NORTHERN AIRCOOL ENGINES CO.

Décisions


NORTHERN AIRCOOL ENGINES CO.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel No. AP-92-104

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 21 septembre 1993

Appel No. AP-92-104

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 avril 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 5 juin 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

NORTHERN AIRCOOL ENGINES CO. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Membre





Dans le cadre de son entreprise, l'appelant vend au comptoir des pièces de véhicules tout-terrains de 16 roues appelés «débroussailleuses» (bush swampers). Un témoin de l'appelant a déclaré qu'environ 5 p. 100 des pièces sont vendues dans le cadre de la réparation des débroussailleuses de clients. L'appelant a déposé une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire relativement à des pièces de débroussailleuses. L'intimé a rejeté la demande sur le motif que les pièces étaient utilisées dans le cadre de la prestation d'un service de réparation et que, à ce titre, elles ne figuraient pas à l'inventaire et n'étaient pas destinées à la fourniture taxable par vente. L'appelant a appelé de la détermination au Tribunal.

DÉCISION : L'appel est admis. Le 1 er janvier 1991, l'appelant avait à son inventaire des pièces de débroussailleuses destinées à la vente, qu'il s'agisse d'une vente telle quelle ou d'une vente dans le cadre d'un contrat comportant également la prestation de services. Par conséquent, les marchandises donnent droit au remboursement.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 5 avril 1993 Date de la décision : Le 21 septembre 1993
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Michèle Blouin, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Yvon et Margaret Genereux, pour l'appelant Michelle Mann, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) ayant pour effet de rejeter, en partie, une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) à l'inventaire déposée conformément à l'article 120 [2] de la Loi.

Yvon et Margaret Genereux ont tous deux comparu pour le compte de l'appelant. Mme Genereux a déclaré que la société appelante est une petite entreprise familiale. Depuis 1965, sa principale activité est la vente et la distribution de pièces de motoneiges. En 1987, l'appelant a commencé à tenir des pièces de véhicules tout-terrains de 16 roues appelés «débroussailleuses» (bush swampers). Comme dans le cas des pièces de motoneiges, l'appelant vend au comptoir des pièces de débroussailleuses. M. Genereux effectue également en atelier des réparations de motoneiges et de débroussailleuses.

Le 10 juin 1991, l'intimé a reçu de l'appelant une demande de remboursement de la TVF à l'inventaire au montant de 8 522,79 $ relativement à des pièces de motoneiges et de débroussailleuses. La demande de remboursement visant les pièces de débroussailleuses a été rejetée. Dans un avis d'opposition portant la date du 16 octobre 1991 apposée par l'intimé au moyen d'un timbre, l'appelant a donné des précisions sur sa demande en y joignant une liste justificative des pièces à l'inventaire qui ont [traduction] «soit été vendues à des clients, soit été utilisées pour réparer les véhicules des clients». Dans un avis de décision en date du 5 juin 1992, le Ministre a rejeté l'opposition sur le motif que [traduction] «les fournitures [...] seront utilisées dans le cadre de la prestation d'un service de réparation» et que [traduction] «les marchandises [...] n'étaient pas, dans leur état à l'inventaire, destinées à la "fourniture taxable par vente".»

La question dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit au remboursement de la TVF à l'inventaire de 4 201,23 $ relativement à des pièces de débroussailleuses. Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi se trouvent au paragraphe 120(3), dont voici le libellé :

(3) Sous réserve du présent article, dans le cas où l'inventaire d'une personne inscrite aux termes de la sous - section d de la section V de la partie IX le 1 er janvier 1991 comprend, au début de cette date, des marchandises libérées de taxe, les règles suivantes s'appliquent :

a) si les marchandises libérées de taxe ne sont pas des marchandises d'occasion, le ministre verse à la personne, sur sa demande, un remboursement en conformité avec les paragraphes (5) et (8).

Mme Genereux a témoigné que les pièces des débroussailleuses ont été achetées à des fournisseurs et que la TVF a été payée. M. Genereux a ajouté que bon nombre des pièces étaient usinées d'une quelconque façon, notamment par des opérations de perçage et de taraudage, en vue de les préparer à la vente. De plus, il a fait savoir que la demande de remboursement ne visait que les pièces sur les rayons au 1er janvier 1991 et qu'aucune d'entre elles n'avait été utilisée pour monter un véhicule complet. Il a été mentionné que la plupart de ces pièces sont encore sur les rayons.

