INTEG SERVICES LTD.

Décisions


INTEG SERVICES LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-044

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 9 février 1993

Appel n o AP-92-044

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 octobre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 13 mars 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

INTEG SERVICES LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté.

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel a pour but d'établir si l'appelant a droit, aux termes de l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise, au remboursement de la taxe de vente fédérale qu'il a payée à l'égard de produits de papier et de produits de nettoyage qui ont été prétendument vendus à un acheteur exempté, le Bonnyville Health Centre, un hôpital public certifié. Plus précisément, il convient de déterminer si les produits ont été vendus à ce centre et, dans l'affirmative, si ce dernier les a achetés pour son usage exclusif et pour les utiliser de façon exclusive et si, par conséquent, il s'agit d'une vente à un acheteur exempté.

DÉCISION : L'appel est rejeté. L'appelant a utilisé les produits précités pour exécuter son contrat de services de gestion avec le Bonnyville Health Centre. Le Tribunal ne peut donc pas affirmer qu'il a vendu les produits à un acheteur exempté. En conséquence, l'appelant n'a pas droit au remboursement prévu à l'article 68.2 de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Edmonton (Alberta) Date de l'audience : Le 21 octobre 1992 Date de la décision : Le 9 février 1993
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Don Jerchel, pour l'appelant Linda Wall, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue le 13 mars 1992 par le ministre du Revenu national (le Ministre) qui avait pour effet de confirmer la détermination du Ministre du 25 mars 1991 et de rejeter la demande de remboursement de l'appelant.

Le Tribunal doit donc déterminer si l'appelant a droit, aux termes de l'article 68.2 de la Loi, au remboursement de la taxe de vente fédérale qu'il a payée à l'égard de produits de papier et de produits de nettoyage (les produits) qui ont été prétendument vendus à un acheteur exempté, le Bonnyville Health Centre (Bonnyville), un hôpital public certifié. Plus précisément, il convient de déterminer si les produits ont été vendus à Bonnyville et, dans l'affirmative, si ce dernier les a achetés pour son usage exclusif et pour les utiliser de façon exclusive et si, par conséquent, il s'agit d'une vente à un acheteur exempté.

L'appelant se fonde sur le paragraphe 51(1) de la Loi, qui exclut de la taxe de vente fédérale les marchandises vendues ou importées énoncées à l'annexe III de la Loi. L'article 2 de la partie VIII de l'annexe III de la Loi exclut les marchandises suivantes :

Articles et matières à l'usage exclusif d'un hôpital public régulier, certifié comme tel par le ministère de la Santé nationale et du Bien - être social, lorsqu'ils sont achetés de bonne foi pour être utilisés exclusivement par cet hôpital, et non pour être revendus.

L'appelant soutient qu'il a vendu les produits à Bonnyville, qui est un hôpital certifié, ce qui le rend admissible à l'exemption. Comme il a payé la taxe de vente fédérale lorsqu'il a acheté les produits, il devrait maintenant avoir droit au remboursement des sommes payées, comme le prévoit l'article 68.2 de la Loi, dont voici le libellé :

Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III ou VI à l'égard de marchandises et que subséquemment les marchandises sont vendues à un acheteur en des circonstances qui, à cause de la nature de cet acheteur ou de l'utilisation qui sera faite de ces marchandises ou de ces deux éléments, auraient rendu la vente à cet acheteur exempte ou exonérée de cette taxe aux termes du paragraphe [...] 51(1) [...], une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à la personne qui a vendu les marchandises à cet acheteur.

M. Don Jerchel, d'Intenberg, Anderson & Associates Ltd., a comparu comme représentant de l'appelant et a témoigné en son nom. Il a décrit Integ Services Ltd. (Integ) comme un cabinet de gestionnaires et d'experts-conseils professionnels qui a offert des services experts de gestion dans le cadre du programme des services alimentaires de Bonnyville. Il a déclaré que l'entente conclue par Integ et Bonnyville (l'entente) remonte à 1981, sous forme d'une proposition préparée pour le compte du St. Louis Hospital, que ce dernier a d'ailleurs acceptée. En 1986, le St. Louis Hospital et le Duclos Hospital ont fusionné pour constituer Bonnyville et l'entente a été maintenue. M. Jerchel a ensuite ajouté qu'aux termes de l'entente avec l'appelant, Bonnyville [traduction] «a eu recours aux services d'Integ Services Ltd. pour mettre en oeuvre, maintenir et gérer le budget d'exploitation à l'égard de ses services alimentaires». Pour ce qui est des produits, il a affirmé que [traduction] «aux termes de l'entente, Integ Services Ltd. a acheté des produits de papier et des produits de nettoyage commandés par l'hôpital (Bonnyville) et que les stocks sont entreposés à l'hôpital».

