C.J. MICHAEL FLAVELL

Décisions


C.J. MICHAEL FLAVELL
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-91-130

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 4 mai 1992

Appel n o AP-91-130

EU ÉGARD À un appel entendu le 11 février 1992 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), dans sa version modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 13 août 1991 relativement à une demande de réexamen déposée en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

C.J. MICHAEL FLAVELL Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis en partie. La majorité du Tribunal estime que, compte tenu de l'économie générale du Tarif des douanes, un bateau-logement a été importé au Canada et correctement classé par l'intimé dans le numéro tarifaire 8903.92.00. La valeur en douane du bateau-logement devrait être fixée à 20 000 $ comme l'appelant l'a demandé. Le Tribunal n'a pas compétence pour décider si l'appelant était admissible à une exonération du paiement des droits aux termes des dispositions relatives aux «Marchandises canadiennes à l'étranger» qui constituent les articles 88 à 92 du Tarif des douanes. (Dissidence du membre Gracey)


W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Un nouveau moteur marin a été installé dans l'état de New York sur un bateau-logement de fabrication canadienne. L'appelant soutient qu'il a importé un moteur marin du type intérieur-extérieur classable dans le numéro tarifaire 8407.29.10 en tant que moteur du type intérieur-extérieur pour la propulsion de bateaux. Il prétend que la valeur de ce moteur était de 6 056,15 $. Il a soutenu qu'à défaut, la valeur du bateau-logement, y compris le moteur, au moment de l'importation, s'élevait à 20 000 $. L'avocat pour l'intimé a soutenu que les marchandises originaires du Canada et exportées hors de celui-ci peuvent rentrer au Canada en franchise de droits aux termes du numéro tarifaire 9813.00.00 si elles sont retournées sans avoir reçu de plus-value ni d'amélioration dues à un procédé de fabrication quelconque, ou sans avoir été unies à un autre article quelconque à l'étranger. Cependant, le moteur ayant été installé dans le bateau-logement alors que celui-ci était aux États-Unis, les marchandises se trouvent exclues de ce numéro tarifaire. L'avocat a soumis que les marchandises sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8903.92.00 en tant que bateau à moteur, autre qu'à moteur hors-bord. L'intimé a évalué la valeur en douane du bateau à 33 465 $.

DÉCISION : L'appel est admis en partie. La majorité du Tribunal estime que, compte tenu de l'économie générale du Tarif des douanes, un bateau-logement a été importé au Canada et correctement classé par l'intimé dans le numéro tarifaire 8903.92.00. La valeur en douane du bateau-logement devrait être fixée à 20 000 $ comme l'a demandé l'appelant. Le Tribunal n'a pas compétence pour déterminer si l'appelant est admissible à une exonération du paiement des droits aux termes des dispositions relatives aux «Marchandises canadiennes à l'étranger» qui constituent les articles 88 à 92 du Tarif des douanes. (Dissidence du membre Gracey)

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 11 février 1992 Date de la décision : Le 4 mai 1992
Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant Michèle Blouin, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier: Janet Rumball
Ont comparu : C.J.M. Flavell et G. Kubrick, pour l'appelant H. Baker, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) aux termes de l'article 63 de la Loi. La décision du Sous-ministre étant limitée à la considération du classement tarifaire et de la valeur en douane, l'appel de cette décision se trouve également limité aux questions du classement tarifaire et de la valeur en douane des marchandises importées.

Dans leurs mémoires, les parties ont soulevé plusieurs questions quant à la compétence du Tribunal à entendre un appel interjeté en vertu de l'article 67 de la Loi. Au début de l'audience, les avocats ont reconnu que le Tribunal n'avait pas compétence pour déterminer si l'appelant était admissible à une exonération du paiement des droits aux termes de l'article 88 des dispositions du Tarif des douanes [2] intitulées «Marchandises canadiennes à l'étranger». La cause s'est ainsi trouvée circonscrite et les parties ont plaidé en conséquence. La plupart des éléments de preuve et des arguments avaient trait à la question de savoir ce qui, pour les besoins du classement tarifaire, avait été vraiment importé. Le Tribunal devant décider du classement tarifaire des marchandises importées en question, il s'est considéré compétent pour déterminer, pour les besoins du classement tarifaire, ce qui avait été importé.

