WALTER H. HARMON (85) LTD.

Décisions


WALTER H. HARMON (85) LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-064

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 7 octobre 1993

Appel n o AP-92-064

EU ÉGARD À un appel entendu le 18 mars 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 24 juin 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

WALTER H. HARMON (85) LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 24 juin 1992. L'appelant est un fabricant titulaire de licence qui confectionne des langes. Dans le présent appel, il s'agit principalement de déterminer si, aux termes du paragraphe 51(1) de la Loi sur la taxe d'accise, les marchandises en question sont exemptées de la taxe de vente fédérale à titre de «vêtements et chaussures» au sens de l'article 1 de la partie XV de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise. Si le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont exemptées de la taxe, il doit alors déterminer si la partie de la réclamation de l'appelant touchant les taxes qu'il a payées plus de deux ans avant de présenter sa demande de remboursement est frappée de prescription.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que les langes en cause sont exemptés de la taxe de vente fédérale aux termes de l'article 1 de la partie XV de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise étant donné qu'ils relèvent de l'acception de «vêtements d'enfant et de bébé» pour l'application de l'alinéa 2h) du Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures. De plus, le Tribunal conclut que l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise limite la réclamation de l'appelant aux sommes qu'il a payées dans les deux ans précédant la date de sa demande de remboursement, soit le 20 mars 1991.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 18 mars 1993 Date de la décision : Le 7 octobre 1993
Membres du Tribunal : Kathleen E. Macmillan, membre présidant Michèle Blouin, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Hugh J. Cheetham
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelant Michelle P. Mann, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le Ministre) le 24 juin 1992.

L'appelant est un fabricant titulaire de licence qui confectionne des langes, soit des petites couvertures légères pour bébés, habituellement faites en coton et utilisées de diverses manières. Le 20 mars 1991, l'appelant a déposé une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) qu'il dit avoir payée sur les marchandises en cause au cours de la période allant du 1er février 1989 au 31 décembre 1990. Par un avis de détermination daté du 9 mai 1991, l'intimé a rejeté la demande de l'appelant pour le motif que les marchandises en cause ne sont pas des «vêtements» aux fins de l'exemption de la taxe de vente, vu le sens du mot «vêtements» donné à l'article 1 de la partie XV de l'annexe III de la Loi. Par un avis d'opposition daté du 17 juillet 1991, l'appelant a contesté la détermination en alléguant que les langes devraient être considérés comme des vêtements. Par un avis de décision daté du 24 juin 1992, l'intimé a rejeté l'opposition de l'appelant et ratifié la détermination.

Dans le présent appel, la principale question consiste à déterminer si, aux termes du paragraphe 51(1) de la Loi, les marchandises en cause sont exemptées de la TVF à titre de «vêtements et chaussures» au sens de l'article 1 de la partie XV de l'annexe III de la Loi. Si le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont exemptées de la taxe, il doit alors déterminer si la partie de la réclamation de l'appelant touchant les taxes qu'il a payées plus de deux ans avant de déposer sa demande de remboursement est frappée de prescription aux termes de l'article 68 de la Loi.

Le sens à donner aux termes «vêtements et chaussures» est déterminé par règlement par le gouverneur en conseil [2] . À cet égard, le règlement pertinent est le Règlement sur la détermination des vêtements et chaussures [3] (le Règlement). De plus, l'alinéa 2h) du Règlement donne des exemples de vêtements d'enfant et de bébé qui sont exemptés. Le Tribunal doit donc déterminer si le libellé de l'alinéa 2h) s'applique aux marchandises en cause.

L'alinéa 2h) du Règlement se lit comme suit :

2. Aux fins de la Partie XV de l'Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, il est déterminé que les vêtements et chaussures comprennent

[...]

h) les vêtements d'enfant et de bébé tels que les bavettes, les chaussons, les enveloppes pour bébé munies ou non de capuchons ou de manches, les ensembles de manteau, les costumes de jeu, les couches, les culottes en plastique ou en caoutchouc, les barboteuses, les coupe-vent, les combinaisons de nuit et les costumes pour la neige.

