STRETCH COACHWORKS INC.

Décisions


STRETCH COACHWORKS INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-118

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 23 février 1994

Appel n o AP-91-118

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 septembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 25 avril 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

STRETCH COACHWORKS INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national. La cotisation établie à l'égard de l'appelant s'élevait à 16 761,38 $, plus l'intérêt et la pénalité, relativement à des taxes impayées pour des automobiles que l'appelant a converties en limousines. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les automobiles, qui appartiennent à l'appelant ou à des personnes autres que l'appelant, que ce dernier a converties en limousines, sont assujetties à la taxe d'accise frappant les automobiles d'un poids supérieur à 2 007 kg aux termes de l'article 6 de l'annexe I de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté. L'appelant a fabriqué et livré à des acheteurs des limousines, qui sont des marchandises énumérées à l'annexe I de la Loi sur la taxe d'accise et, par conséquent, doit payer la taxe d'accise frappant les automobiles d'un poids supérieur à 2 007 kg aux termes de l'article 6 de l'annexe I de la Loi sur la taxe d'accise. Le Tribunal conclut que les transactions dans le cadre desquelles l'appelant a passé des contrats avec des clients en vue de convertir en limousines des automobiles fournies par ces derniers sont des ventes réputées aux termes du paragraphe 23(3.1) de la Loi sur la taxe d'accise et, par conséquent, sont assujetties à la taxe d'accise frappant les automobiles d'un poids supérieur à 2 007 kg.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 9 septembre 1993 Date de la décision : Le 23 février 1994
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Anthony Viele, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national. La cotisation établie à l'égard de l'appelant s'élevait à 16 761,38 $, plus l'intérêt et la pénalité, relativement à des taxes impayées pour des automobiles que l'appelant a converties en limousines. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les automobiles, qui appartiennent à l'appelant ou à des personnes autres que l'appelant, que ce dernier a converties en limousines, sont assujetties à la taxe d'accise frappant les automobiles d'un poids supérieur à 2 007 kg (la taxe sur le poids), aux termes de l'article 6 de l'annexe I de la Loi.

L'appelant est un fabricant titulaire de licence dont l'entreprise consiste à convertir en limousines des automobiles qui, dans certains cas, lui appartiennent et, dans d'autres cas, appartiennent à ses clients. Pour convertir les automobiles en limousines, l'appelant les coupe en deux, rallonge le châssis, ajoute des panneaux latéraux et installe divers articles, notamment des banquettes, des magnétoscopes à cassettes et des chaînes stéréophoniques. Lorsque les automobiles transformées en limousines appartiennent aux clients de l'appelant, les clients ne doivent payer que la valeur ajoutée aux automobiles à la suite du processus de conversion.

Le propriétaire de Stretch Coachworks Inc., M. Anthony Viele, qui a témoigné pour le compte de l'appelant, a affirmé que des fonctionnaires du ministère du Revenu national (Revenu Canada) lui avaient indiqué que l'appelant serait redevable seulement de la taxe sur le poids dans les cas où il était propriétaire des automobiles converties en limousines. M. Viele a affirmé qu'il avait également consulté un ami, qui avait déjà travaillé à la section de la taxe de vente fédérale de Revenu Canada, et que ce dernier avait confirmé les renseignements fournis par les fonctionnaires de Revenu Canada. L'appelant n'a donc pas perçu la taxe sur le poids à l'égard des automobiles qui ne lui appartenaient pas lorsqu'elles ont été converties en limousines.

M. Viele a fait remarquer que son épouse, qui n'a pu assister à l'audience, lui avait dit que, à plusieurs reprises, lorsqu'elle se rendait au bureau de Revenu Canada pour payer la taxe sur le poids perçue à l'égard des automobiles qui appartenaient à l'appelant au moment de la conversion, les fonctionnaires de Revenu Canada commençaient par refuser le paiement et ne l'acceptaient qu'en raison de son insistance. Selon M. Viele, il en était ainsi parce que les fonctionnaires de Revenu Canada ignoraient qu'une telle taxe existait.

Mme Brenda Lockhart, l'agent qui a procédé à la vérification de l'appelant, a témoigné au nom de l'intimé afin d'expliquer comment elle avait établi le montant de la cotisation de l'appelant. Elle a reconnu que, au moment de la vérification, elle ne connaissait pas les détails relatifs à la taxe sur le poids, mais qu'elle s'était renseignée en consultant son superviseur ainsi que des notes d'interprétation et des fiches de décision de Revenu Canada. Après avoir examiné ces renseignements, elle a établi que la taxe sur le poids devait être versée par la personne qui avait occasionné le dépassement de la limite de poids, et pas forcément par la personne à qui appartenait l'automobile.

