MACHINERIE WILSON CIE LIMITÉE

Décisions


MACHINERIE WILSON CIE LIMITÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
ET
LE HAUT-COMMISSARIAT DE GRANDE-BRETAGNE
ET
MAWDSLEY'S LIMITED
Appel n° AP-91-172

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 25 juin 1992

Appel n ° AP-91-172

EU ÉGARD À un appel entendu le 27 avril 1992 en vertu de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en vertu de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation relativement à une demande présentée en vertu de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

MACHINERIE WILSON CIE LIMITÉE Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

ET

LE HAUT-COMMISSARIAT DE GRANDE-BRETAGNE Intervenant

ET

MAWDSLEY'S LIMITED Intervenant

L'appel est rejeté.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





En février 1988, Machinerie Wilson Cie Limitée a commandé trois moteurs de Mawdsley's Limited de Dursley (Royaume-Uni). Le 1 er novembre 1989 ont été importés trois moteurs électriques de 30 kW, qui constituent les marchandises faisant l'objet du présent appel. Il s'agit de moteurs fabriqués sur commande en vue d'une certaine utilisation dans un milieu naval particulier. Leur conception est régie par de nombreuses spécifications militaires américaines et canadiennes.

Le 29 mars 1990, il a été décidé, aux termes de l'article 57 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation et dans le cadre du processus de mise en oeuvre des conclusions du Tribunal canadien des importations, que les marchandises en question étaient assujetties à ces mêmes conclusions. En l'absence de renseignements suffisants, la valeur normale de marchandises similaires à celles qui ont été importées a été fixée à un montant équivalent au prix à l'exportation des marchandises, tel que déterminé aux termes de l'article 24 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, multiplié par 1,17. Des droits antidumping d'un montant de 5 842,10 $ ont été imposés.

L'avocat de l'appelant a soulevé les questions suivantes dans son argumentation. Les marchandises en question sont - elles de la même description que les marchandises décrites dans les conclusions rendues par le Tribunal canadien des importations le 11 octobre 1985? Quel est le «prix à l'exportation normal» des marchandises? La vente des moteurs importés a - t - elle causé un préjudice sensible au marché canadien? L'intimé a - t - il appliqué de façon inéquitable les conclusions du Tribunal canadien des importations? Les marchandises sont - elles exonérées de droits par le Décret de remise relatif au projet de la frégate canadienne de patrouille?

DÉCISION : L'appel est rejeté.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 27 avril 1992 Date de la décision : Le 25 juin 1992
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Michael R. Kincaid, pour l'appelant Meg Kinnear, pour l'intimé Lieutenant Colonel Sedrick Sloane, pour les intervenants





Le 11 octobre 1985, le Tribunal canadien des importations (le TCI) a rendu des conclusions [1] de préjudice sensible concernant le dumping au Canada de moteurs à induction à plusieurs phases de 1 CV à 200 CV inclusivement, originaires ou exportés de certains pays, parmi lesquels le Royaume-Uni. Le 10 octobre 1990, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a prorogé les conclusions du TCI [2] en ce qui concerne le Royaume-Uni.

En mai 1985, Machinerie Wilson Cie Limitée (Wilson) s'est vu accorder par Saint John Shipbuilding Limited un marché de fourniture de six lots de cabestans et de guindeaux pour des frégates canadiennes de patrouille. Chaque lot comprend trois assemblages de moteurs électriques. Il s'agit d'unités faites sur demande en vue d'une certaine utilisation dans un milieu naval particulier. Leur conception est régie par de nombreuses spécifications militaires américaines et canadiennes. En mai 1987, Wilson a commandé les moteurs de Etatech Industries Inc. (Etatech) de Brantford (Ontario). Cependant, Etatech n'a pu exécuter le marché en raison de difficultés financières.

En février 1988, Wilson a commandé les moteurs de Mawdsley's Limited (Mawdsley's) de Dursley (Royaume-Uni). Le 1er novembre 1989 ont été importés trois moteurs électriques de 30 kW qui constituent les marchandises faisant l'objet du présent appel. Le 29 mars 1990, il a été décidé, aux termes de l'article 57 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI) [3] et dans le cadre du processus de mise en oeuvre des conclusions du TCI, que les marchandises importées étaient assujetties à ces mêmes conclusions, et des droits de douane d'un montant de 5 842,10 $ ont été imposés.

