GENE R. WHITE

Décisions


GENE R. WHITE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-91-242

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 21 juillet 1993

Appel n o AP-91-242

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 février 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en date du 17 décembre 1991, concernant une demande de réexamen déposée aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

GENE R. WHITE Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis.


Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant réside au Canada de façon continue depuis décembre 1988, date à laquelle il est entré au Canada à titre de résident temporaire. L'appelant a demandé à obtenir le statut de résident permanent le 23 juillet 1989. Ce statut lui a été accordé le 27 juillet 1990, alors qu'il rentrait au Canada après une courte visite aux États - Unis. Lorsque l'appelant est rentré au Canada à titre de résident permanent, il a importé une Toyota Camry 1990 qu'il avait achetée aux États - Unis le 26 juillet 1990. La voiture était importée en franchise de droits dans le numéro tarifaire 9807.00.00 à titre d'effet d'immigrant.

La question dans le présent appel consiste à déterminer si la Toyota Camry importée par l'appelant est plus correctement classée dans le numéro tarifaire 9807.00.00 à titre de «Marchandises [...] importées par un immigrant pour son usage domestique ou personnel, si réellement elles lui ont appartenu, ont été en sa possession et lui ont servi avant son arrivée au Canada», comme le soutenait l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8703.23.00 à titre de «Voitures de tourisme [...] [d]'une cylindrée excédant 1 500 cm 3 mais n'excédant pas 3 000 cm 3 », comme le soutenait l'intimé.

DÉCISION : L'appel est admis. Les éléments de preuve montrent que l'appelant, lorsqu'il est entré au Canada à titre de résident permanent, le 27 juillet 1990, était un «immigrant» selon la définition de ce mot qui figure dans le Règlement sur la définition de «immigrant» aux fins du numéro tarifaire 9807.00.00, et que le véhicule en cause lui appartenait, était en sa possession et lui servait à ce moment.

Lieu de l'audience : Winnipeg (Manitoba) Date de l'audience : Le 19 février 1993 Date de la décision : Le 21 juillet 1993
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Michèle Blouin, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : G.R. White, pour l'appelant F.B. Woyiwada, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) le 17 décembre 1991.

L'appelant réside au Canada de façon continue depuis décembre 1988, date à laquelle il est entré au pays à titre de résident temporaire. À ce moment, il a importé différents effets domestiques et personnels, parmi lesquels une automobile 1976. Tous ces articles ont été classés dans le numéro tarifaire 9803.00.00 à titre de moyens de transport et bagages importés temporairement en franchise de droits par un non-résident du Canada pour son usage personnel au Canada. Le 23 juillet 1989, l'appelant a demandé le statut de résident permanent, qui lui a été accordé le 27 juillet 1990, lorsqu'il est rentré au Canada après une brève visite aux États-Unis. Avant de se voir accorder le statut de résident permanent, l'appelant avait écrit à Douanes Canada pour s'informer s'il pouvait acheter une voiture aux États-Unis et l'importer en franchise de droits. Dans une lettre en date du 2 octobre 1989, un agent de Douanes Canada lui a fait savoir que seules les marchandises qui lui avaient appartenu, qui avaient été en sa possession et qui lui avaient servi avant la date de sa demande seraient admissibles à une entrée en franchise de droits. L'appelant a également discuté avec un membre du consulat canadien à Minneapolis (Minnesota), avant de rentrer au Canada à titre de résident permanent en juillet 1990. Cette personne, sur la foi de discussions avec Douanes Canada, a déclaré à l'appelant que ce dernier pouvait importer la voiture en franchise de droits.

Lorsque l'appelant est rentré au Canada à titre de résident permanent, il a importé une Toyota Camry 1990 qu'il avait achetée aux États-Unis le 26 juillet 1990. La voiture a été importée en franchise de droits dans le numéro tarifaire 9807.00.00 du Tarif des douanes [2] à titre d'effet d'immigrant (le bordereau de la douane pertinent qui a été déposé comme élément de preuve indique le numéro tarifaire 9805.00.00, mais les deux parties ont convenu qu'il s'agissait visiblement d'une erreur et que le document aurait dû indiquer le numéro tarifaire 9807.00.00).

