BULK-STORE STRUCTURES INC.

Décisions


BULK-STORE STRUCTURES INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-161

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 20 juillet 1992

Appel n o AP - 91 - 161

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 mars 1992 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 15 août 1991 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

BULK - STORE STRUCTURES INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les panneaux modulaires préfabriqués en bois ne sont pas utilisés «directement» dans la fabrication ou la production de marchandises au sens du sous-alinéa 1a)i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.


Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Les marchandises en question sont des panneaux modulaires préfabriqués en bois. Elles ont été utilisées pour l'assemblage à pied d'oeuvre de quatre structures en forme de dôme ayant un diamètre fini de 124 pi. Les panneaux ont été boulonnés ensemble sur une fondation constituée d'un plancher et de murs en béton coulé, les murs ayant une hauteur de 12 pi. Des éventails et des tuyaux ont été installés dans la paroi de ciment pour assurer l'aération et la conservation du grain.

Le présent appel porte sur la question de savoir si les panneaux achetés par l'appelant donnent droit à la réduction du taux de la taxe de vente visée au paragraphe 51(1) de la Loi sur la taxe d'accise et au sens du sous - alinéa 1a)i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que les marchandises en cause ne sont pas utilisés «directement» dans la fabrication ou la production de marchandises au sens du sous - alinéa 1a)i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 26 mars 1992 Date de la décision : Le 20 juillet 1992
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Charles A. Gracey, membre
Services juridiques : France Deshaies
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : C.J. Sorby, pour l'appelant F.B. Woyiwada, pour l'intimé





Les marchandises en question sont des panneaux modulaires préfabriqués en bois. Elles ont été utilisées pour l'assemblage à pied d'oeuvre de quatre structures en forme de dôme (des dômes) ayant un diamètre fini de 124 pi. Les panneaux ont été boulonnés ensemble sur une fondation constituée d'un plancher et de murs en béton coulé, ces derniers ayant une hauteur de 12 pi. Des éventails et des tuyaux ont été installés dans la paroi de ciment pour assurer l'aération et la conservation du grain.

Le présent appel porte sur la question de savoir si les panneaux achetés par l'appelant donnent droit à la réduction du taux de la taxe de vente visée au paragraphe 51(1) de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) et au sens du sous-alinéa 1a)(i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

Le président de l'appelant, M. James Knight, a comparu en qualité de témoin. Il a fait état des activités et des produits de l'appelant. Ce dernier assure la fabrication et la distribution des dômes en question. Il détient un brevet canadien pour ce type de structure. Le produit est offert dans une gamme de dimensions et se compose d'une unité à facettes multiples, chaque côté étant fait d'une série de panneaux allant de la base au sommet. M. Knight a comparé ces structures à un igloo, dont la construction exige de commencer par la base. On forme un anneau avec une série de panneaux, pour ensuite les superposer, après quoi la structure est fermée à son sommet. Chaque panneau est fait de contreplaqué ou de bois d'oeuvre. La taille et la forme de chaque panneau dépend des restrictions touchant le transport et des matériaux employés. Chaque panneau est entièrement fabriqué en usine et expédié au chantier en pièces détachées. Il faut soulever le panneau pour le mettre en place, puis le boulonner aux panneaux voisins pour obtenir le produit fini, à savoir le dôme. Les dômes de plus grandes dimensions requièrent un plus grande nombre de panneaux. Chacun des quatre dômes en question peut contenir 225 000 boisseaux de grain.

M. Knight a affirmé que la concurrence est fonction de l'industrie. Dans le secteur de l'entreposage du grain, les principaux produits concurrents sont les cellules à grain en acier et les silos en béton. Dans celui du sel de voirie, l'appelant doit surtout affronter la concurrence exercée par les granges sur pieux et les structures en tissu. En réponse aux questions de l'avocat de l'intimé, M. Knight a déclaré que l'appelant écoulait aussi ses produits sur d'autres marchés pour assurer l'entreposage de marchandises diverses, y compris le sel de table, le sucre préraffiné, les copeaux de bois, la tourbe de mousse, la farine de poisson, la farine de soja, des produits agricoles, tous les types de sable à coût élevé, etc. Essentiellement, a-t-il déclaré, les bâtiments peuvent servir à entreposer pratiquement n'importe quelle denrée en vrac ou en grandes quantités.