Les parties s'entendent sur le fait qu'un nouveau moteur marin a été installé dans l'état de New-York sur un bateau-logement de fabrication canadienne. L'appelant a soutenu qu'il avait importé un moteur marin de type intérieur-extérieur classable dans le numéro tarifaire 8407.29.10 en tant que moteur marin de type intérieur-extérieur pour la propulsion de bateaux. Il a prétendu que la valeur de ce moteur était de 6 056,15 $. Il a soutenu qu'à défaut, la valeur du bateau-logement, y compris le moteur, au moment de l'importation, s'élevait à 20 000 $. L'avocat de l'intimé a déclaré qu'un bateau-logement de 40 pieds avait été importé des États-Unis du fait qu'un nouveau moteur marin de type intérieur-extérieur y avait été installé, ce qui lui conférait une plus-value et l'excluait du numéro tarifaire 9813.00.00. L'avocat a soumis que la marchandise est correctement classée dans le numéro tarifaire 8903.92.00 en tant que bateau à moteur, autres qu'à moteur hors-bord. L'intimé a évalué la valeur en douane du bateau à 33 465 $.

L'appelant est le propriétaire d'un bateau-logement de 40 pieds connu sous le nom de «Marmalade Skies» et exploité dans une marina de Wolfe Island, près de Kingston (Ontario). Ce bateau-logement, qui est équipé pour recevoir 12 passagers ou plus, est loué à des sociétés ou à des particuliers pour des périodes d'un jour, d'une fin de semaine ou d'une semaine. Le propriétaire de la marina et l'exploitant du bateau-logement est M. Bob Halliday. L'appelant reçoit un pourcentage des recettes de la location du bateau-logement, le reste allant à M. Halliday pour ses services de gestion.

En juillet 1989, le moteur marin de type intérieur-extérieur (le «moteur marin») du bateau-logement a été endommagé irrémédiablement alors que le bateau était loué. Ce dernier a été remorqué jusqu'au port le plus proche, celui de Clayton (New-York), où il a été équipé d'un moteur temporaire dans le cadre d'une transaction visant la fourniture d'un nouveau moteur. De son côté, la marina a conservé le moteur endommagé à titre de contrepartie partielle dans le cadre de la transaction. Entre temps, le navire était toujours utilisé sur le fleuve St-Laurent.

Après que le nouveau moteur ait été installé, M. Halliday en a informé les agents des douanes, qui ont adopté la position selon laquelle le bateau-logement tout entier avait été importé au Canada. Ils ont classé le bateau-logement dans le numéro tarifaire 8903.92.00 en tant que bateau à moteur, autre qu'à moteur hors-bord. L'appelant a été tenu redevable de droits sur la valeur totale du bateau-logement, laquelle avait été évaluée à l'origine à 60 000 $.

L'appelant a déposé une demande de réexamen en vertu de l'article 60 de la Loi, qui a été admise en partie. La valeur en douane du bateau a été ramenée à 33 465 $, mais le classement tarifaire est resté inchangé. Lors d'un nouveau réexamen effectué en vertu de l'article 63, le Sous-ministre a confirmé le classement tarifaire et la valeur en douane.

Pour les besoins du présent appel, les dispositions pertinentes du Tarif des douanes [3] sont les suivantes :

84.07 Moteurs à piston alternatif ou rotatif, à allumage par étincelles (moteurs à explosion).

-Moteurs pour la propulsion de bateaux :

8407.29 --Autres

8407.29.10 ---Moteurs du type intérieur-extérieur

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89.03 Yachts et autres bateaux et embarcations de plaisance ou de sport; bateaux à rames et canoës.

-Autres :

8903.92.00 --Bateaux à moteur, autres qu'à moteur hors-bord

L'appelant a plaidé que tout ce qui traverse la frontière internationale n'est pas exporté ou importé [4] . Des définitions lexicographiques des termes «exporter» et «importer» ont été invoquées. On a soutenu que ces définitions impliquent que l'importation ou que l'exportation comportent plus qu'une transition accidentelle ou temporaire d'un pays à un autre.

