avec Postes Canada, devraient par exemple être clairement identifiés sur les reçus postaux comme représentant du travail fait à l'interne, mais normalement effectué par Postes Canada. Cet argument reposerait, en dernière analyse, sur l'idée que le législateur n'a pas voulu empêcher les entreprises commerciales et Postes Canada d'en arriver à des arrangements visant à réduire les coûts postaux et accroître l'efficacité de la livraison de marchandises. Cela dit, il va de soi que de tels arrangements devraient être transparents et supportés par une documentation permettant une vérification des dépenses réellement engagées par lesdites entreprises commerciales.

En terminant, comme le Tribunal l'a précisé dans des décisions antérieures, les questions d'équité ne relèvent pas de sa compétence. Le Tribunal est tenu d'appliquer la Loi.

Compte tenu de ce qui précède, les appels sont rejetés.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. DORS/83-95, le 21 janvier 1983, Gazette du Canada Partie II, vol. 117, no 3 à la p. 497.

3. Cour d'appel fédérale, no du greffe A - 931 - 85, le 13 novembre 1986.


Publication initiale : le 25 juin 1997