ARCHER'S SIGNS & TROPHIES

Décisions


ARCHER'S SIGNS & TROPHIES
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-91-261

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, lundi le 1er février 1993

Appel n o AP-91-261

EU ÉGARD À un appel entendu le 20 août 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 7 février 1992 concernant un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ARCHER'S SIGNS & TROPHIES Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Le Tribunal renvoie cette affaire à l'intimé pour qu'il détermine la valeur du remboursement qui devrait être accordé à l'appelant.


Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





La question en litige dans cet appel est de savoir si l'appelant a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire en application de l'article 120 de la Loi sur la taxe d'accise. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer : 1) si certaines marchandises figurant à l'inventaire destinées à la transformation ultérieure et à l'assemblage en produits finis donnent droit à un remboursement; 2) si les produits finis figurant à l'inventaire contenant des matériaux libérés de taxe donnent droit à un remboursement; et 3) si certaines marchandises vendues «telles quelles», quoiqu'en petite quantité et à faible fréquence, peuvent être considérées comme vendues dans le cours normal de l'entreprise de l'appelant, donnant ainsi droit à un remboursement.

DÉCISION : L'appel est admis.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 20 août 1992 Date de la décision : Le 1 er février 1993
Membres du Tribunal : Robert C. Coates, c.r., membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Michèle Blouin, membre
Avocat du Tribunal : David M. Attwater
Greffier du Tribunal : Janet Rumball
Ont comparu : William Avis, pour l'appelant Wayne D. Garnons-Williams, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi), sur la base de la documentation contenue dans le dossier du Tribunal, telle qu'elle a été complétée par les mémoires présentés par les parties. La question en litige est de savoir si l'appelant a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire en application de l'article 120 [2] de la Loi. Plus précisément, le Tribunal doit déterminer : 1) si certaines marchandises figurant à l'inventaire destinées à la transformation ultérieure et à l'assemblage en produits finis donnent droit à un remboursement; 2) si les produits finis figurant à l'inventaire contenant des matériaux libérés de taxe donnent droit à un remboursement; et 3) si certaines marchandises vendues «telles quelles», quoiqu'en petite quantité et à faible fréquence, peuvent être considérées comme vendues dans le cours normal de l'entreprise de l'appelant, donnant ainsi droit à un remboursement.

Archer's Signs & Trophies vend des affiches et des symboles graphiques en vinyle, des trophées, des prix et des cadeaux et offre des services de gravure de bijoux. L'appelant a acheté des pièces dont il s'est servi pour fabriquer des trophées, qui ont ensuite été vendus à des clients. Ce sont ces pièces qui constituent le gros de l'inventaire en cause.

Ses ventes étant inférieures à 50 000 $ par an, l'appelant était considéré comme un petit fabricant aux fins de la Loi et n'était pas tenu d'avoir une licence aux fins de la partie VI de celle-ci, soit les dispositions portant sur la taxe de consommation ou de vente. En conséquence, l'appelant devait payer de la taxe sur ses achats de matériaux, mais aucune taxe de consommation ou de vente sur les produits qu'il fabriquait ou produisait.

Le 12 mars 1991, l'appelant a demandé un remboursement de la TVF à l'inventaire en application de l'article 120 de la Loi, au montant de 1 550,98 $, à l'égard des biens figurant à l'inventaire libérés de taxe qu'il détenait au 1er janvier 1991. Dans son avis de détermination du 12 juillet 1991, le ministère du Revenu national, Douanes et Accise (Revenu Canada), a accepté la demande pour un montant de 480,49 $, refusant de rembourser le solde, soit 1 070,49 $. On a jugé que certaines marchandises ne donnaient pas droit au remboursement parce qu'elles avaient été destinées à la transformation ultérieure plutôt qu'à la vente ou à la location. D'autres n'y donnaient pas droit parce que la TVF n'avait pas été acquittée pour la pleine valeur des marchandises figurant à l'inventaire. Archer's Signs & Trophies en a appelé au Tribunal.

Aux fins de cet appel, les dispositions pertinentes de la Loi relativement au remboursement de la taxe de vente figurent au paragraphe 120(3), qui se lit comme suit :

(3) Sous réserve du présent article, dans le cas où l'inventaire d'une personne inscrite aux termes de la sous-section d de la section V de la partie IX le 1 er janvier 1991 comprend, au début de cette date, des marchandises libérées de taxe, les règles suivantes s'appliquent :

a) si les marchandises libérées de taxe ne sont pas des marchandises d'occasion, le ministre verse à la personne, sur sa demande, un remboursement en conformité avec les paragraphes (5) et (8).