L'appelant a plaidé en outre que le Sous-ministre n'a pas le pouvoir législatif d'imposer des droits sur les marchandises canadiennes qui rentrent au Canada, sauf dans la mesure où ces marchandises ont reçu une plus-value. L'économie générale du Tarif des douanes et de la

Loi sur les douanes tend à l'imposition de droits sur des marchandises originaires de l'extérieur du Canada qui sont importées au Canada. Il n'était pas dans l'intention du Parlement que le Sous-ministre ait le pouvoir d'imposer des droits sur des marchandises produites, taxées, achetées et payées au Canada par des propriétaires canadiens et qui sortent temporairement du pays pour faire l'objet de réparations nécessaires. Toute intention législative d'accorder un pouvoir d'imposition aussi large et aussi libre doit être clairement et expressément formulée.

Lorsqu'il est raisonnablement possible de voir des imprécisions ou des ambiguïtés dans les dispositions d'une loi d'imposition, les cours et les tribunaux interprètent la loi en faveur du contribuable [5] . Ce principe s'applique également dans les cas où l'imprécision ou l'ambiguïté résultent de l'interaction entre différents textes de loi [6] . L'avocat a plaidé que la loi pertinente est dépourvue des termes clairs et sans ambiguïté qui pourraient étayer les affirmations de l'intimé.

Pour ce qui est de la valeur du bateau, l'avocat de l'appelant a fait référence à la pièce A-8, une lettre signée de M. Tim Cunningham, qui est le président et le directeur général de la Rideau Marina depuis plus de cinq ans. M. Cunningham a témoigné que le bateau-logement de l'appelant lui est familier et qu'il a quelque connaissance de la valeur marchande de ce genre de bateau. Il a témoigné que la valeur marchande de Marmalade Skies était de 20 000 $ au moment de sa rentrée au Canada.

L'appelant a déclaré que le numéro tarifaire 9813.00.00, sur lequel se fonde l'intimé, n'est pas une disposition d'imposition, mais plutôt une disposition d'exonération. En outre, l'intimé fait un usage incorrect des Règles générales pour l'interprétation du système harmonisé [7] (les Règles générales) lorsqu'il les invoque pour conclure qu'un bateau a été importé plutôt qu'un moteur. Ces règles servent en effet à établir le classement tarifaire et non à déterminer ce qui est importé.

L'avocat de l'intimé a plaidé que les marchandises originaires du Canada et exportées hors de celui-ci peuvent rentrer au Canada en franchise de droits aux termes du numéro tarifaire 9813.00.00 si elles sont retournées sans avoir reçu de plus-value ni d'amélioration dues à un procédé de fabrication quelconque, ou sans avoir été unies à un autre article quelconque. Or, comme le moteur a été installé dans le bateau-logement aux États-Unis, les marchandises sont exclues de ce numéro tarifaire. L'avocat s'est référé aux dispositions intitulées «Marchandises canadiennes à l'étranger» qui constituent les articles 88 à 92 du Tarif des douanes, et a plaidé que le Parlement considère l'envoi de marchandises à l'extérieur du Canada à des fins de réparation comme une exportation et leur rentrée comme une importation.

Le classement des marchandises doit être déterminé conformément aux termes d'une position et de tout article ou note de chapitre pertinent. L'avocat a invoqué la note 3(b) des Règles générales et a plaidé que lorsque les marchandises sont des articles composés constitués de différents éléments, elles doivent être classées d'après l'article qui leur confère leur caractère essentiel. L'avocat a soutenu que le caractère essentiel des marchandises en question est celui d'un bateau-logement. La position tarifaire 89.03 vise les bateaux et embarcations de plaisance, et le numéro tarifaire 8903.92.00, les bateaux à moteur intérieur et hors-bord d'une longueur excédant six mètres. En conséquence, l'intimé a correctement classé les marchandises.

