RUTHERFORD AUTO SALES LTD.

Décisions


RUTHERFORD AUTO SALES LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-057

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 5 mai 1993

Appel n o AP-92-057

EU ÉGARD À un appel entendu le 7 décembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 mars 1992 au sujet d'un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

RUTHERFORD AUTO SALES LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant, un concessionnaire de l'Île de Vancouver, oeuvre dans le domaine de la vente d'automobiles. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les voitures utilisées par l'appelant comme voitures d'essai de conduite le 1 er janvier 1991 répondent aux conditions énoncées aux paragraphes 120(1) et 120(3) de la Loi sur la taxe d'accise et, partant, donnent droit au remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire. Le Tribunal doit notamment déterminer s'il s'agit de «marchandises neuves qui n'ont jamais servi» au sens de ces dispositions.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que toutes les conditions relatives au remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire ont été remplies. Il conclut notamment que les voitures en question sont des voitures «neuves» qui n'ont jamais servi.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 7 décembre 1992 Date de la décision : Le 5 mai 1993
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Robert C. Coates, c.r. membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Gordon E. Heys, pour l'appelant Linda J. Wall, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi). L'appelant, un concessionnaire de l'Île de Vancouver, oeuvre dans le domaine de la vente d'automobiles. Il n'était pas un fabricant titulaire d'une licence pour l'application de la taxe de vente fédérale (la TVF), mais, depuis le 1er janvier 1991, il est un inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services (la TPS).

Le 24 janvier 1991, l'appelant a demandé un remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire (le remboursement) de 54 160,68 $ relativement à des marchandises libérées de taxe figurant à l'inventaire au 1er janvier 1991. Le 3 mai 1991, l'intimé a établi un avis de détermination rejetant partiellement la demande de l'appelant. Le montant refusé, soit 6 618,26 $ au total, se rapportait à cinq voitures que l'appelant a utilisées comme voitures d'essai de conduite pendant 4 à 16 mois. L'avis indiquait que l'intimé ne considérait pas ces voitures comme des «marchandises neuves qui n'ont jamais servi». Le 12 juin 1991, l'appelant s'est opposé à la détermination. Par un avis de décision daté du 30 mars 1992, l'intimé a ratifié la détermination.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les voitures utilisées par l'appelant comme voitures d'essai de conduite le 1er janvier 1991 répondent aux conditions énoncées aux paragraphes 120(1) et 120(3) de la Loi [2] et, partant, donnent droit au remboursement. Le Tribunal doit notamment déterminer s'il s'agit de «marchandises neuves qui n'ont jamais servi» au sens de ces dispositions.

L'appelant était représenté par le président de la société, M. Gordon E. Heys. Dans son témoignage, M. Heys a commencé par expliquer comment l'appelant utilisait les voitures en cause dans l'exploitation de son entreprise. Il a mentionné que, contrairement à de nombreux autres concessionnaires, il ne fournit pas de voitures de la société aux vendeurs pour qu'ils emmènent les clients éventuels faire un essai de conduite. Ses vendeurs utilisent plutôt à cette fin des voitures provenant de l'inventaire de voitures neuves de la société. Ainsi, a déclaré M. Heys, toutes ses voitures neuves ne voient pas leur kilométrage augmenter, et elles sont vendues comme des voitures neuves. Il a également mentionné qu'à l'époque en question, il utilisait pour les essais de conduite cinq voitures neuves, soit une de chaque modèle. Il a fait remarquer que ses vendeurs conduisent leur propre voiture et reçoivent de l'appelant une indemnité pour l'usage de leur voiture personnelle.

M. Heys a ensuite expliqué ce qu'il entendait par voiture «neuve». Il a déclaré que toutes les voitures neuves arrivent du fabricant avec un formulaire intitulé «description du véhicule neuf» (DVN). Lorsqu'une voiture est vendue, ce formulaire est rempli par le concessionnaire et envoyé au fabricant. C'est à ce stade que le fabricant applique la garantie sur la voiture neuve. Le bureau provincial d'immatriculation des véhicules automobiles utilise aussi ce formulaire pour enregistrer le véhicule au nom du nouveau propriétaire. M. Heys a souligné que les voitures en cause n'avaient pas été immatriculées avant d'être vendues à un de ses clients et qu'elles ont été vendues en tant que voitures neuves, comme en fait foi le formulaire DVN pertinent qui a été rempli au nom de l'acheteur.