Le 1er mars 1991, l'intimé a ouvert une nouvelle enquête sur les valeurs normales et les prix à l'exportation des moteurs à induction à plusieurs phases visés par les conclusions du TCI. Le réexamen portait entre autres sur les exportations de Mawdsley's. Mawdsley's n'a pas fourni les renseignements demandés, si bien que les valeurs normales de ses futures exportations de moteurs ont été déterminées aux termes de l'article 29 de la LMSI conformément aux modalités prescrites par le ministre du Revenu national (le Ministre). Les valeurs normales ont été fixées à des montants équivalents aux prix à l'exportation des marchandises, tels que déterminés aux termes de l'article 24 de LMSI, multipliés par 1,17. En l'absence de renseignements suffisants au moment de l'importation, cette méthode a été utilisée pour l'appréciation de la valeur des moteurs en question dans le pr 9‚sent appel.

Le 29 octobre 1991, une décision confirmant l'assujettissement des moteurs importés aux conclusions du TCI ainsi que l'imposition des droits antidumping au montant fixé a été rendue au nom du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) aux termes de l'article 59 de la LMSI. Le 12 novembre 1991, Wilson a fait appel de la décision du Sous-ministre auprès du Tribunal aux termes de l'article 61 de la LMSI.

Le haut-commissariat de Grande-Bretagne et Mawdsley's ont demandé et obtenu le droit de participer à l'appel à titre d'intervenants. Leur participation s'est limitée à la présentation d'un exposé écrit.

L'avocat de l'appelant a soulevé les questions suivantes dans son argumentation.

1) Les marchandises en question sont-elles de la même description que les marchandises décrites dans les conclusions rendues par le TCI le 11 octobre 1985?

2) Quel est le «prix à l'exportation normal» des marchandises?

3) La vente des moteurs importés a-t-elle causé un préjudice sensible au marché canadien?

4) L'intimé a-t-il appliqué de façon inéquitable les conclusions du TCI?

5) Les marchandises sont-elles exonérées de droits par le Décret de remise relatif au projet de la frégate canadienne de patrouille [4] (le Décret de remise)?

L'avocat de l'appelant a soutenu que les moteurs électriques de Mawdsley's qui ont été importés ne sont pas de la même description que les marchandises décrites dans les conclusions du TCI. L'avocat a renvoyé à l'exposé des motifs des conclusions du TCI, où il est fait mention précisément de moteurs électriques ayant des applications industrielles et commerciales seulement, et où les applications militaires et navales ne sont pas mentionnées. Il a également fait valoir que la décision ne concernait que des moteurs standards importés en grand nombre et qui font directement concurrence à ceux qui sont produits au Canada. Compte tenu de leur caractère spécialisé, les moteurs électriques maritimes ne sont ni standards ni importés en grande quantité.

L'avocat a soutenu que les moteurs électriques fournis par Mawdsley's sont uniques. Le prix de vente normal d'un moteur électrique conçu en fonction des besoins particuliers d'un client est, par définition, le prix à l'exportation. Il a plaidé qu'il n'était pas convenable d'établir la valeur normale selon des modalités fixées par le Ministre en vertu de l'article 29 de la LMSI. Les moteurs fabriqués par Mawdsley's sont presque toujours fabriqués sur commande pour répondre aux besoins précis d'un client, et leur prix est établi en fonction des éléments qui entrent dans leur fabrication. C'est pourquoi il n'existe pas de liste de prix pour ce genre de moteur. Il a fait remarquer que Mawdsley's n'était pas en mesure de fournir des données relativement aux coûts réels en raison de la mise en service d'un nouveau système informatique.

L'avocat a soutenu que l'article 4 de la LMSI exige l'application de droits antidumping lorsque l'importation de marchandises sous-évaluées cause un préjudice sensible à l'industrie canadienne. Il ressort à l'évidence de l'exposé des motifs des conclusions du TCI que les plaignants ont déclaré que le prix était la seule raison pour laquelle ils perdaient leur part de marché au profit des exportateurs du Royaume-Uni et des autres pays en cause.

