R.G. DOBBIN SALES LTD.

Décisions


R.G. DOBBIN SALES LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-92-032

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 1er mars 1993

Appel n o AP-92-032

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 octobre 1992 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 20 mai 1992 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

R.G. DOBBIN SALES LTD. Appelant

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis.

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant importe divers types de vannes. Les marchandises en question sont des dispositifs pour douche capables de régulariser automatiquement la pression de l'eau. Le présent appel porte sur la question de savoir si les vannes importées par l'appelant sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8481.80.99 à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Autres», comme l'a prétendu l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8481.80.91 à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Actionnés à la main», comme l'a soutenu l'intimé.

DÉCISION : L'appel est admis.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 28 octobre 1992 Date de la décision : Le 1 er mars 1993
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Wayne Learn, pour l'appelant Wayne D. Garnons-Williams, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi), à la suite d'une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) le 20 mai 1992 aux termes de l'article 63 de la Loi.

R.G. Dobbin Sales Ltd. importe divers types de vannes. Les marchandises en question sont des dispositifs pour douche capables de régulariser automatiquement la pression de l'eau. Ces vannes diffèrent des robinets-vannes mitigeurs ordinaires pour douches parce qu'elles permettent le réglage automatique du débit de l'eau lorsque la pression ou la température de l'eau varie, comme dans le cas de la vanne «TempControl».

Les vannes en question ont été importées le 28 septembre 1990. Elles ont été classées dans le numéro tarifaire 8481.80.99 du Tarif des douanes [2] à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Autres». Le même jour, un réexamen a conclu que les marchandises étaient plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8481.80.91. Le Sous-ministre a confirmé le réexamen par le biais d'une décision datée du 20 mai 1992.

Le présent appel porte sur la question de savoir si les vannes importées par l'appelant sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8481.80.99 à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Autres», comme l'a prétendu l'appelant, ou dans le numéro tarifaire 8481.80.91 à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Actionnés à la main», comme l'a soutenu l'intimé.

L'appelant a d'abord présenté comme preuve un court vidéo produit par Symmons Industries, Inc. (Symmons), le fabricant des vannes, pour expliquer le fonctionnement de celles-ci.

Le premier témoin cité à comparaître par l'appelant a été M. Ross G. Dobbin, président de R.G. Dobbin Sales Ltd. M. Dobbin a expliqué qu'il importe et vend les produits de Symmons depuis 30 ans et qu'il est, depuis 20 ans, le seul distributeur des marchandises en question au Canada. Dans son témoignage, il a fourni des précisions sur le fonctionnement des vannes.

M. Dobbin a d'abord traité des vannes thermostatiques, c'est-à-dire les vannes «TempControl». Il a expliqué qu'elles fonctionnent en réagissant aux changements de température de l'eau. Il a décrit comment le mécanisme thermosensible actionne le piston coulissant qui constitue le dispositif de régularisation de ces vannes. M. Dobbin a expliqué que ce dispositif, ou vanne, n'est pas une vanne fonctionnant en tout ou rien parce qu'elle n'est pas actionnée de la même façon (c'est-à-dire qu'elle n'est pas actionnée manuellement).

M. Dobbin a ensuite traité des vannes qui, selon l'appelant, sont actionnées par les variations de la pression de l'eau. Il a déclaré que, même si les vannes elles-mêmes sont mises en marche par l'utilisateur, le dispositif de régularisation de la pression n'agit qu'au moment où l'eau entre en contact avec le piston. Celui-ci règle alors l'écoulement de l'eau chaude ou de l'eau froide en réaction à tout changement de pression, de manière que la température de l'eau mitigée demeure constante. M. Dobbin a comparé le fonctionnement des vannes munies du dispositif de régularisation de la pression à celui des autres types de robinets-vannes mitigeurs ordinaires. Il explique que ces derniers sont des robinets-vannes ordinaires ou des robinets-vannes fonctionnant en tout ou rien qui ne protègent pas l'utilisateur des changements de pression. Il a ajouté que, en réalité, une vanne munie du dispositif de régularisation de la pression est constituée de deux vannes. En terminant son témoignage, M. Dobbin a souligné que le prix de vente au détail des vannes munies du dispositif de régularisation de la pression est plus que le double de celui des robinets-vannes mitigeurs ordinaires, l'écart étant attribuable au dispositif de sécurité intégré au premier type de vanne.