Au sujet de l'introduction de la TPS, M. Heys a témoigné qu'au 1er janvier 1991, l'appelant avait dressé la liste de toutes ses voitures «neuves» en stock et que toutes ces voitures n'avaient «jamais servi» en ce sens qu'elles n'étaient pas immatriculées. Il a en outre observé que l'appelant n'avait pas inscrit les voitures comme biens en immobilisation, ce qui les aurait rendues inadmissibles au remboursement, et n'avait pas non plus demandé de déduction pour amortissement à l'égard de ces voitures.

Enfin, pour ce qui est du kilométrage des voitures en cause, M. Heys a fait remarquer que le nombre de kilomètres indiqué dans les documents de l'intimé était fondé sur une vérification effectuée le 15 avril 1991, ce qui ne correspondait donc pas au kilométrage réel de ces voitures le 1er janvier 1991.

Lors du contre-interrogatoire, M. Heys a déclaré que toutes les voitures sont vendues moyennant une remise quelconque; le prix final est donc le résultat de la négociation entre les parties. Il a également confirmé qu'il n'avait pas de dossier sur le kilométrage des voitures au 1er janvier 1991 et que les voitures en cause avaient été à l'inventaire pendant 4 à 16 mois. En réponse aux questions du Tribunal, M. Heys a dit qu'il ne savait pas si les cinq voitures utilisées pour les essais de conduite le 1er janvier 1991 étaient les mêmes que celles qui ont fait l'objet de la vérification plus tard. M. Heys a confirmé qu'en utilisant une voiture neuve non immatriculée, l'appelant n'était pas protégé par la garantie et que la garantie-kilométrage portant sur une voiture employée pour les essais de conduite n'était pas prolongée de manière à compenser le kilométrage existant au moment de la vente. Il a en outre expliqué ce qu'il entendait par la «vente d'une voiture d'occasion», soit la vente d'une voiture déjà immatriculée et n'ayant pas donné lieu à l'échange d'un formulaire DVN, car celui-ci n'était échangé qu'au moment de la vente initiale du véhicule au premier propriétaire.

Dans sa plaidoirie, le représentant de l'appelant a déclaré que les voitures en cause avaient été achetées en tant que voitures neuves, lors d'opérations dans lesquelles le titre de propriété des voitures a été échangé pour la première fois. Interrogé à ce sujet, il a répondu que la taxe acquittée sur ces voitures n'était pas recouvrable aux termes de l'alinéa 120(3)b) de la Loi car cet alinéa vise des «marchandises d'occasion», et les voitures en cause étaient des voitures «neuves». De plus, le représentant de l'appelant a allégué que les voitures en cause étaient conformes au Mémorandum sur la TPS 900 [3] qui détermine, en partie, quelles marchandises donnent droit au remboursement selon les règles du ministère du Revenu national. Enfin, il a ajouté que la Loi ne précise pas à combien de kilomètres ou milles un véhicule neuf devient un véhicule d'occasion.

L'avocate de l'intimé a amorcé sa plaidoirie en alléguant que l'appelant semblait avoir satisfait à toutes les conditions donnant droit à l'exonération qu'il demandait, sauf pour ce qui est de l'exigence voulant que les marchandises n'aient «jamais servi». Elle a fait valoir que l'appelant n'avait pas prouvé que les voitures n'avaient jamais servi. À l'appui de cette thèse, elle a attiré l'attention sur le nombre de kilomètres accumulés dans le cas de chacune des voitures en cause et la période d'utilisation de chaque voiture. En ce qui a trait au nombre de kilomètres, elle a soutenu que le Tribunal devrait considérer le kilométrage établi dans la vérification de l'intimé comme le meilleur élément de preuve à cet égard. Elle a fait remarquer que l'appelant n'avait présenté aucun dossier ou autre élément de preuve montrant que les voitures en cause avaient tel nombre de kilomètres au 1er janvier 1991. Quant à la question de la période d'utilisation, l'avocate de l'intimé a rappelé que l'appelant avait admis que ces voitures avaient été utilisées pendant 4 à 16 mois. Elle a conclu qu'à la lumière de cet élément de preuve, aucune interprétation des termes «qui n'ont jamais servi» ne pourrait permettre de considérer les véhicules en cause comme des véhicules n'ayant jamais servi.