Mme Lockhart a passé en revue ses feuilles de travail dans lesquelles étaient énumérées toutes les ventes de l'appelant au cours de la période visée par la cotisation, soit du 1er janvier 1988 au 30 avril 1990. Dans ces documents, elle a indiqué les montants réels qui ont été payés à Revenu Canada ainsi que le montant qui aurait dû être versé en fonction des renseignements sur les modèles et les poids des automobiles fabriquées par l'appelant, renseignements que lui avait fournis Mme Viele, et conformément aux dispositions de la Loi. Il lui a été indiqué que le poids des automobiles était inférieur à 2 007 kg avant qu'elles ne soient converties en limousines. Elle a constaté que, en ce qui a trait aux automobiles qui appartenaient de fait à l'appelant, ce dernier avait mal calculé le montant exigible et, par conséquent, versé un montant de taxe sur le poids inexact. Pour ce qui est des automobiles qui appartenaient aux clients de l'appelant, elle a constaté que ce dernier n'avait ni perçu, ni versé la taxe sur le poids, bien qu'il était tenu de le faire aux termes de la Loi.

M. Viele, au nom de l'appelant, a prétendu qu'il avait agi conformément aux déclarations des fonctionnaires de Revenu Canada et qu'un fonctionnaire ne lui avait jamais indiqué qu'il avait mal interprété la méthode d'application de la taxe sur le poids. Il a affirmé que, sur la foi de ces déclarations, il n'avait pas perçu la taxe sur le poids à l'égard des automobiles qui n'appartenaient pas à l'appelant. Il a ajouté que, si l'appelant était tenu de payer la taxe maintenant, ce dernier serait placé dans une situation financière très précaire qui entraînerait la fermeture permanente de son entreprise.

L'avocat de l'intimé a soutenu que l'appelant est redevable de la taxe sur le poids aux termes de l'article 23 de la Loi. Il a prétendu que la conversion des automobiles en limousines constitue une activité de fabrication ou de production conformément à des décisions rendues par la Cour suprême du Canada [2] et par la Cour fédérale du Canada [3] . La conversion des automobiles en limousines constitue un changement de la forme, de la qualité et des propriétés des automobiles. Comme l'a fait valoir l'avocat, puisque le paragraphe 23(1) de la Loi ne renferme aucune condition relative à la manière dont les marchandises fabriquées doivent être «livrées» au client, la vente au client à un prix représentant la valeur ajoutée ou la conversion suffit pour qu'il y ait livraison au client.

L'avocat de l'intimé a prétendu que l'appelant est redevable de la taxe sur le poids aux termes du paragraphe 23(3.1) de la Loi étant donné qu'il a fabriqué ou produit des limousines à partir d'automobiles fournies par ses clients «dans le cadre d'un contrat visant la main-d'oeuvre» conclu avec ces derniers. L'avocat estime que la définition étendue du terme «fabricant ou producteur» donnée à l'article 2 de la Loi vise des situations où un particulier fabrique ou produit une marchandise au nom d'un tiers en utilisant les matériaux fournis par ce dernier.

Enfin, l'avocat de l'intimé a soutenu qu'aucun élément de preuve direct ne permettait d'affirmer que les fonctionnaires de Revenu Canada avaient, d'une quelconque façon, induit en erreur l'appelant en ce qui concerne la méthode de calcul de la taxe sur le poids. À titre de rechange, l'avocat a affirmé que, s'il est constaté que l'on a induit en erreur ou mal conseillé l'appelant, la Couronne n'est pas liée par les présentations et les interprétations fournies aux contribuables par des fonctionnaires si ces présentations et interprétations ne sont pas prescrites par la loi ou sont contraires à la loi, comme l'a statué la Cour d'appel fédérale dans la cause Joseph Granger c. La Commission de l'emploi et de l'immigration [4] .

Le Tribunal, ayant examiné les observations des parties et les dispositions législatives pertinentes, estime qu'une cotisation exacte relativement aux taxes sur le poids impayées a été établie à l'égard de l'appelant.

Le Tribunal fait remarquer que l'article 23 de la Loi stipule ce qui suit :

23. (1) Lorsque les marchandises énumérées aux annexes I et II sont importées au Canada, ou sont de fabrication ou de provenance canadienne et livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu [...] une taxe d'accise sur ces marchandises, suivant le taux figurant en regard de l'article concerné de l'annexe pertinente.

