TILL-FAB LIMITED

Décisions


TILL-FAB LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-134

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 6 avril 1992

Appel n o AP-91-134

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 février 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 31 mai 1991 au sujet d'un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

TILL-FAB LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Le Tribunal admet l'appel en partie, renvoie la question à l'intimé et demande que les dossiers de l'entreprise soient révisés de façon à exempter de la taxe de vente : (1) tous les ensembles de bâches à enroulement vendus avant le 19 février 1987 qui, à la lumière des motifs du Tribunal, étaient exemptés de la taxe de vente de l'avis du ministre du Revenu national, pourvu que les marchandises aient répondu par ailleurs aux autres conditions posées par l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise; et (2) conformément audit article, tous les ensembles de bâches à enroulement installés sur de l'équipement neuf, sans égard à la date de l'installation ou à la valeur de l'ensemble.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





L'appelant est un fabricant d'ensembles de bâches à enroulement pour camions. La question consiste à déterminer si chacun des deux «ensembles de bâches à enroulement» installés sur deux remorques de camion qui font partie d'un train routier pour le transport de marchandises devrait être considéré comme une unité pour les besoins de la disposition d'exonération de l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, qui prévoit que le prix demandé par le fabricant doit dépasser 2 000 $ l'unité.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. Le Tribunal constate que l'article 10, dans sa version antérieure au 19 février 1987, prévoyait expressément que la question de savoir si le juste prix de vente dépassait 2 000 $ l'unité était subordonnée à l'avis du ministre du Revenu national. Il ressort de la preuve administrée qu'une décision d'interprétation fiscale a été rendue le 6 août 1986, décision confirmant que les ensembles de bâches à enroulement étaient exonérés sans condition de la taxe de vente, pourvu, entre autres choses, qu'ils rendent compte de la valeur de 2 000 $. Au vu de cet élément de preuve, le Tribunal conclut que la vente de deux ensembles de bâches à enroulement pour les besoins d'un train routier avant le 19 février 1987 n'était pas assujettie à la taxe de vente lorsqu'elle dépassait 2 000 $, dans la mesure où les autres conditions posées par la disposition d'exonération étaient respectées. Exception faite de cette période, le sens immédiat et courant du libellé de l'article 10 est de toute évidence que le critère de 2 000 $ s'applique à chaque unité, c'est-à-dire à chaque ensemble de bâches à enroulement. Par ailleurs, l'installation d'ensembles de bâches à enroulement sur de l'équipement neuf n'est pas assujettie au critère d'une valeur de 2 000 $ l'unité.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 13 février 1992 Date de la décision : Le 6 avril 1992
Membre du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant W. Roy Hines, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Frank J. Welsh, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision du ministre du Revenu national (le Ministre) ayant pour effet de rejeter une opposition à une cotisation établie relativement à la taxe de vente fédérale impayée sur la vente d'ensembles de bâches à enroulement pour camions et remorques.

L'appelant, Till-Fab Limited, de Tillsonburg (Ontario) est un fabricant de dispositifs de rangement et de déploiement de bâches pour camions. Le 18 juillet 1986, il a demandé à Revenu Canada, Accise, de décider si l'ensemble de bâches à enroulement serait exonéré de la taxe de vente fédérale. Des photographies étaient jointes à la demande de décision, et l'une d'elles représentait deux remorques accrochées l'une à l'autre. Dans une décision d'interprétation datée du 6 août 1986, l'appelant a été avisé du fait que les marchandises en question étaient exonérées inconditionnellement de la taxe de vente. Cependant, le 2 mars 1990, une cotisation d'un montant de 15 608,66 $ comprenant la taxe, la pénalité et les intérêts a été établie à l'égard de l'appelant relativement aux ventes de ces marchandises. La période visée par cette cotisation allait du 1er décembre 1986 au 31 janvier 1990. L'appelant a immédiatement signifié un avis d'opposition qui a été rejeté par le Ministre le 31 mai 1991.

La question, dans le présent appel, consiste à déterminer si chacun des deux ensembles distincts de «bâches à enroulement» installés sur deux remorques de camion qui font partie d'un train routier pour le transport de marchandises devrait être considéré comme une unité pour les besoins de la disposition d'exonération de l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi, qui prévoit que le prix de vente demandé par le fabricant doit dépasser 2 000 $ l'unité.

