H & K MANUFACTURING LTD.

Décisions


H & K MANUFACTURING LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-127

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 26 juin 1992

Appel n o AP-91-127

EU ÉGARD À un appel entendu le 16 avril 1992, en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. (1970), ch. E-13, dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national datée du 13 mai 1991 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 51.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

H & K MANUFACTURING LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des armoires de cuisine reconnaissables comme des matériaux de construction installés à demeure dans des restaurants. Il renvoie l'affaire à l'intimé pour que ce dernier détermine si l'appelant a produit sa demande de remboursement dans le délai prescrit par la loi.


W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





La question visée par le présent appel consiste à déterminer si certaines marchandises vendues par l'appelant à la société Les restaurants McDonald du Canada Limitée sont des armoires de cuisine et des paillasses pour ces armoires, devant être installées à demeure dans des bâtiments, ou encore si ces marchandises constituent du métal de construction et du métal fabriqué pour bâtiments et autres structures, au sens de l'article 10 ou 21, respectivement, de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise, auxquels cas elles sont assujetties au taux de taxe réduit déterminé à l'alinéa 27(1.1)b) de la Loi sur la taxe d'accise, dans sa version antérieure. Les marchandises en cause comprennent des comptoirs de distribution de boissons et des comptoirs - caisse, des postes de filets, des postes de frites, des postes de grils, des îlots centraux et des postes de service à la clientèle vendus exclusivement à la société Les restaurants McDonald du Canada Limitée pour sa propre utilisation dans des restaurants nouveaux ou rénovés.

DÉCISION : Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des armoires de cuisine reconnaissables comme des matériaux de construction installés à demeure dans des restaurants. Il renvoie donc l'affaire à l'intimé pour que ce dernier détermine si l'appelant a produit sa demande de remboursement dans le délai prescrit par la loi.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 16 avril 1992 Date de la décision : Le 26 juin 1992

Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Thomas B. Akin et Neil E. Bass, pour l'appelant Linda J. Wall, pour l'intimé





La question visée par le présent appel consiste à déterminer si certaines marchandises vendues par l'appelant à la sociE9‚té Les restaurants McDonald du Canada Limitée (McDonald) sont des armoires de cuisine et des paillasses pour ces armoires devant être installées à demeure dans des bâtiments, ou encore si ces marchandises constituent du métal de construction et du métal fabriqué pour bâtiments et autres structures, au sens de l'article 10 ou 21, respectivement, de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi), dans sa version antérieure, auxquels cas elles sont assujetties au taux de taxe réduit déterminé à l'alinéa 27(1.1)b) de la Loi.

L'appelant a fabriqué des comptoirs de distribution de boissons et des comptoirs-caisse, des postes de filets, des postes de frites, des postes de grils, des îlots centraux et des postes de service à la clientèle vendus exclusivement à McDonald pour sa propre utilisation dans des restaurants nouveaux ou rénovés. McDonald a fourni à l'appelant les plans des cuisines qui indiquent l'emplacement des marchandises en cause à l'intérieur des cuisines, ainsi que des devis détaillés qui renferment des croquis des marchandises et leurs dimensions. L'appelant a fabriqué les marchandises en respectant ces devis à la lettre. Toutes les marchandises en cause sont fabriquées en acier inoxydable composé de types 430 et 304.

Les comptoirs de distribution de boissons et les porte-verres se composent d'un bac à glace, de plusieurs porte-verres et d'une surface horizontale sur laquelle peuvent être placées certaines pièces d'équipement de cuisine, comme des distributeurs de boissons et des cafetières; ces articles ne font toutefois pas partie des marchandises en cause.

Le poste de filets comprend cinq éléments différents, c'est-à-dire deux armoires, une hotte d'évacuation et deux congélateurs auxiliaires surplombants. Les congélateurs ne font pas partie des marchandises en cause. Les postes de filets se composent d'une colonne de tiroirs, d'étagères, d'un dosseret et d'une armoire creuse renfermant des réchauds à vapeur pour petits-pains. Ces postes comprennent une friteuse compartimentée à deux ou trois cuves qui ne fait pas partie des marchandises en cause.

