SHRIMP PROJECTORS INC.

Décisions


SHRIMP PROJECTORS INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-91-180

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, mardi le 26 janvier 1993

Appel n o AP - 91 - 180

EU ÉGARD À un appel entendu les 20 et 23 octobre 1992 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 24 août 1991 concernant une demande de réexamen en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SHRIMP PROJECTORS INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appelant a déposé son avis d'appel plus de 90 jours après que la décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise lui a été communiquée. Le Tribunal n'a donc pas compétence pour examiner le fond de l'affaire. L'appel est rejeté.


Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le Tribunal doit trancher une question préalable en regard d'un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes. Il s'agit de déterminer si l'appelant a interjeté appel à l'égard de la décision du sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, rendue en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes, dans les 90 jours réglementaires suivant l'avis de décision. Dans l'affirmative, le Tribunal aurait compétence pour examiner le fond de l'affaire.

DÉCISION : Compte tenu des éléments de preuve et des arguments fournis par les parties, le Tribunal conclut qu'il n'a pas compétence pour examiner le fond de l'affaire. À son avis, l'appelant a déposé son avis d'appel plus de 90 jours après que la décision du sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise lui a été communiquée.

Lieu de l'audience : Edmonton (Alberta) Dates de l'audience : Les 20 et 23 octobre 1992 Date de la décision : Le 26 janvier 1993
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Douglas Tkachuk, pour l'appelant Linda J. Wall, pour l'intimé





Il s'agit ici de la décision du Tribunal relativement à une question préliminaire et rendue à l'égard d'un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi). Il s'agit de déterminer si l'appelant a interjeté appel à l'égard de la décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), rendue en application de l'article 63 de la Loi sur les douanes, dans les 90 jours réglementaires suivant l'avis de décision. Dans l'affirmative, le Tribunal aurait compétence pour examiner le fond de l'affaire. L'avocat de l'intimé a convenu que, si le Tribunal estimait avoir compétence pour examiner le fond de l'affaire, l'intimé accepterait d'appliquer le classement tarifaire proposé par l'appelant.

Pour assurer l'intégrité du dossier, les marchandises en question sont décrites dans le mémoire que l'appelant a soumis au Tribunal comme [traduction] «deux ordinateurs d'essai Digital, l'un à affichage optique variable et l'autre à affichage RVB». À l'audience, le témoin de l'appelant, M. Neil W. Nichols, le seul administrateur et directeur de la société appelante, a déclaré que les marchandises consistaient en un [traduction] «projecteur vidéo de données graphiques en temps réel». Selon le mémoire de l'avocate de l'intimé, les marchandises sont deux projecteurs vidéos en couleur conçus pour être utilisés avec des sources de signaux informatiques et télévisuels. Selon les explications fournies, lorsque les marchandises sont utilisées avec un ordinateur, les données graphiques et le texte sont transmis de l'ordinateur au projecteur, puis affichées sur un écran. Ces projecteurs peuvent aussi recevoir des signaux de télévision répondant aux normes NTSC, PAL, PAL-M, SECAM et S-VHS pour projeter des images télévisuelles mobiles en temps réel. Cet aspect n'a pas été abordé à l'audience.

Les marchandises ont été importées à Calgary (Alberta) le 9 septembre 1989, sous le numéro tarifaire 8471.20.00. Par contre, le 18 octobre 1989, conformément à une décision rendue en application du paragraphe 58(1) de la Loi, les marchandises ont été classées dans le numéro tarifaire 9008.30.00. Le 15 janvier 1990, l'appelant a produit, par l'entremise de ses courtiers en douane autorisés, une demande de révision en vertu de l'alinéa 60(1)a) de la Loi. Le 19 avril suivant, conformément au paragraphe 60(3) de la Loi, l'intimé a rendu une décision confirmant celle rendue en application du paragraphe 58(1). Par le biais d'une demande de rajustement sur laquelle est estampillée la date du 27 juin 1990, l'appelant a demandé un réexamen de la révision en application de l'alinéa 63(1)a) de la Loi, toujours par l'entremise de ses courtiers en douane. Le 23 mai 1991, dans une lettre à en-tête, l'appelant a étayé cette deuxième demande au moyen d'un [traduction] «exposé technique» justifiant le classement initial des marchandises. Il semble que cet exposé ait été préparé à la demande d'un fonctionnaire du ministère du Revenu national pour les douanes et l'accise (Revenu Canada), qui souhaitait obtenir des précisions au sujet des marchandises importées. M. Nichols a précisé que les courtiers en douane n'étaient plus partie au dossier lorsque ces précisions ont été fournies.