M. Kenneth Sorensen, qui est actuellement agent principal de programmes à la Division de l'établissement de la valeur de Douanes Canada, a témoigné qu'il avait déterminé la valeur du bateau-logement en appliquant l'article 50 de la Loi avec souplesse, conformément à l'article 53 de la Loi. Rocko Marina de Kamloops (Colombie-Britannique), qui est un fabricant de bateaux-logements, a évalué un bateau-logement du genre de celui de l'appelant à 33 465 $. Go Vacations de Toronto, qui achète et vend des bateaux-logements, l'estime à 35 000 $. Le témoin a déclaré qu'en conséquence, l'intimé a adopté, pour le bateau-logement de l'appelant, la plus basse de ces deux valeurs. M. Sorensen et les évaluateurs n'ont jamais vu le bateau de l'appelant.

Le Tribunal a entendu des éléments de preuve quant au fait que le Marmalade Skies a subi une panne de moteur et a été remorqué jusqu'à la marina la plus proche, qui se trouvait à Clayton (New York). M. Flavell a témoigné qu'un moteur temporaire a été installé en attendant qu'un autre puisse être obtenu de Suède, parce que le moteur approprié n'était pas disponible à la marina et que le bateau avait été loué pour les semaines suivantes. La facture établie alors entre les parties laisse penser que toutes ces activités faisaient partie d'une transaction unique conclue eu égard à l'urgence, quoique le nouveau moteur ait été mis en place plusieurs semaines plus tard.

Nul ne conteste que le Marmalade Skies est un produit canadien qui a été réparé aux États-Unis après avoir été exporté à des fins déclarées de réparation (il a dû retourner à la marina à New York pour que le moteur temporaire soit remis à son propriétaire et pour que le nouveau moteur soit installé). Dans son témoignage, l'appelant a fait remarquer qu'il n'y avait pas, à distance raisonnable de l'endroit où l'avarie s'est produite, de marinas canadiennes où les réparations auraient pu être effectuées. Il ressort des exposés de l'intimé que l'embarcation n'a pas été exportée de la façon réglementaire, c'est-à-dire sous la supervision de Douanes Canada et avec notification au moyen des formulaires pertinents. De toute évidence, cette irrégularité de procédure ne pouvait être évitée au moment où l'avarie s'est produite, quoiqu'un effort aurait pu être fait pour informer les agents des douanes de la situation. Le premier contact pris avec Douanes Canada avait pour objet de déclarer le nouveau moteur tout de suite après l'installation de celui-ci.

Dès le début de l'audience, le Tribunal a fait remarquer qu'il n'avait pas compétence pour déterminer si l'appelant avait satisfait aux exigences régissant l'octroi de l'exonération du paiement des droits aux termes de l'article 88 des dispositions du Tarif des douanes relatives aux «Marchandises canadiennes à l'étranger». Pour des raisons pratiques, cependant, le Tribunal admet que ce qui a été introduit au Canada était un nouveau moteur, ainsi que l'appelant l'a déclaré à Douanes Canada. Nul n'a tenté de tromper les autorités ou de faire une déclaration fallacieuse quant à la nature des marchandises en cause. Au contraire, l'appelant a conclu un marché l'engageant à emprunter un moteur temporaire et à acheter un moteur neuf en conséquence directe d'une situation d'urgence indépendante de sa volonté.

Essentielle au règlement du présent appel est la signification des termes «exporter» et «importer» au sens de la Loi sur les douanes ou du Tarif des douanes. Ni l'une ni l'autre loi ne donne de ces termes une définition précise. La Loi sur les douanes définit «exporter» comme signifiant «exporter hors du Canada», et «importer» comme signifiant «importer au Canada». Le Tarif des douanes reprend ces définitions. Dans la cause Harris Bell c. Sa Majesté la Reine [8] , le Juge McIntyre déclare, aux pages 488-489 de la décision :

... Je n'estime pas nécessaire de puiser abondamment dans les dictionnaires afin de définir le mot «importer». À mon avis, puisque la Loi sur les stupéfiants ne fournit pas de définition particulière de ce mot, c'est son sens ordinaire qu'il faut retenir, c'est-à-dire simplement d'introduire ou de faire introduire au pays...