M. Genereux a précisé qu'environ 5 p. 100 des pièces de débroussailleuses sont utilisées dans le cadre de la prestation de services de réparations. Le témoin a expliqué qu'il demande au client désireux de faire réparer une débroussailleuse de lui décrire le problème. Le véhicule est ensuite démonté, une estimation du coût des réparations est faite et, sur l'approbation du client, les réparations sont effectuées. Le client reçoit alors une facture sur laquelle le coût des pièces est indiqué séparément du coût de la main-d'oeuvre et la taxe est imputée sur l'ensemble. Lorsque le client est en mesure d'effectuer lui-même les réparations, il achète les pièces et fait exécuter les réparations ailleurs.

Dans son mémoire, l'appelant a prétendu que le but de l'entreprise est de vendre des pièces de débroussailleuses et de motoneiges, ainsi que de réparer des débroussailleuses et des motoneiges de clients. La première demande de remboursement de la TVF à l'inventaire visait des pièces de motoneiges et de débroussailleuses. La demande relative aux pièces de motoneiges a été admise. Étant donné que les pièces de débroussailleuses sont conservées en stock aux mêmes fins que celles des motoneiges, elles devraient également donner droit au remboursement.

L'appelant a fait remarquer dans son mémoire que, le 1er janvier 1991, les pièces en question figuraient à l'inventaire pour deux raisons :

a) en vue d'être vendues au comptoir aux clients de l'appelant et

b) en vue d'être utilisées à la demande des clients dans le cadre de la réparation de leurs véhicules.

Il a été précisé qu'il n'existe aucun contrat de service entre l'appelant et ses clients. Lorsqu'un client veut faire réparer son véhicule, un ordre de travail est dressé, les réparations sont effectuées et une facture est établie.

L'avocate de l'intimé a prétendu que, selon la Loi, le remboursement ne vise pas les marchandises utilisées dans le cadre de la prestation d'un service. Les marchandises ne sont pas admissibles à titre d'«inventaire» au sens donné à ce terme à l'article 120 de la Loi [3] . Bien que les fournitures soient des marchandises libérées de taxe et figurent à l'inventaire de l'appelant, elles ne sont pas destinées à la fourniture taxable [4] par vente ou location, mais sont consommées dans le cadre de l'exécution d'un contrat de service avec les clients de l'appelant. Les termes «marchandises destinées à la vente ou à la location» visent clairement à établir une distinction entre un contrat pour la vente des marchandises et un contrat pour la prestation de services.

L'avocate de l'intimé a soutenu qu'en répondant à la question suivante, il est possible de déterminer si un contrat est un contrat de vente de marchandises ou un contrat de prestation de services : Quelle est l'essence du contrat? Si l'essence du contrat est la production d'un article à vendre assortie du transfert à un acheteur de la propriété de cet article, alors le contrat vise la vente de marchandises. Mais, si l'essence véritable du contrat est le savoir-faire et la main-d'oeuvre que le fournisseur fait entrer dans l'exécution d'un travail pour un autre, il s'agit alors d'un contrat de louage d'ouvrage et de main-d'oeuvre, même s'il peut y avoir, à titre accessoire, transfert de propriété de certains matériaux [5] . Aux termes d'un tel contrat, les marchandises ne sont pas vendues. Plutôt, le titre de propriété des marchandises est transmis par accession. Dans le cas de l'appelant, l'essence du contrat est l'utilisation des marchandises dans le cadre de la prestation d'un service à ses clients. Par conséquent, les marchandises ne sont pas admissibles à titre de «fourniture taxable», étant donné que les pièces de débroussailleuses utilisées pour réparer les véhicules n'étaient pas destinées à la vente.

L'avocate de l'intimé a fait remarquer que le Ministre n'est pas lié par les observations faites par ses fonctionnaires autorisés ni par les interprétations données par ces derniers, si de telles observations et interprétations sont contraires aux dispositions précises et péremptoires de la loi. Ainsi, même si le remboursement a été accordé à l'appelant relativement aux pièces de motoneiges, ce fait ne détermine pas le droit de l'appelant à un remboursement en ce qui a trait aux pièces de débroussailleuses. De plus, il incombe à l'appelant de montrer que la cotisation de l'intimé est inexacte.

