ELECTRA SUPPLY INC.

Décisions


ELECTRA SUPPLY INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-042

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 4 mai 1993

Appel n o AP-92-042

EU ÉGARD À un appel entendu le 4 février 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 20 mars 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ELECTRA SUPPLY INC. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Deux questions se posent dans le présent appel. La première question consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour entendre les causes liées à l'application d'une concession administrative, en l'espèce, la méthode de l'escompte général exposée dans le Mémorandum de l'Accise ET 201 qui permet aux grossistes de calculer et de rendre compte de la taxe de vente en utilisant un exposé de leur compte d'exploitation reconstitué couvrant chacune des deux années financières précédentes. La deuxième question, à supposer que le Tribunal possède la compétence ci - dessus, consiste à déterminer si la cotisation est erronée.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Dans un appel interjeté à l'égard d'une cotisation établie aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, le Tribunal n'a pas compétence pour examiner le geste posé par un contribuable en changeant, relativement à une concession administrative, la norme applicable énoncée par le ministère du Revenu national. Quant aux allégations de l'appelant selon lesquelles la cotisation était fondée de façon erronée sur une valeur que ne prévoit pas la Loi sur la taxe d'accise, elles sont simplement dénuées de fondements factuels ou de preuves.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 4 février 1993 Date de la décision : Le 4 mai 1993
Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant Charles A. Gracey, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : David Fulton, pour l'appelant Linda J. Wall, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation qui a été confirmée par le ministre du Revenu national (le Ministre).

Le 23 mai 1991, une cotisation d'un montant total de 64 194,26 $, y compris la taxe impayée, les intérêts et la pénalité, a été établie à l'égard de l'appelant. Le 12 juin 1991, l'appelant a signifié un avis d'opposition relativement à la cotisation, dans lequel il plaidait que la méthode de calculer l'obligation fiscale des grossistes relativement à la taxe de vente telle qu'énoncée dans le Mémorandum de l'Accise ET 201 [2] (le Mémorandum ET 201) était biaisée en faveur du ministère du Revenu national (Revenu Canada) et que, selon cette méthode, un montant plus important que celui qui est prévu par la Loi a été remis à Revenu Canada. Le 20 mars 1992, le Ministre a confirmé la cotisation.

Deux questions se posent dans le présent appel. La première question consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour entendre les causes liées à l'application d'une concession administrative, en l'espèce, la méthode de l'escompte général exposée dans le Mémorandum ET 201 qui permet aux grossistes de calculer et de rendre compte de la taxe de vente en utilisant un exposé de leur compte d'exploitation reconstitué couvrant chacune des deux années financières précédentes. La deuxième question, à supposer que le Tribunal possède la compétence ci-dessus, consiste à déterminer si la cotisation a été fondée de façon erronée sur une valeur que ne prévoit pas la Loi.

Dans son mémoire, l'appelant a soutenu que la méthode exposée dans le Mémorandum ET 201 ne permettait pas de produire un état exact du coût ou de la valeur à l'acquitté et a soutenu que, comme le Mémorandum ET 201 n'était pas réglementaire, il avait le droit de suivre des lignes directrices acceptables à Revenu Canada pour calculer son obligation fiscale relativement à la taxe de vente. Lors de l'audience, le représentant de l'appelant, M. David Fulton, a expliqué également que la méthode de l'escompte général donnait lieu à une cotisation de la taxe de vente supérieure à celle qui était obtenue par la méthode du coût direct, c'est-à-dire la méthode prévue par la Loi. Il a également soutenu que la cotisation était erronée, car elle utilisait une valeur établie conformément à un mémorandum non réglementaire plutôt qu'en fonction des termes de la Loi.

L'intimé a plaidé que, selon la décision rendue par le Tribunal dans la cause Artec Design Inc. c. Le ministre du Revenu national [3] , l'application d'une politique ou d'une concession administrative, telle que la méthode de l'escompte général, est une question qui ne relève pas des compétences du Tribunal. L'intimé a soutenu en outre qu'au cas où le Tribunal estimerait qu'il a compétence, l'appelant n'a pas prouvé qu'il aurait dû être exonéré de l'imposition de la taxe conformément à la loi.