Au cours du contre-interrogatoire mené par l'avocate de l'intimé, M. Jerchel a reconnu que l'entente visait essentiellement à fournir des services de gestion.

M. Jerchel a également décrit les fonctions de la personne engagée par Integ pour gérer le programme des services alimentaires. Cette personne était chargée d'engager, de surveiller et de diriger le personnel affecté aux services alimentaires du centre Bonnyville, ainsi que de répartir le travail; les décisions définitives étaient prises par la direction de Bonnyville. Dans le cadre de ces fonctions, le gestionnaire commandait les produits à être utilisés par le personnel de l'hôpital dans l'exercice de ses fonctions. Les produits commandés étaient livrés au centre Bonnyville et y étaient conservés par Integ. Les fournisseurs facturaient Integ en passant par Bonnyville, après quoi le gestionnaire établissait les factures et les expédiait au siège social d'Integ, où elles étaient utilisées pour préparer un relevé mensuel précisant le coût détaillé des aliments, de la main-d'oeuvre, des produits et de l'administration pour la période comptable à l'étude. À partir de ce relevé, Integ facturait Bonnyville. M. Jerchel a déposé la pièce A-1, un échantillon de facture datée du 30 avril 1989 qu'Integ a fait parvenir à l'administrateur de Bonnyville, M. Simon Dallaire. Voici un extrait des éléments pertinents de cette facture :

Services de gestion : Coût des aliments 9 731,39$ Frais d'exploitation 1 112,68 Traitements des gestionnaires 5 032,59 Autres dépenses 90,66 Revenu d'INTEG 661,84 Frais d'administration 1 654,61 TOTAL 18 283,77$

[traduction]

M. Jerchel a fait valoir que cette facture constitue la preuve de la vente des produits à Bonnyville.

L'appelant a soutenu que la nature de l'entente ne permet pas de déterminer avec précision s'il y a vraiment eu vente de produits. M. Jerchel a prétendu qu'Integ a acheté les marchandises, non pas dans le cadre de l'exécution de l'entente, mais pour les revendre à Bonnyville qui les confierait à ses employés pour leur permettre d'exercer leurs fonctions.

M. Jerchel a ajouté que Bonnyville aurait eu droit à l'exemption de la taxe de vente fédérale s'il avait lui-même acheté les produits et, qu'en conséquence, il ne doit pas être privé de cette exemption simplement parce qu'il a retenu les services d'une société de gestion.

L'avocate de l'intimé a prétendu essentiellement qu'il n'y avait pas d'entente ou de consensus sur la même chose entre l'appelant et Bonnyville en ce qui a trait à la vente des produits à titre de marchandises ou de possessions et, par conséquent, pas d'achat de produits par Bonnyville, comme le prétend l'appelant. Elle a fait remarquer qu'il n'existe aucune preuve de contrat entre l'appelant et Bonnyville à l'égard de la passation des titres rattachés aux produits. Elle a soutenu par ailleurs que même si l'on parvenait à déterminer que les produits ont été transmis par l'appelant à Bonnyville, cette transmission de titres est purement accessoire ou fortuite et n'est pas véritablement liée à la prestation de services de gestion aux termes de l'entente.

