J. & D. TROPHIES & ENGRAVING

Décisions


J. & D. TROPHIES & ENGRAVING
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-213

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 26 janvier 1993

Appel n o AP-91-213

EU ÉGARD À un appel entendu le 2 novembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 27 décembre 1991 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

J. & D. TROPHIES & ENGRAVING Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Le Tribunal renvoie cette affaire à l'intimé pour qu'il détermine la valeur du remboursement qui devrait être accordé à l'appelant.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans cet appel est de savoir si l'appelant a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire en application de l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise relativement aux : 1) pièces et composants figurant à l'inventaire et destinés à la transformation ultérieure en produits finis; et 2) trophées déjà assemblés figurant à l'inventaire, qui sont constitués de pièces et de composants libérés de taxe.

DÉCISION : L'appel est admis.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 2 novembre 1992 Date de la décision : Le 26 janvier 1993
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Robert C. Coates, c.r., membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Dorothy Cerniuk, pour l'appelant Frederick Woyiwada, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le Ministre) le 27 décembre 1991. L'appel a été entendu sur la foi d'exposés écrits, conformément à l'article 25 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [2] . À cet égard, les parties ont présenté un exposé conjoint des faits, d'où ont été tirés les faits en l'espèce.

L'appelant fabrique et vend des trophées. Les marchandises en cause comprennent les pièces et les composants, dont l'appelant fait l'acquisition comme tels et dont il se sert pour assembler les trophées. Les marchandises en cause comprennent également des trophées déjà assemblés par l'appelant avant le 1er janvier 1991 et figurant à son inventaire à cette date. Au moment de faire l'acquisition des pièces et des composants, l'appelant a absorbé des majorations correspondant à la taxe de vente fédérale (TVF) payée par ses fournisseurs.

Le 2 janvier 1991, l'appelant a demandé un remboursement de la TVF à l'inventaire (le remboursement) relativement aux marchandises en cause, étant donné qu'elles représentaient des marchandises libérées de taxe figurant à son inventaire le 1er janvier 1991. Le 11 avril 1991, le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a informé l'appelant que les marchandises en cause n'étaient pas admissibles à un remboursement. Par un avis d'opposition signifié le 8 mai 1991, l'appelant s'est opposé à la détermination de Revenu Canada. (En règle générale, un avis d'opposition n'est signifié qu'après le dépôt de l'avis de détermination. En l'espèce, l'intimé était disposé à passer outre à cette erreur de procédure commise par l'appelant.) Par un avis de détermination daté du 21 mai 1991, l'intimé a rejeté la demande de remboursement de l'appelant. Par un avis de décision daté du 27 décembre 1991, l'intimé n'a pas admis l'avis d'opposition de l'appelant et a ratifié sa détermination antérieure.

Le présent appel porte sur la question de savoir si l'appelant a droit à un remboursement en application de l'article 120 de la Loi relativement aux : 1) pièces et composants figurant à l'inventaire et destinés à la transformation ultérieure en produits finis; et 2) trophées déjà assemblés figurant à l'inventaire, qui sont constitués de pièces et de composants libérés de taxe.

L'appelant n'a pas effectué de présentation officielle. Il a fait connaître son opinion dans des lettres qu'il a échangées avec le Ministre et le Tribunal, lesquelles ont été versées au dossier du Tribunal.

L'intimé a soutenu que ni les pièces et les composants ni les produits finis n'étaient admissibles à un remboursement. En ce qui concerne les pièces et les composants, l'intimé a fait valoir que, aux termes du paragraphe 120(3) de la Loi, un remboursement ne doit être versé qu'à l'égard de marchandises libérées de taxe figurant à l'inventaire, qui ne sont pas des marchandises d'occasion. Selon l'intimé, pour «figurer à l'inventaire», les marchandises devaient être détenues dans le but d'être vendues à d'autres dans le cours normal de l'entreprise du contribuable. La thèse de l'intimé découle de son interprétation de la définition du terme «inventaire» au paragraphe 120(1) de la Loi ainsi que de l'expression «fourniture taxable» et du terme «fourniture» au paragraphe 123(1) de la Loi [3] . Se fondant sur le jugement de la Cour suprême du Canada dans la cause The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited [4] , l'intimé a fait valoir que les matériaux auxquels on donne une nouvelle forme et qui sont utilisés dans la production d'articles sont détenus dans le but de la fabrication et non de la vente. Ainsi, les pièces et les composants en cause n'étaient pas détenus dans le but d'être vendus dans le cours normal de l'entreprise de l'appelant et, par conséquent, ne pouvaient être considérés comme figurant à son inventaire.

