NGOC-TRIEU PHOTOLAB 1-HOUR

Décisions


NGOC-TRIEU PHOTOLAB 1-HOUR
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-047

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 14 janvier 1993

Appel n o AP-92-047

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 novembre 1992 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 16 avril 1992 relativement à un avis d'opposition signifié en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

NGOC-TRIEU PHOTOLAB 1-HOUR Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant exploite une petite entreprise de développement et de tirage d'épreuves photographiques. Le 5 juin 1987, il a conclu une entente de bail - achat de 61 mois relativement à de l'équipement de tirage d'épreuves devant servir au développement et au tirage de pellicules photographiques. Le bail a pris fin le dernier jour du 61 e mois de l'entente, et l'appelant pouvait alors acheter l'équipement en question pour la somme de un dollar. Le 6 février 1991, ou aux environs de cette date, l'appelant a produit une demande de remboursement au montant de 9 518,26 $ relativement à la taxe de vente payée à l'égard de l'équipement. L'intimé a rejeté la réclamation de l'appelant, soutenant que celui-ci aurait dû demander le remboursement de la taxe dans les deux ans suivant le moment où il a commencé à utiliser l'équipement, car le ministère du Revenu national considère ce genre de bail comme un achat parce que son échéance dépasse un an.

DÉCISION : L'appel est admis. L'avocat de l'intimé s'est fondé sur une décision reposant sur une disposition de la Loi sur la taxe d'accise qui a été abrogée au moment de la conclusion du contrat. En outre, une décision n'est rien d'autre qu'une interprétation administrative, laquelle ne saurait avoir préséance sur une disposition législative. Le paragraphe 68.28(2) de la Loi sur la taxe d'accise stipule clairement que le contribuable doit présenter sa demande «dans les deux ans» suivant l'achat des marchandises. Par conséquent, la demande de remboursement de l'appelant, datée du 6 février 1991, a été présentée non pas en retard, mais en avance. En fait, l'appelant a bel et bien acheté l'équipement et, comme le montant payé à titre de taxe de vente en vertu du contrat n'est pas remis en question, le Tribunal déclare que l'appelant a droit au remboursement de la taxe de vente aux termes du paragraphe 68.28(2) de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 novembre 1992 Date de la décision : Le 14 janvier 1993
Membres du Tribunal : John C. Coleman, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Michèle Blouin, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Trieu Ngoc-Nguyen, pour l'appelant Wayne D. Garnons-Williams, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) concernant une décision du ministre du Revenu national (le Ministre) ratifiant une détermination qui rejetait une demande de remboursement de la taxe de vente présentée par l'appelant.

L'appelant, Ngoc-Trieu Photolab 1-Hour, est une entreprise de développement et de tirage d'épreuves photographiques considérée comme un petit fabricant aux fins de la Loi. Le 5 juin 1987, il a conclu une entente de bail-achat de 61 mois prenant effet le 1er juin 1987 relativement à de l'équipement de tirage d'épreuves devant servir au développement et au tirage de pellicules photographiques. Le dernier paiement de loyer était exigible le dernier jour du 61e mois de l'entente, et le contrat prévoyait que l'appelant pouvait alors acheter l'équipement en question pour la somme de un dollar.

Le 6 février 1991, ou aux environs de cette date, l'appelant a produit une demande de remboursement au montant de 9 518,26 $ relativement à la taxe payée à l'égard de l'équipement. Le 12 juin 1991, l'intimé a rejeté la demande de remboursement, soutenant que la prescription de deux ans était échue. Le 3 septembre 1991, l'appelant a signifié un avis d'opposition, affirmant que les fonctionnaires du ministère du Revenu national (Revenu Canada) lui avaient conseillé de présenter sa demande de remboursement le jour où il deviendrait le propriétaire légal de l'équipement. Le 16 avril 1992, le Ministre a ratifié la détermination du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, soutenant que l'appelant aurait dû demander le remboursement de la taxe dans les deux ans suivant le moment où il a commencé à utiliser l'équipement, car Revenu Canada considère ce genre de bail comme un achat parce que son échéance dépasse un an.

L'appelant a déclaré au Tribunal que, en soumettant sa demande de remboursement en février 1991, soit quelques années après avoir conclu l'entente et avoir commencé à utiliser l'équipement, il a agi de bonne foi à partir de conseils qu'il avait reçus des fonctionnaires de Revenu Canada.

L'avocat de l'intimé a soutenu que la demande de remboursement de l'appelant est irrecevable en raison de l'échéance de la prescription de deux ans prévue au paragraphe 68.28(2) de la Loi. Il a ajouté que le Tribunal n'a pas compétence pour examiner des principes de droit commun ou d'équité, que la Couronne n'est pas liée par les interprétations fournies aux contribuables par les fonctionnaires autorisés, et qu'il incombe à l'appelant de prouver que la décision de l'intimé est erronée.

Le Tribunal estime toutefois que le véritable litige dans cette cause porte sur la question de savoir si l'intimé a raison de rejeter la demande de remboursement en soutenant que celle-ci aurait dû être présentée dans les deux ans suivant le moment où l'appelant a commencé à utiliser l'équipement en question.

