ARDEL STEEL LTD.

Décisions


ARDEL STEEL LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-158

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 5 mai 1994

Appel n o AP-92-158

EU ÉGARD À un appel entendu le 3 novembre 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 20 juillet 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

ARDEL STEEL LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.

Anthony T. Eyton ______ Anthony T. Eyton Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Robert C. Coates, c.r. ______ Robert C. Coates, c.r. Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel porte sur deux questions. Le Tribunal doit déterminer si la coupe de barres d'armature en acier (barres d'armature) à la longueur voulue constitue de la fabrication ou de la production aux termes de la Loi sur la taxe d'accise. En outre, le Tribunal doit décider si le pliage des barres d'armature selon les exigences d'un client représente de la fabrication ou de la production aux termes de la Loi sur la taxe d'accise. Si le Tribunal conclut que ces activités ne constituent pas de la fabrication ou de la production, l'appelant a payé par erreur des taxes sur le prix de vente des barres d'armature ainsi coupées ou pliées, ou les deux. Si des taxes ont été payées par erreur, le ministre du Revenu national a incorrectement déterminé que l'appelant n'était pas admissible au remboursement demandé.

DÉCISION : L'appel est admis. La coupe des barres d'armature à la longueur voulue ne peut être considérée comme donnant une nouvelle forme aux barres; par ailleurs, les qualités ou les propriétés des barres n'ont pas été modifiées. En outre, le Tribunal ne croit pas que l'appelant fabriquait des barres d'armature du seul fait qu'il les coupait à la longueur voulue. Il n'est pas, non plus, d'avis que l'appelant est un fabricant marginal aux termes de l'alinéa f) de la définition de «fabricant ou producteur» donnée au paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d'accise.

Le Tribunal conclut, en outre, que le pliage des barres d'armature selon les exigences d'un client ne constitue pas de la fabrication ou de la production. Bien que les barres d'armature pliées puissent avoir une nouvelle forme en ce sens qu'elles présentent une nouvelle configuration, le Tribunal ne croit pas qu'elles ont acquis de nouvelles qualités et propriétés. Le pliage n'a pas modifié la nature des barres et ces dernières continuent d'exercer les mêmes fonctions que les barres droites. Les barres d'armature étaient tout à fait utilisables avant d'être pliées et elles pouvaient être vendues sans autre modification. Le pliage des barres n'a rien créé, car les barres droites peuvent exercer toutes les fonctions des barres pliées, quoique peut - être pas nécessairement aussi bien.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 3 novembre 1993 Date de la décision : Le 5 mai 1994
Membres du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Robert C. Coates, c.r., membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Anne Jamieson
Ont comparu : Douglas G. Mills, pour l'appelant Brian Tittemore, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre) qui a eu pour effet de rejeter une demande de remboursement des taxes prétendument payées par erreur. Le présent appel porte sur deux questions. Le Tribunal doit déterminer si la coupe de barres d'armature en acier (barres d'armature) à la longueur voulue constitue de la fabrication ou de la production aux termes de la Loi. En outre, le Tribunal doit décider si le pliage des barres d'armature selon les exigences d'un client représente de la fabrication ou de la production aux termes de la Loi. Si le Tribunal conclut que ces activités ne constituent pas de la fabrication ou de la production, l'appelant a payé par erreur des taxes sur le prix de vente des barres d'armature ainsi coupées ou pliées, ou les deux. Si des taxes ont été payées par erreur, le Ministre a incorrectement déterminé que l'appelant n'avait pas droit au remboursement demandé.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

50. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente [...] sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable [...] par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.

L'intimé a déterminé que les barres d'armature coupées ou pliées, ou les deux, sont des marchandises produites ou fabriquées au Canada. Il a également déterminé que l'appelant est un fabricant marginal de barres d'armature coupées aux termes de l'alinéa f) de la définition de «fabricant ou producteur», donnée au paragraphe 2(1) de la Loi (alinéa 2(1)f) de la Loi), qui se lit comme suit :

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés :

[...]

f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle - ci, prépare des marchandises pour la vente en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, ou en les enduisant ou les finissant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs.

L'avocat de l'appelant a cité à comparaître comme témoin de ce dernier M. Arnold Steven Matt, président, directeur et seul actionnaire de Ardel Steel Ltd. M. Matt a déclaré au Tribunal que l'appelant fournit des barres d'armature à ses clients. Ses activités comprennent la coupe des barres à la longueur exigée par ses clients et, dans certains cas, le pliage des barres de manière à satisfaire aux besoins des clients. Les clients sont en majorité des entrepreneurs qui achètent les barres d'armature pour des projets de construction. M. Matt a fait remarquer que les barres d'armature ne sont pas coupées ni pliées aux fins de constitution des stocks.

Lorsque l'appelant soumissionne un marché de fourniture de barres d'armature, il dépose une soumission à somme forfaitaire fondée sur les exigences du client ou sur les dessins de l'ingénieur de structure, qui précisent la longueur, la nuance et le diamètre des barres d'armature requises pour le projet. S'il obtient le contrat, l'appelant prépare des dessins détaillés des barres d'armature requises par le contrat ou ceux-ci sont fournis par le client. À partir de ces dessins, l'appelant établit la liste des barres d'armature requises. Une fois les barres coupées et, le cas échéant, pliées, elles sont livrées au chantier ou préparées aux fins de chargement. En outre, des commandes de moindre envergure sont passées au téléphone ou en personne. Dans les deux cas, le client précise la longueur, le diamètre et la quantité de barres d'armature requises.