La majorité estime que le sens ordinaire du mot «importer» est applicable à la

Loi sur les douanes et au Tarif des douanes. Elle adopte cette définition d'«importer» comme signifiant introduire ou faire introduire au pays.

Pour définir le mot «exporter», il y a lieu de se reporter à la cause Old HW - GW Ltd. c. Canada [9] , à l'occasion de laquelle le Juge Strayer a déclaré :

The two most pertinent Canadian cases involving interpretation of "goods exported" or "goods ... for export", expressions used there to describe goods exempted from certain sales taxes, both expressed the view that "export" normally involves the transfer of goods from one country to another.

(Les deux causes canadiennes les plus pertinentes faisant intervenir l'interprétation de «marchandises exportées» ou de «marchandises... pour l'exportation», expressions utilisées en espèce pour désigner des marchandises exemptées de certaines taxes de vente, expriment l'opinion que «exporter» comporte normalement le transfert de marchandises d'un pays à un autre pays.) [Traduction]

Après s'être référé à des définitions lexicographiques du verbe «exporter», le Juge Strayer poursuivait ainsi :

... It would appear from these definitions that apart from the literal meaning of its Latin roots, ex portare, meaning to carry out or away, the most natural meaning in a commercial context for the term "export" or "exportation" is the sending of goods from one country to another, foreign, country.

(Il semble découler de ces définitions qu'en dehors du sens littéral de l'étymologie latine, ex portare, qui signifie faire sortir ou emporter, le sens le plus naturel, dans un contexte commercial, des termes «exporter» ou «exportation», est celui de l'envoi de marchandises d'un pays vers un autre.) [Traduction]

La majorité estime que le sens ordinaire du terme «exporter» est également applicable à la Loi sur les douanes et au Tarif des douanes. Elle adopte la définition d'«exporter» comme signifiant envoyer hors d'un pays vers un autre ou de faire envoyer hors d'un pays vers un autre.

Suivant l'économie générale de la Loi, il est clair que les marchandises canadiennes peuvent être retournées au Canada en franchise de droits aux termes du numéro tarifaire 9813.00.00 lorsqu'elles n'ont pas reçu de plus-value ni d'amélioration ou qu'elles n'ont pas été unies à un autre article quelconque. Elle prévoit également que lorsque des marchandises canadiennes ont été réparées, qu'un travail a été effectué ou qu'un équipement a été ajouté à l'extérieur du Canada, une exemption peut être accordée à l'égard des droits de douane. Le paragraphe 88(1) du Tarif des douanes vise les cas où des marchandises ont été exportées de façon réglementaire afin de faire effectuer les réparations ou le travail, ou d'ajouter l'équipement. L'exemption accordée aux termes de ce paragraphe n'inclut pas les droits payables sur la valeur des réparations, du travail effectué ou de l'équipement ajouté; et les droits sont payables au taux applicable aux marchandises importées. Le paragraphe 88(2) traite de cas où il a fallu faire des réparations d'urgence à des avions, à des véhicules ou à des bateaux pour leur permettre de rentrer en toute sécurité au Canada. L'exemption accordée aux termes de ce paragraphe vise la totalité des droits qui seraient autrement payables sur les marchandises importées.

Aux termes de l'article 19 du Tarif des douanes, lorsque des marchandises énumérées dans l'annexe I de cette même Loi sont importées au Canada, des droits de douane doivent être versés au taux fixé dans cette annexe. Lorsque le Marmalade Skies a quitté les eaux territoriales canadiennes, il était, en pratique, exporté hors du Canada. De même, lorsqu'il est rentré au Canada, il était, en pratique, importé. En conséquence, conformément à l'article 19, le bateau a dû être classé dans l'annexe I. Il est clair que le bateau est rentré au Canada après avoir reçu une amélioration due à l'installation d'un nouveau moteur. À ce titre, il n'était pas classable dans le numéro tarifaire 9813.00.00. Par ailleurs, tel qu'il est indiqué ci-dessus, le Tribunal n'a pas compétence pour déterminer si l'appelant avait droit à l'exemption du paiement des droits prévue par l'article 88 du Tarif des douanes. En conséquence, les droits de douane sont payables sur la valeur en douane totale du navire.