Les postes de frites se composent de deux aires de rangement fermées, d'un dosseret au centre et d'une hotte d'évacuation. Ces postes sont construits de manière à constituer une enceinte partiellement fermée pouvant abriter une friteuse à trois cuves qui ne fait pas partie des marchandises en cause. Ces postes comprennent également des plaques d'obturation qui peuvent être enlevées pour avoir accès aux commandes de la friteuse. Les postes sont conçus pour ranger les frites cuites.

Les postes de grils se composent d'un dosseret et d'une hotte d'évacuation devant faire partie d'une enceinte partiellement fermée où sont placés les grils qui ne font pas partie des marchandises en cause. Les hamburgers et certains aliments du petit déjeuner sont cuits à ces postes qui sont également munis de compartiments à beurre, de pinceaux à beurre, etc.

Les îlots centraux se composent de porte-verres, de bacs à glace, d'une armoire fermée, d'une unité réfrigérée et d'une unité à réchauffer dans laquelle sont placés les hamburgers cuits; tous ces éléments sont surplombés d'une surface horizontale sur laquelle sont placées certaines pièces d'équipement de cuisine.

Les comptoirs de service à la clientèle se composent d'un grand nombre d'étagères fermées et d'aires de rangement aux dimensions variées. Des articles tels des plateaux de service et des condiments sont placés dans ces comptoirs où s'effectue le service à la clientèle.

Selon le paragraphe 27(1) de la Loi, dans sa version antérieure, une taxe de consommation ou de vente est payable sur le prix de vente de toutes les marchandises produites ou fabriquées au Canada. En vertu de l'alinéa b), du paragraphe 27(1.1), les marchandises sont assujetties à un taux de taxe réduit si elles figurent dans la liste de l'annexe V de la Loi. L'appelant a soutenu que les marchandises en cause sont énoncées aux articles suivants de l'annexe V :

10. Armoires de cuisine et de salle de bains et paillasses pour ces armoires, devant être installées à demeure dans des bâtiments.

21. Métal de construction et métal fabriqué pour bâtiments et autres structures.

Les avocats de l'appelant ont fait remarquer que dans la cause Selenia Food Equipment Limited c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [2] , la Commission du tarif a conclu que pour assujettir les marchandises aux dispositions de l'article 10 de la partie I de l'annexe V de la Loi, il doit être prouvé (1) que les marchandises sont des armoires de cuisine et des paillasses pour ces armoires, (2) que les marchandises sont installées à demeure dans des bâtiments et (3) que les marchandises sont considérées comme des matériaux de construction.

Après avoir renvoyé le Tribunal à plusieurs définitions du terme «armoire», les avocats ont soutenu que les marchandises sont des armoires, car elles sont conçues et utilisées pour contenir et ranger des articles et du matériel. Les marchandises sont destinées à des cuisines; en effet, elles sont conçues pour être installées dans les cuisines des restaurants McDonald, qui sont équipées d'appareils de cuisson et dans lesquelles des aliments sont cuits et préparés. Les marchandises sont des armoires de cuisine parce qu'il s'agit d'armoires installées dans une cuisine et qu'elles servent à ranger des ustensiles de cuisson, des aliments et des contenants. Le seul fait que les marchandises comportent des caractéristiques supplémentaires, c'est-à-dire que chaque pièce renferme des caractéristiques qui ont trait à des activités particulières de conditionnement ou de service à cet endroit, ne modifie pas le statut de ces marchandises comme armoires de cuisine.

Les avocats ont prétendu que les marchandises sont conçues pour être installées à demeure dans des bâtiments parce qu'elles sont fabriquées sur mesure, selon les spécifications uniques d'un type particulier de restaurant et qu'elles doivent être utilisées à un endroit particulier dans ce genre de restaurant. En outre, la longue durée de vie des marchandises et leur mode d'installation dans les bâtiments témoignent de leur installation à demeure. Les avocats ont fait remarquer qu'à l'exception de l'îlot central, toutes les marchandises sont, dans la mesure du possible, fixées au plancher ou au mur à l'aide de rivets ou de boulons et renforcées au moyen de silicone. L'îlot central, qui pèse entre 1 500 et 2 000 lb., n'est pas fixé au plancher. Il est toutefois rattaché à l'immeuble par diverses installations d'électricité et de plomberie.