En rendant sa décision, le Tribunal s'inspire du raisonnement qu'il a tenu dans l'affaire P.R.E.P. Consulting Ltd. c. Le ministre du Revenu national [6] dans laquelle il a déclaré :

Le Tribunal ne peut non plus admettre que l'appelant n'ait pas droit au remboursement à l'égard des marchandises qui pourraient finalement être vendues dans le cadre d'un marché comportant la prestation d'un service. Pour paraphraser le paragraphe 120(3) de la Loi pour les besoins du présent argument, le Ministre versera à la personne un remboursement de la taxe si l'inventaire de cette personne, le 1 er janvier 1991, comprend des marchandises libérées de taxe, au début de cette journée. L'article 120 de la Loi se rapporte au statut des marchandises en question au 1 er janvier 1991. L'intimé a refusé à l'appelant une partie du remboursement que ce dernier a réclamé sur le motif que les marchandises ne répondaient pas à la définition du terme «inventaire» et qu'elles n'étaient pas «destinées à la fourniture taxable [...] par vente ou location». Cependant, il ressort des éléments de preuve incontestés soumis par l'appelant que, le 1 er janvier 1991, il détenait des marchandises aux fins de vente, qu'il s'agisse d'une vente telle quelle ou d'une vente dans le cadre d'un marché comportant également la prestation de services. En conséquence, ces marchandises peuvent être considérées comme figurant à l'inventaire le 1 er janvier 1991.»

Dans la présente cause, les éléments de preuve ont montré que les marchandises figuraient à l'inventaire de l'appelant aux fins de vente le 1er janvier 1991. Le Tribunal estime que l'appelant en l'espèce, à l'instar de l'appelant dans l'affaire P.R.E.P. Consulting, a droit au remboursement relativement aux pièces de débroussailleuses.

Pour étayer cette conclusion, en ce qui a trait aux 5 p. 100 des pièces vendues dans le cadre de la prestation de services, le Tribunal fait remarquer que le sous-alinéa 5a)(iii) du Mémorandum TPS 900, intitulé Remboursement de la taxe de vente fédérale à l'inventaire [7] , précise que :

les marchandises vendues par les entrepreneurs, les électriciens, les plombiers, les ateliers de carrosserie et autres lors de la prestation d'un service, qui sont facturées séparément ou qui figurent régulièrement sur les factures sous une rubrique distincte de celle de la main - d'oeuvre donneront droit à un remboursement.

Il ressort des éléments de preuve incontestés que, lorsque les marchandises sont vendues dans le cadre d'une transaction comprenant la prestation de services, le coût des marchandises et celui du service sont indiqués séparément sur la facture.

Cette mention est conforme au sens du terme «inventaire [8] », tel qu'il est défini aux fins du paragraphe 120(3) de la Loi. Pour les besoins du présent argument, l'inventaire peut être défini comme un «[é]tat descriptif des marchandises libérées de taxe [...] qui figurent à l'inventaire [le 1er janvier 1991] [...] et qui [...] sont destinées à la fourniture taxable [...] par vente». Une fourniture taxable comprend une «fourniture [9] » qui, selon la définition, comprend la «prestation de services [10] ». En combinant les éléments des définitions qui précèdent, l'inventaire peut être défini comme un état descriptif des marchandises libérées de taxe qui sont destinées à la prestation d'un service par vente. Le Tribunal formule cette interprétation à l'appui de son allégation selon laquelle les marchandises figurant à l'inventaire le 1er janvier 1991 qui peuvent par la suite avoir été vendues dans le cadre de la prestation d'un service à un client donnent droit au remboursement.

L'appel est donc admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E - 15.

2. L.C. 1990, ch. 45, art. 12.

3. L'«inventaire» d'une personne à un moment donné est défini au paragraphe 120(1) de la Loi comme s'entendant d'un «[é]tat descriptif des marchandises libérées de taxe d'une personne à un moment donné qui figurent à l'inventaire de la personne au Canada à ce moment et qui, à ce même moment, selon le cas : a ) sont destinées à la fourniture taxable [...] par vente ou location à d'autres dans le cours normal de l'entreprise de la personne».

4. Une «[f]ourniture taxable» est définie au paragraphe 123(1) de la Loi comme s'entendant d'une «[f]ourniture, sauf une fourniture exonérée, effectuée dans le cadre d'une activité commerciale». Une «fourniture» est définie comme s'entendant de la «livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation».

5. Voir, par exemple, Crown Tire Service Ltd. c. La Reine, [1984] 2 C.F. 219 (1re inst.); Dixie X - Ray Associates Limited c. La Reine, [1988] 2 C.F. 89 (1re inst.); Tenneco Canada Inc. c. Canada, [1988] 2 C.F. 3 (1re inst.).

6. Appel no AP - 92 - 002, le 19 mars 1993.

7. Ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 31 mai 1990.

8. Supra, note 3.

9. Supra, note 4.

10. Ibid.


Publication initiale : le 17 juin 1997