Pour ce qui est de la valeur en douane, attendu qu'aucune transaction n'a été effectuée relativement au bateau-logement en tant que tel, elle a dû être établie en fonction des meilleurs renseignements disponibles. M. Sorensen a fondé sa décision sur les prix pratiqués par deux sociétés canadiennes indépendantes, et l'appelant affirme que la valeur mise de l'avant par M. Cunningham serait plus exacte. Nous remarquons que la valeur en douane a été appliquée aux termes des dispositions relatives à la dernière méthode d'appréciation qui figure dans l'article 53 de la Loi. Il se peut donc que la valeur attribuée au Marmalade Skies ait été plus élevée que celle qui lui aurait été attribuée en tenant compte du prix de vente d'un bateau similaire construit à la même époque aux États-Unis. De fait, il ressort du dossier que rien n'a été fait pour déterminer quelle est la valeur d'un navire similaire aux États-Unis. De plus, M. Sorensen n'avait jamais vu le bateau en question. D'un autre côté, M. Cunningham a témoigné qu'il avait eu dans le passé à s'occuper de bateaux-logements de type Three Buoys, qu'il avait une certaine expérience de leur valeur marchande et qu'il avait estimé en janvier 1990 que la valeur marchande de l'un de ces bateaux, offert en bon état, était de 20 000 $. Compte tenu de cet élément, la majorité est d'avis que l'estimation de M. Cunningham constitue une meilleure indication de la valeur du bateau-logement dans la région des Mille-Îles que celle qui a été fournie par les sources d'information de Revenu Canada.

L'appel est admis en partie. La majorité des membres du Tribunal estime que, compte tenu de l'économie générale du Tarif des douanes, un bateau-logement a été importé au Canada et correctement classé par l'intimé dans le numéro tarifaire 8903.92.00. La valeur en douane du bateau-logement devrait être fixée à 20 000 $ comme l'a demandé l'appelant. La question de l'exemption des taxes et droits aux termes des dispositions relatives aux

«Marchandises canadiennes à l'étranger» qui constituent les articles 88 à 92 du Tarif des douanes relève de la Cour fédérale ou de toute autre autorité compétente, le Tribunal n'ayant pas juridiction pour déterminer si l'appelant avait droit à une exonération du paiement de droits aux termes de ces dispositions.

Je diffère respectueusement d'opinion par rapport à la majorité et concluerait en faveur de l'appelant pour les raisons exposées brièvement ci-dessous.

Les faits pertinents dans la présente cause ne sont pas en question et sont correctement décrits par la majorité.

L'économie générale de la Loi et l'intention apparente du Parlement plaident en faveur de l'appelant en cette affaire.

La Loi définit «importer» comme signifiant «importer au Canada». Compte tenu du caractère peu éclairant de cette définition, il y a lieu de recourir aux dictionnaires. Les définitions lexicographiques en cause sont remplies de renvois à l'activité commerciale ou au fait que les marchandises proviennent d'une source étrangère. Ainsi, quoiqu'une définition superficielle puisse impliquer que tout ce qui entre au Canada est importé, je ne peux écarter la signification plus complète du terme que l'on trouve, par exemple, dans le Shorter Oxford English Dictionary. Ce dernier définit le mot «import (importer)» comme suit :

Import - 1. To bring in; to introduce from abroad, or from one use or connection to another 2. To bring in (goods or merchandise) from a foreign country, in international commerce.

(Importer - 1. Introduire dans un pays une façon de penser, un mode

d'utilisation, etc., appartenant à un autre pays.

2. Dans le domaine du commerce international, introduire

sur le territoire national (des produits ou des marchandises)

en provenance de pays étrangers.) [Traduction]

Il semble donc qu'il y ait un meilleur terme que celui d'«importations» pour définir les marchandises d'origine canadienne rentrant au Canada, celui de «marchandises retournées». De fait, c'est le terme qu'utilise le Tarif des douanes pour les besoins de l'exonération du paiement de droits.