Les avocats ont fait valoir que les marchandises sont des matériaux de construction, car elles font partie intégrante de la cuisine qui fait elle-même partie intégrante du restaurant. Ils ont soutenu que l'aménagement du restaurant est fondé sur le plan de la cuisine. L'appelant reçoit des plans de la cuisine indiquant les dimensions exactes des éléments devant être fabriqués et leur emplacement dans la cuisine. Les avocats ont fait remarquer que les marchandises sont fixées au bâtiment pendant la construction du restaurant. En outre, en vertu des lois provinciales ayant précisément pour but de régir l'industrie de la construction, l'appelant possède un privilège sur les intérêts du propriétaire des lieux où les marchandises sont installées.

Comme deuxième point, les avocats ont fait valoir que les marchandises sont du métal fabriqué pour bâtiments, aux termes de l'article 21 de la partie I de l'annexe V de la Loi. Ces arguments ne seront pas pris en compte pour des motifs qui seront énoncés ultérieurement.

L'avocate de l'intimé a déclaré qu'il incombe à l'appelant de prouver que sa demande de remboursement a été déposée dans le délai prescrit par la Loi et que les marchandises sont conformes aux dispositions de la partie I de l'annexe V de la Loi.

Lorsqu'il a promulgué la partie I de l'annexe V de la Loi, le Parlement n'avait pas l'intention d'assujettir au taux de taxe réduit tous les matériaux et le matériel de construction, mais seulement les produits énoncés spécifiquement dans cette partie. On a fait valoir que les marchandises ne sont ni énoncées spécifiquement à la partie I ni comprises dans la description de l'expression «Armoires de cuisine... et paillasses pour ces armoires... » à l'article 10. De même, pour être réputées matériaux de construction, les marchandises doivent être des composantes d'un bâtiment ou d'une structure. Les marchandises en cause ne constituent pas des composantes du bâtiment ou de la structure abritant un restaurant; elles représentent plutôt du matériel spécialisé que l'utilisateur peut déménager à d'autres endroits semblables.

Les marchandises ne sont pas des armoires de cuisine au sens courant et grammatical de cette expression. L'avocate a fait remarquer que la fonction principale d'une armoire consiste à ranger. Elle a noté que les armoires de cuisine ordinaires ne sont pas munies de la tuyauterie nécessaire pour que soit installé un réseau de protection contre les incendies, contrairement aux postes de frites, de filets et de grils, pas plus qu'elles ne sont dotées de hottes d'évacuation, contrairement à ces trois postes. L'avocate a fait valoir que les intentions du fabricant et la conception, la mise en marché et l'utilisation des marchandises en cause révèlent que ces marchandises correspondent à du matériel spécial qui exécute des fonctions spécialisées. L'approche fonctionnelle à l'égard des marchandises indique que le rôle passif que jouent les «armoires de cuisine» en matière de rangement, au sens ordinaire de cette expression, est secondaire et accessoire par rapport à la fonction principale des marchandises et qu'elle n'en modifie pas l'essence même, c'est-à-dire exécuter une fonction spécialisée. L'avocate a souligné que l'appelant a traité les marchandises comme du matériel et non comme des armoires.

L'avocate a demandé au Tribunal de conclure que le comptoir de service à la clientèle ne fait pas partie de la cuisine. Elle a noté qu'il ne s'apparente pas à la cuisson ou à la préparation des aliments, mais au service à la clientèle. En outre, il n'est pas situé dans l'aire du restaurant où l'on cuit ou prépare les aliments.

L'avocate de l'intimé a également abordé le deuxième argument de l'appelant, que le Tribunal n'a pas eu besoin d'examiner.

Au début de l'audience, l'avocate de l'intimé a informé le Tribunal que l'intimé n'avait pas vérifié la demande de remboursement de l'appelant à l'origine du présent appel. Elle a demandé de continuer l'appel à l'égard de la question principale et, si le Tribunal rend une décision en faveur de l'appelant, de renvoyer l'affaire à l'intimé pour qu'il effectue une vérification afin de déterminer si l'appelant a déposé sa demande de remboursement dans le délai prescrit par la Loi. Les avocats de l'appelant ont accepté cette demande.

Le Tribunal a examiné de près les éléments de preuve et les arguments qui lui ont été soumis dans le cadre du présent appel et il en est venu à la conclusion que les marchandises en cause relèvent de l'article 10 de la partie I de l'annexe V comme des armoires de cuisine et des paillasses pour ces armoires, devant être installées à demeure dans des bâtiments. Pour rendre sa décision, le Tribunal s'est fondé sur les similitudes qui existent entre le présent appel et la décision rendue dans la cause Selenia [3] . Il est d'accord avec les trois critères établis par la Commission du tarif dans cette décision pour considérer les marchandises comme visées par l'article 10.