L'avocat de l'appelant a convoqué un deuxième témoin, M. Earl Wagner, directeur général d'une coopérative formée par quelque 3 500 agriculteurs. Cette coopérative oeuvre dans cinq domaines au niveau du détail : la quincaillerie et le bois d'oeuvre, l'exploitation de moulins-broyeurs, le pétrole et le gaz naturel, l'engrais, et l'ensilage de grain et de fèves blanches. La coopérative est l'utilisateur final des quatre dômes dont il est question dans le présent appel.

M. Wagner a expliqué la double fonction des quatre dômes. Ils servent d'abord au séchage des fèves et du grain. Ces denrées sont acheminées des champs aux dômes à bord de camions. Elles sont déchargées dans une trémie puis transportées par élévateur dans un séchoir à haut débit alimenté par une source de chaleur auxiliaire. Le grain est nettoyé et séché avant d'être soit expédié directement à l'acheteur, soit transporté vers les dômes. Une fois entreposé sous ces derniers, le grain subit un traitement plus poussé, et est séché par de l'air extérieur forcé à travers les ouvertures pratiquées dans les tuyaux reliés aux ventilateurs installés dans les fondations des dômes et puis aéré. Selon les éléments de preuve, l'aération est nécessaire pour «entretenir» le grain ou les fèves après le séchage fait à l'aide de la source de chaleur auxiliaire. En outre, ce deuxième séchage permet de réduire de 1 à 2 p. 100 de plus la teneur en humidité du grain. Après l'aération, le grain et les fèves sont entreposés jusqu'à ce qu'ils soient vendus et expédiés.

M. Wagner a ajouté que les dômes servent aussi à la préparation de l'engrais, qui fait appel à trois produits clés : l'azote, le phosphate et la potasse. Ces produits sont acheminés par train ou par camion et déchargés dans des convoyeurs dont les bennes se déversent dans l'ouverture pratiquée au sommet des trois dômes où ils sont entreposés séparément avant d'être mélangés. Il n'y a pas lieu d'assurer l'aération pendant la période d'entreposage. Les trois produits sont ensuite récupérés, mélangés dans les proportions requises et expédiés en vrac.

M. Wagner a déclaré que la double fonction des dômes et le fait que les panneaux soient démontables expliquent dans une large mesure la décision de la coopérative d'acheter ces dômes et non des silos en béton. On craignait aussi que le service ferroviaire puisse être interrompu dans cette région. Il importait donc de choisir une structure démontable.

L'appelant a soutenu que les panneaux en question devraient donner droit à l'exemption visée au sous-alinéa 1a)(i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

51. (1) La taxe imposée par l'article 50 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III...

ANNEXE III

PARTIE XIII

MATÉRIEL DE PRODUCTION, MATIÈRES DE

CONDITIONNEMENT ET PLANS

1. Tous les articles suivants :

a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou producteurs ou importés par eux pour être utilisés par eux principalement et directement :

(i)... dans la fabrication ou la production de marchandises,...

Comme premier argument, l'avocat de l'appelant a déclaré que les panneaux sont utilisés dans le procédé de production ou de fabrication au sens du sous-alinéa 1a)i). Il a ajouté que les panneaux avaient été achetés pour entreposer des matières brutes entrant dans la fabrication d'engrais solides et liquides, et pour assurer l'entreposage et la transformation du grain. Il a soutenu que l'entreposage de composantes d'engrais, de même que l'entreposage, le séchage et l'aération de grain, faisaient partie de procédés de fabrication distincts et que les structures, étant employées à ces fins, devraient donc être visées par cette exemption.