Comme il fallait d'abord régler la question de la compétence, le Tribunal s'est penché sur la décision Artec Design, ainsi que sur trois autres décisions qu'il a rendues sensiblement au même moment [4] . De l'avis du Tribunal, ces quatre causes portaient sur des situations où une personne avait payé la taxe de vente en fonction d'une valeur prévue par la Loi et, par conséquent, ne pouvait obtenir un remboursement de la taxe de vente payée par erreur, puisque le Tribunal n'a pas compétence pour autoriser l'utilisation d'une autre valeur que l'appelant, en d'autres circonstances, aurait pu utiliser dans le cadre d'une concession administrative ministérielle.

Plus récemment, dans la cause Brandon Forest Products Ltd. c. Le ministre du Revenu national [5] , le Tribunal a dû se pencher de nouveau sur cette question des compétences en ce qui a trait à une concession administrative ministérielle. Il était question dans cette cause d'un contribuable à l'égard duquel avait été établie une cotisation et qui demandait à se prévaloir d'une valeur énoncée dans un mémorandum non réglementaire tel que celui qui est en cause ici. Dans ses motifs de la décision, le Tribunal a établi une distinction avec la cause Artec Design, ainsi qu'avec les autres causes de même objet, dans les termes suivants :

Les appels susmentionnés présentent d'importantes différences par rapport à la présente cause. Premièrement, le présent appel porte sur une cotisation, alors que les précédents visaient des demandes de remboursement de la taxe de vente en vertu de l'article 68 de la Loi. En outre, dans le cadre des autres appels, où les appelants, ayant payé la taxe selon les dispositions de la Loi, se fondaient sur les mesures non législatives du Mémorandum [Mémorandum de l'Accise ET 202] pour obtenir un remboursement de taxe de vente, le Tribunal devait statuer sur la question de la taxe payée par erreur [6] .

Le Tribunal remarque qu'en établissant une distinction avec la cause Artec Design sur la base qu'une cotisation avait été établie à l'égard de l'appelant, le Tribunal s'est fondé également sur le fait que la cotisation, l'avis d'opposition et l'avis de décision faisaient référence à la valeur énoncée dans le Mémorandum de l'Accise ET 202 [7] et qu'il était indiqué qu'il pouvait être appelé de la cotisation auprès du Tribunal. Le Tribunal a conclu alors que, dûment saisi de l'appel interjeté à l'égard d'une cotisation, il avait compétence pour entendre la cause sur le fond. À cette fin, le Tribunal déclarait :

[S]i un contribuable soutient qu'il répond parfaitement aux conditions des allégements prévus par un mémorandum que le ministère [...] utilise afin de percevoir la taxe de vente en vertu de la Loi, il n'y a aucune raison pour que le Tribunal refuse d'entendre l'appel et, s'il donne raison à l'appelant, pour qu'il ne réfère pas le tout au Ministre pour réexamen conformément à l'alinéa 81.27(1)b) de la Loi [8] .

Le Tribunal reconnaissait néanmoins les limites de sa compétence en la matière. Ainsi, il concluait que la situation sur laquelle il devait statuer

[différait] de celle où l'appelant demanderait au Tribunal de modifier la norme applicable énoncée dans une telle politique, ce que le Tribunal ne peut manifestement pas faire [Voir Brigham Pipes Limited c. Le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 91 - 078, le 6 juillet 1992] [9] .

Le Tribunal conclut que la cause de l'appelant entre dans cette dernière catégorie d'appels, car l'appelant a demandé au Tribunal de modifier la norme applicable énoncée dans la politique. De fait, l'appelant a admis qu'il avait constaté que la méthode énoncée dans le Mémorandum ET 201 n'avait pas produit un état exact du coût ou de la valeur à l'acquitté et qu'il estimait donc que, comme le Mémorandum ET 201 n'était pas réglementaire, il avait le droit de suivre des lignes directrices acceptables à Revenu Canada. Il ne fait pas de doute que, tel qu'il est indiqué dans les décisions rendues par le Tribunal dans les causes Brandon Forest et Brigham Pipes, le Tribunal n'a pas compétence, lorsqu'un appel est interjeté à l'égard d'une cotisation établie aux termes de la Loi, pour examiner le geste posé par un contribuable en changeant la méthode de calcul applicable énoncée par Revenu Canada dans un mémorandum de l'Accise qui octroie une concession administrative ou qui rend plus facile le calcul, par le contribuable, de son obligation fiscale relativement à la taxe de vente.

