ESSELTE PENDAFLEX CANADA INC.

Décisions


ESSELTE PENDAFLEX CANADA INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-187

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 9 août 1993

Appel n o AP-91-187

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 mars 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 4 octobre 1991 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ESSELTE PENDAFLEX CANADA INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.


Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Nicole Pelletier ______ Nicole Pelletier Secrétaire intérimaire





Le Tribunal s'est penché sur une question préliminaire relativement à un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise. La question préliminaire consistait à déterminer si le Tribunal a compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant. Ce dernier a calculé son obligation fiscale sur la base du prix de vente comme le prévoit la Loi sur la taxe d'accise. Il l'a par la suite calculé à nouveau sur la base de la méthode de la «valeur établie» prévue par le Mémorandum de l'Accise ET 202. Comme son obligation s'en est trouvée réduite, l'appelant a déduit un montant de sa déclaration de taxe au ministère du Revenu national au lieu de demander un remboursement des sommes d'argent versées par erreur. L'intimé a établi à l'égard de l'appelant une cotisation relativement à ces sommes d'argent, en indiquant que la méthode de la valeur établie ne pouvait être utilisée rétroactivement. Lors de l'audience, l'avocate de l'intimé a plaidé que les valeurs établies étaient une concession administrative et que le Tribunal n'a pas compétence sur l'objet de la procédure.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Mémorandum de l'Accise ET 202 a été considéré comme une politique ministérielle dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire. En fait, cette politique est incompatible avec la Loi sur la taxe d'accise en ceci qu'elle crée un mécanisme de détermination de l'obligation fiscale fondé sur une autre base que celle du prix de vente ou du volume comme le prévoit la Loi sur la taxe d'accise. Le Tribunal a conclu qu'il n'avait pas le pouvoir d'écarter la base statutaire sur laquelle la taxe doit être payée en faveur d'une méthode incompatible avec la Loi sur la taxe d'accise et dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire. En conséquence, le Tribunal n'a pas compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 mars 1993 Date de la décision : Le 9 août 1993
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Michèle Blouin, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Rick H. Kesler, pour l'appelant Meg Kinnear, pour l'intimé





Les présentes constituent la décision rendue par le Tribunal sur une question préliminaire soulevée relativement à un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi). La question préliminaire consistait à déterminer si le Tribunal a compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant. Cette procédure a été intentée après qu'une cotisation d'un montant de 357 866,72 $ concernant la taxe impayée, les intérêts et la pénalité a été établie à l'égard de l'appelant pour la période allant du 30 mars 1985 au 27 février 1988.

L'appelant est un fabricant titulaire de licence d'articles de papeterie qu'il vend à des grossistes, à des détaillants et à des utilisateurs finals. Des marchandises identiques étaient frappées de montants différents en ce qui a trait à la taxe de vente fédérale (la TVF) en raison de la différence entre les prix exigés des divers niveaux du circuit commercial. En octobre 1986, l'appelant a été avisé qu'il pouvait, pour résoudre le problème, calculer son obligation concernant la taxe de vente sur la base des «valeurs établies» prévues au Mémorandum de l'Accise ET 202 (le Mémorandum ET 202) intitulé Valeurs imposables [2] . L'appelant a calculé à nouveau son obligation fiscale pour la période allant de janvier à octobre 1986 et, en novembre 1986, a déduit un montant de sa déclaration de taxe au ministère du Revenu national (Revenu Canada) au lieu de demander un remboursement des sommes d'argent versées par erreur aux termes de l'article 68 de la Loi.

En raison de la complexité de la mise en oeuvre du nouveau mécanisme, ce n'est pas avant novembre 1987 qu'un programme informatique a été installé pour calculer automatiquement l'obligation fiscale de l'appelant au moyen des valeurs établies. Entre temps, d'octobre 1986 à octobre 1987, l'obligation fiscale mensuelle de l'appelant a été d'abord calculée sur la base du prix de vente réel, puis périodiquement réduite, l'appelant ayant déduit un montant de sa déclaration de taxe plutôt que soumis une demande de remboursement des sommes d'argent versées par erreur.