L'avocate de l'intimé s'est reportée à la signification de l'expression «contract of sale» (contrat de vente) aux termes de la Sale of Goods Act de l'Alberta [2] . Le paragraphe 3(1) de cette loi prévoit que «[a] contract of sale of goods is a contract whereby the seller transfers or agrees to transfer the property in goods to the buyer for a money consideration called the price» ([traduction] un contrat de vente de marchandises est un marché en vertu duquel le vendeur transfère ou convient de transférer la propriété des marchandises à l'acheteur en contrepartie d'une somme d'argent appelée prix). L'avocate a invoqué ensuite le critère permettant de déterminer si un contrat prévoit la vente de marchandises, comme l'a précisé la Cour d'appel de la Saskatchewan dans la cause The Preload Company of Canada Ltd. v. City of Regina [3] . Dans cette cause, la Cour a statué que :

Whether a contract is one for the sale of goods, or is one for work and wages depends upon the essential character of the agreement.

([traduction] C'est la nature proprement dite de l'entente qui détermine si le contrat porte sur la vente de marchandises ou sur l'exécution de travaux et sur la rémunération.)

L'avocate de l'intimé a soutenu que l'examen de la preuve mène invariablement à la conclusion que le rapport entre l'appelant et Bonnyville laisse à supposer qu'il y avait contrat de service dont l'élément principal, du point de vue de Bonnyville, résidait dans la prestation de services de gestion et, évidemment, la fourniture de produits.

L'avocate de l'intimé a fait remarquer qu'aux pages 22 et 23 de l'entente, il est prévu que, s'il y a prise de contrôle, il faudra exécuter un relevé des produits et qu'Integ devra acheter les stocks à Bonnyville. À partir de ce moment, Integ contrôlerait les marchandises achetées et les stocks de produits, ce qu'elle a fait, comme l'a confirmé M. Jerchel. L'avocate a également invoqué le fait que la liste des produits est établie à la rubrique «Operating Expenses» (frais d'exploitation) de la pièce A-1 et à la page 29 de l'entente, ce qui prouve, à son avis, qu'Integ considérait les produits comme accessoires aux services qu'elle avait soumissionnés. Enfin, l'avocate s'est reportée à la page 28 de l'entente, à la rubrique «Financial Arrangements» (dispositions financières), qui prévoit le paiement de frais d'administration de 6 p. 100 et de frais de gestion de 2,5 p. 100 sur tous les aliments, la main-d'oeuvre et d'autres produits. Selon l'avocate, tous les faits susmentionnés prouvent que le contrat vise essentiellement la prestation de services et non la vente de marchandises.

L'avocate a soutenu que les produits ont servi à exécuter le contrat de service; il n'ont pas été vendus à l'appelant, car aucun élément de preuve n'indique une intention de vendre ou la vente véritable des produits. En conséquence, l'avocate a fait valoir que l'appelant ne doit pas avoir droit au remboursement prévu à l'article 68.2 de la Loi.

L'appelant et l'intimé sont d'accord au sujet de la nature de l'entente, soit qu'il s'agit d'un contrat de services de gestion; cependant, ils ne partagent pas le même point de vue quant au traitement des produits dans le cadre de l'entente.

De l'avis du Tribunal, le présent appel ne porte pas sur la distinction, en common law, entre un contrat de vente et un contrat de service, mais plutôt sur la signification de l'expression «vendues à un acheteur» mentionnée à l'article 68.2 de la Loi. En d'autres termes, il convient de déterminer s'il est raisonnable de conclure que par le terme «vendu» le législateur visait le type de transaction faisant l'objet du présent appel.

Étant donné que la Loi ne renferme pas une définition spéciale du terme «vendu», il convient d'utiliser ce terme dans son sens courant. Pour déterminer le sens courant d'un terme, il est permis et utile de consulter des dictionnaires. Dans l'Oxford English Dictionary [4] , le terme «sold» (vendu) est défini ainsi au terme «sell» (vendre) :

a. To give up or hand over (something) to another person form money ... to dispose of (merchandise, possessions, etc.) to a buyer for a price.

([traduction] a. Accorder ou céder (quelque chose) à une autre personne en échange d'une somme d'argent [...] céder (des marchandises, des possessions, etc.) à un acheteur, moyennant un prix.)

De même, dans le Webster's New Twentieth Century Dicitonary [5] , le terme «sell» (vendre) est défini comme suit :

1. to give up, deliver, of exchange (goods, services, etc.) for money or its equivalent; to part with for a price.