Lors du contre-interrogatoire, M. Dobbin a admis que le dispositif de régularisation de la pression cesse de fonctionner lorsque l'écoulement de l'eau est interrompu.

L'intimé a fait comparaître deux témoins experts. Le premier a été M. Edelbert G. Plett, de la faculté de génie mécanique et aérospatial de la Carleton University. M. Plett est un spécialiste des vannes. Il a abordé les caractéristiques des vannes en question par rapport à celles des robinets-vannes mitigeurs ordinaires et a expliqué comment elles fonctionnent. Dans le cas des vannes «TempControl», M. Plett a déclaré que ce dispositif est monté sur la tuyauterie et règle le débit; les vannes fonctionnant en tout ou rien de ce dispositif sont commandées à un autre endroit, c'est-à-dire que ce type de vanne ne comporte pas de commande fonctionnant en tout ou rien. Au sujet des vannes munies du dispositif de régularisation de la pression, M. Plett a déclaré à divers moments au cours de son témoignage et du contre-interrogatoire, ainsi qu'en réponse aux questions des membres du Tribunal, que ce dispositif est à la fois actionné à la main et non actionné à la main. Il a ajouté que le maintien d'une température constante est une caractéristique à la fois primaire et secondaire des vannes. Lors du contre-interrogatoire, M. Plett a également reconnu qu'une vanne munie du dispositif de régularisation de la pression renferme deux vannes. En réponse à une question des membres du Tribunal, il a ajouté que sa définition de «vannes» englobe les mécanismes capables de régler ou d'interrompre l'écoulement de l'eau.

Le deuxième expert a été M. John D. Givler, gestionnaire, Techniques de pointe, de la société Moen Incorporated, située à Elyria (Ohio). M. Givler compte 51 ans d'expérience dans la conception technique des produits, et plus particulièrement des vannes. M. Givler a convenu que le dispositif de régularisation de la pression est une vanne distincte, quoique, à son avis, il renferme deux vannes, l'une pour l'eau chaude et l'autre pour l'eau froide. Même si M. Givler a déclaré qu'il s'agit d'une caractéristique secondaire du produit dans son ensemble, il a ajouté que la fonction première des marchandises en question est d'assurer le fonctionnement sécuritaire d'une douche, ce qui englobe à son avis la possibilité pour l'utilisateur d'ouvrir et de fermer l'eau et de se doucher à une température voulue. Il a déclaré en outre que le dispositif de régularisation de la pression ne peut fonctionner si la manette de marche-arrêt n'est pas en position «ouverte». M. Givler a souligné que sa définition d'une vanne n'exige pas «l'interruption complète» du débit. Lors du contre-interrogatoire, M. Givler a déclaré que le piston de la vanne «TempControl» est actionné par la pression de l'eau. Il a ajouté que les personnes achètent ce produit en raison de son dispositif de régularisation de la pression, qui les protège des brusques variations de température de l'eau lorsqu'elles se douchent.

L'avocat de l'appelant a amorcé son plaidoyer en déclarant que, selon les éléments de preuve, les vannes munies d'un dispositif de régularisation de la pression comportent, en réalité, deux vannes, et que ce dispositif constitue la caractéristique principale, et non secondaire, de ces marchandises.

À propos des vannes thermostatiques, l'avocat de l'appelant a soutenu que la Section XVI des Notes explicatives [3] justifie le classement tarifaire réclamé par l'appelant. Il a ajouté qu'au deuxième paragraphe des Notes explicatives accompagnant la position no 84.81, il est fait une distinction entre les vannes actionnées à la main et celles actionnées au moyen d'un dispositif automatique comme un élément thermosensible ou une capsule manométrique. Il a ajouté que le paragraphe 11 des Notes explicatives visant la même position tarifaire se lit comme suit :

Relèvent également de la présente position les vannes thermostatiques de mélange incorporant un élément thermosensible à tension réglable actionnant les obturateurs qui règlent l'admission dans la chambre de mélange des fluides à températures différentes.

