LABEL TECH, A DIVISION OF PRIDAMOR INC.

Décisions


LABEL TECH, A DIVISION OF PRIDAMOR INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-061

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 17 août 1992

Appel n o AP-91-061

EU ÉGARD À un appel entendu le 23 juin 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 12 mars 1991 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

LABEL TECH, A DIVISION OF PRIDAMOR INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Les étiquettes fabriquées par l'appelant et vendues à Mac's Convenience Stores Inc., A Division of Silcorp Limited, sont des articles et des matières destinés exclusivement à la fabrication ou à la production d'aliments destinés à la consommation humaine, conformément aux dispositions des articles 1 et 3 de la partie V de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





La question à l'étude consiste à déterminer si les étiquettes fabriquées par l'appelant et vendues à Mac's Convenience Stores Inc., A Division of Silcorp Limited, sont des articles et des matières destinés exclusivement à la fabrication ou à la production d'aliments destinés à la consommation humaine, conformément aux dispositions des articles 1 et 3 de la partie V de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 23 juin 1992 Date de la décision : Le 17 août 1992
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant W. Roy Hines, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Neil A. Bass, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





L'appelant fabrique des étiquettes qui sont apposées sur des aliments préparés vendus dans les magasins Mac's Convenience Stores Inc. (Mac's). Mac's, qui est une division de Silcorp Limited, exploite des épiceries de dépannage au détail. La question à l'étude consiste à déterminer si les étiquettes sont exemptées de la taxe de vente fédérale.

Mac's et une entreprise nommée Golden Touch Foods Limited (Golden Touch) entretiennent des relations d'affaires sans lien de dépendance en vertu desquelles Golden Touch prépare des aliments, comme des sandwiches et des hamburgers, pour Mac's. Les étiquettes fabriquées par l'appelant, qui sont vendues à Mac's, sont expédiées directement par l'appelant à Golden Touch qui les appose sur les emballages des aliments préparés. Par la suite, Golden Touch vend et distribue les produits à Mac's, qui les met en vente dans ses épiceries de dépannage sous la marque de commerce «Fresh Express». Les étiquettes portent en français et en anglais les renseignements indiquant la nature du produit et les ingrédients qui le composent, ainsi que la raison sociale «Mac's Convenience Stores Inc.».

M. Ted Collins, directeur général de Golden Touch, a témoigné pour le compte de l'appelant. Selon lui, Mac's a remis à Golden Touch un exemplaire du «Fresh Express Spec Book» (le cahier des charges) qui renferme des instructions détaillées que doit suivre Golden Touch lors de la fabrication et de l'étiquetage des aliments préparés. Le cahier des charges précise les ingrédients à utiliser, le poids exact de chaque ingrédient, le fournisseur des ingrédients, le mode de préparation des sandwiches, le type de conditionnement et le genre d'emballage, le type d'étiquette apposée sur le produit et sa place sur l'emballage.

M. Collins a déclaré que Mac's n'achète pas les sandwiches s'ils ne sont pas préparés selon les instructions énoncées dans le cahier des charges. Il a ajouté que les représentants de Mac's vérifient si Golden Touch se conforme aux instructions du cahier des charges en se rendant dans les usines de Golden Touch chaque semaine. Ils déterminent également si Golden Touch respecte la méthode d'étiquetage prescrite dans le cahier des charges. En fait, Mac's n'autorise pas la vente dans ses épiceries de dépannage d'aliments préparés par Golden Touch qui ne portent pas l'étiquette «Fresh Express». M. Collins a également indiqué que, de toute manière, conformément à la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation [1] , une étiquette d'identification doit être apposée sur l'emballage des aliments préparés par Golden Touch.

M. Collins a expliqué que les sandwiches sont préparés par des travailleurs répartis le long d'une chaîne de fabrication mobile. Chacun exécute une tâche différente. Une fois le sandwich prêt, il est acheminé sur la chaîne à un poste de travail où il est emballé, étiqueté, muni d'une date de meilleure consommation et placé sur des plateaux de réception. Ces derniers sont ensuite acheminés à un centre de distribution aux fins de livraison aux magasins Mac's. Selon la nature du produit, l'emballage et l'étiquetage s'effectuent manuellement ou mécaniquement.

La première question à l'étude consiste à déterminer si les étiquettes que l'appelant vend à Mac's sont «destiné[e]s exclusivement à la fabrication ou à la production» des aliments préparés de marque «Fresh Express», conformément aux articles 1 et 3 de la partie V de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise [2] (la Loi).

L'appelant soutient que les étiquettes sont destinées à cet usage exclusif parce que le procédé de fabrication n'est terminé qu'une fois que les aliments préparés sont emballés et étiquetés selon les prescriptions du cahier des charges. L'appelant fait valoir que le procédé de fabrication englobe toutes les étapes de conversion des marchandises en produits commercialisables ou de préparation des marchandises avant leur distribution sur le marché. L'appelant prétend que le conditionnement et l'étiquetage des produits «Fresh Express» sont des étapes d'un procédé visant à préparer des marchandises destinées au marché. Ce procédé précède la distribution et l'entreposage, car les produits «Fresh Express» ne peuvent pas être vendus avant d'être conditionnés et étiquetés selon les prescriptions du cahier des charges.

