SMITH & NEPHEW INC.

Décisions


SMITH & NEPHEW INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-92-073

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 10 janvier 1994

Appel n o AP - 92 - 073

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 juin 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 27 avril 1992 concernant des demandes de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SMITH & NEPHEW INC. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

L'appel est admis.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues par le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 27 avril 1992. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises décrites comme des lits d'accouchement sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9402.90.90 à titre d'autres mobiliers pour la médecine ou la chirurgie, comme l'a prétendu l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9402.90.10 à titre de tables d'opération, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : L'appel est admis. La Règle 3 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé stipule que la position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale. Le Tribunal est d'avis que l'expression «table d'opération» décrit un lit d'accouchement de manière plus spécifique que l'expression «autres» mobiliers pour la médecine ou la chirurgie. Le Tribunal conclut donc que les lits d'accouchement sont classés dans le numéro tarifaire 9402.90.10 à titre de tables d'opération.


Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 juin 1993 Date de la décision : Le 10 janvier 1994
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Charles A. Gracey, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Donald Petersen, pour l'appelant Rosemarie Millar, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi), à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 27 avril 1992. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises décrites comme des lits d'accouchement sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9402.90.90 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] à titre d'autres mobiliers pour la médecine ou la chirurgie, comme l'a prétendu l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9402.90.10 à titre de tables d'opération, comme l'a soutenu l'appelant.

Pour le présent appel, les numéros tarifaires pertinents de l'annexe I du Tarif des douanes sont les suivants :

94.02 Mobilier pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire (tables d'opération, tables d'examen, lits à mécanisme pour usages cliniques, fauteuils de dentistes, par exemple); fauteuils pour salons de coiffure et fauteuils similaires, avec dispositif à la fois d'orientation et d'élévation; parties de ces articles.

9402.90 - Autres

9402.90.10 - - - Tables d'opération, lits oscillants et tables électromécaniques de chiropraticien, et leurs parties

9402.90.90 - - - Autres

Deux témoins ont comparu au nom de l'appelant. Le premier témoin, M. Norm Harding, infirmier possédant une vaste expérience pratique et anciennement agent des ventes pour Smith & Nephew Inc., a expliqué les similitudes entre un lit d'accouchement et une table d'opération. Il a affirmé que des dispositifs peuvent être fixés à chacun d'eux, comme des porte-jambes, des appui-bras et des arceaux d'anesthésie; la partie inférieure des deux meubles peut être abaissée afin de placer la patiente en position pour accoucher et les deux meubles sont utilisés pour des accouchements nécessitant des chirurgies, notamment des interventions chirurgicales comme des épisiotomies, des césariennes et des accouchements par une application de forceps ou par aspiration. Cependant, il a de plus affirmé qu'une table d'opération permet d'exécuter un certain nombre d'autres fonctions qui ne sont pas nécessairement liées à l'accouchement d'un bébé et que la principale fonction d'un lit d'accouchement n'est pas de s'en servir pour pratiquer des interventions chirurgicales. Il a expliqué que les lits d'accouchement sont des mécanismes relativement nouveaux offrant un choix par rapport au genre plus traditionnel de tables d'opération généralement utilisées pendant les accouchements.

Le deuxième témoin, M. André B. Lalonde, docteur en obstétrique-gynécologie et vice-président exécutif de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, a été convoqué à titre de témoin expert. Il a affirmé qu'un lit d'accouchement est un genre spécialisé de table d'opération étant donné que des interventions chirurgicales, comme des épisiotomies et des accouchements nécessitant des chirurgies, y sont pratiquées. Dans son témoignage, il a affirmé avoir effectué des accouchements dans des lits d'accouchement et a confirmé avoir souvent pratiqué des interventions chirurgicales mineures avant et après les accouchements ainsi que des césariennes sur des patientes couchées dans des lits d'accouchement.