Les dispositions de la Loi pertinentes dans la présente cause sont les articles 2 et 10 de la partie XVII de l'annexe III. Ces articles se lisent comme suit :

2. Remorques de camion, camions-remorques et semi-remorques, conçus pour le transport des marchandises dont la masse en charge, au sens donné à cette expression par un règlement du gouverneur en conseil, est de sept mille deux cent cinquante kilogrammes (7 250 kg) ou plus; les trains de roues auxiliaires de remorquage conçus pour servir à la transformation des camions-remorques et des semi-remorques en remorques pleine longueur aux fins de remorquage sur les routes.

...

10. Pièces et matériel installés sur les marchandises exemptes de taxe mentionnées aux articles 1, 2 , 4, 5, 6, 7 et 9 de la présente partie ou conçus pour être installés en permanence sur les marchandises exemptes de taxe mentionnées à l'article 3 de la présente partie lorsque le prix de vente demandé par le fabricant canadien ou la valeur à l'acquitté de l'article importé dépasse deux mille dollars l'unité, ou installés sur de telles marchandises avant la première utilisation de celles-ci; toutefois, les pièces et le matériel conçus pour le montage permanent ou montés sur les marchandises exemptes de taxe visées à l'article 1 de la présente partie ne sont exempts de taxe que s'ils sont conçus pour faciliter le port ou la manutention du fret.

Il est à noter qu'au moment où a été déposée la demande de décision d'interprétation, l'article 10 était libellé différemment. Avant l'entrée en vigueur le 19 février 1987 d'un texte modificatif publié en 1988, la version antérieure se lisait comme suit :

8. Pièces et matériel conçus pour être installés en permanence sur les marchandises exemptes de taxe mentionnées aux articles 1, 2, 3, 4, 5, 5.1, 5.2 et 7 de la présente Partie lorsque, de l'avis du Ministre , le juste prix de vente demandé par le fabricant canadien ou la valeur à l'acquitté de l'article importé dépasse deux mille dollars l'unité, ou installés sur de telles marchandises avant la première utilisation de celles-ci; toutefois, les pièces et le matériel conçus pour le montage permanent ou montés sur les marchandises exemptes de taxe visées à l'article 1 de la présente Partie ne sont exempts de taxe que s'ils sont conçus pour faciliter le port ou la manutention du fret. (soulignement ajouté)

L'appelant a été représenté à l'audience par son agent, M. Frank Welsh, le comptable de l'entreprise. Ce dernier a produit quelques éléments de preuve et des renseignements généraux au sujet de la nature des unités d'ensembles de bâches à enroulement, de l'histoire de l'entreprise et de la nature de ses activités, ainsi que de la suite des événements qui ont conduit à l'interjection du présent appel. M. Welsh a également fait référence à trois lettres d'entreprises de camionnage faisant état du fait que deux remorques combinées dans un train routier étaient considérées comme une unité. Il a en outre argué du fait que l'une des photographies jointes par son client à sa demande de décision représentait clairement un train routier constitué de deux remorques.

L'intimé a appelé un témoin, M. Gary K. Corcoran, qui est surveillant régional de l'application de la loi au Bureau des conducteurs et des véhicules du ministère des Transports de l'Ontario. M. Corcoran a témoigné qu'aux termes du Code de la route [2] , un train routier constitué d'un tracteur et de deux remorques reliées était considéré comme constitué de trois unités distinctes. Il a expliqué que chaque unité était immatriculée nonobstant la distinction entre les trains routiers de type «A», «B» et «C».

Lors de sa plaidoirie, M. Welsh a invoqué le fait que l'appelant avait été avisé par Revenu Canada que les marchandises en question étaient exemptées de taxe de vente. Il a également soumis qu'un train routier est considéré comme une seule unité par les gens du métier. Enfin, il a soutenu que la décision de Revenu Canada est fondée sur son jugement propre plutôt que sur la loi et que l'appelant avait agi de bonne foi en obtenant une opinion de Revenu Canada.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il incombe à l'appelant de prouver que la cotisation est erronée. Il a déclaré en outre que le train routier en question ne devrait pas être considéré comme une seule unité pour les raisons suivantes : les remorques faisant partie du train routier sont temporairement reliées les unes aux autres et tirées par un camion de transport; le Code de la route traite chaque remorque comme une seule unité; et, dans les cas ou plus d'une unité peut être considérée comme une seule unité, le Code de la route le précise expressément.