Dans un avis daté du 27 août 1990, l'appelant a été avisé par l'intimé que l'automobile aurait dû être classée dans le numéro tarifaire 8703.23.00, et qu'en conséquence un montant de 4 542,49 $ au titre des droits de douane, de la taxe de vente et de la taxe d'accise était dû relativement à l'automobile. Le 19 novembre 1990, l'appelant a déposé une demande de nouveau classement dans le numéro tarifaire 9807.00.00. Dans un avis de décision en date du 22 février 1991, le classement de l'automobile dans le numéro tarifaire 8703.23.00 a été confirmé. L'appelant a déposé une autre demande de nouveau classement le 22 avril 1991. Dans un avis de décision en date du 17 décembre 1991, l'intimé a confirmé le classement de l'automobile en question.

La question dans le présent appel consiste à déterminer si le véhicule en cause est plus correctement classé dans le numéro tarifaire 9807.00.00 à titre de «Marchandises [...] importées par un immigrant pour son usage domestique ou personnel, si réellement elles lui ont appartenu, ont été en sa possession et lui ont servi avant son arrivée au Canada», comme le soutenait l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8703.23.00 à titre de «Voitures de tourisme [...] [d]'une cylindrée excédant 1 500 cm3 mais n'excédant 3 000 cm3», comme le soutenait l'intimé.

L'appelant a ouvert sa déposition en déclarant que dans la suite des événements pertinents en cette affaire, il avait reçu trois interprétations différentes de la loi de la part de divers employés du ministère du Revenu national et d'un agent d'Emploi et Immigration Canada, ce qui lui a rendu très difficile la tâche de connaître ses droits, nonobstant ses efforts en ce sens. L'appelant a énoncé les quatre dates qu'il considérait comme fondamentales pour la compréhension de la cause par le Tribunal : i) le 30 décembre 1988, date à laquelle il est entré au Canada à titre de résident temporaire; ii) le 23 juillet 1989, date à laquelle il a demandé le statut de résident permanent; iii) le 2 septembre 1989, date d'une lettre qu'il a envoyée à l'intimé et dans laquelle il demandait s'il pouvait faire entrer au Canada en franchise de droits, avant de devenir un résident permanent au Canada, une automobile achetée aux États-Unis (l'appelant a reçu une réponse en date du 2 octobre 1989 dans laquelle il était informé qu'il aurait à verser des droits sur une automobile achetée dans les conditions décrites dans sa lettre); et iv) le 27 juillet 1990, date à laquelle l'appelant est entré au Canada à titre de résident permanent (sa demande ayant été acceptée le 25 juillet 1990). L'appelant a déclaré qu'à son sens, la principale question consistait à déterminer à laquelle de ces dates il était entré au Canada à titre d'«immigrant» au sens où ce mot est employé dans le numéro tarifaire dont il demandait à bénéficier.

Au cours du contre-interrogatoire, l'appelant a confirmé qu'il avait résidé au Canada de façon continue depuis le 30 décembre 1988. Pour ce qui est de la lettre en date du 2 octobre 1989 qu'il a reçue de l'intimé, l'appelant a convenu que celle-ci déclarait que s'il avait [traduction] «déjà demandé le statut de résident permanent et n'était par retourné aux États-Unis pour y reprendre résidence, seules les marchandises qui lui ont appartenu, qui ont été en sa possession et qui lui ont servi avant la date de la demande seraient admissibles à l'entrée en franchise de droits à titre d'effets d'immigrants» (soulignement ajouté). L'appelant a également confirmé qu'il avait acheté le véhicule en cause environ un an après le dépôt de sa demande de statut de résident permanent, et un jour avant d'entrer au Canada en tant que résident permanent. Enfin, l'appelant a admis que lorsqu'il est entré aux États-Unis, le 25 juillet 1990, il n'avait pas l'intention d'acheter un véhicule et que cette absence d'intention était due, en partie, à l'avis reçu dans la lettre de l'intimé en date du 2 octobre 1989.