Sans reprendre tous les éléments de preuve, le Tribunal considère que les marchandises en cause sont destinées à être installées à demeure et qu'elles peuvent être reconnaissables comme des matériaux de construction. À son avis, l'expression «installation à demeure» ne sous-entend pas qu'un élément ne peut, dans aucun cas, être déplacé une fois installé. Les éléments de preuve soumis au Tribunal révèlent que les marchandises en cause sont fabriquées sur mesure pour chaque restaurant, que leur durée de vie prévue est de 15 à 20 ans et qu'elles sont fixées au bâtiment, qu'elles y sont situées ou qu'elles y sont rattachées d'une manière telle que leur déplacement causerait d'importants dommages tant au bâtiment qu'au matériel. En outre, on a informé le Tribunal que lorsque ce matériel est déplacé, il est éliminé parce qu'il ne pourrait pas être adapté à un autre restaurant McDonald. Les éléments de preuve confirment également le point de vue selon lequel les marchandises en cause sont des matériaux de construction du fait qu'elles font partie intégrante de l'aménagement du restaurant et de la cuisine proprement dite sur les plans du processus de construction, des travaux de génie, de l'emplacement et de leur raccordement au bâtiment.

Il reste à déterminer si les marchandises peuvent être considérées comme des armoires de cuisine et des paillasses pour ces armoires. L'avocate de l'intimé a encouragé le Tribunal à examiner de façon distincte les six éléments en cause, plutôt que de les envisager comme un tout vendu par l'appelant. Dans cette perspective, l'avocate a soutenu que les divers éléments ne peuvent être considérés comme des armoires de rangement, mais plutôt comme des pièces d'équipement spécialisées et complexes qui, une fois mises ensemble, exécutent leur fonction principale, c'est-à-dire la préparation et la vente d'aliments.

L'avocate a insisté fortement sur la fonction rangement des armoires dans une cuisine «ordinaire». Il convient d'effectuer certaines observations à cet égard. D'abord, le terme «ordinaire» ne figure pas dans la loi, sans doute à dessein, car il serait difficile de décrire avec précision toute la gamme de cuisines que l'on trouve dans des immeubles résidentiels, commerciaux et industriels. En deuxième lieu, bien que le Tribunal partage l'avis de l'avocate à savoir que les armoires ont pour fonction, entre autres, de ranger des marchandises, il croit qu'il n'est pas nécessaire que le rangement constitue leur seule fonction. Troisièmement, le fait que les marchandises en cause soient expressément conçues comme des composantes d'une cuisine commerciale pour exécuter plus qu'une fonction de rangement ne restreint d'aucune façon, de l'avis du Tribunal, leur nature fondamentale. En quatrième lieu, des éléments de preuve incontestés soumis au Tribunal précisent que les marchandises en cause sont conçues et construites uniquement pour être intégrées à l'aire réservée à la cuisine dans les restaurants McDonald. Les marchandises sont livrées partiellement finies à partir de l'usine de l'appelant jusqu'au restaurant où elles sont assemblées et jointes à d'autres marchandises pour former les armoires et les surfaces de travail servant à préparer les aliments et les boissons. Le fait que les marchandises soient assemblées en leur forme finale sur les lieux plutôt qu'à l'usine ne signifie pas, de l'avis du Tribunal, que l'appelant vend un produit autre que les armoires de cuisine dont il est question dans les plans et devis du restaurant.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des armoires de cuisine reconnaissables comme des matériaux de construction installés à demeure dans des restaurants. Compte tenu de cette décision, le Tribunal n'est pas tenu de déterminer si les marchandises représentent du métal fabriqué pour bâtiments aux termes de l'article 21 de la partie I de l'annexe V de la Loi. En conséquence, le Tribunal renvoie l'affaire à l'intimé pour que ce dernier détermine si l'appelant a produit sa demande de remboursement dans le délai prescrit par la Loi.


[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), ch. E - 13, dans sa version modifiée.

2. 13 R.C.T. 139.

3. Ibid.


Publication initiale : le 26 juin 1997