Ceci étant dit, l'appelant a également allégué que la cotisation était erronée, pour la raison qu'elle était fondée sur la valeur énoncée dans le Mémorandum ET 201 plutôt que sur les termes de la Loi. Il est clair qu'une cotisation doit être fondée sur la Loi, comme le prévoit le paragraphe 81.1(1) qui se lit comme suit :

Le ministre peut, à l'égard de toute matière, établir une cotisation pour une personne au titre de la taxe, de la pénalité, des intérêts ou d'une autre somme payable par cette personne sous le régime de la présente loi et peut, malgré toute cotisation antérieure portant, en totalité ou en partie, sur la même matière, établir des cotisations supplémentaires, selon les circonstances.

(Soulignement ajouté)

Dans la présente cause, cependant, l'appelant a omis de prouver les faits qui auraient pu appuyer ses allégations. Dans la cause A.S. 4 Steel Industries Ltd. c. Le ministre du Revenu national [10] , le Tribunal s'est reporté à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans la cause Roderick W. S. Johnston v. The Minister of National Revenue [11] pour expliquer le besoin, pour un appelant, de prouver les faits sur lesquels il entend se fonder :

Dans la cause Johnston, la Cour suprême devait entendre un appel en vertu de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu [R.S.C., 1927, ch. 97], qui prévoyait une démarche très semblable à la procédure d'appel régissant la présente cause. Pour déterminer s'il incombait à l'appelant de faire la preuve que les faits sur lesquels la cotisation était fondée étaient incorrects, la Cour a déclaré que :

Bien qu'elle soit considérée au paragraphe 63(2) comme une action assujettie à un procès ou à une audience, la procédure représente un appel à l'égard de la taxe; vu que la taxe dépend de certains faits et de certaines dispositions de la loi, il y a contestation de ces faits ou de l'application de la loi. Chaque fait établi ou supposé par le cotisant ou par le Ministre doit être accepté dans la forme où il a été examiné par ces personnes, à moins qu'il ne soit mis en doute par l'appelant. Si le contribuable cité avait eu l'intention de contester le fait qu'il assumait la charge de son épouse aux termes du Règlement mentionné, il aurait dû le préciser dans son plaidoyer et il aurait eu la charge, comme tout autre appelant, de prouver que la conclusion ci - après n'est pas justifiée. À cette fin, il pourrait soumettre à la Cour des éléments de preuve malgré le fait que ces derniers n'ont pas été soumis au cotisant ou au Ministre, mais il lui incombait de réfuter le fait sur lequel la taxe était fondée.

(Soulignement ajouté) [12]

Il incombait donc à l'appelant de démontrer que la cotisation s'appuyait incorrectement sur une valeur que la Loi ne prévoit pas. Dans la présente cause, cependant, de simples allégations ne suffisent pas pour réfuter une cotisation qui doit être réputée fondée sur la Loi jusqu'à ce que la preuve du contraire soit présentée au Tribunal.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. Grossistes titulaires de licence , ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 1 er décembre 1975 (révisé le 29 septembre 1989).

3. Appel n o AP - 90 - 117, le 2 mars 1992.

4. Seine River Cabinets Ltd. c. Le ministre du Revenu national , appel n o AP - 90 - 118, le 2 mars 1992; Imperial Cabinet (1980) Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu national , appel n o AP - 91 - 045, le 2 mars 1992; et Hyalin International (1986) Inc. c. Le ministre du Revenu national , appel n o AP - 89 - 013, le 10 mars 1992.

5. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 91 - 256, le 1 er décembre 1992.

6. Ibid. à la p. 2.

7. Valeurs imposables , ministère du Revenu national, Accise, le 1 er avril 1973.

8. Supra , note 5 à la p. 3.

9. Supra , note 5 à la p. 3.

10. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o AP - 89 - 132, le 11 juin 1992.

11. [1948] R.C.S. 486.

12. Supra , note 10 à la p. 3.


Publication initiale : le 11 juin 1997