Dans son argumentation, l'appelant a réitéré son opinion selon laquelle le sens du membre de phrase «[effets] d'un immigrant avant son arrivée au Canada» est au coeur de la présente cause. L'appelant a pressé le Tribunal de considérer qu'il est arrivé au Canada à titre d'immigrant le 27 juillet 1990 — date à laquelle il est rentré au Canada après avoir obtenu le statut de résident permanent — et, qu'à ce moment, le véhicule en cause faisait partie de ses effets.

L'avocat de l'intimé a ouvert son argumentation en convenant avec l'appelant que la question fondamentale est celle de la date de l'arrivée de l'appelant au Canada. L'avocat a émis l'hypothèse que deux dates peuvent être considérées à cet égard. Premièrement, le 30 décembre 1988, date à laquelle l'appelant est arrivé au Canada pour la première fois et depuis laquelle il réside au Canada. Deuxièmement, le 23 juillet 1989, date à laquelle l'appelant a demandé le statut de résident permanent. L'avocat a déclaré qu'il n'était pas nécessaire que le Tribunal détermine précisément laquelle des deux dates est la bonne puisque l'une et l'autre sont antérieures à l'achat du véhicule en cause, ce qui exclut d'avance le classement demandé par l'appelant.

À défaut, l'avocat a soutenu que le fait que le véhicule ait appartenu à l'appelant pendant un jour ne satisfait pas à la condition posée par le libellé du numéro tarifaire 9807.00.00, selon lequel les marchandises en cause «ont appartenu, ont été en [la] possession [de l'immigrant] et lui ont servi avant son arrivée». L'avocat a avancé qu'il serait difficile au Tribunal de conclure que le véhicule, non seulement avait été en la possession de l'appelant, mais encore qu'il lui avait servi, avant cette date.

En réponse, l'appelant a souligné que lorsqu'il a été informé du fait que sa demande de statut de résident permanent serait examinée, il a également été informé du fait que ceci ne garantissait pas que cette demande serait acceptée. Il a également fait valoir que le véhicule en cause lui servait à la date du 26 juillet 1990, et qu'il est donc possible de considérer que le véhicule était en sa possession et lui servait lorsqu'il est entré au Canada.

Le Tribunal considère que le véhicule en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9807.00.00 à titre de «Marchandises [...] importées par un immigrant pour son usage domestique ou personnel, si réellement elles lui ont appartenu, ont été en sa possession et lui ont servi avant son arrivée au Canada». Le Tribunal en vient à cette conclusion en convenant avec les parties que la présente cause tourne autour du sens du mot «immigrant». Plus précisément, le Tribunal doit déterminer à laquelle des dates en cause l'appelant est effectivement arrivé au Canada à titre d'immigrant. Le Tribunal remarque qu'après avoir répondu à ces premières questions, il doit examiner si le véhicule en cause appartenait à l'appelant, était en sa possession et lui servait lorsqu'il est arrivé au Canada à titre d'immigrant.

Les éléments de preuve renferment trois dates auxquelles il est possible de considérer que l'appelant est arrivé au Canada — le 30 décembre 1988, le 23 juillet 1989 et le 27 juillet 1990. La première question consiste à savoir à laquelle de ces dates, s'il en existe une, l'appelant peut éventuellement être considéré comme étant arrivé au Canada à titre d'immigrant. Ainsi que le Tribunal l'a remarqué dans la cause H.E. Wakelin c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] , il n'y avait pas, entre le 1er janvier 1988 et le 4 avril 1990, de texte réglementaire définissant le mot «immigrant» pour les besoins du numéro tarifaire 9807.00.00. Les choses ont changé le 5 avril 1990 avec l'entrée en vigueur du Règlement sur la définition de «immigrant» aux fins du numéro tarifaire 9807.00.00 [4] (le Règlement). Le Tribunal doit donc prendre acte du fait que la définition légale ne s'applique qu'à la dernière des dates considérées.

