FALCON LUMBER LIMITED

Décisions


FALCON LUMBER LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-054

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 11 juin 1993

Appel n o AP-92-054

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 janvier 1993 aux termes de l'article 18 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, L.R.C. (1985), ch. 12 (3e suppl.) et de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 mars 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

FALCON LUMBER LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 18 de Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre et de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 mars 1992. La question dans le présent appel consiste à déterminer si la cotisation de 35 878,99 $ que l'intimé a imposée à l'appelant à l'égard des droits à l'exportation, de la pénalité et des intérêts impayés entre le 1 er août 1987 et le 30 avril 1990 est correcte. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer : 1) si l'expression «prix d'usine franco à bord payé» désigne le prix payé à l'usine de production ou celui payé à l'usine de resciage, frais de transport et de resciage et marge bénéficiaire inclus; 2) si l'appelant a droit à l'exonération du droit à l'exportation pour certaines ventes de bois; et, enfin, 3) si l'appelant doit être tenu de payer une pénalité et les intérêts courus à l'égard des droits à l'exportation impayés.

DÉCISION : L'appel est rejeté. L'expression «prix d'usine franco à bord payé» désigne le prix d'exportation payé à l'usine finale par l'acheteur; elle englobe donc le montant payé à l'usine de production pour le bois, les frais de transport à partir de l'usine de production jusqu'à l'usine de resciage, les frais de resciage et la marge bénéficiaire. En outre, l'appelant n'a pas été en mesure de prouver que certaines quantités de bois provenaient d'une province exonérée du paiement du droit à l'exportation aux termes de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre ou qu'il est lui - même un exportateur exonéré. Le Tribunal conclut que l'appelant doit payer le droit à l'exportation qui lui a été imposé par cotisation et qu'il doit donc payer la pénalité et les intérêts établis à compter de la date où le droit à l'exportation est devenu exigible aux termes de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, sommes qu'il n'a pas payées.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 6 janvier 1993 Date de la décision : Le 11 juin 1993
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant W. Roy Hines, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Peter Hilbert, pour l'appelant Ian McCowan, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 18 de Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre [1] (la Loi) et de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [2] à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le Ministre) le 30 mars 1992. La question dans le présent appel consiste à déterminer si la cotisation de 35 878,99 $ que l'intimé a imposée à l'appelant à l'égard des droits à l'exportation, de la pénalité et des intérêts impayés entre le 1er août 1987 et le 30 avril 1990 est correcte. L'appelant ayant reconnu certains faits, le Tribunal doit précisément déterminer : 1) si l'expression «prix d'usine franco à bord payé» désigne le prix payé à l'usine de production ou celui payé à l'usine de resciage, frais de transport et de resciage et marge bénéficiaire inclus; 2) si l'appelant a droit à l'exonération du droit à l'exportation pour certaines ventes de bois; et, enfin, 3) si l'appelant doit être tenu de payer la pénalité et les intérêts courus à l'égard des droits à l'exportation impayés.

En septembre 1990, l'appelant a fait l'objet d'une vérification du ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour la période comprise entre le 1er août 1987 et le 30 avril 1990. Le 13 septembre 1990, un sommaire écrit des résultats de cette vérification a été transmis à l'appelant; dans ce document, Revenu Canada indiquait à l'appelant qu'il devait payer 27 152,11 $ pour diverses prétendues erreurs commises dans le calcul du droit à l'exportation à payer aux termes de la Loi. L'appelant a versé la somme de 10 000,00 $ le 15 octobre 1990 et a signifié un avis d'opposition à l'égard du solde, le 17 juin 1991, après la publication de l'avis de cotisation, le 24 avril 1991. Dans un avis de décision en date du 30 mars 1992, le Ministre a admis en partie l'opposition de l'appelant; en conséquence, le relevé des sommes à payer ou versées en trop a été corrigé pour tenir compte d'une erreur relative au taux d'imposition du bois.

Le secrétaire-trésorier de Falcon Lumber Limited, M. Peter Hilbert, a comparu à l'audience et a expliqué que l'appelant est un grossiste en bois et qu'il achète à diverses usines de production au Canada du bois qu'il revend à des clients aux États-Unis. Le bois est parfois livré directement de l'usine de production, sans être transformé. Par contre, il est parfois transporté à une usine située plus près de la frontière Canada/États-Unis où il est rescié, puis expédié à un client aux États-Unis à un prix comprenant le prix payé à l'usine de production, les frais de transport à partir de l'usine de production jusqu'à l'usine de resciage, les frais de resciage et la marge bénéficiaire de l'appelant.

De l'avis du représentant de l'appelant, l'expression «prix d'usine franco à bord payé» qui, à l'article 5 de la Loi, correspond à la valeur sur laquelle le droit à l'exportation doit être imposé, ne devrait pas englober la marge bénéficiaire de l'appelant, mais uniquement les frais réels.