Le Tribunal a d'abord examiné les arguments invoqués par les deux avocats au sujet de la question de déterminer si le Règlement doit être interprété de manière exhaustive ou restrictive. Le Tribunal n'accepte pas l'argument de l'avocate de l'intimé selon lequel une marchandise doit être nommée explicitement à l'article 2 du Règlement pour être visée par l'exemption. Les termes «comprennent» et «tels que» figurant respectivement dans le premier membre de phrase de l'article 2 et à l'alinéa 2h) du Règlement amènent le Tribunal à conclure que les articles énumérés à l'article 2 le sont à titre d'exemples; l'énumération n'est pas exhaustive. En conséquence, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause peuvent être décrites comme des vêtements d'enfant ou de bébé, au sens ordinaire de l'expression, et si elles sont suffisamment semblables aux autres articles vestimentaires énumérés à l'alinéa 2h) du Règlement.

Le Tribunal a ensuite examiné les fonctions traditionnelles des vêtements sur lesquelles ses prédécesseurs et lui se sont déjà penchés : les gens portent des vêtements pour se parer, pour le prestige, pour se protéger des éléments et pour des raisons de pudeur ou de modestie [4] . Dans la décision que le Tribunal a rendu dans Suntech Optics Inc. c. Le ministre du Revenu national [5] , il a fait remarquer que des éléments de preuve relatifs à une autre fonction lui avaient été soumis, soit la fonction d'accroître le confort. Dans la présente cause, le Tribunal juge que, comme elles servent à envelopper les bébés et à leur procurer de la chaleur, les marchandises en cause remplissent dans une certaine mesure toutes les fonctions susmentionnées. Les langes assurent tout particulièrement le confort et la protection contre les éléments. À cet égard, les éléments de preuve ont convaincu le Tribunal que les langes constituent un moyen tr 8Šs pratique de couvrir un nouveau-né, un moyen qui est utilisé depuis des siècles. C'est pour cette raison que les hôpitaux enveloppent ainsi les bébés sous leur garde, que les nouveau-nés soient éveillés ou qu'ils dorment, et recommandent aux parents de continuer à utiliser les langes de cette manière pendant les premières semaines suivant la naissance de l'enfant. De même, un certain nombre de manuels de soins infirmiers et de guides pédiatriques présentés en tant qu'éléments de preuve à l'audience conseillent d'emmailloter les bébés de cette manière.

Les éléments de preuve ont aussi montré à la satisfaction du Tribunal que, lorsque les langes sont utilisés de cette manière, ils présentent les caractéristiques de vêtements. Ils servent à envelopper et à réchauffer les bébés et leur assurent un confort. Ils accompagnent le bébé et ne restent pas sur le lit comme une simple couverture ou comme un drap. Bien que les langes ne comportent pas de boutons ni d'attaches de quelque sorte, la manière unique dont ils enveloppent un petit bébé qui ne bouge presque pas leur permet de rester en place autour du corps de l'enfant. De plus, le Tribunal observe que le fait que les châles, soit un autre article informe sans attaches, soient inclus à l'alinéa 2a) du Règlement donne à penser que cet aspect n'est pas essentiel pour déterminer si un article doit être considéré ou non comme un vêtement.

Le Tribunal reconnaît que d'autres articles vestimentaires, comme les enveloppes pour bébé ou les combinaisons de nuit, peuvent permettre de garder un enfant davantage au chaud que des langes. En outre, il concède que les langes sont habituellement utilisés de concert avec d'autres articles vestimentaires, comme les robes de bébé, les couches et les gilets de corps. Toutefois, le Tribunal estime que le sens ordinaire du mot «vêtements» ne comporte rien qui exige que l'article soit porté seul pour assurer chaleur et confort. En fait, les vêtements sont souvent portés un par-dessus l'autre et avec d'autres articles. C'est ce qui ressort d'un examen rapide des types de vêtements énumérés à l'article 2 du Règlement, comme les tabliers, les vêtements de soutien, les bas, les bavettes et les couches.

