M & M TRADING INC.

Décisions


M & M TRADING INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-92-045

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 9 septembre 1993

Appel n o AP-92-045

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 février 1993 aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 22 avril 1992, conformément à l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, relativement à des demandes de réexamen présentées aux termes de l'article 58 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

M & M TRADING INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est admis.

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation à l'égard de deux décisions rendues par le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 22 avril 1992 conformément à l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. La question en litige consiste à déterminer si l'intimé a eu raison de percevoir des droits antidumping et des droits compensateurs sur des chaussures importées du Brésil par l'appelant. Ces droits ont été perçus conformément aux conclusions de préjudice rendues par le Tribunal le 3 mai 1990 aux termes de l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation; le Tribunal avait alors statué que le dumping et le subventionnement de certains souliers et bottes avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Les sandales figuraient parmi les marchandises expressément exclues desdites conclusions. Pour déterminer si l'intimé a eu raison de percevoir des droits, il faut d'abord préciser si les marchandises en question importées sont, comme le prétend l'appelant, des sandales, et donc des marchandises exemptées de droits antidumping et de droits compensateurs conformément aux conclusions du Tribunal, ou des souliers, comme le soutient l'intimé, donc des marchandises passibles de droits.

DÉCISION : L'appel est admis. Les chaussures importées par l'appelant satisfont aux critères matériels généraux établis pour les sandales. L'ajout du terme «généralement» aux critères susmentionnés établis par le Tribunal dans son exposé des motifs en date du 18 mai 1990 et se rapportant aux conclusions susmentionnées porte à croire que les chaussures qui ne satisfont pas à tous les critères énoncés peuvent quand même être considérées comme des sandales. Par conséquent, les chaussures en question sont exclues des conclusions de préjudice du Tribunal et ne sont pas assujetties aux droits antidumping et aux droits compensateurs.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 février 1993 Date de la décision : Le 9 septembre 1993
Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant W. Roy Hines, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant Christine Hudon, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation [1] (la LMSI) à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) le 22 avril 1992 conformément à l'article 59 de la LMSI. La question en litige consiste à déterminer si l'intimé a eu raison de percevoir des droits antidumping et des droits compensateurs sur des chaussures importées du Brésil par l'appelant. Ces droits ont été perçus conformément aux conclusions de préjudice [2] (les conclusions du Tribunal) rendues par le Tribunal le 3 mai 1990 aux termes de l'article 42 de la LMSI; le Tribunal avait alors statué que le dumping et le subventionnement de certains souliers et bottes avaient causé, causaient et étaient susceptibles de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Les sandales figuraient parmi les marchandises expressément exclues desdites conclusions. Pour déterminer si l'intimé a eu raison de percevoir des droits, il faut d'abord préciser si les marchandises importées sont, comme le prétend l'appelant, des sandales, et donc des marchandises exemptes de droits antidumping et de droits compensateurs conformément aux conclusions du Tribunal, ou des souliers, comme le soutient l'intimé, donc des marchandises passibles de droits.

L'appelant importe divers types de chaussures. Le 28 juillet 1990, aux termes de la déclaration en douane no 12351-040044131 (déclaration A), l'appelant a importé des marchandises décrites comme des «Ladies Leather Sandals» (sandales en cuir pour dames) (les marchandises en question). Dans un rectificatif détaillé envoyé à l'appelant le 27 septembre 1990, l'intimé a effectué un réexamen selon lequel les marchandises en question étaient des souliers en cuir pour dames, originaires du Brésil, et étaient donc assujetties à des droits antidumping, conformément aux conclusions du Tribunal. Le 15 novembre 1990, l'appelant a déposé une demande de réexamen, soutenant que les marchandises en question étaient des sandales et non des souliers, et qu'elles n'étaient donc pas assujetties à des droits antidumping. Le 13 juin 1991, un agent du ministère du Revenu national (Revenu Canada) a effectué un réexamen selon lequel les marchandises en question étaient assujetties à des droits antidumping de 27,6 p. 100 et à des droits compensateurs de 17,4 p. 100. Le 15 août 1991, l'appelant a demandé au Sous-ministre de procéder à un réexamen. Le 22 avril 1992, le Sous-ministre a rendu une décision selon laquelle les marchandises en question étaient assujetties aux conclusions du Tribunal, donc à l'imposition de droits antidumping et de droits compensateurs.

Le 23 décembre 1990, aux termes de la déclaration en douane no 12351-040046656 (déclaration B), l'appelant a importé des marchandises décrites comme des «Ladies Leather Sandals» (sandales en cuir pour dames) (également les marchandises en question). Dans un rectificatif détaillé envoyé à l'appelant le 1er mars 1991, l'intimé a effectué un réexamen selon lequel les marchandises en question étaient des souliers en cuir pour dames et a perçu des droits antidumping et des droits compensateurs. Le 2 mai 1991, l'appelant a déposé une demande de réexamen, soutenant que les marchandises en question étaient des sandales et non des souliers. Le 8 novembre 1991, un agent désigné de Revenu Canada a effectué un réexamen selon lequel les marchandises en question étaient des souliers en cuir pour dames, car elles n'étaient pas conformes aux lignes directrices établies par Revenu Canada le 1er novembre 1990 et intitulées Lignes directrices générales servant à la définition d'une sandale (les Lignes directrices) selon lesquelles les sandales doivent être ouvertes dans une proportion d'au moins 33 p. 100. Le 30 janvier 1992, l'appelant a demandé au Sous-ministre de procéder à un réexamen et, le 22 avril 1992, ce dernier a rendu une décision voulant que les marchandises en question soient des souliers en cuir pour dames et soient assujetties aux conclusions du Tribunal, donc à la perception de droits antidumping et de droits compensateurs.