Pour ce qui est des produits finis, l'intimé a déclaré que les marchandises devaient avoir été acquises avant 1991 pour être considérées comme étant des «marchandises libérées de taxe». Il a soutenu que les marchandises en cause n'avaient pas été acquises par l'appelant, mais plutôt produites par lui, étant donné qu'elles avaient été soumises à un processus de transformation. En outre, selon l'intimé, pour être considérées comme des «marchandises libérées de taxe», il devait s'agir de marchandises relativement auxquelles la taxe prévue au paragraphe 50(1) de la Loi avait été payée. Comme les trophées déjà assemblés n'avaient pas encore été vendus, aucune taxe n'a pu être prélevée ni versée à leur égard. Par conséquent, les produits finis n'étaient pas des «marchandises libérées de taxe figurant à l'inventaire».

Contrairement à l'intimé, le Tribunal estime que les marchandises détenues par l'appelant et pouvant être l'objet d'une transformation ultérieure, d'un assemblage, etc., avant d'être vendues constituent encore une «fourniture taxable». Le Tribunal interprète les dispositions de la Loi concernant le remboursement en fonction de l'article 12 de la Loi d'interprétation [5] , qui stipule que :

[t]out texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Le Tribunal reconnaît que les dispositions visant le remboursement de la taxe de vente à l'inventaire ont pour objet d'éviter une double imposition [6] et, en concluant que les marchandises en cause donnent droit à un remboursement, il interprète ces dispositions «de la manière la plus équitable et la plus large».

Selon le Tribunal, bien que de telles marchandises soient destinées à être transformées, elles sont tout de même «destinées à la fourniture taxable [...] par vente». Il fonde son interprétation sur le libellé de la version française de la définition d'«inventaire», qui a été examinée de près dans l'affaire Techtouch Business Systems Ltd. c. Le ministre du Revenu national [7] .

En ce qui concerne les produits finis, la majorité du Tribunal signale, dans son interprétation de la définition de l'expression «marchandises libérées de taxe», laquelle diffère de celle du Ministre, que rien n'indique dans cette définition qu'il faut que la taxe applicable ait été payée «sur la pleine valeur au détail» des marchandises. Elle prévoit plutôt que le remboursement s'applique aux marchandises «relativement auxquelles» la TVF a été payée. En examinant le sens de cette expression, qui dans la version anglaise est rendue par «in respect of», la majorité du Tribunal se reporte à la décision du juge Dickson dans l'affaire Gene A. Nowegijick c. La Reine, notamment aux propos suivants du juge :

À mon avis, les mots «quant à» ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, «concernant», «relativement à» ou «par rapport à». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression «quant à» qui est la plus large [8] .

Comme la TVF a été versée sur les pièces qui ont servi à l'assemblage des produits finis, la majorité du Tribunal estime que cette taxe a été versée «relativement» ou «par rapport» aux nouvelles marchandises fabriquées par l'appelant. Selon la majorité du Tribunal, il est évident qu'il existe un «lien quelconque» entre la taxe versée sur les pièces qui sont incorporées dans les produits finis et les produits finis en soi.

En outre, la majorité du Tribunal signale que, dans la version anglaise de la définition d'«inventaire» à l'article 120 de la Loi, les termes «items of» précèdent l'expression «tax-paid goods». Selon la majorité du Tribunal, cela indique que ce ne sont pas nécessairement les marchandises relativement auxquelles la taxe a été payée qui sont considérées comme figurant à l'inventaire, mais aussi les articles dérivés de ces marchandises, si ces articles figuraient à l'inventaire au moment requis.