Le représentant a ajouté que l'appelant a obtenu la garantie que le bois acheté à J.D. Irving, Inc. provenait du Nouveau-Brunswick, province exonérée aux termes de la Loi, ou des États-Unis, ce qui lui permettrait également d'être exonéré, car J.D. Irving, Inc. détient un certificat d'exonération du droit à l'exportation sur le bois originaire des États-Unis.

Enfin, le représentant de l'appelant a contesté l'ajout de la pénalité et des intérêts au montant dû. Il a soutenu que l'appelant a toujours fait preuve de bonne foi et qu'il ne doit pas être tenu de payer de pénalité. Pour ce qui est des intérêts, le représentant de l'appelant a prétendu que l'intimé a fait une erreur en calculant les intérêts à compter de la date de parution du sommaire des résultats de la vérification et que les intérêts ont été établis sur les 10 000 $ versés avant la publication de l'avis de cotisation.

L'avocat de l'intimé a prétendu que les marchandises exportées par l'appelant font partie de la liste de produits énoncés à la partie II de l'annexe de la Loi et qu'elles sont donc assujetties au droit à l'exportation fondé sur le prix d'usine franco à bord des marchandises, comme le prévoit l'article 5 de la Loi. L'avocat a invoqué la décision rendue par le Tribunal dans la cause Réal Grondin Inc. c. Le ministre du Revenu national [3] et a soutenu que le resciage des marchandises ne constitue pas un procédé de fabrication. Vu que les marchandises ne sont pas soumises à un procédé de fabrication, elles ne font pas partie de la liste des produits assujettis à une transformation plus poussée, à la partie III de l'annexe de la Loi. En conséquence, la valeur d'imposition du droit à l'exportation ne correspond pas au prix d'usine franco à bord payé pour le bois utilisé pour fabriquer les produits, comme le prévoit l'article 6 de la Loi.

Pour ce qui est de la signification de l'expression «prix d'usine franco à bord payé», à l'article 5 de la Loi, le Tribunal fait remarquer que la Loi prévoit deux régimes différents pour l'imposition du droit à l'exportation. L'article 5 de la Loi vise les produits de bois figurant à la partie II de l'annexe de la Loi et prévoit que le prix d'exportation correspond au «prix d'usine franco à bord payé ou à payer». L'article 6 porte sur les produits de bois figurant à la partie III de l'annexe de la Loi et prévoit que «la valeur du bois d'oeuvre entrant dans la fabrication des produits de bois d'oeuvre est : a) soit le prix d'usine franco à bord payé ou à payer pour le bois d'oeuvre». Le représentant de l'appelant a reconnu à l'audience que le bois qu'il a vendu ne pouvait être réputé entrer dans la fabrication de produits et que, par conséquent, il devait être classé à la partie II de l'annexe de la Loi et était assujetti aux dispositions de l'article 5 de la Loi.

La Loi a pour but de donner suite aux obligations du Canada dans le cadre du Mémorandum d'entente (l'entente) concernant le commerce des produits de bois d'oeuvre résineux, signé par les gouvernements du Canada et des États-Unis le 30 décembre 1986. Le Tribunal conclut donc qu'il serait utile d'envisager les dispositions de la Loi dans le contexte de l'entente pour éliminer toute ambiguïté au sujet de la signification de l'expression «prix d'usine franco à bord payé». La version anglaise de l'alinéa 4.b. de l'entente prévoit que «[u]nless the export charge is modified under the provisions of paragraph 5, the charge will be equal to 15 percent ... of the f.o.b. final mill price of the exported product», tandis que la version française de cet alinéa se lit comme suit : «À moins qu'il ne soit modifié en vertu des dispositions du paragraphe 5, le droit à l'exportation représentera 15 % [...] du prix d'usine f.o.b. payable par le dernier acheteur du produit exporté». Le Tribunal conclut que le terme «final» et l'expression «exported product» (produit exporté) dans la version anglaise sont importants et qu'ils indiquent que l'expression «prix d'usine franco à bord payé» doit signifier le prix d'exportation payé par l'acheteur à l'usine finale.

Aux fins du présent appel, le prix d'exportation payé à l'usine finale équivaut au prix payé à l'appelant par les clients aux États-Unis. Ce prix comprend le montant versé à l'usine de production, les frais de transport du bois de l'usine de production à l'usine de resciage, les frais de resciage et la marge bénéficiaire de l'appelant. L'intimé était donc justifié d'imposer le droit à l'exportation sur le prix d'usine franco à bord payé à l'appelant par ses clients aux États-Unis. Le Tribunal estime qu'il n'y a rien à résoudre à l'égard du bois acheté de J.D. Irving, Inc., car ce bois n'a pas été rescié, et il a été déterminé par le vérificateur, M. Vidya Mamtani, à l'audience, que le droit à l'exportation sur la vente de ces produits est fondé sur le prix franco à bord payé à l'usine de J.D. Irving, Inc., qui ne comprend pas la marge bénéficiaire de l'appelant.