Le représentant de l'appelant a fait remarquer que la TVF avait déjà été acquittée sur les marchandises pour lesquelles un remboursement a été refusé. Il jugeait déraisonnable que le gouvernement fédéral prélève sur le même produit la TVF de 13,5 p. 100 et la taxe sur les produits et services (TPS) de 7 p. 100. Par analogie, il a fait valoir que, dans les cas où un vendeur de trophées au détail était obligé d'obtenir une licence, il avait droit à un remboursement de 8 p. 100 pour les taxes acquittées sur les marchandises figurant à l'inventaire. Il ne voyait aucune différence entre cette situation et celle en cause.

L'avocat de l'intimé a allégué que les marchandises de l'appelant destinées à la transformation ultérieure de produits finis ne constituent pas de la «fourniture taxable [3] ». Ces marchandises étaient détenues par l'appelant en tant que matériaux tout prêts destinés non pas à la fourniture par vente ou location, mais bien à la fabrication, à la production ou à l'assemblage de marchandises nouvelles complètes devant être vendues par l'appelant à ses clients.

De plus, l'avocat a soutenu que les trophées déjà assemblés ne constituent pas des «marchandises libérées de taxe [4] ». Les produits finis ne représentent pas des marchandises à l'égard desquelles la TVF a été acquittée. Ils comprennent plutôt des composants ou des pièces sur lesquels la TVF a été payée. En tant que tels, ils ne donnent pas droit à un remboursement. L'avocat a en outre fait valoir que les trophées neufs n'ont pas été «acquis» par l'appelant avant 1991, mais ont été assemblés ou produits par lui à cette date ou avant.

L'avocat de l'intimé a indiqué que certains produits non finis figurant à l'inventaire de l'appelant qui devaient être vendus «tels quels», sans aucune modification de la part de ce dernier, ne donnaient pas droit au remboursement. Il a soutenu que rien ne prouve que le volume ou la fréquence des ventes en font des ventes dans le cours normal de l'entreprise de l'appelant. Les marchandises en cause ne peuvent donc être assimilées aux marchandises figurant à l'inventaire [5] . L'avocat a toutefois fait remarquer que, si le Tribunal devait déterminer qu'ils ont été vendus dans le cours normal de l'entreprise de l'appelant, ces produits donneraient vraisemblablement droit à un remboursement, en tant que marchandises libérées de taxe figurant à l'inventaire. La valeur exacte de ce remboursement devrait être déterminée au moyen d'une vérification.

Contrairement à l'intimé, le Tribunal estime que les marchandises détenues par l'appelant et pouvant être l'objet d'une transformation ultérieure, d'un assemblage, etc., avant d'être vendues constituent encore une «fourniture taxable». Le Tribunal interprète les dispositions de la Loi concernant le remboursement en fonction de l'article 12 de la Loi d'interprétation [6] , qui stipule que :

[t]out texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Le Tribunal reconnaît que les dispositions visant le remboursement de la taxe de vente à l'inventaire ont pour objet d'éviter une double imposition [7] et, en concluant que les marchandises en cause donnent droit à un remboursement, il interprète ces dispositions «de la manière la plus équitable et la plus large».

L'intimé a refusé le remboursement pour le motif que les marchandises dont la TVF avait été acquittée n'étaient pas destinées à la fourniture d'un bien ou à la prestation d'un service par voie de vente ou de location à d'autres dans le cours normal de l'entreprise de l'appelant. Elles étaient plutôt destinées à être utilisées dans la fabrication, la production ou l'assemblage de marchandises neuves complètes devant être vendues par l'appelant. Cependant, le Tribunal est d'avis que même si de telles marchandises sont destinées à être transformées, elles sont tout de même «destinées à la fourniture taxable [...] par vente». Il fonde son interprétation sur le libellé de la version française de la définition d'«inventaire», qui a été examinée de près dans l'affaire Techtouch Business Systems Ltd. c. Le ministre du Revenu national [8] .

