RICHMOND FOREST PRODUCTS LTD.

Décisions


RICHMOND FOREST PRODUCTS LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-115

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 24 juin 1992

Appel n o AP - 91 - 115

EU ÉGARD À un appel entendu le 1er avril 1992 en vertu de l'article 18 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, L.R.C. (1985), ch. 12 (3e suppl.) et de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 29 novembre 1990 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

RICHMOND FOREST PRODUCTS LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





La question en l'instance consiste à déterminer si les produits fabriqués par l'appelant et exportés aux États - Unis correspondent à ceux mentionnés à l'alinéa (1)l) de la partie III de l'annexe de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre et, par conséquent, assujettis à un taux de taxe réduit.

DÉCISION : En l'absence de preuve décisive révélant le contraire, le Tribunal conclut que les marchandises fabriquées par l'appelant et exportées aux États - Unis pendant la période de cotisation sont conformes à la description de «couvre - joints séchés au four». L'appel est admis.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 1 er avril 1992 Date de la décision : Le 24 juin 1992
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre W. Roy Hines, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Ernest A. Hawrish, pour l'appelant John B. Edmond, pour l'intimé





L'appelant a exporté aux États-Unis ce qu'il appelle des «couvre-joints séchés au four». À la suite d'une vérification à l'établissement de commerce de l'appelant, le 17 octobre 1989, une cotisation de 32 637,03 $ a été établie au nom de l'appelant à l'égard de taxes impayées, intérêts et pénalité en sus, pour des transactions effectuées en vertu de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre [1] (la Loi) entre le 8 janvier 1987 et le 31 août 1989. Le droit à l'exportation a été calculé à partir de l'écart entre le prix f. à b. à l'usine de l'appelant et la valeur du bois d'oeuvre entrant dans la fabrication des couvre-joints. Dans un avis d'opposition daté du 5 février 1990, l'appelant s'est opposé à cette cotisation. Dans un avis de décision daté du 29 novembre 1990, l'intimé a confirmé la cotisation, soutenant que les éléments de preuve ont révélé que les produits exportés aux États-Unis ne sont pas visés par la partie III de l'annexe de la Loi.

La Loi prévoit que les produits décrits à la partie II de l'annexe sont assujettis à un droit à l'exportation ad valorem. Le montant de ce droit est établi en application de l'article 5 ou de l'article 6 de la Loi, selon que les produits en cause figurent également à la partie III. Les produits décrits à la partie II, mais non mentionnés à la partie III, sont assujettis à un droit à l'exportation fondé sur le prix d'exportation prescrit à l'article 5 de la Loi. Cependant, pour ne pas imposer un droit sur la valeur ajoutée au bois d'oeuvre pendant la fabrication au Canada des produits énoncés à la partie III de l'annexe, l'article 6 de la Loi précise que le droit à l'exportation ne doit être perçu que sur la valeur du bois d'oeuvre entrant dans la fabrication des produits.

La question en l'instance consiste à déterminer si les produits vendus aux États-Unis par l'appelant correspondent à ceux mentionnés à l'alinéa (1)l) de la partie III de l'annexe de la Loi, c'est-à-dire des «couvre-joints séchés au four».

Pour interpréter l'annexe, on peut recourir au Mémorandum d'entente signé par les États-Unis et le Canada le 30 décembre 1986. L'annexe B de ce mémorandum décrit les produits, soit des «couvre-joints séchés au four», en fonction du paragraphe 113 des Standard Grading Rules for West Coast Lumber (Standard Grading Rules) publiées par le West Coast Lumber Inspection Bureau. Le paragraphe 113-a prévoit que les couvre-joints de cette catégorie doivent être de bois sain et que les morceaux doivent être nets d'anomalies ou ne présenter que quelques défauts mineurs, comme la moirure, des omissions légères, un fils moyennement arraché, deux noeuds minuscules et deux petites cavités.