L'avocat de l'intimé a soutenu, par ailleurs, que quel que soit le type de véhicule utilisé, le critère de 2 000 $ s'applique à une unité et que le coût de chaque unité de bâches à enroulement faisant partie d'un train routier doit dépasser 2 000 $.

Il a été souligné au cours de l'audience qu'une version antérieure de l'article 10 était en vigueur lorsque l'agent de Revenu Canada a rendu la décision d'interprétation sur laquelle est fondée la revendication de l'appelant. Le Tribunal constate que, dans sa version antérieure au 19 février 1987, l'article prévoyait expressément que la question de savoir si le juste prix de vente dépassait 2 000 $ l'unité était subordonnée à l'avis du Ministre. L'avocat pour l'intimé a admis qu'une décision d'interprétation telle que celle qui a été rendue le 6 août 1986 à la demande de l'appelant est considérée comme une décision du Ministre pour les besoins de cet article. Le Tribunal conclut donc que ladite décision représente l'opinion du Ministre et qu'elle a un caractère obligatoire. Comme il n'y a aucune preuve du fait que l'appelant ait présenté le moindre renseignement sur les prix lorsqu'il a demandé ladite décision, et comme il a reçu une exemption inconditionnelle, le Tribunal conclut que la vente de deux ensembles de bâches à enroulement pour un train routier effectuée avant le 19 février 1987 n'était pas assujettie à la taxe de vente dans la mesure où les autres conditions posées par la disposition d'exonération étaient respectées. Quant à la période postérieure au 19 février 1987, l'interprétation fiscale n'avait plus la valeur de l'avis du Ministre aux termes du nouvel article 10, et le Tribunal doit prendre le libellé de cet article dans son sens immédiat et ordinaire. Cette disposition prévoit clairement que l'exigence de 2 000 $ s'applique à chaque unité, c'est-à-dire à chaque ensemble de bâches à enroulement, sans égard au fait que les ensembles soient vendus pour une seule remorque ou pour un train routier. Cette conclusion découle également de l'exigence selon laquelle, en cas d'importation, la valeur à l'acquitté de l'article importé doit dépasser 2 000 $. Aussi pénible que soit cette situation pour l'appelant, la Loi est claire et doit être appliquée.

Enfin, une autre question d'interprétation a été soulevée pendant l'audience, en l'occurrence, celle de la signification de la clause suivante de l'article 10 pour l'installation d'ensembles de bâches à enroulement sur un équipement neuf. Interrogé par le Tribunal, l'agent de l'appelant a décrit de façon plus poussée l'activité de son client et a déclaré que cette activité consistait en partie en la vente et en l'installation d'ensembles de bâches à enroulement sur de l'équipement neuf. Compte tenu de cette donnée, le Tribunal a alors ordonné aux parties de considérer la clause suivante de l'article 10 :

... installés sur de telles marchandises avant la première utilisation de celles-ci...

L'avocat de l'intimé a indiqué que cela coïncidait avec l'interprétation que le Tribunal faisait de la clause, interprétation selon laquelle l'installation d'ensembles de bâches à enroulement sur de l'équipement neuf n'est pas assujettie à l'exigence d'une valeur de 2 000 $ l'unité. Il est donc conclu que l'exemption fiscale s'appliquera également à toutes les unités installées sur des remorques neuves conformément à l'article 10.

Le Tribunal admet donc l'appel en partie, renvoie la question à l'intimé et demande que les dossiers de l'entreprise soient révisés de façon à exempter de la taxe de vente : (1) tous les ensembles de bâches à enroulement vendus avant le 19 février 1987 qui, à la lumière des motifs du Tribunal, étaient exemptés de la taxe de vente de l'avis du Ministre, pourvu que les marchandises aient répondu par ailleurs aux autres conditions posées par l'article 10 de la partie XVII de l'annexe III de la Loi; et (2) conformément audit article, tous les ensembles de bâches à enroulement installés sur de l'équipement neuf, sans égard à la date de l'installation ou à la valeur de l'ensemble.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. S.R.O. (1980), ch. 198, dans sa version modifiée.


Publication initiale : le 27 juin 1997