Conformément à la décision rendue dans l'affaire Techtouch, le Tribunal reconnaît que les produits finis figurant à l'inventaire ne constituent pas des «marchandises libérées de taxe» en vertu de la Loi. La taxe a été acquittée non pas sur les trophées assemblés, mais seulement sur les composants de ceux-ci. Cependant, comme la taxe a été payée sur les composants, ou sur certains d'entre eux, le Tribunal estime que ces éléments libérés de taxe figurant à l'inventaire sont destinés à la fourniture taxable quand ils sont intégrés au produit fini. En conséquence, l'appelant est admissible à un remboursement de la taxe acquittée sur les matériaux incorporés aux produits finis figurant à l'inventaire destinés à être vendus, mais non pour la valeur intégrale des produits finis figurant à l'inventaire.

L'avocat de l'intimé a également fait valoir que les [traduction] «nouveaux trophées ont été non pas "acquis" par l'appelant avant 1991, mais plutôt assemblés ou produits par lui à cette date ou avant». Ayant conclu que les composants intégrés aux produits finis constituaient des marchandises libérées de taxe figurant à l'inventaire, le Tribunal estime qu'il n'est pas nécessaire de répondre davantage à cet argument.

Pour ce qui est des marchandises vendues «telles quelles», le Tribunal est d'avis que le volume ou la fréquence des ventes d'un produit ne détermine pas si celui-ci est vendu «dans le cours normal de l'entreprise de la personne [9] ». Dans l'affaire British Columbia Telephone Company v. Minister of National Revenue [10] , la Cour canadienne de l'impôt a examiné plusieurs décisions judiciaires sur ce qui constitue une opération effectuée dans le cours normal d'une activité. Pour n'en reprendre qu'une, citons la décision de la Haute Cour d'Australie, où le juge Rich a déclaré que, pour qu'une opération soit réputée avoir été effectuée dans le cours normal d'une activité, elle [traduction] «doit s'intégrer au déroulement des affaires courantes; elle ne doit nécessiter aucune attention spéciale ni être issue d'une situation particulière [11] ». Le Tribunal estime que, si le bien est destiné à la vente et s'intègre aux activités courantes de l'appelant, alors, quelque soit le volume ou la fréquence des ventes, ce bien est vendu dans le cours normal de l'entreprise. En tant que tel, il donnerait droit au remboursement qui a été refusé.

En conséquence, l'appel est admis. Le Tribunal conclut que tous les composants figurant à l'inventaire détenus par l'appelant soit «comme tels», soit comme pièces de produits finis, correspondent aux dispositions de l'article 120 de la Loi. Le Tribunal renvoie cette affaire à l'intimé pour qu'il détermine la valeur du remboursement qui devrait être accordé à l'appelant.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 120.

3. L'expression «fourniture taxable» s'entend d'une «[f]ourniture, sauf une fourniture exonérée, effectuée dans le cadre d'une activité commerciale». Le terme «fourniture» désigne la «livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation».

4. L'expression «marchandises libérées de taxe» comprend, aux fins de cet appel, les «[m]archandises, acquises par une personne avant 1991 [...] relativement auxquelles la taxe imposée par le paragraphe 50(1) [de la Loi] [...] est payée [...] et qui sont [...] des marchandises neuves».

5. L'«inventaire» d'une personne à un moment donné désigne, d'après la définition du paragraphe 120(1) de la Loi, l'«État descriptif des marchandises libérées de taxe [...] qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, [...] a) sont destinées à la fourniture taxable [...] par vente ou location à d'autres dans le cours normal de l'entreprise de la personne » [soulignement ajouté].

6. L.R.C. (1985), ch. I-21.

7. Voir, par exemple, Taxe sur les produits et services : document technique daté du 8 août 1989, dans lequel le ministre des Finances a déclaré que, pour éviter la double imposition de marchandises à l'égard desquelles la taxe de vente fédérale a été acquittée, des remboursements seraient versés pour la taxe déjà payée. Voir aussi le document intitulé La taxe sur les produits et services, qui a été déposé à la Chambre des communes le 19 décembre 1989 et dans lequel le ministre des Finances a fait remarquer que des remboursements seraient versés aux entreprises détenant des marchandises figurant à l'inventaire, et ce, pour éviter la double imposition de ces marchandises.

8. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-91-206, le 18 septembre 1992.

9. Supra, note 5.

10. [1986] 1 C.T.C. 2410.

11. Downs Distributing Co. Pty., Ltd. v. Associated Blue Star Stores Pty., Ltd. (In liquidation) (1948), 76 C.L.R. 463 à la p. 477.


Publication initiale : le 3 juillet 1997