À ce propos, l'avocat de l'intimé s'est appuyé sur une décision de Revenu Canada qui, selon lui, a été publiée et était disponible par le biais des bulletins de la taxe d'accise. La décision prévoit que [traduction] «le ministère considérera un bail comme un achat si l'échéance du bail est supérieure à un an», et qu'un bail écrit [traduction] «peut servir de pièce justifiant la demande de remboursement après que l'équipement de production commence à être utilisé à des fins exonérées». L'avocat de l'intimé a donc soutenu que, selon la décision, l'appelant aurait dû présenter sa demande de remboursement dans les deux ans suivant le premier jour où il a utilisé l'équipement loué, soit avant le 1er juin 1989.

Le Tribunal a plusieurs observations à formuler au sujet de la décision invoquée par l'avocat de l'intimé. Premièrement, tel que précisé à l'audience, la décision se fonde sur l'ancien paragraphe 47.2(2) de la Loi. Le Tribunal constate que l'article 47.2 est entré en vigueur le 13 novembre 1981 [2] , qu'il a été modifié en 1986 [3] et qu'il a été finalement abrogé la même année [4] . Par conséquent, l'article 47.2, sur lequel s'appuie la décision invoquée par l'intimé, n'existait plus en 1987 lorsque l'appelant a conclu l'entente de bail-achat en question. À tout le moins, la décision aurait dû être remplacée ou mise à jour. Cela suffirait à rejeter l'argument de l'avocat, sans compter que les interprétations administratives comme la décision en question n'ont aucune valeur en droit et n'ont certainement pas préséance sur une disposition de la Loi. À ce propos, il convient de souligner que, en 1986, le libellé de l'ancien article 47.2 a été repris dans le nouvel article 44.29, maintenant l'article 68.28, qui est entré en vigueur le 1er mai 1986 [5] et qui traitait également des remboursements destinés aux petits fabricants, tout comme l'ancien article 47.2 de la Loi.

Le paragraphe 68.28(2) de la Loi se lit comme suit :

Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie VI à l'égard de marchandises admissibles et que les marchandises ont été achetées ou importées par une personne d'une catégorie désignée en application du paragraphe (3) pour l'usage exclusif de cette personne et non pour la revente, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant l'achat ou l'importation des marchandises .

[soulignement ajouté]

Le Tribunal comprend pourquoi l'intimé soutient que la date à laquelle un contribuable commence à utiliser l'équipement qu'il loue en vertu d'une entente de bail-achat devrait servir de point de départ de la prescription de deux ans prévue au paragraphe 44.29(2) de la Loi. En effet, le sous-alinéa 50(1)a)(ii) de la Loi, qui porte sur la responsabilité d'un producteur ou d'un fabricant de marchandises louées et ultimement vendues aux termes d'un «contrat de location-vente», prévoit que la taxe de vente doit être payée par ce producteur ou fabricant «au moment où chacun des versements devient exigible en conformité avec les conditions du contrat», que, d'après le contrat, «les marchandises doivent être livrées ou que la propriété des marchandises doive être transmise avant ou après le paiement d'une partie ou de la totalité des versements». Étant donné que le producteur de l'équipement est tenu de remettre la taxe de vente sur chaque versement et que, en pratique, la personne qui loue cet équipement serait sans doute tenue de payer la taxe de vente sur chaque versement, il semble que l'intimé estime que le même principe devrait s'appliquer à un remboursement de la taxe de vente.

Cependant, ce n'est pas ce que dit la Loi. Aux fins du remboursement de la taxe de vente, le paragraphe 68.28(2) de la Loi stipule clairement qu'une somme égale au montant de la taxe payée sera remboursée au contribuable «[s'il] en fait la demande dans les deux ans suivant l'achat». En l'occurrence, le contrat signé par l'appelant prévoyait que celui-ci pouvait acheter l'équipement [traduction] «le dernier jour du 61e mois du bail». M. Trieu-Ngoc Nguyen a déclaré dans son témoignage que cette option a été exercée en juillet 1992. Par conséquent, la demande de remboursement de l'appelant, datée du 6 février 1991, a été présentée non pas en retard, mais en avance.

Étant donné que l'appelant a effectivement acheté l'équipement, que le montant payé à titre de taxe de vente en vertu du contrat n'est pas remis en cause et que l'appelant a produit sa demande de remboursement en la forme et dans les délais prescrits, le Tribunal déclare que l'appelant a droit à un remboursement de la taxe de vente conformément au paragraphe 68.28(2) de la Loi.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal déclare que l'appel est admis et que l'appelant a droit à une somme de 9 518,26 $ en remboursement de la taxe de vente.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Loi modifiant certaines lois fiscales , S.C. 1980-81-82-83, ch. 104, art. 10 et par. 15(2).

3. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence , S.C. 1986, ch. 9, art. 28.

4. Ibid ., art. 34.

5. Supra , note 3, par. 34(2).


Publication initiale : le 12 juin 1997