M. David Uppal a témoigné pour le compte de l'appelant. Il est secrétaire de l'appelant et est également responsable de la production. Il a mentionné que l'appelant était une «entreprise de nouvelle ouvraison du bois d'oeuvre». En bref, l'appelant achète sur le marché libre du bois d'oeuvre séché au four (en grande partie des deux sur quatre de diverses longueurs); il le coupe ou le fend en petites pièces de bois, comme des couvre-joints. Selon M. Uppal, un couvre-joint est une pièce de bois plat qui ne présente que de légères imperfections. Deux morceaux de bois ont été déposés comme pièces A-1 et A-2; le témoin les a considérés comme représentatifs des produits fabriqués par l'appelant pendant la période de cotisation, c'est-à-dire des couvre-joints. Ces deux pièces ont été respectivement découpées dans une pièce d'un sur quatre et dans un deux sur quatre. M. Uppal a décrit les produits en cause comme des couvre-joints de toiture de huit pieds de longueur. Selon lui, les pièces de bois qui comportent un trop grand nombre de défauts ne sont pas vendues comme couvre-joints, mais comme bois de palette. Pour ce qui est des prix pratiqués par l'appelant à l'égard des couvre-joints, il a déclaré que l'appelant n'a aucune influence sur le prix demandé par ses fournisseurs. Essentiellement, l'appelant a soutenu qu'il a fabriqué et vendu des couvre-joints au cours de la période de cotisation et qu'aucun élément de preuve ne révèle que les produits expédiés aux États-Unis étaient de qualité inférieure à celle des produits énoncés au paragraphe 113-a des Standard Grading Rules.

Interrogé par l'avocat de l'intimé au sujet de l'écart entre les formulaires de commande des clients, qui ne mentionnaient que le bois d'oeuvre d'un sur deux et de deux sur deux, et les factures correspondantes de l'appelant, qui renferment le terme «couvre-joints», M. Uppal a expliqué que l'appelant a fait toutes ses affaires par téléphone et que les clients ont commandé des couvre-joints de vive voix.

Le premier témoin de l'intimé était M. Don Campbell, gestionnaire de la sous-section de la vérification auprès de Revenu Canada, Accise et TPS, qui a effectué une vérification des comptes de l'appelant. M. Campbell a déclaré qu'après une brève visite des installations de l'appelant, il a eu assez facilement accès à l'information dont disposait ce dernier. Il n'a pas pu mettre la main sur les livres comptables ordinaires; néanmoins, les avis d'exportation présentés à la frontière lui ont permis d'acquérir l'information requise. M. Campbell a affirmé ne pas se rappeler avoir vu les produits en cause pendant sa visite dans les locaux de l'appelant. Selon lui, il est ressorti de façon très manifeste de la preuve documentaire que les produits en cause n'étaient pas les couvre-joints décrits à la partie III de l'annexe de la Loi. À cet égard, M. Campbell a mentionné un certain nombre de facteurs, notamment le prix; essentiellement, le prix demandé par l'appelant pour les produits en cause semble assez bas par rapport à celui pratiqué sur le marché pour un produit comparable correspondant à la description d'un couvre-joint.

M. Leslie Funk a témoigné à titre d'expert pour l'intimé. M. Funk, qui est surveillant du district du Nord-ouest de l'État de Washington pour le compte du West Coast Lumber Inspection Bureau, est classeur de bois depuis 1950. Ses fonctions consistent à surveiller l'inspection effectuée par des classeurs en usine. Dans son témoignage, il a abordé la question des classes de planches [2] énoncées dans les Standard Grading Rules, c'est-à-dire «sélect qualité marchande», «construction», «standard», «utilité générale» et «économique». Il a ajouté qu'un couvre-joint, selon la définition fournie au paragraphe 113-a des Standard Grading Rules, est un produit de haute qualité. À un moment donné, il a mentionné qu'il a participé à des contre-inspections dans les cas de différends entre un acheteur et un vendeur relativement à la qualité du bois vendu. Dans une telle situation, il ne suffit pas, à son avis, de s'en remettre uniquement aux factures pour rendre une décision. En réponse à une question de l'avocat de l'intimé, qui désirait savoir de quelle façon il contre-inspecterait les marchandises vendues par l'appelant à l'un de ses clients, M. Funk a déclaré sans hésiter qu'il lui faudrait d'abord voir le bois en question. Enfin, M. Funk a affirmé que les pièces A-1 et A-2 correspondent à des «couvre-joints», quoique ces derniers ne soient pas de taille courante.

