SUGI CANADA LTÉE

Décisions


SUGI CANADA LTÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel n° AP-92-013

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 17 décembre 1992

Appel n ° AP-92-013

EU ÉGARD À un appel entendu le 2 octobre 1992 conformément au paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en date du 5 février 1992 conformément à l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

SUGI CANADA LTÉE Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté.

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant a importé de la Corée quatre différents modèles de chaussures en caoutchouc imperméables faisant l'objet de conclusions de préjudice sensible rendues aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Il s'agit de déterminer si ces quatre différents modèles de chaussures constituent des nouveaux modèles pour lesquels des valeurs normales n'ont pas été établies et, le cas échéant, si le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a respecté le cadre législatif et réglementaire pour ce qui est de calculer les valeurs normales de ces produits.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le ministère du Revenu national a jugé qu'il n'y avait pas eu en Corée un nombre suffisant de ventes de marchandises similaires qui lui aurait permis de comparer les prix et d'établir la valeur normale en vertu de l'article 15 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Tel que la Loi sur les mesures spéciales d'importation le permet, la valeur normale des nouveaux modèles a été établie en vertu de l'alinéa 19b) de ladite loi et de son règlement d'application. Or, l'appelant n'a pas démontré en quoi l'intimé avait lésé ses droits. Il aurait pu en effet contester la pertinence de calculer les valeurs normales aux termes de l'article 19, plutôt qu'aux termes de l'article 15 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, mais il ne l'a pas fait. Le Tribunal est d'avis que quiconque s'estime lésé par un réexamen effectué en application de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation a le fardeau de démontrer en quoi le réexamen est mal fondé ou incorrect.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 2 octobre 1992 Date de la décision : Le 17 décembre 1992
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Michèle Blouin, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Jean-Guy Morin, pour l'appelant Rosemarie Millar, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté en vertu du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI) à la suite d'un réexamen effectu 9‚ par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) relativement à des chaussures en caoutchouc imperméables importées de la Corée faisant l'objet de conclusions de préjudice sensible rendues aux termes de la LMSI (les marchandises en question).

Le 1er août 1991, l'appelant a importé 12 432 paires de chaussures en caoutchouc imperméables de quatre différents modèles, soit les modèles NV-200, NV-210, NV-300 et NV-310. Aucun droit antidumping n'a été payé lors du dédouanement. Le 15 août 1991, à la suite d'une révision effectuée par un agent des douanes conformément à l'article 57 de la LMSI, une somme de 41 962,76 $ a été réclamée à l'appelant à titre de droits antidumping. Cette décision a été réexaminée le 15 janvier 1992, à la suite d'une demande de l'importateur qui exigeait le calcul de valeurs normales particulières pour les quatre modèles en cause. Le 5 février 1992, en vertu d'un réexamen effectué conformément à l'article 59 de la LMSI, les droits antidumping ont été fixés de façon définitive à 21 546,54 $. Le 5 mai 1992, Sugi Canada Ltée a porté cette décision en appel devant le Tribunal.

La question en litige consiste donc à déterminer si les quatre différents modèles de chaussures en caoutchouc imperméables importés par l'appelant constituent de nouveaux modèles pour lesquels des valeurs normales n'ont pas été établies et, le cas échéant, si le Sous-ministre a respecté le cadre législatif et réglementaire pour ce qui est de calculer les valeurs normales de ces produits.

Il est utile de rappeler qu'aux termes de la LMSI, les droits antidumping sont équivalents à la marge de dumping. Selon le paragraphe 2(1) de la LMSI, la marge de dumping est elle-même égale à l'excédent de la valeur normale des marchandises sur leur prix à l'exportation.

Afin de bien saisir comment est effectué, de façon administrative, le réexamen des valeurs normales, le Tribunal estime nécessaire de présenter d'abord le témoignage de M. Roger Émile Duprat appelé par l'intimé. M. Duprat est gestionnaire à la section des textiles et chaussures, Division des programmes de cotisation du ministère du Revenu national, Douanes et Accise (Revenu Canada). Son travail consiste à mener des enquêtes sur le suivi des conclusions de préjudice rendues en vertu de la LMSI ainsi qu'à déterminer les valeurs normales.

M. Duprat a expliqué que le 11 mars 1991, l'appelant a informé Revenu Canada qu'il importerait trois nouveaux modèles de marchandises en question à l'automne de la même année. Le 27 mars 1991, Revenu Canada a entrepris une révision des valeurs normales, mais, à cause de la concomitance des deux dates, Revenu Canada a décidé qu'il était trop tard pour modifier son questionnaire à l'intention des exportateurs de façon à recueillir des données sur ces nouveaux modèles. De plus, lors d'une visite de vérification en Corée le 14 mai 1991, les représentants de Revenu Canada n'ont pu obtenir de l'exportateur Chin Yang des renseignements sur les nouveaux modèles.

Le 24 juin de la même année, de nouvelles valeurs normales ont été établies pour certains modèles des marchandises en question. Quant aux autres modèles, ils se sont vu imposer une majoration de l'ordre de 31 p. 100 du prix à l'exportation, conformément à l'article 29 de la LMSI qui prévoit qu'en cas d'insuffisance ou d'inaccessibilité de renseignements nécessaires à leur calcul, la valeur normale et le prix à l'exportation de marchandises sont établis selon les modalités fixées par le ministre du Revenu national. Ce n'est qu'au mois de juillet que des renseignements concernant quatre, et non plus trois, nouveaux modèles ont été fournis à Revenu Canada. Le 1er août 1991, les quatre nouveaux modèles ont été importés. Des droits antidumping de 31 p. 100 ont été imposés puisque aucune valeur normale n'avait encore été établie à l'égard de ces modèles. Toutefois, Revenu Canada n'a pas insisté pour le paiement des droits compte tenu des circonstances particulières de l'affaire.