À ce propos, l'avocat a cité diverses décisions [2] rendues par le ministère du Revenu national selon lesquelles ce dernier était disposé à inclure les réservoirs et les cellules pour l'application de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III. Il a soutenu que, les panneaux étant semblables aux réservoirs et aux cellules, ils devraient donner droit, eux aussi, à l'exemption.

Comme deuxième argument, l'avocat a déclaré que les panneaux sont des appareils au sens de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. Il a soutenu que le principal critère permettant de distinguer les appareils des biens immobiliers est le degré de fabrication précédant l'installation. L'avocat a cité d'autres décisions administratives [3] du ministère du Revenu national en vertu desquelles les cellules à engrais, les cellules à moulées et les réservoirs bénéficiaient d'une exemption car ils constituaient du matériel agricole pour l'application de la Loi. Il a soutenu que, les panneaux étant semblables aux marchandises visées par ces décisions, ils devraient donner droit, eux aussi, à l'exemption. Les panneaux sont similaires dans la mesure où ils sont aussi préfabriqués puis expédiés sur les lieux pour être boulonnés en place au moyen de trous forés au préalable. Ils servent eux aussi à entreposer le grain. Les panneaux ne peuvent pas être considérés comme des biens immobiliers car, comme l'indique le brevet, ils sont conçus pour être démontables, ce qui n'est pas le cas des biens immobiliers.

L'intimé a classé les panneaux à titre d'éléments porteurs au sens de l'article 32 de la partie I de l'annexe IV de la Loi. Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

50. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable, dans tout cas autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

...

(1.1) La taxe prévue au paragraphe (1) est imposée aux taux suivants :

...

b) neuf pour cent, dans le cas des marchandises énumérées à l'annexe IV (Matériaux de construction et Matériel pour bâtiments);

...

ANNEXE IV

(article 50)

PARTIE I

MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION

...

32. Éléments porteurs destinés à être incorporés à des bâtiments ou autres structures, fabriqués ou produits par une personne, ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des personnes qui construisent ou érigent des bâtiments ou d'autres structures qui incorporent des éléments analogues non ainsi fabriqués ou produits.

L'avocat de l'intimé a soutenu qu'il incombait à l'appelant de démontrer clairement que les panneaux donnent droit à l'exemption réclamée. Pour que les marchandises soient exemptées de la taxe de vente en application du sous-alinéa 1a)(i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, il a déclaré que l'appelant doit prouver explicitement que, au moment de la date de vente, les marchandises en question répondent à tous les critères suivants :

- elles sont des machines ou des pièces de celles-ci;

- elles sont achetées par un fabricant ou un producteur;

- elles servent principalement et directement à la fabrication ou à la production de marchandises.

L'avocat a soutenu que ces exigences n'étaient pas satisfaites. Il a d'abord déclaré que les panneaux ne sont ni des machines, ni des appareils. Si l'on devait inclure les panneaux dans la définition de «machines» ou d'«appareils», cela reviendrait à attribuer à ces mots une signification beaucoup plus large que ne leur prête leur sens populaire tiré des dictionnaires. Il a ajouté que, selon les éléments de preuve, ces structures servent à toutes sortes de fins liées à l'entreposage. Quant à la fabrication de l'engrais, les panneaux servent à protéger les ingrédients des intempéries. Dans le cas de la transformation du grain, lorsque celui-ci n'est pas vendu immédiatement ou dans un délai très court, les dômes servent strictement d'entrepôt. L'avocat a accepté le fait que, dans ces conditions, on devait assurer l'aération du grain. Cependant, il a souligné le fait que cette opération s'effectuait au moyen des ventilateurs et des tuyaux installés dans les fondations en béton, et non à travers les panneaux eux-mêmes. Comme solution de rechange, il a soutenu que même si l'utilisation des panneaux faisait partie d'un procédé, cela ne veut pas nécessairement dire que les panneaux sont des machines ou des appareils utilisés «directement» dans la production ou la fabrication de marchandises. L'avocat a souligné que, en l'instance, les marchandises n'ont pas vraiment été fabriquées en fonction de leur utilisation. Les mêmes dômes pourraient très bien servir à entreposer divers produits, comme le sel de voirie.