L'intimé soutient que les étiquettes vendues ne sont pas destinées exclusivement à la fabrication ou à la production des produits «Fresh Express» parce que leur apposition ne constitue pas une étape de la fabrication ou de la production des aliments préparés. Citant la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans la cause opposant The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited [3] , il prétend que seules les activités ou les matières destinées à conférer à des matières premières ou préparées de nouvelles formes, qualités ou propriétés, ou qui font partie intégrante des marchandises, doivent être réputées faire partie du procédé de fabrication ou de production d'un produit. Selon l'intimé, les étiquettes ne confèrent pas de nouvelles formes, qualités ou propriétés aux aliments préparés et elles n'en font pas partie intégrante.

L'intimé ajoute que, lorsque le législateur a l'intention d'assimiler à l'expression «fabrication ou production» des activités accessoires comme le conditionnement d'un produit, il le précise de façon explicite, comme dans la définition élargie de l'expression «fabricant ou producteur» donnée à l'article 2 de la Loi. Sinon, il dissocie ces activités du procédé de fabrication ou de production de marchandises.

À titre de seconde solution, l'appelant soutient que si les étiquettes ne sont pas destinées à la fabrication ou à la production des aliments préparés de marque «Fresh Express», Mac's peut quand même les acheter de l'appelant en franchise de taxe de vente fédérale parce qu'elles constituent des «[e]nveloppes ordinaires ou contenants ordinaires achetés [...] par un fabricant [c'est-à-dire Mac's] [...] devant lui servir exclusivement à envelopper [...] des marchandises qu'il a fabriquées», conformément à l'article 1 de la partie I de l'annexe III de la Loi.

L'appelant prétend que Mac's est un «fabricant» parce que, selon l'alinéa 2(1)b) de la Loi, il détient un droit de propriété ou de vente pour ce qui est des produits «Fresh Express». Mac's exerce un contrôle sur les ingrédients entrant dans la fabrication des produits, sur les fournisseurs de ces ingrédients, sur le mode de préparation, sur le type de conditionnement et le genre d'emballage, sur la méthode d'étiquetage, de même que sur toute autre caractéristique. L'appelant soutient également que les étiquettes sont des enveloppes ou des contenants parce qu'elles sont apposées sur tous les produits «Fresh Express» aux fins d'identification et de mise en marché.

L'intimé prétend que Mac's n'est pas un fabricant des produits alimentaires que lui vend Golden Touch. Il fournit simplement à cette entreprise les étiquettes qui doivent être apposées sur les aliments préparés une fois le procédé de fabrication terminé. Il fait valoir qu'aucun élément ne prouve que Mac's possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de propriété, un droit de vente ou tout autre droit visant les produits alimentaires préparés par Golden Touch. L'intimé soutient qu'en dernier ressort, c'est Golden Touch qui est maître de la fabrication et de la production et qu'elle seule détient le droit de vente des produits alimentaires qu'elle prépare. Il ajoute que les étiquettes ne sont pas visées par le sens ordinaire et grammatical des termes «enveloppes» et «contenants» et qu'elles ne sont pas utilisées pour envelopper ou contenir des marchandises. Elles servent plutôt à marquer ou à identifier les marchandises une fois que ces dernières ont été placées dans des enveloppes ou dans des contenants.

Après avoir examiné les éléments de preuve et la jurisprudence pertinente, le Tribunal en vient à la conclusion que les étiquettes en cause sont «destiné[e]s exclusivement à la fabrication ou à la production» des aliments préparés de marque «Fresh Express» et sont donc exemptées de la taxe de vente fédérale, conformément aux articles 1 et 3 de la partie V de l'annexe III de la Loi. En conséquence, le Tribunal n'examine pas la deuxième question soulevée dans le cadre du présent appel.

Le Tribunal est d'avis que la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans la cause Coca Cola Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [4] , et qui portait sur un appel entendu par la Commission du tarif, s'apparente de près à l'affaire en instance. Dans la cause Coca Cola, il convenait de déterminer si les paniers bouteilles et les caisses utilisés pour le transport des boissons gazeuses entraient dans la fabrication ou la production de boissons gazeuses embouteillées, conformément au sous-alinéa 1(a)(i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Les paniers bouteilles et les caisses servaient à transporter les bouteilles vides à un centre de production de l'appelant où ces dernières étaient retirées des caisses, lavées, remplies et capsulées. Les paniers bouteilles et les caisses étaient ensuite acheminés à un autre point de la chaîne de fabrication où ils étaient remplis de bouteilles et placés sur des palettes aux fins d'entreposage.