Au mois de décembre 1991, des représentants de Revenu Canada ont une fois de plus effectué une visite de vérification auprès de l'exportateur en Corée. Ce contrôle a permis de constater l'absence d'un nombre suffisant de ventes de marchandises similaires en Corée aux fins de la comparaison des prix et de l'établissement de la valeur normale conformément à l'article 15 de la LMSI. En effet, selon M. Duprat, pour déterminer le nombre suffisant de ventes de marchandises similaires, Revenu Canada applique généralement la règle suivante : un montant minimal de ventes dans le pays de l'exportateur équivalant à 25 p. 100 du total de ses ventes dans le marché extérieur, abstraction faite des ventes au Canada, est exigé. Comme les ventes de marchandises similaires dans le pays de l'exportateur étaient inférieures à 25 p. 100, les valeurs normales pour les quatre modèles en cause ont donc été établies sous l'empire de l'article 19 de la LMSI. Les valeurs normales ont été calculées sur la foi des renseignements concernant les quatre modèles en cause fournis par l'exportateur en juillet 1991 et vérifiés par les représentants de Revenu Canada lors de leur visite en décembre de la même année. Le prix de revient des marchandises a donc été calculé aux termes de l'alinéa 19b) de la LMSI ainsi que de l'article 11 du Règlement sur les mesures spéciales d'importation [2] . C'est donc dire qu'on a additionné au coût de production des marchandises un montant pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente, ainsi qu'un montant pour les bénéfices.

M. Duprat a expliqué en dernier lieu que le prix de revient des quatre nouveaux modèles incluait des nouveaux coûts non compris dans le prix de revient des modèles pour lesquels des valeurs normales avaient déjà été établies. Les fiches techniques des nouveaux modèles indiquaient en effet qu'aucune retaille de caoutchouc n'entrait dans la fabrication des nouveaux modèles, que ceux-ci comportaient une bourre isolante ainsi qu'un cambrion en acier destiné à donner de la fermeté à la cambrure des chaussures.

Témoignant pour le compte de l'appelant, M. Nicolas Beetz de Sugi Canada Ltée, a présenté au Tribunal différents modèles de chaussures en caoutchouc imperméables importés par l'appelant. Il a expliqué les légères différences qui existent, selon lui, entre les quatre nouveaux modèles et les anciens modèles importés par l'appelant au cours des années antérieures. La différence reposait parfois, à titre d'exemple, sur l'utilisation de suède au lieu de cuir sur la partie supérieure des chaussures. Lors du contre-interrogatoire, le témoin a admis que les quatre modèles en question étaient de nouveaux modèles dont la valeur normale n'avait pas été établie conformément à la LMSI avant leur importation.

Le Tribunal est d'avis que quiconque s'estime lésé par un réexamen effectué en application de l'article 59 de la LMSI a le fardeau de démontrer en quoi le réexamen est mal fondé ou incorrect. Dans la présente cause, l'appelant a admis que les quatre modèles de marchandises en question qu'il a importés étaient de nouveaux modèles pour lesquels des valeurs normales n'avaient pas été établies. La lettre signée par le témoin de l'appelant le 11 mars 1991 fait aussi état de nouveaux modèles que l'appelant s'apprêtait à importer. La preuve révèle clairement que ces modèles possédaient des caractéristiques qu'on ne retrouvait pas dans les échantillons présentés à titre de preuve à l'appui des arguments de l'appelant.

Revenu Canada, qui avait établi des valeurs normales particulières dans le cadre de sa révision des valeurs normales qui s'est terminée le 24 juin 1991, paraît donc justifié d'avoir procédé comme il l'a fait, c'est-à-dire d'avoir établi d'autres valeurs normales particulières, propres aux quatre nouveaux modèles. Revenu Canada a jugé qu'il n'y avait pas eu en Corée un nombre suffisant de ventes de marchandises similaires qui lui aurait permis de comparer les prix et d'établir la valeur normale en vertu de l'article 15 de la LMSI. Tel que la LMSI le permet, la valeur normale des nouveaux modèles a donc été établie en vertu de l'alinéa 19b) de la LMSI et de son règlement d'application.

Somme toute, l'appelant n'a pas démontré en quoi l'intimé avait lésé ses droits en effectuant le réexamen sur la base des nouvelles valeurs normales établies par Revenu Canada, dont les fonctionnaires, il convient de le rappeler, agissaient sous l'autorité de l'intimé conformément au paragraphe 2(9) de la LMSI. L'appelant aurait pu contester la pertinence de calculer les valeurs normales aux termes de l'article 19 plutôt qu'aux termes de l'article 15 de la LMSI, mais il ne l'a pas fait. À cet égard, il aurait pu tenter de démontrer qu'un nombre suffisant de marchandises similaires avait été vendu dans le pays d'exportation. Toutefois, l'essentiel de la contestation de l'appelant se fonde sur le fait que, selon lui, les valeurs normales établies pour lesdites marchandises ont augmenté en moyenne de 38,9 p. 100 par rapport aux valeurs normales déterminées pour des modèles qu'il estime comparables alors que le prix de vente F.A.B. de ces derniers a augmenté en moyenne de 28,3 p. 100. L'appelant estime donc que les valeurs normales sont erronées. De l'avis du Tribunal, ces arguments sont insuffisants par rapport à la preuve présentée par l'intimé, laquelle révèle que celui-ci a correctement fondé son réexamen sur la base des valeurs normales établies conformément à la LMSI.

Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal rejette l'appel.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. DORS/84-927, Gazette du Canada Partie II , vol. 118, n ° 25, le 22 novembre 1984, p. 4286.


Publication initiale : le 11 juin 1997