Pour que les marchandises en question soient admissibles à l'exemption de la taxe de vente, elles doivent être des machines ou des appareils utilisés principalement et directement dans la fabrication ou la production de marchandises.

Ayant soigneusement examiné les éléments de preuve et les arguments des parties, le Tribunal déclare que les marchandises en question ne sont pas utilisées «directement» dans la fabrication ou la production de marchandises au sens du sous-alinéa 1a)i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi. La Loi ne renferme aucune définition du mot «directement», et rien au dossier n'indique que des éléments de preuve attestant que ce mot comporte une acceptation particulière ont été fournis. Dans l'affaire Esso Resources Canada Limited c. Le ministre du Revenu national [4] , le Tribunal a conclu que, au sens de l'alinéa 1a) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi, le mot «directement» sous-entend un rapport ou un lien proche.

... [L]'interprétation du mot «directement» au sens de «immédiatement et sans délai» n'est pas conforme à l'intention du Parlement dans la rédaction de la clause d'exemption ... le Tribunal conclut que les définitions de dictionnaires, dans l'ensemble, indiquent que le mot «directement» sous-entend un rapport ou un lien proche.

Le concept de rapport ou de lien proche est conforme au libellé officiel de la clause d'exemption. Pour être visés par la clause d'exemption, les machines ou appareils doivent être utilisés principalement et directement dans la production de marchandises. En d'autres termes, les machines ou appareils doivent servir principalement et directement dans le procédé qui aboutira au produit fini.

Ainsi, en définissant la portée de la clause d'exemption, le Parlement a rédigé la disposition de manière restrictive. Non seulement les machines ou appareils doivent servir dans le procédé de production, leur intervention dans le procédé doit être principale et directe. En effet, que le Parlement ait utilisé le mot «directement» dans la clause d'exemption semble indiquer qu'il ne considère pas que chaque élément du procédé de production soit utilisé directement dans la production de marchandises.

Parce que le mot «directement» sous-entend un lien ou un rapport étroit, et parce que le Parlement a rédigé la clause d'exemption de manière restrictive, le Tribunal considère qu'il doit y avoir un lien ou un rapport étroit entre les machines ou appareils utilisés dans la production de marchandises et le procédé de production pour que ces machines et appareils soient visés par la clause d'exemption.

En l'instance, le Tribunal déclare que les panneaux n'interviennent pas directement dans la transformation des matières premières en un produit fini. Les panneaux ne servent pas vraiment dans le procédé qui permettra aux matières premières de franchir une étape de plus dans le procédé qui aboutira au produit fini. De plus, les panneaux n'entrent pas en contact avec les marchandises en cours de production. Même si aucun de ces facteurs n'est probant en soi, lorsqu'ils sont examinés dans l'ensemble, ils font en sorte que le Tribunal est convaincu que, même si les panneaux servent à la production d'engrais ou au séchage du grain, il serait plus exact et plus précis de dire que leur lien proche ou leur rapport avec le procédé de production consiste à fournir une structure de protection, un toit et des murs servant à mettre l'engrais ou le grain à l'abri des intempéries. Selon les autres éléments de preuve, les marchandises en question peuvent servir à d'autres fins et à entreposer maints articles différents, y compris des matériaux et même des véhicules. Le fait de pouvoir y faire entrer des tracteurs ou des camions pour les y entreposer constitue une autre différence entre les dômes et les réservoirs et les cellules. En conséquence, le Tribunal ne peut statuer que les marchandises sont des machines ou des appareils utilisés principalement et directement dans la fabrication ou la production de marchandises au sens du sous-alinéa 1a)i) de la partie XIII de l'annexe III de la Loi.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa version modifiée.

2. Voir, par exemple, les Fiches de décision 9100/119 - 2 et 9110/119 - 2.

3. Voir, par exemple, les Fiches de décision 9110/119-2 et 8559/1.

4. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2984, le 4 décembre 1989, p. 9.


Publication initiale : le 30 juin 1997