Dans la cause Coca Cola, la Cour a rejeté l'argument invoqué par l'intimé dans la cause présente, à savoir que parce que le paragraphe 2(1) de la Loi élargit expressément le sens de l'expression «fabricant ou producteur» pour y ajouter les entreprises qui conditionnent des marchandises, tandis que les articles 1 et 3 de la partie V de l'annexe III de la Loi ne les englobent pas de façon explicite, le législateur ne prévoyait pas inclure le conditionnement dans l'expression «fabrication ou production» de marchandises.

Les expressions «fabricant ou producteur», «fabriquées ou produites» et «fabrication ou production», qu'on trouve ailleurs dans la Loi et dans différents contextes, sont employées à des fins diverses et c'est une erreur d'essayer d'en interpréter une en fonction de ce que les autres signifient ou du sens attribué aux autres dans un contexte général ou particulier. À mon sens, la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) vise à identifier la personne qui devra payer l'impôt, qu'elle fabrique ou produise quelque chose ou non, ou qu'elle soit ou non un fabricant ou un producteur [5] .

Le Tribunal est d'accord avec cette décision et croit que le principe énoncé dans cette cause s'applique à l'affaire en instance. Il n'est pas possible de vérifier la portée de la définition de l'expression «fabrication ou production» donnée aux articles 1 et 3 de la partie V de l'annexe III de la Loi, à partir du sens élargi de l'expression «fabricant ou producteur» donné au paragraphe 2(1) de la Loi.

Dans la cause Coca Cola, la Cour a également rejeté l'argument invoqué par l'intimé, à savoir que parce que les étiquettes ne confèrent pas aux aliments préparés de nouvelles formes, qualités ou propriétés, ou ne font pas partie intégrante des produits, elles ne peuvent être réputées faire partie du procédé de fabrication ou de production. Dans ce cas, la Commission du tarif s'est reportée à la cause York Marble et a conclu que les paniers bouteilles et les caisses n'étaient pas destinés à la production de boissons gazeuses parce qu'ils ne conféraient pas de nouvelles formes, qualités ou propriétés aux boissons gazeuses. La Cour a déclaré que la Commission du tarif avait commis une erreur en adoptant une telle position, qu'elle considère d'ailleurs comme «étroite», «trop restreignante» et «non réaliste».

La deuxième partie de l'argumentation de l'appelante comporte [...] que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a appliqué le critère retenu dans The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited. [...]

Je souscris [...] Selon moi, la Commission a commis une erreur lorsque, pour déterminer si les marchandises visées par la définition de «machines ou appareils» sont utilisées dans «la fabrication ou la production» de marchandises, elle a appliqué un critère qui restreint indûment la définition de machines et d'appareils à ce qui est utilisé jusqu'à la création d'un article utilisable et vendable, mais pas après cela, sans tenir compte de ce qui se passe immédiatement après pour enlever l'article de la chaîne de production. [...] Ce critère, à mon avis, n'est pas réaliste. Dans une telle opération, les moyens d'enlever le produit de la chaîne de production sont aussi essentiels que les autres parties des machines ou appareils employés directement dans la fabrication ou la production du produit et sont, comme les autres parties, employés directement dans ce processus [6] .

Le Tribunal est d'avis que les critères établis dans le passage susmentionné s'appliquent au présent appel. Les éléments de preuve incontestés dans la présente cause ont trait au fait que les étiquettes sont apposées sur les emballages de sandwiches avant que les produits ne quittent la chaîne de production et qu'ils ne soient placés dans des plateaux de réception, eux-mêmes acheminés à un centre de distribution aux fins de livraison aux magasins Mac's. Dans un témoignage non contredit, M. Collins a déclaré que les étiquettes font partie intégrante du procédé qui vise à convertir les sandwiches en un article commercialisable et vendable. Non seulement Mac's prescrit-il le genre d'étiquette que doit utiliser Golden Touch, mais il indique également l'endroit où l'étiquette doit être apposée sur l'emballage. Ainsi, les aliments préparés ne sont pas achetés par Mac's et, en fait, ne peuvent pas être vendus ailleurs si leur emballage ne porte pas une étiquette.

De l'avis du Tribunal, si les paniers bouteilles et les caisses utilisés pour retirer des articles commerciaux de la chaîne de production peuvent être considérés comme faisant partie intégrante du procédé de fabrication et constituer un appareil servant à fabriquer ou à produire ces articles, comme dans la cause Coca Cola, a fortiori, les étiquettes en cause, qui sont apposées sur les emballages de sandwiches avant que ces derniers ne soient retirés de la chaîne de production et qui servent à convertir les aliments préparés en un article commercialisable et vendable, servent à fabriquer et à produire ces marchandises.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. C - 38.

2. L.R.C. (1985), ch. E - 15, dans sa version modifiée.

3. [1968] R.C.S. 140.

4. [1984] 1 C.F. 447.

5. Ibid., à la page 454.

6. Ibid., aux pages 456 et 457.


Publication initiale : le 24 juin 1997