Le représentant de l'appelant a soutenu que le bois que l'appelant a acheté de J.D. Irving, Inc. n'aurait pas dû être assujetti au droit à l'exportation aux termes de la Loi. Cependant, aucun élément de preuve n'a été déposé pour indiquer que le bois acheté à J.D. Irving, Inc. provenait d'une province exonérée ou que l'appelant pourrait être visé par une disposition d'exonération de la Loi. L'appelant n'a donc pas prouvé que l'intimé a commis une erreur en déterminant qu'une certaine partie du bois acheté par l'appelant provenait d'une province non exonérée ou que l'intimé a commis une erreur en refusant l'exonération à laquelle l'appelant aurait dû avoir droit.

Le Tribunal constate que l'appelant a fait preuve de bonne foi et qu'il n'avait pas l'intention de contourner son obligation de payer le droit à l'exportation. Cependant, le Tribunal n'a pas compétence pour annuler ou réduire une pénalité pour cause de bonne foi. Le Tribunal conclut que la pénalité et les intérêts deviennent immédiatement exigibles lorsque la personne redevable du droit à l'exportation ne paie pas ce dernier dans le délai prévu au paragraphe 7(6) de la Loi :

En cas de défaut de paiement de tout ou partie des droits prévus à la présente loi dans le délai prévu au paragraphe (5), l'exportateur doit verser [...], outre le montant impayé, une pénalité de un demi pour cent et des intérêts, au taux fixé par règlement ou au taux déterminé conformément aux règlements.

Deux dispositions de la Loi prescrivent le délai de paiement d'un droit à l'exportation aux termes de la Loi. Le paragraphe 7(1) de la Loi prévoit que «[l]es droits prévus par la [...] loi sont exigibles, à la date d'exportation» et le paragraphe 7(2) de la Loi prévoit que «[t]out exportateur assujetti aux droits doit transmettre mensuellement une déclaration certifiée exacte [...] et indiquant les montants qu'il est tenu de payer au titre des droits pour le mois précédent». Par ailleurs, le paragraphe 7(4) de la Loi prévoit qu'une «personne peut, avec l'agrément du ministre, transmettre une déclaration pour une période comptable différente d'un mois de l'année civile». Le paragraphe 7(5) de la Loi prévoit que dans les cas visés au paragraphe 7(2) de la Loi, une déclaration doit être transmise «au plus tard le dernier jour du mois qui suit celui où les droits sont devenus exigibles» et, dans les cas visés au paragraphe 7(4) de la Loi, une déclaration doit être transmise «au plus tard le dernier jour du mois de la première période comptable autorisée qui suit la fin de la période comptable visée par la déclaration».

Selon la méthode de paiement choisie par l'appelant, le droit à l'exportation est devenu exigible le dernier jour du mois suivant le jour où l'appelant a exporté le bois ou à une autre date convenue par l'appelant et Revenu Canada. Cependant, quelle que soit la méthode retenue par l'appelant, il est évident que le droit devait être payé avant la publication du sommaire des résultats de la vérification en septembre 1990 et l'expédition de l'avis de cotisation du 24 avril 1991. Le paragraphe 81.11(2) de la Loi sur la taxe d'accise, auquel renvoit l'article 18 de la Loi, précise que la cotisation est un élément dissocié de la date d'exigibilité de la taxe. Le paragraphe 81.11(2) de la Loi sur la taxe d'accise prévoit ce qui suit :

Sous réserve des paragraphes (3) à (5), l'établissement des cotisations à l'égard d'une taxe, d'une pénalité, d'intérêts ou d'une autre somme se prescrit par quatre ans après que la taxe, la pénalité, les intérêts ou la somme sont devenus exigibles en application de la présente loi.

Le défaut de paiement du droit à l'exportation remonte donc à la date d'exigibilité de ce droit, et non à la date de l'avis de cotisation. Ayant déterminé que la cotisation imposée à l'appelant était correcte, le Tribunal conclut que l'intimé était autorisé à imposer une pénalité et des intérêts à l'égard des montants faisant l'objet de la cotisation à compter de la date où ces montants sont devenus exigibles. Le Tribunal conclut que l'intimé n'était pas autorisé à calculer la pénalité et les intérêts sur la totalité du montant exigible entre la date de publication du sommaire des résultats de la vérification et la date de l'avis de cotisation, car l'appelant a versé 10 000 $ en octobre 1990; il renvoie donc l'affaire au Ministre pour que ce dernier réexamine le calcul de la pénalité et des intérêts.

En conséquence, l'appel est rejeté. Cependant, l'affaire est renvoyée au Ministre pour qu'il vérifie le calcul de la pénalité et des intérêts.


[ Table des matières]

1. L.R.C. 1985, ch. 12 (3 e suppl.).

2. L.R.C. 1985, ch. E-15.

3. Appel n o AP-91-212, le 30 septembre 1992.


Publication initiale : le 12 juin 1997