Pour ce qui est de la déclaration A, le président de M & M Trading Inc., M. Joerg Peschlow, a affirmé que, à une exception près, les échantillons remis à Revenu Canada correspondaient aux marchandises en question. Il les a identifiés comme des sandales Huarache de modèles 6050 et 6051 et il les a déposés comme pièces A-1 et A-2, respectivement. À son avis, le Sous-ministre a reconnu que ces marchandises étaient des sandales conformément aux décisions qu'il a faites parvenir à l'appelant les 26 octobre 1990 et 12 avril 1991.

Dans un cas, un employé a choisi le mauvais échantillon de soulier, le modèle 6060, qui a été remis à Revenu Canada. Lorsque l'erreur a été signalée à M. Peschlow, ce dernier s'est rendu à Ottawa pour remettre à Revenu Canada des échantillons des modèles 6050 et 6051 et établir que ceux-ci étaient bel et bien les marchandises visées par la déclaration A. Il a ensuite affirmé que l'échantillon envoyé par erreur était un échantillon du fabricant et que sa société n'a jamais importé ce modèle de chaussure.

En ce qui a trait à la déclaration B, l'appelant et l'intimé étaient d'accord avec la désignation des marchandises en question. Ils ne s'entendaient pas sur un seul des points, à savoir si les marchandises en question étaient des souliers ou des sandales.

Mme Poh Lan Song, agent principal des achats pour Tigre Géant, et M. Jean-Guy Gallant, acheteur pour Chaussures Pitt Ltée, ont déclaré avoir acheté des chaussures correspondant à celles que M. Peschlow a identifiées comme les modèles 6050 et 6051. Ils ont déposé, à titre d'éléments de preuve, des annonces publicitaires décrivant les marchandises en question et ont déclaré qu'il s'agissait de sandales Huarache pour dames.

Mme Madeleine Jean, agent principal de programme auprès de Revenu Canada, a comparu pour le compte de l'intimé et a expliqué que les critères utilisés par Revenu Canada pour définir une sandale sont ceux énoncés dans l'exposé des motifs du Tribunal se rapportant aux conclusions précitées, à savoir :

[L]es sandales étaient généralement définies comme toute chaussure avec cambrion ouvert dont l'empeigne et les attaches étaient constituées de rubans, de courroies et de tongs étroits, dont la différence entre la hauteur combinée de la semelle et de tout talon se trouvant à l'endroit du talon et la hauteur de la semelle à l'avant de la chaussure, ne dépassait pas deux centimètres [3] .

Mme Jean a affirmé que, en plus de la définition de sandales donnée dans l'exposé des motifs du Tribunal, Revenu Canada a établi ses propres critères pour définir une sandale, à la suite de consultations auprès d'importateurs et de fabricants. Les critères énoncés dans les Lignes directrices sont les suivants :

1) [L]es chaussures dont la différence entre la hauteur combinée de la semelle et de tout talon dans la région du talon et celle de la semelle à l'avant de la chaussure, dépasse deux centimètres (2 cm), ne peuvent pas être considérées comme des sandales.

2) Les chaussures à bout ouvert ou à talon ouvert, ou à bout et talon ouvert[s], sont considérées comme des sandales si au moins 33 p. 100 de la longueur totale de chaque côté de la chaussure mesurée au point de jonction de la tige et la semelle est ouverte, et le dessus est formé principalement de lanières ou de courroies étroites.

3) Les chaussures à bout et talon fermé[s] sont normalement considérées comme des souliers.

Dans son témoignage, Mme Jean n'a pas abordé la question de l'authenticité des échantillons importés, mais a déclaré que les échantillons de chaussures qui lui ont été présentés ne correspondaient pas à des sandales parce qu'ils n'étaient pas entièrement conformes aux Lignes directrices.

Mme Jean a déclaré que la pièce B-1, qui représente un échantillon de chaussure portant le numéro de modèle 6050, est un soulier malgré le fait que son bout et son talon soient ouverts et que l'ouverture dépasse 33 p. 100, car les courroies sont cousues ensemble. Cependant, elle a admis que les critères relatifs aux courroies n'étaient pas prescrits dans les Lignes directrices.