«Immigrant» est défini dans le Règlement comme suit :

2. Pour l'application du numéro tarifaire 9807.00.00 de l'annexe I du Tarif des douanes, «immigrant» s'entend de toute personne qui entre au Canada pour y prendre, pour la première fois, résidence pour une période d'au moins 12 mois, à l'exclusion des personnes qui entrent au Canada pour y résider :

a) soit à des fins d'emploi pour une période temporaire ne dépassant pas 36 mois;

b) soit pour études dans une maison d'enseignement.

Le Tribunal est d'avis que le membre de phrase essentiel de cette définition est «pour y prendre, pour la première fois, résidence pour une période d'au moins 12 mois». Ces mots soulignent le fait que c'est la volonté ou l'intention de l'appelant de résider de façon permanente au Canada qui est fondamentale dans la question de savoir à partir de quel moment il peut être considéré comme étant un immigrant. Le Tribunal s'est étendu sur cette façon de comprendre le concept d'«immigrant» dans la cause Wakelin. Il a conclu dans cette dernière qu'il y a une différence entre, d'une part, avoir l'intention de prendre résidence permanente, et, d'autre part, revenir simplement résider au Canada sans avoir l'intention requise d'y résider de façon permanente. Le Tribunal a conclu que cette intention est ce qui distingue un immigrant par rapport, par exemple, à un résident temporaire qui rentre au Canada pour y reprendre résidence temporairement.

Les éléments de preuve montrent que l'appelant n'avait pas l'intention de résider de façon permanente au Canada lorsqu'il y est entré en 1988 en tant que résident temporaire. Ceci soulève la question de savoir s'il pouvait être considéré comme ayant l'intention requise de le faire lorsqu'il a déposé sa demande de statut de résident permanent. Le Tribunal remarque que cette intention ne peut être pleine et entière que lorsque le demandeur sait que sa demande a été acceptée et qu'il sera autorisé à entrer au Canada à titre de résident permanent. Tant que tel n'est pas le cas, le demandeur ne sait pas s'il se verra accorder ce statut et ne peut donc pas être considéré comme étant un immigrant. Dans la présente cause, l'appelant peut être considéré comme ayant eu l'intention de prendre résidence pour une période d'au moins 12 mois le 27 juillet 1990, lorsqu'il est rentré au Canada après s'être vu accorder le statut de résident permanent. Par conséquent, l'appelant peut être considéré comme étant arrivé au Canada à titre d'immigrant le 27 juillet 1990. Ayant ainsi tranché sur ce point, le Tribunal doit maintenant examiner si le véhicule en cause appartenait à l'appelant, était en sa possession et lui servait à cette date.

Le fait que le véhicule appartenait à l'appelant le 27 juillet 1990 n'est pas contesté. Pour ce qui est de savoir si ce véhicule était en la possession de l'appelant et lui servait lorsqu'il est arrivé au Canada, le Tribunal remarque que le libellé du numéro tarifaire 9807.00.00 ne pose aucune limite à la durée pendant laquelle les marchandises doivent être en la possession de l'immigrant ou lui servir pour être admissibles à cette disposition. Le Tribunal est d'avis qu'en l'absence d'une telle limite de temps ainsi qu'en celle d'autres facteurs restreignant le sens des mots en question, le Tribunal doit donner à ceux-ci leur sens courant. En l'espèce, les éléments de preuve montrent que l'appelant avait été en possession et s'était servi du véhicule en cause avant son arrivée au Canada. Par conséquent, toutes les conditions du numéro tarifaire 9807.00.00 ont été observées.

En conséquence, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Appel no AP - 89 - 030, le 20 septembre 1990.

4. DORS/90 - 226, le 5 avril 1990, Gazette du Canada Partie II, vol. 124, no 9 à la p. 1437.


Publication initiale : le 2 juillet 1997