Le témoin a déclaré qu'il n'a été informé de la décision du Sous-ministre rendue en conformité du paragraphe 63(3) de la Loi que le 26 ou le 27 septembre 1991, lorsqu'il a téléphoné à Revenu Canada. Il a ajouté qu'il a été avisé que le Sous-ministre avait confirmé le classement tarifaire, établi en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi, dans une décision datée du 28 août 1991. Revenu Canada lui a communiqué cette décision par télécopieur le 26 septembre 1991. Fort de ces renseignements, il a calculé la date d'échéance du délai d'appel de 90 jours, dont il connaissait l'existence, et il a déposé un avis d'appel devant le Tribunal en conséquence. Toutefois, pendant qu'il préparait l'appel, il a constaté que, selon la copie qu'il avait reçue par télécopieur, la décision avait été rendue le 24 août 1991. L'appelant a déposé son avis d'appel le 26 novembre 1991.

L'avocate de l'intimé a soutenu que la décision du Sous-ministre portait sur la demande de réexamen de la révision présentée en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi par les courtiers en douane de l'appelant qui ont donné instruction au Sous-ministre, sur le formulaire de demande d'ajustement, pour que la décision leur soit transmise par la poste, ce qui a été fait. La décision du Sous-ministre est datée du samedi 24 août 1991. L'avocate a souligné que, d'ordinaire, les décisions rendues au cours d'une fin de semaine sont postées le jour ouvrable suivant par l'intimé. En conséquence, l'intimé soutient que la décision a été postée le lundi 26 août 1991 [2] . L'avocate a donc déclaré que le délai d'appel de 90 jours a pris fin le 22 novembre 1991. Comme l'avis d'appel est daté du 26 novembre 1991, l'appelant n'a pas respecté la prescription et le Tribunal n'a donc pas compétence pour examiner le fond de l'affaire.

L'avocat de l'appelant a souligné que l'avis d'appel qui, selon l'intimé, est irrecevable en vertu de la Loi portait en fait sur le classement tarifaire confirmé par le Sous-ministre en vertu de l'article 63 de la Loi. Toutefois, selon le mémoire soumis par l'intimé aux fins de l'audience, l'appelant a été informé que le Sous-ministre avait renoncé à classer les marchandises dans le numéro tarifaire 9008.30.00 et estimait maintenant que le numéro tarifaire 8528.10.99 convenait mieux. L'avocat a donc soutenu que l'appelant devrait disposer de 90 jours à compter de la notification de ce nouveau classement tarifaire pour interjeter appel. Comme le mémoire de l'intimé a été reçu en août 1992, l'appelant a respecté le délai d'appel. L'avocat a ajouté qu'il serait contraire à la justice naturelle de ne pas examiner l'affaire et de ne pas avoir l'occasion de réagir au reclassement tarifaire.

L'avocat de l'appelant a admis qu'une demande de réexamen de la révision en bonne et due forme en vertu de l'alinéa 63(1)a) de la Loi a été déposée par les courtiers en douane qui ont demandé au Sous-ministre de poster la réponse à leurs bureaux. Cependant, il a soutenu que la lettre de M. Nichols en date du 23 mai 1991 constituait en fait un «deuxième appel». Cette lettre ne fait pas mention des courtiers; par contre, elle porte l'en-tête de l'appelant et précise l'adresse postale de ce dernier. La réponse à cet appel aurait donc dû être adressée à l'appelant, et non aux courtiers. L'appelant n'ayant appris la décision du Sous-ministre que le 26 septembre 1991, c'est à cette date que commence le délai d'appel de 90 jours. Comme l'avis d'appel a été déposé le 26 novembre 1991, la prescription a été respectée et, par conséquent, le Tribunal a compétence pour examiner le fond de l'affaire.