L'avocat a soutenu que le mot «actuates» (mis en action), traduit par «actionnant» au paragraphe 11, devrait avoir la même signification que le mot «activates» (déclenche). À cet effet, il a présenté différentes définitions de dictionnaires qui peuvent se résumer ainsi : le mot «actuate» (mettre en action) signifie «to put into mechanical action or motion» ([traduction] mettre en mouvement, faire fonctionner un mécanisme) et le mot «activate» (déclencher) signifie «to make active» ([traduction] provoquer la mise en mouvement).

L'avocat de l'appelant a ensuite traité des vannes munies du dispositif de régularisation de la pression. Il a reconnu que, en un sens, toute vanne doit d'abord être actionnée à la main. Il a ajouté toutefois que l'expression «actionné à la main» utilisée dans la Nomenclature signifie actionné «directement» à la main et ne devrait pas s'étendre aux dispositifs actionnés indirectement à la main. Enfin, l'avocat s'est reporté à la Note 3 de la Section XVI des Notes explicatives, qui stipule que :

Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d'espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu'un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l'ensemble.

L'avocat a soutenu que les vannes en question constituent des «combinaisons de machines» et qu'elles ont pour fonction principale de régulariser la pression de l'eau, car la plupart des consommateurs achetant ces vannes les choisissent surtout parce qu'elles assurent la régularisation automatique de la pression de l'eau.

L'avocat de l'intimé a repris et tenté de réfuter les arguments de l'appelant, à commencer par ceux touchant les vannes «TempControl». Il a soutenu que, même si le mécanisme thermosensible permet de régler ou d'assurer l'écoulement de l'eau, ce mécanisme est lui-même commandé à la main, car le réglage de la température voulue se fait en réglant le bouton à la température désirée.

L'avocat a ensuite contesté l'argument de l'appelant selon lequel les vannes munies du dispositif de régularisation de la pression sont des combinaisons de machines. L'avocat les a qualifiées de machines «intégrées» plutôt que «combinées». Il a fondé son raisonnement sur le témoignage de M. Givler, qui a déclaré que le piston ne peut fonctionner s'il ne se trouve pas dans le boîtier de la vanne, et que le piston et les autres composants de la vanne ne devraient donc pas être considérés comme «destinés à fonctionner ensemble». L'avocat a également contesté le raisonnement de l'appelant quant à l'équivalence des mots «activate» (déclencher) et «actuate» (mettre en action), soulignant que ce dernier ne figure pas dans le libellé des numéros tarifaires en question.

L'avocat a soutenu que le Tribunal devrait s'inspirer de la Règle 3 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [4] (les Règles générales) qui, lorsque lue à la lumière de la Règle 1 des Règles canadiennes [5] , prévoit que, si des marchandises peuvent être classées dans deux numéros tarifaires, le numéro donnant la description la plus spécifique l'emporte. L'avocat a déclaré que, si le Tribunal est d'avis que les marchandises peuvent être classées dans l'un ou l'autre numéro tarifaire invoqué par les parties, celui recommandé par l'intimé doit avoir préséance parce qu'il est plus spécifique que celui proposé par l'appelant.

Pour ce qui est de la Note 3 de la Section XVI des Notes explicatives, l'avocat a soutenu que les vannes ont pour «fonction principale» de régler le débit de l'eau, c'est-à-dire qu'elles devraient être considérées comme des dispositifs de régularisation du débit dont la commande «marche-arrêt» est actionnée à la main. Vu sous cet angle, le dispositif de régularisation de la pression ne constitue qu'une fonction secondaire qui n'est pas essentielle au fonctionnement des vannes.