L'avocat de l'appelant a prétendu qu'il n'y avait aucune raison de ne pas reconnaître que les couvre-joints (pièces A-1 et A-2) sont semblables aux produits en cause fabriqués et vendus par l'appelant au cours de la période de cotisation. En raison de cette similitude, les produits en cause sont visés par la partie III de l'annexe de la Loi. L'avocat a également souligné le témoignage de M. Funk, qui s'est dit non favorable à l'idée de porter un jugement sur les pièces de bois en se fondant uniquement sur des factures.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il convient de déterminer les meilleurs éléments de preuve disponibles pour établir la nature des produits vendus par l'appelant pendant la période de cotisation. Conscient du fait qu'aucun échantillon n'a été prélevé des produits expédiés aux États-Unis, il a fait valoir essentiellement que les pièces A-1 et A-2 provenant de produits fabriqués en 1991 représentent des éléments de preuve douteux pour ce qui est de déterminer les produits vendus en 1987. Il a insisté également sur la question du prix, soutenant que les éléments de preuve ont révélé sans l'ombre d'un doute que les pièces de bois produites en preuve par l'appelant au cours de l'audience se vendent plus cher que les marchandises vendues par l'appelant pendant la période de cotisation. Il a mentionné que l'appelant a utilisé une expression (couvre-joints séchés au four) dans le but d'assujettir les marchandises en cause à la disposition d'exonération de la loi, alors que les produits vendus n'étaient pas visés par cette dernière.

Après avoir examiné les éléments de preuve et passé en revue les arguments, le Tribunal conclut que l'appel devrait être admis. Les éléments de preuve ont d'abord révélé que l'intimé n'a prélevé aucun échantillon des produits fabriqués par l'appelant au cours de la période de cotisation et expédiés aux États-Unis. En deuxième lieu, M. Campbell a admis qu'il avait été informé, par les employés de l'appelant au cours de sa visite, que la société considérait les marchandises fabriquées à ce moment comme des couvre-joints ou des couvre-joints de toiture. M. Campbell savait que l'exonération conférée par le paragraphe 113 des Standard Grading Rules posait ou était susceptible de poser un problème. Malgré cela, il n'a vu aucun échantillon des produits en cause fabriqués par l'appelant et n'a pas tenté d'en obtenir un. Le témoin expert de l'intimé a bien fait ressortir qu'il était important de voir les produits. Son témoignage a permis d'établir sans l'ombre d'un doute que les preuves documentaires seules (p. ex. les factures) ne suffiraient pas pour justifier une contre-inspection du bois faisant l'objet d'un litige contractuel. Le Tribunal estime que le vérificateur aurait dû demander de voir les produits fabriqués par l'appelant lorsqu'il s'est rendu à l'usine de ce dernier, le 17 octobre 1989.

Le Tribunal accepte l'opinion de M. Funk, à savoir que les pièces A-1 et A-2 sont des couvre-joints. L'appelant a soutenu que ces deux pièces de bois sont représentatives des produits qu'il a vendus pendant la période de cotisation. Le Tribunal est d'avis que les divers arguments de l'intimé, qui étaient fondés principalement sur des preuves documentaires, ne corroborent pas sa position, à savoir que les produits vendus par l'appelant et exportés aux États-Unis au cours de la période de cotisation étaient de qualité inférieure à celle des produits énoncés au paragraphe 113-a des Standard Grading Rules. Par exemple, pour ce qui est de la question du prix, sur laquelle l'intimé a insisté, le Tribunal fait remarquer que les calculs établis par le vérificateur portaient sur des produits différents de ceux en cause, c'est-à-dire des moulures. Sur ce point, le Tribunal note simplement la déclaration de M. Campbell lors du contre-interrogatoire, c'est-à-dire que les produits de l'appelant ne correspondent «pas du tout» à des moulures. Pour ce qui est de l'écart entre les formulaires de commande et les factures, le Tribunal juge les explications de l'appelant satisfaisantes. Dans l'ensemble, le Tribunal est convaincu que les arguments présentés par l'appelant appuient sa position, à savoir qu'il a fabriqué et vendu des «couvre-joints séchés au four» au cours de la période de cotisation.

L'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 12 (3e suppl.).

2. Selon la définition donnée par M. Funk, une planche correspond à du bois d'une épaisseur maximale de un pouce et demi.


Publication initiale : le 26 juin 1997