Le 11 janvier 1989, une cotisation de 133 258,62 $ concernant la taxe impayée, les intérêts et la pénalité a été établie à l'égard de l'appelant relativement à la déduction globale faite par celui-ci en novembre 1986. Revenu Canada a allégué le paragraphe 5 du Mémorandum ET 202 pour faire valoir que les valeurs établies n'entrent en vigueur qu'à compter de la date où l'on commence à utiliser ces valeurs et qu'elles ne peuvent être utilisées rétroactivement. L'appelant a payé ce montant.

Cependant, trois mois plus tard, une nouvelle cotisation, d'un montant de 357 866,72 $ relativement à des taxes impayées, à des intérêts et à la pénalité, a été établie à l'égard de l'appelant, qui a été crédité de 133 258,62 $ sur cette dette. Apparemment, Revenu Canada a déterminé que l'appelant n'avait pas le droit d'utiliser les valeurs établies avant novembre 1987 et a ajouté à la cotisation les déductions faites par l'appelant dans ses déclarations de taxe pendant la période allant d'octobre 1986 à octobre 1987.

L'avocate de l'intimé a soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour examiner le fond de l'appel, attendu que la cause porte entièrement sur le droit de l'appelant à utiliser les valeurs établies prévues par le Mémorandum ET 202 pour calculer son obligation fiscale. L'avocate a plaidé que le Tribunal est une création d'ordre statutaire dépourvue de juridiction intrinsèque. La seule juridiction qu'il peut exercer est celle qui lui est conférée par un texte statutaire comme la Loi. Pour ce qui est du régime d'acquittement de la TVF, l'article 50 de la Loi exige des contribuables qu'ils calculent la taxe sur la base du prix de vente. Le Tribunal a compétence pour statuer sur les cotisations établies aux termes de l'article 50 de la Loi et pour déterminer si un contribuable a payé la taxe sur la base du prix de vente.

Par contre, le Mémorandum ET 202 n'est pas un texte statutaire. Il ne fait pas partie de la Loi ni de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [3] , et n'est pas non plus un règlement pris aux termes de l'une ou l'autre de ces lois. Ce n'est rien de plus qu'une politique administrative de Revenu Canada. L'appelant a admis que le Mémorandum ET 202 n'a pas force de loi et est simplement une disposition administrative plutôt que législative. Étant donné que le Mémorandum ET 202 sort des compétences dévolues au Tribunal pour établir si un contribuable a le droit d'utiliser les valeurs établies, le Tribunal n'a pas compétence pour écarter la base statutaire de l'obligation fiscale qui se trouve à l'article 50 de la Loi en faveur d'une politique ou d'un mécanisme administratif non prévu par la loi ou par un règlement [4] .

Pour que le Tribunal considère que la taxe a été versée par erreur par l'appelant, il faudrait qu'il considère que l'appelant avait le droit d'utiliser les valeurs établies pour toute la période en question ou une partie de celle-ci. Le Tribunal n'a pas compétence pour faire une détermination de ce genre. Faute de compétence, il doit rejeter l'appel.

Dans son mémoire et dans ses présentations, l'avocat de l'appelant a exprimé différemment la question, en faisant valoir que l'appel n'a pas trait exclusivement à l'admissibilité de l'appelant à l'utilisation de la méthode de la «valeur établie» aux fins de la détermination de son obligation fiscale, son admissibilité ayant été confirmée et approuvée par Revenu Canada. La question est plutôt de déterminer si la déduction faite par l'appelant dans sa déclaration de taxe à Revenu Canada à la place d'une demande de remboursement était calculée correctement.

Dans son argumentation, l'avocat de l'appelant a plaidé que Revenu Canada applique depuis près de 20 ans le Mémorandum ET 202 aux fins des cotisations et des demandes de remboursement. Il est contradictoire pour l'avocate de l'intimé de soutenir que le Mémorandum ET 202 ne peut faire l'objet d'un appel. L'avocat de l'appelant a cité trois causes [5] à l'appui de la thèse selon laquelle Revenu Canada ne peut publier des bulletins en fonction desquels les contribuables conduisent leurs affaires et ensuite plaider devant le Tribunal que ces bulletins n'ont pas de statut légal et ne peuvent faire l'objet d'un appel.