Compte tenu des taux de change en vigueur au moment de l'achat des moteurs de Mawdsley's, le prix de vente équivalent de ceux-ci était supérieur à celui pratiqué par le producteur canadien. L'avocat a soutenu que les conclusions du TCI définissaient le prix comme le seul facteur de réduction de la part du marché, et que par conséquent les moteurs militaires spéciaux ne peuvent pas contribuer au préjudice. En outre, Mawdsley's n'a pas exporté de moteurs maritimes spéciaux au Canada avant 1989, soit quelque 16 mois après que le fabricant canadien ait fait faillite. En conséquence, il ne peut pas être prouvé que le seul fournisseur canadien de moteurs maritimes a perdu des commandes ou une part du marché de ce type de moteurs au profit d'un exportateur du Royaume-Uni. L'avocat a soumis que l'importation par l'appelant de moteurs militaires n'a causé aucun préjudice sensible aux fabricants canadiens.

L'avocat a soutenu que plusieurs fabricants canadiens d'équipement importent des moteurs de Mawdsley's, mais que, à la connaissance de l'appelant, les conclusions du TCI n'ont été appliquées que contre l'appelant. L'avocat a soutenu que le Sous-ministre a appliqué les droits antidumping de façon inéquitable aux fabricants canadiens d'équipement maritime. En traitant l'appelant différemment de ses concurrents, le Sous-ministre a donné à ces derniers un avantage économique déterminant.

L'avocat a plaidé que c'était l'intention expresse du Parlement d'exonérer de droits les marchandises importées pour servir dans les frégates canadiennes de patrouille, et cela aux termes du Décret de remise. L'avocat a plaidé en outre que le Décret de remise a pour effet de supprimer tous les droits sur les marchandises importées pour les besoins de l'exécution des marchés relatifs à la frégate canadienne de patrouille.

L'avocate de l'intimé a fait valoir que les conclusions du TCI s'appliquaient aux moteurs à induction à plusieurs phases, de 1 CV à 200 CV inclusivement, sans autre restriction que les pays d'origine et d'exportation mentionnés. Les moteurs provenant du Royaume-Uni étaient spécifiquement visés. Les marchandises en question sont des moteurs à induction à plusieurs phases de 1 CV à 200 CV, provenant du Royaume-Uni. L'avocate a fait remarquer que la mention, dans les conclusions de 1985 du TCI, des applications industrielles et commerciales des moteurs en question, n'avait que valeur d'exemple des types de moteurs disponibles. Ces applications n'étaient mentionnées que dans le cadre de la description du produit, de ses nombreuses utilisations et de la gamme variée des types de moteurs fabriqués. Cette mention ne limite en rien les conclusions aux produits en question utilisés à des fins industrielles et commerciales.

L'avocate a plaidé que le fait que les marchandises soient fabriquées sur demande et pour l'exportation n'est pas pertinent en ce qui a trait à la détermination des valeurs normales aux termes de la LMSI. L'article 29 de cette dernière autorise le Ministre, lorsqu'il n'y a pas assez de renseignements pour appliquer les articles 15 à 28, à préciser la valeur normale ou le prix à l'exportation. Dans la présente cause, il n'y avait pas assez de renseignements pour permettre l'application des articles 15 à 28, et le Ministre a dû déterminer la valeur normale aux termes de l'article 29 de la LMSI.

L'avocate de l'intimé a soumis que la question de l'existence éventuelle d'un préjudice sensible au moment de l'importation des marchandises en question n'est pas pertinent dans le présent appel. Au moment de l'importation des marchandises en question, l'intimé était obligé d'appliquer les conclusions visant les moteurs en question rendues en 1985 par le TCI.

L'avocate a plaidé qu'il est inexact que les conclusions du TCI ont été appliquées de façon inéquitable, comme le soutient l'appelant. En fait, des droits antidumping ont été perçus de deux autres sociétés relativement à des moteurs similaires exportés par Mawdsley's en rapport avec le même marché. L'avocate a soumis que, quoi qu'il en soit, cette question n'était pas pertinente car le seul point en litige est celui de savoir s'il y a lieu d'appliquer la décision du TCI à l'appelant. En outre, le Tribunal étant un organisme statutaire, il ne dispose pas d'une juridiction de droit d'équité et ses compétences sont limitées à celles que lui accorde la loi qu'il applique dans une cause.