L'avocate de l'intimé a en outre allégué que le Tribunal ne pouvait pas soustraire les voitures en cause à une enquête en se fondant sur la façon dont un concessionnaire, un fabricant ou un client considère de telles voitures. Elle a laissé entendre que, même si le témoin de l'appelant ne l'admettrait pas, le fait que le fabricant ne reprendrait pas un véhicule ayant plus de 100 kilomètres montre qu'il ne considère plus ce dernier comme un véhicule neuf. Enfin, elle a signalé au Tribunal la possibilité que l'appelant ait droit au crédit de taxe sur intrants concernant des marchandises d'occasion aux termes de l'alinéa 120(3)b) de la Loi, pour montrer que la Loi tient tout de même compte des marchandises d'occasion dans la Loi.

Pour que les voitures en cause donnent droit au remboursement, elles doivent répondre à toutes les exigences suivantes, prévues aux paragraphes 120(1) et 120(3) de la Loi :

a) elles ne doivent jamais avoir été radiées des livres comptables de l'entreprise de l'appelant pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu;

b) elles doivent être neuves et n'avoir jamais servi;

c) la taxe de vente fédérale applicable doit avoir été payée et ne serait pas autrement recouvrable;

d) elles doivent être décrites dans l'inventaire de l'appelant au 1er janvier 1991;

e) elles doivent être destinées à la fourniture taxable (au sens du paragraphe 123(1) de la Loi) par vente ou location à d'autres dans le cours normal de l'entreprise;

f) elles ne doivent pas être des immobilisations de l'appelant.

Le Tribunal est d'avis que l'appelant a montré que chacune de ces conditions a été remplie. L'appelant a fourni des éléments de preuve irréfutables qui permettraient de répondre aux exigences a), d), e) et f), et ces éléments de preuve sont acceptés par le Tribunal. Pour ce qui est de la condition c), l'avocate de l'intimé a soulevé la possibilité que l'appelant puisse avoir droit à un crédit de taxe sur intrants aux termes de l'alinéa 120(3)b) de la Loi, bien qu'elle ait observé qu'elle ne pourrait pas dire si les voitures en cause étaient visées par cette disposition. Interrogé à ce sujet, M. Heys a répondu que les voitures de l'appelant ne donneraient pas droit à ce crédit, car elles n'ont pas été acquises par l'appelant comme marchandises «d'occasion», mais plutôt comme voitures neuves. Le Tribunal renvoie à la distinction entre «marchandises d'occasion» et «marchandises neuves qui n'ont jamais servi» figurant au paragraphe 120(1) de la Loi. Ayant conclu que les voitures en cause ne sont pas des «marchandises d'occasion», mais plutôt des «marchandises neuves qui n'ont jamais servi», le Tribunal n'est pas convaincu que la TVF payée sur ces voitures est autrement recouvrable.

Cela amène le Tribunal à la dernière condition, à savoir que les voitures doivent être des «marchandises neuves qui n'ont jamais servi». Comme il a été dit précédemment, c'est la seule exigence à l'égard de laquelle l'avocate de l'intimé a vraiment manifesté une opposition. Le Tribunal est d'avis que les voitures sont manifestement des «marchandises neuves» en ce sens qu'elles ont été vendues avec le formulaire DVN, ce qui indique que le titre de propriété de chaque voiture n'avait pas déjà été transféré avant la vente pertinente et l'enregistrement ultérieur du formulaire. Quant à la question de savoir si les voitures sont des marchandises neuves «qui n'ont jamais servi», le Tribunal fait remarquer que ces termes ne doivent pas avoir le même sens que les termes «marchandises d'occasion» qui figurent à un alinéa distinct dans la définition pertinente donnée au paragraphe 120(1) de la Loi. Le Tribunal est d'avis que les termes «qui n'ont jamais servi» régissent l'expression «marchandises neuves», en ce sens qu'il faut que les voitures en cause soient des voitures neuves «qui n'ont jamais servi». Étant donné qu'elles ont été vendues en tant que voitures neuves par l'appelant, elles étaient des voitures neuves qui n'avaient jamais servi à l'époque pertinente, et la condition est donc remplie.

En conséquence, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12.

3. Remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire , Ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 25 mars 1991.


Publication initiale : le 12 juin 1997