Le Tribunal estime que les vannes en question sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8481.80.99 à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Autres». Il en vient à cette conclusion sachant que la législation et les principes applicables à son interprétation, y compris ceux énoncés dans les Règles générales et les Règles canadiennes correspondantes, doivent régir l'examen des marchandises en question. Le Tribunal connaît particulièrement bien la Règle 1 des Règles générales et la Règle 1 des Règles canadiennes. Comme le Tribunal l'a souligné dans la cause York Barbell Co. Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] , la Règle 1 des Règles générales est d'une importance capitale aux fins du classement des marchandises en vertu du Système harmonisé de description et de codification des marchandises [7] . Cette Règle stipule que le classement est déterminé en premier lieu d'après les termes des positions tarifaires et des Notes de Sections ou de Chapitres. La Règle 1 des Règles canadiennes applique les Règles générales au classement suivant le numéro tarifaire mutatis mutandis. Ce fait importe en l'occurrence, car les parties conviennent de la position et de la sous-position dans laquelle les marchandises doivent être classées.

En ce qui touche les vannes «TempControl», le Tribunal constate qu'elles sont physiquement séparées de la commande marche-arrêt de l'ensemble dont elles font partie. En outre, une fois que la température est réglée au degré voulu, ces vannes fonctionnent automatiquement grâce au piston qui coulisse en réagissant aux variations de température de l'eau. De plus, la distinction entre les dispositifs «actionnés à la main» et les dispositifs de «déclenchement automatique» au deuxième paragraphe des Notes explicatives de la position no 84.81 montre clairement qu'il y a une différence entre les marchandises présentant ces diverses caractéristiques. En conséquence, le Tribunal déclare que ces vannes ne sont pas «actionnées à la main» et qu'elles sont plus correctement classées à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Autres».

Quant aux autres vannes, le Tribunal est d'avis que celles munies du dispositif de régularisation de la pression sont des combinaisons de machines au sens de la Note 3 de la Section XVI des Notes explicatives. Cela dit, le Tribunal doit, en application de ladite note, classer les marchandises selon leur «fonction principale». Cette expression n'est pas définie dans les Notes explicatives. The Concise Oxford Dictionary [8] donne la définition suivante de «principal» (principal) : «first in rank or importance» ([traduction] le premier parmi plusieurs ou le plus important). Le Tribunal déclare que la fonction la plus importante pour l'utilisateur des vannes en question est celle qui permet à l'utilisateur de prendre une douche en toute sécurité, sachant qu'il ne sera pas exposé à de brusques variations de température de l'eau causées par des changements de pression. Cette fonction est directement attribuable au dispositif de régularisation de la pression. Le Tribunal fait remarquer qu'il n'est pas nécessairement facile d'en venir à cette conclusion comme en témoigne le fait que les deux experts ont eu de la difficulté à expliquer cet aspect. Ainsi, M. Plett a déclaré qu'il s'agissait là d'une caractéristique à la fois primaire et secondaire des vannes. En répondant aux questions des membres du Tribunal, il a ajouté qu'il avait acheté une telle vanne en raison de sa capacité de régulariser la pression de l'eau pour éviter les risques de brûlure. De même, M. Givler a déclaré qu'une personne achèterait probablement une vanne munie de ce dispositif pour se protéger des brusques variations de température de l'eau pendant qu'elle se douche.

En conséquence, ayant déterminé que ces vannes ont pour fonction principale de régulariser automatiquement la pression de l'eau pour éviter les changements brusques de température de l'eau pendant l'utilisation de la douche, le Tribunal déclare que ces vannes sont en outre plus correctement classées dans le numéro tarifaire 8481.80.99 à titre d'«Autres articles de robinetterie et organes similaires [...] Autres».

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est admis.


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1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises , Conseil de coopération douanière, première édition, Bruxelles, 1986.

4. Supra , note 2, annexe I.

5. Ibid.

6. Appel n o AP-91-131, le 16 mars 1992.

7. Conseil de coopération douanière, première édition, Bruxelles, 1986.

8. Septième édition, Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 817.


Publication initiale : le 11 juin 1997