NYGARD INTERNATIONAL LTD.

Décisions


NYGÅRD INTERNATIONAL LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-92-105

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 8 juillet 1993

Appel n o AP-92-105

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 février 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À un réexamen effectué par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 22 juin 1992 aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

NYGÅRD INTERNATIONAL LTD. Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

L'appel est rejeté.


Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre présidant

Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant a importé des échantillons de vêtements qui avaient été antérieurement mutilés. La première question en litige consiste à déterminer si la valeur en douane de chaque échantillon est d'au plus 1 $ au lieu du prix payé pour les vêtements originaux, aux termes de l'article 48 de la Loi sur les douanes. La deuxième question consiste à établir si les échantillons de vestes, de jupes et de chemisiers pour femmes doivent être classés dans le numéro tarifaire 6310.90.00 à titre de chiffons ou si ces échantillons sont correctement classés respectivement dans les numéros tarifaires 6204.32.00, 6204.59.00 et 6206.40.00 de l'annexe I du Tarif des douanes, comme l'a décidé l'intimé.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les marchandises en question ont été achetées pour leurs caractéristiques particulières relativement au tissu, à la création, au modèle et à la confection, éléments qui influent tous sur le prix de ces marchandises. Ces caractéristiques subsistent même si les vêtements ont été mutilés. En outre, le fait que les vêtements soient mutilés ne peut être raisonnablement considéré comme le genre de «restriction concernant la cession ou l'utilisation des marchandises par l'acheteur» prévue aux sous - alinéas 48(1)a)(i) à (iii) de la Loi sur les douanes. Pour ce qui est du classement des marchandises, le Tribunal est d'avis que les marchandises en question ne sont pas des chiffons. Ces marchandises ne sont jamais utilisées comme chiffons, mais comme échantillons de ce qu'elles sont vraiment, c'est - à - dire des vestes, des jupes et des chemisiers pour femmes. De fait, ces types de vêtements possèdent au chapitre du tissu, de la conception, du modèle et de la confection des caractéristiques particulières qui subsistent même si les marchandises en question ont été mutilées. Les marchandises en question sont donc correctement classées dans les numéros tarifaires 6204.32.00, 6204.59.00 et 6206.40.00, respectivement, à titre de vestes, de jupes et de chemisiers pour femmes, même si elles ne peuvent plus être portées.


Lieu de l'audience : Winnipeg (Manitoba) Date de l'audience : Le 17 février 1993 Date de la décision : Le 8 juillet 1993
Membres du Tribunal : Lise Bergeron, membre présidant Michèle Blouin, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Bruce Bowman, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard d'une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi.

L'appelant crée, confectionne, distribue et vend au détail des vêtements pour femmes. Le 30 octobre 1990, il a importé au Canada des échantillons de vêtements qui avaient été antérieurement mutilés.

Le présent appel porte sur deux questions. Il convient d'abord de déterminer si la valeur en douane des échantillons est d'au plus 1 $ au lieu du prix payé pour les vêtements originaux, ou la valeur transactionnelle aux termes de l'article 48 de la Loi. La deuxième question consiste à déterminer si les échantillons de vestes, de jupes et de chemisiers pour femmes doivent être classés dans le numéro tarifaire 6310.90.00 à titre de chiffons ou si ces échantillons sont correctement classés respectivement dans les numéros tarifaires 6204.32.00, 6204.59.00 et 6206.40.00 de l'annexe I du Tarif des douanes [2] , comme l'a décidé l'intimé.

M. Peter Feuerstein, employé de l'appelant depuis 18 ans, a été appelé comme témoin. M. Feuerstein a expliqué au Tribunal ce que l'appelant fait avec les échantillons de vêtements en question. D'abord, il les consigne dans un livre, puis les place dans une pièce distincte qui sert de salle d'exposition où se rendent des marchandiseurs à la recherche de coupes, de vêtements, d'imprimés, de tissus et de couleurs particuliers. Le vêtement choisi peut être taillé en plusieurs petits morceaux qui sont envoyés à divers agents partout dans le monde pour savoir s'ils peuvent fabriquer ce tissu et pour connaître leur prix. Les échantillons permettent également d'examiner des travaux de broderie hors de l'ordinaire, des boutons et des méthodes de confection novatrices. Le témoin a déclaré qu'il s'agit là des seuls motifs pour lesquels l'appelant achète des échantillons de vêtements. M. Feuerstein a conclu en précisant que les échantillons de plus d'un an sont habituellement mis à la poubelle.

Pour ce qui est de la première question, l'appelant a soutenu que la valeur en douane des échantillons ne peut être déterminée à l'aide de la valeur transactionnelle, aux termes du paragraphe 48(1) de la Loi, parce que les vêtements achetés ne correspondaient pas aux marchandises exportées, du fait qu'ils ont été convertis en échantillons. Selon l'appelant, le fait que les vêtements soient mutilés indique que «l'état des marchandises est changé par suite de mesures prises délibérément par l'acheteur avant l'importation», comme le prévoit le Mémorandum de l'Accise D-13-10-1 [3] (le Mémorandum D13-10-1). L'appelant a soutenu également qu'il y a eu des restrictions concernant la cession ou l'utilisation des vêtements par l'acheteur qui ont eu un effet notable sur la valeur des marchandises, aux termes du sous-alinéa 48(1)a)(iii) de la Loi. En conséquence, la valeur en douane n'aurait pas dû être déterminée à l'aide de la valeur transactionnelle conformément à l'article 48 de la Loi. En outre, l'appelant ne produit pas d'échantillons de vêtements mutilés; la valeur des marchandises ne peut donc pas être établie aux termes de l'article 49 ou 50 de la Loi à partir de la valeur de «marchandises identiques» ou de «marchandises semblables», car les définitions de ces expressions ont trait à des marchandises semblables ou identiques «qui l'auraient effectivement été [produites] si elles avaient été produites par ou pour le producteur ou le destinataire des marchandises à apprécier». En conséquence, l'avocat de l'appelant a demandé au Tribunal de conclure que la valeur en douane des marchandises doit être nulle ou d'au plus 1 $.