(2) [...] lorsque les marchandises sont de fabrication ou de provenance canadienne et vendues au Canada, cette taxe d'accise est exigible du fabricant ou du producteur au moment de la livraison de ces marchandises à leur acheteur.

Ainsi, pour qu'une personne soit redevable de la taxe prescrite par cet article, elle doit avoir fabriqué ou produit des marchandises qu'elle a livrées à un acheteur, marchandises qui sont énumérées aux annexes I ou II de la Loi.

En ce qui a trait à la question de déterminer si les limousines sont des marchandises énumérées aux annexes I ou II de la Loi, le Tribunal fait remarquer que l'alinéa 6a) de l'annexe I de la Loi renvoie expressément aux «automobiles, autres que les familiales et les fourgonnettes conçues principalement pour le transport des passagers, d'un poids supérieur à deux mille sept kilogrammes [...] appelé [...] «masse repère-automobile». Il ressort des éléments de preuve présentés par Mme Lockhart, éléments de preuve qui n'ont pas été réfutés par M. Viele, que les limousines en question sont des automobiles dont le poids est supérieur à la «masse repère-automobile» prescrite et, par conséquent, sont admissibles à titre de marchandises énumérées à l'annexe I de la Loi.

Lorsque le Tribunal s'est penché sur la question de déterminer si la conversion d'automobiles en limousines constitue une activité de fabrication ou de production, le Tribunal s'est fondé sur la définition suivante de «fabriquer» tirée de la cause Le Ministre du Revenu national c. Dominion Shuttle Company Limited [5] et retenue par la Cour suprême du Canada dans la décision qu'elle a rendue dans la cause York Marble :

manufacture is the production of articles for use from raw or prepared material by giving to these materials new forms, qualities and properties or combinations whether by hand or machinery [6] .

([Traduction] fabriquer c'est produire à partir de matériaux bruts ou préparés des articles destinés à être utilisés, en donnant aux matériaux de nouvelles formes, qualités et propriétés ou combinaisons soit à la main, soit à la machine.)

Comme l'a décrit M. Viele, le processus de conversion comprend les opérations suivantes : couper en deux une automobile de taille standard, rallonger le châssis, ajouter des panneaux latéraux et installer divers articles, dont des banquettes, des magnétoscopes à cassettes et des chaînes stéréophoniques. Le Tribunal estime que ce processus de conversion constitue une activité de fabrication, car il permet de donner à une automobile de taille standard les formes, qualités et propriétés nouvelles d'une limousine.

La question qu'il reste à trancher est de déterminer si l'appelant a livré à des acheteurs les limousines fabriquées. De l'avis du Tribunal, il ressort clairement des éléments de preuve que les limousines fabriquées à partir d'automobiles appartenant à l'appelant ont été livrées à des acheteurs et, par conséquent, sont assujetties à la taxe sur le poids calculée en fonction des taux énumérés à l'article 6 de l'annexe I de la Loi. Toutefois, le Tribunal doit également déterminer si les limousines fabriquées à partir des automobiles appartenant à des personnes autres que l'appelant ont été livrées à des acheteurs et sont assujetties à la taxe sur le poids.

Aux termes du paragraphe 23(3.1) de la Loi, une personne est réputée avoir vendu des marchandises lorsque, dans le cadre d'un contrat visant la main-d'oeuvre, elle fabrique ou produit des marchandises énumérées à l'annexe I de la Loi à partir d'un article ou d'une matière fournis par une autre personne pour livraison à cette personne. Il ressort des éléments de preuve que l'appelant a passé des contrats avec les propriétaires des automobiles de taille standard en vue de convertir ces dernières en limousines et de leur livrer les limousines en échange d'un montant correspondant à la valeur ajoutée aux automobiles. De l'avis du Tribunal, les limousines sont réputées avoir été vendues, conformément au paragraphe 23(3.1) de la Loi, et elles sont donc assujetties à la taxe sur le poids.

Ayant conclu que l'appelant a fabriqué et livré à des acheteurs des marchandises énumérées à l'annexe I de la Loi, le Tribunal est d'avis que l'appelant est redevable de la taxe sur le poids à l'égard de laquelle l'intimé a établi une cotisation.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, [1968] R.C.S. 140.

3. La Reine c. Stuart House Canada Limited, [1976] 2 C.F. 421; La Reine c. E.J. Piggott Enterprises Ltd., non publié, Cour d'appel fédérale, no du greffe T - 971 - 71, le 27 novembre 1972; et Fiat Auto Canada Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F. 203.

4. [1986] 3 C.F. 70.

5. 72 C.S. du Québec 15.

6. Supra, note 2 à la p. 145.


Publication initiale : le 26 juin 1997