L'avocate a soutenu en outre que les droits prévus par la LMSI ne sont pas remboursables aux termes du Décret de remise. Ce dernier est limité à la remise des droits de douane payés ou payables aux termes du Tarif des douanes [5] comme cela est précisé dans le Décret de remise. Si telle n'avait pas été l'intention du législateur, le Décret de remise aurait pu simplement permettre la remise des droits.

Le Tribunal est d'accord avec l'avocate de l'intimé quant au fait que deux des cinq questions soulevées par l'appelant, ou bien ne sont pas pertinentes, ou bien ne relèvent pas des compétences qui sont celles du Tribunal dans l'audition d'un appel aux termes de l'article 61 de la LMSI. La question du préjudice sensible se pose dans le cadre des enquêtes effectuées aux termes de l'article 42 ou des réexamens effectués aux termes de l'article 76 de la LMSI. L'article 61 prévoit qu'une personne qui s'estime lésée par un réexamen effectué par le Sous-ministre aux termes de l'article 59 peut faire appel de ce réexamen au Tribunal. L'article 59 de la LMSI donne au Sous-ministre le pouvoir de réexaminer toute décision ou tout réexamen mentionné dans les articles 55, 56 ou 57 de la LMSI. Ces derniers articles prévoient qu'un agent désigné peut décider si les marchandises importées sont des marchandises de la même description que les marchandises décrites dans une ordonnance ou dans les conclusions du Tribunal ou de son prédécesseur, ainsi qu'établir la valeur normale, le prix à l'exportation ou le montant des subventions octroyées pour les marchandises importées, et réviser les décisions prises à ce sujet. La question du préjudice sensible n'étant pas abordée dans la décision première ni dans la révision ultérieure, ce n'est pas une question qui se pose dans un appel interjeté à l'égard d'un réexamen définitif du Ministre.

Le Tribunal n'a pas non plus compétence pour examiner la question de savoir si l'intimé a appliqué de façon équitable les conclusions du TCI. Comme l'a rappelé l'avocate de l'intimé, le Tribunal est un organisme statutaire dont la juridiction est définie par sa loi habilitante et par le texte de loi qu'il applique dans une cause. Ces textes de loi ne s'étendent pas à des considérations d'équité.

Pour ce qui est de la première question, qui consiste à savoir si les moteurs militaires sont de la même description que les marchandises décrites dans les conclusions du TCI, le Tribunal est d'accord avec les arguments présentés au nom de l'intimé. Il ajoute seulement que si le TCI avait eu pour intention d'exclure les moteurs destinés à une application militaire, il l'aurait précisé dans l'exposé de ses motifs.

Pour ce qui est de la détermination, par le Ministre, de la valeur normale des moteurs similaires à ceux qui font l'objet du présent appel, le Tribunal fait remarquer qu'il était nécessaire de recourir à l'article 29 de la LMSI, parce que tous les renseignements nécessaires pour permettre une détermination aux termes des articles 15 à 28 de la LMSI n'avaient pas été fournis ou n'étaient pas disponibles. L'avocat de l'appelant a expliqué au Tribunal que la société n'a pu fournir les renseignements nécessaires au moment de la décision finale de dumping en raison d'un changement survenu dans ses procédures de comptabilité, et qu'elle n'était toujours pas en mesure de fournir ces renseignements à l'audience. En conséquence, la détermination effectuée aux termes de l'article 29 de la LMSI doit rester en vigueur.

Pour ce qui est de la dernière question, concernant la remise des droits, le Tribunal fait remarquer que l'article 3 du Décret de remise stipule que «... remise est accordée des droits de douanes payés ou payables en vertu du Tarif des douanes ...». Le Décret de remise ne vise pas les droits payables aux termes de la LMSI, qui sont le fondement du présent appel.

En conséquence, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. Tribunal canadien des importations, Moteurs à induction à plusieurs phases originaires ou exportés du Brésil, du Japon, du Mexique, de la Pologne, de Taïwan et du Royaume - Uni, enquête n ° CIT-6-85, le 11 octobre 1985.

2. Tribunal canadien du commerce extérieur, réexamen n ° RR - 89-013, le 10 octobre 1990.

3. L.R.C. (1985), ch. S - 15, dans sa version modifiée.

4. TR/85-94, Gazette du Canada Partie II, Vol. 119, N ° 12, p. 2684.

5. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).


Publication initiale : le 30 juin 1997