De l'avis de Mme Jean, d'après les renseignements figurant au dossier qui lui a été remis avec les échantillons, les échantillons fournis par l'appelant relativement aux marchandises importées n'étaient pas tous conformes au critère d'ouverture de 33 p. 100. Elle s'est reportée plus particulièrement à un échantillon accompagnant la déclaration A, une chaussure de marque Ferrazzoli à l'intérieur de laquelle le numéro du modèle 6050 est inscrit en relief (pièce B-2). Elle a déclaré que l'échantillon a été mesuré par un représentant de Revenu Canada et que l'ouverture a été établie à 32,5 p. 100; il n'était donc pas conforme au critère d'ouverture de 33 p. 100. Pour ce qui est de la déclaration B, elle a mentionné que l'appelant a fourni deux échantillons, une chaussure de marque Ferrazzoli 6295 (pièce B-3) pour le modèle 6050 et une chaussure de marque Rodéo 44337368 (pièce B-4) pour le modèle 6051. Les échantillons mesurés présentaient respectivement des ouvertures de 30 p. 100 et de 29 p. 100.

En rendant sa décision, le Tribunal doit respecter la définition de sandales qui figure dans l'exposé des motifs accompagnant les conclusions précitées. Bien que les décisions administratives de Revenu Canada ou des lignes directrices extérieures donnent un aperçu, elles ne sont pas déterminantes en l'espèce.

La définition de sandales donnée dans l'exposé des motifs se rapportant aux conclusions précitées du Tribunal est très peu précise parce qu'il est presque impossible de prévoir avec exactitude la multitude de modèles de sandales offerts sur le marché.

L'emploi du terme «généralement» dans la définition porte le Tribunal à croire qu'il faut tenir compte non seulement des caractéristiques matérielles, mais aussi du caractère général des chaussures pour établir une distinction entre une sandale et un soulier. À cet égard, par «généralement», le Tribunal entend «habituellement». Ainsi qualifiée, une chaussure d'un certain modèle pourrait satisfaire à tous les critères matériels énoncés pour les sandales, mais elle pourrait quand même être considérée comme un soulier ou, à l'inverse, elle pourrait ne pas respecter le critère de la hauteur du talon ou de la largeur de la courroie, mais quand mEAˆme être conforme à la description générale d'une sandale communément répandue dans le commerce.

L'intimé a abordé la question de la détermination de la chaussure importée par l'appelant. Cependant, d'après les éléments de preuve déposés, le Tribunal est convaincu que les marchandises en question correspondent à celles qui, de l'avis de M. Peschlow, sont des échantillons des modèles 6050 et 6051 de marque Ferrazzoli.

Pour ce qui est des critères matériels, les marchandises en question satisfont aux exigences du rapport de la hauteur du talon à la hauteur de la semelle. Elles sont également composées d'étroites courroies constituant le dessus et les attaches. Le facteur qui est moins évident a trait au pourcentage d'ouverture. Les marchandises en question ne satisfont pas, par une faible marge, aux Lignes directrices de Revenu Canada concernant l'ouverture de 33 p. 100 au point de jonction de la tige et de la semelle, car elles comportent des ouvertures respectives allant de 29 p. 100 à 32,5 p. 100. Cependant, compte tenu de la possibilité inhérente d'erreurs de mesure et du fait que les Lignes directrices ne sont pas exécutoires, le Tribunal est porté à accorder peu d'importance à cette lacune.

Les éléments de preuve ont démontré clairement que les marchandises en question sont considérées comme des sandales par les détaillants et les consommateurs. Plusieurs annonces publicitaires déposées en preuve ont montré que lesdites marchandises en question sont des sandales Huarache. De l'avis du Tribunal, les marchandises en question présentent des caractéristiques semblables à celles des sandales, du fait qu'elles servent de vêtement de plage, se portent sans bas, sont aérées et comportent de nombreuses courroies.

En conséquence, selon le Tribunal, les marchandises en question sont conformes à la définition des sandales qu'il a établie dans l'exposé des motifs se rapportant aux conclusions précitées; elles ne sont donc pas assujetties à des droits antidumping ni à des droits compensateurs aux termes de la LMSI. De l'avis du Tribunal, les marchandises en question respectent les critères matériels généraux énoncés dans la définition de sandales dans l'exposé des motifs en question et elles sont manifestement reconnues comme des sandales dans le commerce de la vente au détail.

Le Tribunal fait également remarquer que, s'il avait conclu que les marchandises importées par l'appelant correspondaient à l'échantillon présenté par Mme Jean et déposé en tant que pièce B-1, il aurait quand même conclu que les marchandises en question sont considérées comme des sandales, selon la définition de sandales qui figure dans l'exposé des motifs accompagnant les conclusions précitées. Les marchandises en question sont également composées d'étroites courroies constituant le dessus et les attaches et elles respectent les critères relatifs à la hauteur de la semelle.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. S-15.

2. Bottes et souliers en cuir pour dames, originaires ou exportés du Brésil, de la République populaire de Chine et de Taiwan; bottes en cuir pour dames, originaires ou exportées de la Pologne, de la Roumanie et de la Yougoslavie; et bottes et souliers autres qu'en cuir pour dames, originaires ou exportés de la République populaire de Chine et de Taiwan , enquête n o NQ - 89 - 003, le 3 mai 1990; Exposé des motifs en date du 18 mai 1990.

3. Ibid. à la p. 4.


Publication initiale : le 12 juin 1997