L'avocate de l'intimé a déclaré qu'un appel interjeté auprès du Tribunal aux termes de l'article 67 de la Loi doit porter sur une décision rendue par le Sous-ministre à l'égard d'une demande de réexamen de la révision formulée en application de l'alinéa 63(1)a) de la Loi. Les courtiers en douane autorisés ont déposé la demande de réexamen de la révision et demandé au Sous-ministre de poster la réponse à leurs bureaux. La lettre de M. Nichols en date du 23 mai 1991 ne constitue ni un appel, ni une demande de réexamen de la révision; il s'agit simplement d'un mémoire à l'appui de la demande de réexamen.

Pour ce qui est du nouveau classement tarifaire proposé dans le mémoire de l'intimé, l'avocate de l'intimé a déclaré qu'il est normal que les positions des parties changent dans le cours de l'instruction d'une affaire. Elle a souligné qu'un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi doit porter sur une décision rendue par le Sous-ministre en vertu de l'article 63 ou 64 de la Loi. Le nouveau classement proposé dans le mémoire ne traduisait pas une décision formelle rendue par le Sous-ministre en vertu de la Loi.

Compte tenu des éléments de preuve et des arguments fournis par les parties, le Tribunal conclut qu'il n'a pas compétence pour examiner le fond de l'affaire. À son avis, l'appelant a déposé son avis d'appel plus de 90 jours après que la décision du Sous-ministre lui a été communiquée.

Le Tribunal n'a pu retenir l'argument selon lequel le nouveau classement tarifaire proposé par l'avocate de l'intimé dans son mémoire conférait un nouveau droit d'appel à l'appelant, ce qui lui accordait un nouveau délai de 90 jours pour interjeter appel. L'article 67 de la Loi, qui régit la présente affaire, accorde un droit d'appel à l'égard d'une «décision du sous-ministre rendue conformément à l'article 63 ou 64» de la Loi. En vertu de ces dernières dispositions, le Sous-ministre peut procéder au réexamen du classement tarifaire ou de l'appréciation de la valeur en douane des marchandises importées et doit donner avis de sa décision. Le classement tarifaire proposé par l'avocate ne constitue pas un réexamen effectué en conformité de l'article 63 ou 64 de la Loi.

La demande de réexamen de la révision en vertu de l'alinéa 63(1)a) de la Loi a été déposée par la firme Professional Customs Brokers Canada Ltd. pour le compte de l'appelant. C'est le nom de cette firme qui figure sur le formulaire de demande à la rubrique «POSTER À». Le Tribunal estime que cela signifie que le Sous-ministre devait adresser toute correspondance à cette firme, sauf avis contraire. L'avocat de l'appelant a soutenu que l'exposé technique du 23 mai 1991, portant l'en-tête de l'appelant, enjoignait le Sous-ministre de poster l'avis de décision directement à l'appelant. Or, la décision a été communiquée à la firme Professional Customs Brokers Canada Ltd., et l'appelant n'en a reçu avis qu'au moment où M. Nichols a communiqué avec Revenu Canada en septembre 1991. Le Tribunal a examiné de près l'exposé technique et ne peut l'interpréter comme une requête invitant le Sous-ministre à ne pas tenir compte des instructions explicites contenues dans la demande de réexamen de la révision et à poster plutôt l'avis de décision directement à l'appelant. Le Tribunal ne peut davantage considérer l'exposé technique comme un «deuxième appel».

Le Tribunal est préoccupé par le fait que l'intimé aurait admis le classement tarifaire réclamé par l'appelant si le Tribunal avait déclaré avoir compétence pour statuer sur cette affaire. Si l'intimé admet le bien-fondé du classement établi par l'appelant, ce dernier ne devrait pas être obligé d'en appeler au Tribunal. Si le Sous-ministre est habilité à admettre ce classement, le Tribunal l'enjoint de le faire.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. À l'appui de cet argument, l'avocat s'est reporté à l'article 149 de la Loi, qui se lit comme suit : «Pour l'application de la présente loi, la date des avis ou préavis prévus par cette loi ou ses règlements est, en cas d'envoi par la poste, réputée celle de leur mise à la poste, cette dernière date étant, sauf preuve contraire, celle qu'ils semblent indiquer comme telle, à moins de contestation par le ministre, son délégué ou celui de Sa Majesté.»


Publication initiale : le 30 juin 1997