L'avocat de l'appelant s'est reporté à une décision récente du Tribunal, Brandon Forest Products Ltd. c. Le ministre du Revenu national [6] , dans laquelle le Tribunal a établi une distinction avec les causes [7] citées par l'avocate de la partie adverse, pour déterminer qu'il avait compétence pour entendre un appel concernant l'admissibilité de l'appelant à l'utilisation des valeurs théoriques prévues au Mémorandum ET 202. L'avocat a plaidé que la cause Brandon avait établi le principe selon lequel le Tribunal a compétence pour entendre un appel de ce genre lorsque le contribuable a fait l'objet d'une cotisation aux termes de la Loi plutôt que de déposer une demande de remboursement et a effectivement payé la taxe selon le Mémorandum ET 202. L'avocat a plaidé que, compte tenu de la cause Brandon, le Tribunal a compétence pour entendre l'appel sur le fond.

Contrairement aux assertions de l'avocat de l'appelant, le Tribunal est d'avis qu'il n'a pas compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant. L'appelant a calculé son obligation fiscale sur la base du prix de vente comme le prévoit la Loi et a déterminé à nouveau, rétroactivement, son obligation en fonction de la valeur établie prévue par le Mémorandum ET 202. Son obligation fiscale s'étant trouvée réduite du fait de l'utilisation de la valeur établie, l'appelant a déduit divers montants de sa déclaration de taxe à Revenu Canada au lieu de demander le remboursement de ces sommes d'argent. Étant donné que le paragraphe 5 du Mémorandum ET 202 stipule qu'«[u]ne valeur établie ne peut être appliquée rétroactivement dans le but de rajuster les montants de taxe qui ont été payés après avoir été calculés sur le prix de vente», l'intimé n'a pas accepté l'utilisation faite par l'appelant de la valeur établie et a fixé à l'égard de celui-ci une cotisation concernant les sommes d'argent qu'il avait déduites de sa déclaration de taxe. Sur ce point, l'appelant a soutenu qu'il avait le droit d'utiliser la valeur établie car il satisfaisait aux conditions d'admissibilité pertinentes.

Tel qu'il est déclaré dans la cause Artec, le Mémorandum ET 202 «peut être considéré comme une politique ministérielle dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire». En fait, la politique est incompatible avec la Loi en ceci qu'elle crée un mécanisme permettant de déterminer l'obligation fiscale sur une base autre que celle du prix de vente ou du volume prévue par la Loi. Dans cette dernière cause, le Tribunal a conclu qu'il «n'a pas le pouvoir de faire prévaloir une méthode incompatible avec la Loi ou dépourvue d'autorisation statutaire ou réglementaire au détriment de l'assiette fiscale prévue par les textes législatifs». Le Tribunal est tout à fait d'accord avec cette déclaration et conclut donc qu'il n'a pas compétence pour accorder le redressement demandé par l'appelant.

Pour ce qui est des causes citées par l'avocat de l'appelant, le Tribunal observe que, dans la cause Harel, la Cour suprême du Canada a déclaré que la politique administrative «ne saurait être prise en considération si elle [va] à l'encontre du texte de la Loi» [8] .

En conséquence, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. Ministère du Revenu national, Accise, le 1er décembre 1975.

3. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

4. Voir, par exemple, Artec Design Inc. c. Le ministre du Revenu national, appel no AP - 90 - 117, le 2 mars 1992; Seine River Cabinets Ltd. c. Le ministre du Revenu national, appel no AP - 90 - 118, le 2 mars 1992; Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu national, appel no AP - 91 - 045, le 2 mars 1992.

5. George Lenn Bowen c. Le ministre du Revenu national, Cour canadienne de l'impôt, no du greffe 71-791, le 3 février 1972; Jack Steckel c. Le ministre du Revenu national, Cour canadienne de l'impôt, no du greffe 89-2117 (IT), le 14 février 1992; J. Camille Harel c. Le sous - ministre du Revenu de la province de Québec, [1978] 1 R.C.S. 851.

6. Appel no AP - 91 - 256, le 1er décembre 1992.

7. Supra, note 4.

8. Supra, note 5 à la p. 858.


Publication initiale : le 30 juin 1997