([traduction] 1. céder, livrer ou échanger (des marchandises, des services, etc.) contre de l'argent ou l'équivalent; se défaire (de quelque chose) moyennant un prix.)

Ces définitions prouvent que le terme «vendu» a le sens commun de céder quelque chose en échange d'une somme d'argent.

Dans le cadre du présent appel, le Tribunal doit déterminer si l'entente ou la relation entre Integ et Bonnyville permet d'établir si Integ avait l'intention de remettre les produits à Bonnyville en échange d'une somme d'argent ou si elle l'a fait.

À l'examen de l'entente, le Tribunal fait remarquer que les produits y sont mentionnés, mais seulement dans le cadre de la gestion du programme des services alimentaires de Bonnyville par Integ. D'abord, à la rubrique «Financial Arrangements» (dispositions financières), à la page 28 de la section portant sur la proposition, il est précisé que des frais d'administration de 6 p. 100 et des frais de gestion de 2,5 p. 100 seront imputés à Bonnyville, en fonction de «all food, labour and other supplies as related to the Dietary Department» ([traduction] de tous les aliments, de la main-d'oeuvre et des autres produits utilisés par le Service des repas) (soulignement ajouté). En deuxième lieu, la projection de l'ensemble des frais d'exploitation des services alimentaires, à la page 29 de l'entente, englobe les frais liés aux aliments et à la main-d'oeuvre ainsi que les frais d'exploitation directs, qui comprennent, entre autres, les produits de nettoyage et les produits de papier et, en dernier lieu, les frais de gestion. Enfin, à la page 22 de la section de l'entente intitulée «Purchasing and Inventory Control» (Achat et contrôle des stocks), on lit ce qui suit :

Upon take-over an inventory of all food, paper and cleaning supplies will be taken. The value of this inventory will be credited to St. Louis Hospital on six period payments at the end of which the inventory will be Integ's total responsibility.

([traduction] Advenant une prise de contrôle, on dressera la liste de tous les stocks d'aliments, de produits de papier et de produits de nettoyage. La valeur de ces stocks sera portée au crédit du St. Louis Hospital en six paiements périodiques à la fin desquels l'entière responsabilité des stocks sera dévolue à Integ.)

M. Jerchel a abordé la question de la signification de cette disposition. Il a déclaré que lorsqu'Integ a commencé à offrir des services de gestion au St. Louis Hospital, aux termes de l'entente, il a acheté tous les stocks de l'hôpital, en en assumant par le fait même le contrôle; il a ajouté qu'Integ a par la suite conservé le contrôle de tous les stocks.

La facture que l'appelant a déposé pour appuyer son allégation, à savoir qu'il y a eu vente de marchandises, constitue ni plus ni moins une facture portant sur la prestation de services de gestion, dont une partie a trait aux sommes consacrées par Integ aux frais d'exploitation, qui englobent les produits.

Le Tribunal constate que l'entente, la facture et la relation entre Integ et Bonnyville correspondent au point de vue voulant qu'Integ n'avait pas l'intention de remettre les produits à Bonnyville en échange d'une somme d'argent, ce qu'elle n'a pas fait d'ailleurs. Integ s'est servi des produits pour s'acquitter de son obligation aux termes de l'entente; cette démarche ne peut être qualifiée de vente à Bonnyville. En conséquence, il n'y a pas eu vente de produits.

Étant donné que le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu vente de produits à Bonnyville, il n'est pas nécessaire de déterminer si les produits ont été achetés pour l'usage exclusif de Bonnyville et s'ils ont été utilisés exclusivement par ce dernier.

Le Tribunal conclut que l'appelant n'a pas droit au remboursement prévu à l'article 68.2 de la Loi et rejette l'appel.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. R.S.A. 1980, ch. S - 2.

3. (1958) 13 D.L.R. (2nd ed.) 305 (Sask. C.A.) aux pp. 313 et 314; confirmé dans [1959] R.C.S. 801.

4. Volume 14, 2 e édition, Oxford, Clarendon Press, 1989, à la p. 935.

5. Version intégrale, 2 e édition, New York, Simon and Schuster, 1979, à la p. 1648.


Publication initiale : le 12 juin 1997