Pour ce qui est de la deuxième question, l'avocat de l'appelant a prétendu que la description des chiffons au numéro tarifaire 6310.90.00 n'est pas limitative, car les Notes explicatives [4] de la position no 63.10 sont fondées sur l'expression «Les chiffons [...] qui peuvent consister en». En outre, comme ces articles ne peuvent absolument pas être classés à titre de vêtements, ils sont correctement classés à titre de chiffons. L'avocat a ajouté que les marchandises sont correctement classées dans la position no 63.10 à titre de chiffons, conformément à la Règle 3 c) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé [5] , qui prévoit que dans le cas où les Règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d'effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d'être valablement prises en considération.

L'avocat de l'intimé a soutenu, pour ce qui est de la valeur transactionnelle des marchandises, que les deux principales exigences de l'article 48 de la Loi, c'est-à-dire que les marchandises doivent être vendues pour exportation au Canada et que le prix payé ou à payer pour les marchandises doit être déterminé, ont été satisfaites. L'avocat a affirmé que les marchandises achetées et donc importées par l'appelant sont des vêtements possédant certaines caractéristiques au chapitre du modèle, du tissu et de la conception. En outre, les conditions énoncées aux alinéas 48(1)a) à d) de la Loi, qui pourraient empêcher le recours à la méthode de la valeur transactionnelle, n'existent pas dans le cas présent. Plus particulièrement, aucune restriction n'a été imposée à l'appelant à l'égard de la cession ou de l'utilisation des marchandises au sens des sous-alinéas 48(1)a)(i) à (iii) de la Loi, l'appelant pouvant utiliser les vêtements à sa guise. L'avocat a soutenu que le Mémorandum D13-10-1, sur lequel l'appelant s'est fondé, porte sur des marchandises usagées, ce qui n'est pas le cas des marchandises en question. Enfin, la Loi interdit le recours à des valeurs arbitraires ou fictives comme celles proposées par l'appelant. Sauf la valeur correspondant au prix d'achat des marchandises, aucun élément de preuve n'a été dE9‚posé pour indiquer quelle autre valeur peut être utilisée. En ce qui touche le classement des marchandises, l'avocat a soutenu que la nature des marchandises en question est intacte au chapitre de la conception, du modèle et du tissu, malgré le fait que les marchandises ne puissent plus servir à leur fin habituelle, c'est-à-dire être portées. Les marchandises sont donc correctement classées à titre de vêtements aux termes du Chapitre 62 de l'annexe I du Tarif des douanes. En réponse à l'argument de l'appelant voulant que les marchandises en question soient des chiffons, l'avocat de l'intimé a prétendu qu'il convient de tenir compte des Notes explicatives de la position no 63.10, qui précisent que les chiffons de tissus visés par cette position peuvent consister en articles d'ameublement ou d'habillement ou en autres «vieux articles textiles complètement usés, souillés ou déchirés, ou bien en rognures de tissus neufs [...] ou encore en chutes de teinturerie», ce qui ne correspond pas aux marchandises en question.

Le Tribunal partage le point de vue de l'intimé à l'égard des deux questions. Il ne fait aucun doute, à partir de l'explication fournie au sujet de l'utilisation des échantillons de vêtements par l'appelant, que les marchandises en question ont été achetées pour leurs caractéristiques particulières relativement au tissu, à la conception, au modèle et à la confection, éléments qui influent tous sur le prix des marchandises. Ces caractéristiques subsistent même si les vêtements ont été mutilés. En outre, le fait que les vêtements soient mutilés ne peut être raisonnablement considéré comme le genre de «restriction concernant la cession ou l'utilisation des marchandises par l'acheteur» prévue aux sous-alinéas 48(1)a)(i) à (iii) de la Loi. Il ne semble pas que cette disposition englobe des restrictions imposées par l'acheteur, comme le fait de mutiler les marchandises, dans le cas présent. L'appelant n'a pas été en mesure de convaincre le Tribunal que la méthode de la valeur transactionnelle, à l'article 48 de la Loi, ne doit pas être appliquée.

Pour ce qui est du classement, le Tribunal est d'avis que les marchandises en question ne sont pas des chiffons. Ces marchandises ne sont jamais utilisées comme chiffons, mais comme échantillons de ce qu'elles sont vraiment, c'est-à-dire des vestes, des jupes et des chemisiers pour femmes. De fait, ces types de vêtements possèdent au chapitre du tissu, de la conception, du modèle et de la confection des caractéristiques particulières qui subsistent même si les marchandises en question ont été mutilées. Les marchandises en question sont donc correctement classées dans les numéros tarifaires 6204.32.00, 6204.59.00 et 6206.40.00, respectivement à titre de vestes, de jupes et de chemisiers pour femmes, même si elles ne peuvent plus être portées.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Marchandises usagées (Loi sur les douanes, articles 48 à 53), ministère du Revenu national, Douanes et Accise, le 1er juin 1986.

4. Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1986.

5. Supra, note 2, annexe I.


Publication initiale : le 18 juin 1997