M. Denis K. Dudley, docteur en obstétrique-gynécologie, médecine périnatale, a été convoqué par l'intimé à titre d'expert témoin. Les opinions qu'il a formulées sont quelque peu différentes de celles de M. Lalonde. Dans son témoignage, il a affirmé que l'accouchement est un phénomène naturel et que toute intervention chirurgicale est accessoire à un procédé essentiellement naturel. Il a indiqué ne jamais avoir pratiqué de césarienne ni avoir utilisé de forceps lors d'un accouchement dans un lit d'accouchement. De plus, s'il avait le choix, il ne pratiquerait jamais d'interventions du genre dans un tel lit étant donné qu'il est plus large qu'une table d'opération et qu'il ne permet pas de suivre le protocole opératoire. À son avis, la fonction première d'un lit d'accouchement est de fournir une option confortable et sécuritaire à la table d'opération traditionnelle et non de servir d'endroit où pratiquer des interventions chirurgicales.

M. Dudley a également affirmé qu'un lit d'accouchement est un lit utilisé pour des procédures médicales et, par conséquent, est un mobilier pour la médecine. De plus, si un lit d'accouchement est une table d'opération parce que des interventions chirurgicales mineures y sont pratiquées (comme des épisiotomies), alors, en appliquant la même logique, une table d'examen dans le cabinet d'un médecin devrait également être classée comme une table d'opération étant donné que des opérations mineures sont pratiquées sur des patients qui y sont allongés.

Le représentant de l'appelant a soutenu qu'un lit d'accouchement peut être incliné, soulevé et réglé comme peut l'être une table d'opération et que des interventions chirurgicales sont pratiquées sur des patientes allongées sur des lits d'accouchement.

Le représentant de l'appelant a fait référence à la décision rendue par le Tribunal dans l'arrêt M & S X - Ray Services Limited c. Le sous - ministre du Revenu national [pour les douanes et l'accise] [3] dans laquelle le Tribunal a été saisi de la question du classement d'une table de chiropratique. Comme l'a mentionné le représentant de l'appelant, le Tribunal a conclu qu'une table de chiropratique ne pouvait être facilement décrite comme un meuble ou un instrument diagnostique, mais qu'elle devait être classée comme un instrument diagnostique étant donné qu'il s'agit du terme qui la décrit le mieux. Le représentant de l'appelant a soutenu que, si ce principe général est appliqué aux faits en l'espèce, un lit d'accouchement répond mieux à la définition de l'expression «table d'opération» qu'à celle du terme «autres».

L'avocate de l'intimé s'est référée aux Notes explicatives [4] de la position no 94.02. Elle a soutenu que, puisque les lits d'accouchement y sont indiqués à part des tables d'opération, l'intention était de ne pas les considérer comme des synonymes. Une table d'opération est une table qui diffère d'un lit d'accouchement qui, lui, est décrit comme un article de mobilier sur lequel une personne peut s'étendre ou dans lequel elle peut dormir.

L'avocate de l'intimé a soutenu qu'un lit d'accouchement est utilisé pour soutenir une femme enceinte lorsqu'elle est examinée ou lorsqu'elle donne naissance à un enfant en milieu non stérile, tandis qu'une table d'opération est utilisée pour les interventions chirurgicales pratiquées sur des patients en milieu stérile. Bien que des interventions chirurgicales, comme des épisiotomies, puissent être pratiquées sur un lit d'accouchement, l'objet principal de ce genre de lit n'est pas de servir de table d'opération. L'avocate a examiné les dépliants sur le produit qui ont été présentés en preuve par le représentant de l'appelant et a soutenu que les lits d'accouchement se distinguent des tables d'opération puisqu'ils sont vendus avec d'autres pièces de mobiliers comme des armoires, des berceuses, etc.

L'avocat de l'intimé a prétendu de plus que la décision rendue dans l'arrêt M & S X - Ray se distingue de l'espèce étant donné que, dans la publicité, les lits d'accouchement sont qualifiés de lits d'accouchement et non de tables d'opération et qu'ils sont vendus comme tels. L'avocate a soutenu que le Tribunal doit plutôt se fonder sur la décision rendue par la Commission du tarif dans l'arrêt Waltham Watch Company of Canada Ltd. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [5] . Elle a affirmé que, dans cette décision, la Commission du tarif a conclu que la fonction des marchandises en définit les caractéristiques essentielles. À son avis, les caractéristiques essentielles ou l'objet d'un lit d'accouchement est de fournir un soutien à une patiente pendant qu'elle accouche d'un enfant et non de lui fournir un soutien pendant qu'elle subit une intervention chirurgicale.