Le Tribunal est également convaincu par les éléments de preuve que les langes constituent un article à usages multiples. Habituellement, après que le bébé atteint l'âge d'environ six semaines, il n'est plus emmailloté. Les langes sont rangés ou servent de protège-matelas, de couverture de plancher ou de lit ou encore de drap. En fait, ces usages s'appliqueraient même lorsque le bébé est un nouveau-né. Malgré ces autres applications, le Tribunal estime que les langes sont d'abord et avant tout un vêtement qui est utilisé pour envelopper et réchauffer les nouveau-nés et pour assurer leur confort. Aux fins du présent appel, le fait que les langes constituent un moyen commode, accessible et peu coûteux permettant de remplir d'autres fonctions est secondaire. Beaucoup d'autres articles disponibles sur le marché pourraient servir de couvertures, de draps et de protège-matelas. Le fait que les parents peuvent choisir d'utiliser pour les fonctions susmentionnées un vêtement de bébé qui ne sert plus à la première fin à laquelle il était destiné ne veut pas dire qu'il ne s'agit plus d'un vêtement. À cet égard, le Tribunal fait remarquer que les couches, un article vestimentaire explicitement énuméré à l'article 2 du Règlement comme étant exempté de taxe, peut servir à des fins secondaires tout comme les langes.

Le Tribunal a entendu de nombreux témoignages sur les divers usages possibles des langes. Il reconnaît que certaines personnes qui procurent les soins aux bébés ne s'en servent que pour envelopper ou habiller les bébés et que d'autres les utilisent surtout comme draps ou comme couvertures, les usages variant selon les personnes. Toutefois, le Tribunal a été convaincu par les éléments de preuve présentés que les marchandises en cause servent surtout de vêtements destinés aux bébés de six à huit semaines. De plus, le Tribunal estime que cette conclusion est étayée par le sens du mot «lange», qui est défini comme suit dans Le Petit Robert 1 :

vêtement de laine [...] Large carré de laine ou de coton dont on emmaillote un bébé de la tête aux pieds [6] .

Ayant conclu que les marchandises en cause sont exemptées de la TVF, le Tribunal doit passer à la deuxième question exposée ci-dessus, soit celle de déterminer si une partie de la réclamation de l'appelant est frappée de prescription. L'article 68 de la Loi se lit comme suit :

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

Comme il l'a déclaré dans des décisions antérieures [7] , le Tribunal est d'avis que l'article 68 de la Loi limite le droit de l'appelant à un remboursement aux deux années précédant la date de la demande. Dans la présente cause, l'appelant a déposé sa demande le 20 mars 1991. En conséquence, l'appelant n'a droit qu'au remboursement des taxes payées entre cette date et le 20 mars 1989. L'appel est donc admis, et le Tribunal renvoie l'affaire au Ministre pour que le remboursement auquel l'appelant a droit puisse être calculé de la façon susmentionnée.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Ibid. , annexe III, partie XV, art. 1.

3. DORS/84-247, le 22 mars 1984, Gazette du Canada Partie II, vol. 118, n o 7 à la p. 1232.

4. Voir, par exemple, les causes suivantes : Johnson & Johnson Limitée c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , 7 R.C.T. 164; Playtex Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , 8 R.C.T. 549 et Artel Manufacturing Ltd. et al. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise , 8 R.C.T. 684.

5. Appel n o AP-91-082, le 2 juin 1992.

6. Montréal, Les Dictionnaires Robert-Canada S.C.C., 1990 à la p. 1072.

7. Voir, par exemple, Essex Topcrop Sales Limited c. Le ministre du Revenu national , appel n o AP - 91-121, le 6 avril 1992.


Publication initiale : le 12 juin 1997