Je suis donc persuadé, puisque la notion d'importation recouvre celle de marchandises originaires d'un pays étranger et puisqu'il est évident que le bateau-logement lui-même est d'origine canadienne, que la seule marchandise importée était le moteur marin.

Je suis également persuadé que l'économie générale de la Loi sur les douanes et du

Tarif des douanes, ainsi que l'intention du Parlement, ne visent que l'application de droits à l'importation aux marchandises étrangères entrant au Canada. Certes, la Loi permet d'appliquer des droits aux marchandises d'origine canadienne si, et dans la mesure où, il ne peut pas être établi qu'elles sont d'origine canadienne. Mais lorsqu'il y a une preuve que les marchandises en question sont partiellement d'origine canadienne, je ne vois nulle part dans la Loi d'intention expresse d'imposer un droit sur leur retour au Canada. Il y a, à n'en pas douter, des dispositions relatives aux notifications et aux procédures réglementaires à observer relativement aux marchandises canadiennes retournées au Canada et qui ont reçu une plus-value. Cependant, ces procédures visent de toute évidence à aider les agents des douanes à déterminer la mesure dans laquelle les marchandises ont reçu une plus-value, de façon à percevoir un droit sur cette plus-value, ce qui est encore conforme à l'intention du Parlement. Tout en tenant compte des besoins qui ont présidé à l'adoption de ces dispositions, il faut considérer l'objet de celles-ci, qui est de permettre d'établir clairement l'assiette passible de droit.

Les clauses modificatrices des paragraphes 88(1) et (2) faisant état d'«une exonération du paiement... des droits qui, sans le présent article, seraient payables sur des marchandises... véhicules... retournés au Canada» ont été interprétées comme signifiant que les marchandises retournées au Canada sont automatiquement passibles de droits. Je suis d'avis qu'elles ne sont passibles de droits que lorsqu'on n'a pas pu établir qu'elles sont en fait des marchandises canadiennes retournées au Canada. C'est à cette dernière fin que servent les mesures réglementaires prévues, et le fait de ne pas les suivre à la lettre n'est pas nécessairement fatal lorsqu'une preuve suffisante de l'origine canadienne et de la plus-value a été fournie par ailleurs. Dans le cas qui nous occupe, des éléments de preuve incontestés indiquent que le bateau-logement était d'origine canadienne et qu'un nouveau moteur y a été installé à la suite d'une panne. L'installation du nouveau moteur a également été expliquée de façon satisfaisante comme ayant été imposée par des nécessités d'ordre matériel.

Attendu que le Parlement avait pour intention de rendre passibles de droits les marchandises étrangères entrant au Canada, et que de nombreux éléments de preuve ont été présentés quant au fait qu'un moteur marin seulement d'origine étrangère a été installé dans un bateau-logement canadien, j'estime que les droits ne devraient être payables que sur ce moteur. Le moteur marin devrait être classé de la façon demandée par l'appelant. Deuxièmement, j'estime que même s'il avait été établi qu'un bateau-logement avait été importé, l'économie de la Loi est claire quant au fait que tout droit ne devrait être appliqué que sur la plus-value.


Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre
[ Table des matières]

1. L.R.C., (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C., (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. L.R.C., (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Voir, par ex., H.S. Shergill c. le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 3062, le 23 juin 1989.

5. Johns-Manville Canada Inc. c. Sa Majesté la Reine, [1985] 2 R.C.S., 46 à 72.

6. Mattabi Mines Ltd. c. Le ministre du Revenu (Ontario), [1988] 2 R.C.S., 175, pp. 197-198.

7. Tarif des douanes, annexe I.

8. [1983] 2 R.C.S., 471.

9. Dossiers nos T-560-87, T-602-87 et T-690-87, non publiés, le 17 avril 1991, Division de première instance de la Cour fédérale du Canada.


Publication initiale : le 26 juin 1997