Le Tribunal partage l'avis de l'appelant et de l'intimé selon lequel les lits d'accouchement sont correctement classés dans la position no 94.02 et dans la sous-position no 9402.90. La seule question, donc, est de savoir dans quel numéro tarifaire les lits d'accouchement doivent être classés dans cette position et cette sous-position.

Le Tribunal doit, en application de l'article 11 du Tarif des douanes, se tourner vers les Notes explicatives pour interpréter les positions et les sous-positions. Les Notes explicatives de la position no 94.02 énumèrent 12 marchandises devant être incluses dans la position no 94.02. Les «tables d'opération pour la chirurgie générale et pour les spécialités chirurgicales» et les «lits d'accouchement» sont indiqués séparément dans la liste. L'avocate de l'intimé a prétendu que le fait que ces deux articles soient indiqués séparément dans la liste montre que l'intention était de leur donner un classement distinct. Cependant, le Tribunal ne partage pas cet avis. Les «tables spéciales pour chirurgie orthopédique, permettant les interventions compliquées» qui, de l'avis du Tribunal, pourraient être considérées comme faisant partie de la catégorie générale des «tables d'opération pour la chirurgie générale et pour les spécialités chirurgicales» sont également indiquées séparément dans la liste. Le fait que les tables spéciales pour chirurgie orthopédique soient indiquées séparément n'empêche pas qu'elles puissent être classées dans la catégorie générale des tables d'opération. De plus, le fait de mentionner séparément les lits d'accouchement n'empêche pas qu'ils puissent être classés dans la catégorie générale des tables d'opération.

Le Tribunal conclut que les Notes explicatives n'offrent aucune indication quant à la façon de classer les lits d'accouchement au-delà de la position tarifaire.

Aux termes de l'article 10 du Tarif des douanes, le Tribunal doit classer les marchandises en suivant les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [6] (les Règles générales) et les Règles canadiennes énoncées à l'annexe I du Tarif des douanes. La Règle 1 des Règles canadiennes stipule que les Règles générales s'appliquent,mutatis mutandis, au classement des marchandises au niveau du numéro tarifaire. Comme aucun numéro tarifaire ne prévoit expressément les lits d'accouchement, le Tribunal ne peut les classer d'après les termes de ces numéros tarifaires, comme le prévoit la Règle 1 des Règles générales. La Règle 2 des Règles générales ne peut pas non plus s'appliquer étant donné que les lits d'accouchement ne sont pas incomplets ou non finis et ne sont pas des matières soit à l'état pur, soit mélangées ou bien associées à d'autres matières.

En application de la Règle 3 des Règles générales, le Tribunal doit, en premier, conclure que les lits d'accouchement paraissent devoir être classés dans deux ou plusieurs numéros tarifaires. Comme il a été indiqué dans les témoignages entendus à l'audience, un lit d'accouchement possède des caractéristiques semblables à celles d'une table d'opération et à celles d'un mobilier pour la médecine. Le Tribunal se fonde sur cette conclusion pour conclure que les lits d'accouchement paraissent devoir être classés dans le numéro tarifaire 9402.90.10 à titre de tables d'opération et dans le numéro tarifaire 9402.90.90 à titre d'autres mobiliers pour la médecine ou la chirurgie.

Puisqu'il a été conclu que les lits d'accouchement paraissent devoir être classés dans deux ou plusieurs numéros tarifaires, comme le stipule la Règle 3 des Règles générales, la Règle 3 a) prévoit que la position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale. Le Tribunal estime qu'une «table d'opération» est plus spécifique que d'«autres» mobiliers pour la médecine ou la chirurgie. Le Tribunal conclut donc que les lits d'accouchement sont classés dans le numéro tarifaire 9402.90.10 à titre de tables d'opération.

En conséquence, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. Appel n o 3018, le 15 septembre 1989.

4. Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, Conseil de coopération douanière, 1 re éd., Bruxelles, 1986.

5. (1984), 9 R.C.T. 388.

6. Supra, note 2, annexe I.


Publication initiale : le 16 juin 1997