Relativement à ce qui précède, la majorité du Tribunal signale également que l'article 4 du Règlement sur le remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire [9] (le Règlement) n'oblige pas le contribuable à établir une distinction entre les marchandises libérées de taxe et les marchandises dont un composant seulement a été visé par la taxe. En outre, l'article 4 du Règlement stipule en partie que le remboursement peut correspondre au total de certains montants, dont «la valeur globale des marchandises figurant à l'inventaire de la personne», et que ces montants sont «déterminés selon la méthode que la personne serait tenue d'utiliser pour calculer, à ce moment, son revenu d'entreprise en application de la Loi de l'impôt sur le revenu». Rien n'indique donc que la valeur des marchandises figurant à l'inventaire, si elle correspond au moindre des deux montants suivants, soit au coût, soit à la valeur marchande, doive être segmentée encore davantage de manière à ne refléter que le coût des matières brutes.

L'avocat de l'intimé a fait valoir en outre que les trophées déjà assemblés figurant à l'inventaire n'étaient pas «acquis» par l'appelant, mais assemblés ou fabriqués par lui. La majorité du Tribunal estime que ces deux notions ne sont pas totalement distinctes l'une de l'autre. Dans le dictionnaire The Concise Oxford Dictionary [10] , le terme «acquire» (acquérir) est défini comme suit : «gain by and for oneself; come into possession (lit. or fig.) of» ([traduction] obtenir pour soi; devenir propriétaire [littér. ou fig.] de). De toute évidence, l'appelant est devenu propriétaire des produits finis en les assemblant ou en les fabriquant.

En conséquence, l'appel est admis. La majorité du Tribunal conclut que toutes les pièces et tous les composants figurant à l'inventaire de l'appelant au 1er janvier 1991, soit séparément, soit en tant que parties de produits finis, sont visés par l'article 120 de la Loi. Le Tribunal renvoie cette affaire à l'intimé pour qu'il détermine la valeur du remboursement qui devrait être accordé à l'appelant.





MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES DU MEMBRE COATES

Je suis d'accord avec mes collègues que cet appel soit admis. Cependant, pour ce qui est de la question des trophées déjà assemblés figurant à l'inventaire, je n'aurais accordé de remboursement que sur la valeur des composants libérés de taxe et utilisés dans la fabrication des trophées figurant à l'inventaire le 1er janvier 1991, pour les raisons exprimées dans l'affaire A.J.V. Tools Ltd. c. Le ministre du Revenu national [11] .


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. DORS/91-499, le 14 août 1991, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 18, à la p. 2912.

3. Le terme «inventaire» s'entend en partie des «marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, [...] a) sont destinées à la fourniture taxable [...] par vente ou location à d'autres dans le cours normal de l'entreprise de la personne». L'expression «fourniture taxable» s'entend d'une «[f]ourniture, sauf une fourniture exonérée, effectuée dans le cadre d'une activité commerciale». Le terme «fourniture» désigne la «livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou alinéation».

4. [1968] R.C.S. 140.

5. L.R.C. (1985), ch. I-21.

6. Voir, par exemple, Taxe sur les produits et services : document technique daté du 8 août 1989, dans lequel le ministre des Finances a déclaré que, pour éviter la double imposition de marchandises à l'égard desquelles la taxe de vente fédérale a été acquittée, des remboursements seraient versés pour la taxe déjà payée. Voir aussi le document intitulé La taxe sur les produits et services, qui a été déposé à la Chambre des communes le 19 décembre 1989 et dans lequel le ministre des Finances a fait remarquer que des remboursements seraient versés aux entreprises détenant des marchandises figurant à l'inventaire, et ce, pour éviter la double imposition de ces marchandises.

7. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP - 91 - 206, le 18 septembre 1992.

8. [1983] 1 R.C.S 29 à la p. 39. [ Note du traducteur : L'expression utilisée dans la version française de la Loi «relativement auxquelles» ne correspond pas à celle qui a été employée dans la version française de la décision du juge Dickson «quant à». Par contre, la même expression a été utilisée dans la version anglaise des deux documents, soit «in respect of».]

9. DORS/91-52, le 18 décembre 1990, Gazette du Canada Partie II, vol. 125, no 2, à la p. 265.

10. Septième édition, Oxford, Clarendon Press, 1982, à la p. 9.

11. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-91-229, le 16 décembre 1992.


Publication initiale : le 2 juillet 1997