M. Matt a fait remarquer que l'appelant est un fabricant titulaire d'une licence aux termes de la Loi depuis 1985 et qu'il a payé la taxe de vente sur le prix de vente des barres d'armature qu'il a vendues à ses clients. Il a expliqué de quelle façon l'appelant a été porté à croire que les activités en question ne constituaient pas de la fabrication ou de la production aux termes de la Loi. En outre, il a décrit les événements qui ont entraîné la production de trois demandes de remboursement, les déterminations ultérieures du Ministre, les oppositions à l'égard de ces déterminations, les décisions rendues par la suite par le Ministre et l'appel devant le Tribunal de l'une de ces déterminations.

L'avocat de l'appelant a soutenu que la coupe de barres d'armature à la longueur voulue ne constitue pas de la fabrication au sens traditionnel. Il a établi une distinction entre la coupe des barres d'armature à la longueur voulue et les activités importantes décrites comme de la fabrication par la Cour suprême du Canada dans la cause Her Majesty The Queen v. York Marble, Tile and Terrazzo Limited [2] . Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a adopté la définition suivante du terme «manufacture» (fabrication) :

the production of articles for use from raw or prepared material by giving to these materials new forms, qualities and properties or combinations whether by hand or machinery [3] .

([Traduction] la production à partir de matériaux bruts ou préparés des articles destinés à être utilisés, en donnant aux matériaux de nouvelles formes, qualités et propriétés ou combinaisons soit à la main, soit à la machine.)

L'avocat de l'appelant s'est reporté à la cause La Reine c. Stuart House Canada Limited [4] où il a été conclu qu'une société qui achetait du papier d'aluminium en vrac, le coupait à la longueur voulue, l'enroulait sur des tubes de carton, plaçait ces rouleaux, plus petits, dans des emballages de carton et les vendait en gros, n'était pas un fabricant ou producteur de papier d'aluminium. Plaidant par analogie, l'avocat a fait valoir que la coupe des barres d'armature à la longueur voulue n'en modifie pas la forme, les qualités ou les propriétés; elle ne change d'aucune façon la nature des barres d'armature. Les activités décrites dans la cause Stuart House ne constituaient pas de la fabrication ou de la production au sens traditionnel; il en va de même de la coupe des barres d'armature à la longueur voulue. L'avocat a également souligné l'opinion incidente formulée par le juge Addy, qui a indiqué que les termes compris dans l'expression «nouvelles formes, qualités et propriétés ou combinaisons» doivent être considérés globalement de sorte que :

il doit [...] y avoir une modification de la forme, des qualités et des propriétés des marchandises ou de la forme, des qualités et des combinaisons des marchandises utilisées pour qu'il y ait fabrication ou production au sens ordinaire de ces mots [5] .

Pour appuyer davantage la proposition selon laquelle la coupe des barres d'armature à la longueur voulue ne constitue pas de la fabrication ou de la production au sens traditionnel, l'avocat de l'appelant a invoqué deux fiches de décision publiées par le ministère du Revenu national (Revenu Canada). La première, qui porte le code 1115/69-1 Passif [6] , précise que :

[l]e sciage ou le découpage sur mesure seulement [...] de l'acier [...] d'armature, ne constitue pas un procédé de fabrication ou de production aux fins de la Loi.

Dans la deuxième fiche de décision, qui porte le code 1115/15 Actif, datée du 16 décembre 1963 [7] , il a été décidé que la coupe de poteaux à la longueur voulue uniquement, selon les exigences d'un client, n'est pas considérée comme de la fabrication ou de la production.

Pour ce qui est de l'application de l'alinéa 2(1)f) de la Loi, l'avocat de l'appelant a soutenu que l'appelant n'a pas préparé des barres d'armature aux fins de vente lorsqu'il les a coupées aux dimensions voulues. Se reportant à des définitions lexicographiques du terme «prepare» (préparer), il a prétendu que l'alinéa 2(1)f) de la Loi s'adresse à des personnes qui préparent des marchandises aux fins de la vente avant que celles-ci ne soient assujetties à un contrat de vente. L'avocat a fait remarquer que, lorsque l'appelant coupe les barres d'armature, le contrat de vente a déjà été signé. La présente cause se distingue des causes où les marchandises sont coupées à la longueur voulue aux fins de constitution de stocks avant la signature d'un contrat visant leur vente.

L'avocat de l'appelant a fait valoir qu'en cas de doute sur le sens de la législation, les politiques et l'interprétation administratives deviennent un facteur important [8] . À cet égard, l'avocat s'est reporté au bulletin Nouvelles de l'accise [9] , publié par Revenu Canada en décembre 1980 et intitulé «Définition élargie de fabricant ou producteur (fabrication marginale)». L'avocat a fait valoir que cette publication précise de quelle façon Revenu Canada avait l'intention d'interpréter l'alinéa 2(1)f) de la Loi. À la page 3 de la publication, certaines activités sont réputées ne pas être visées par cet alinéa, notamment «(6) le seul fait de tailler des marchandises à la longueur exigée par le client, par ex., le fil métallique, le câble, le tissu servant à confectionner les draperies, vendus au pied, à la verge ou au mètre [10] ». L'avocat a fait valoir qu'il existe peu de différence entre ces marchandises détaillées et les barres d'armature, qui sont vendues au pied.

L'avocat de l'appelant s'est également reporté aux directives publiées par le sous-ministre adjoint pour l'Accise dans une note de service, en date du 6 juillet 1981, adressée aux directeurs régionaux et intitulée Principes et philosophie de la fabrication marginale [11] . Cette note renferme l'extrait suivant :

Les activités précitées (assembler, mélanger) sont toutes reliées à la préparation des marchandises pour la vente, c'est - à - dire changer, modifier ou rehausser la présentation commerciale en vue de la vente.

La préparation des marchandises pour la vente ne comprend pas l'emballage des marchandises pour l'expédition seulement ni leur préparation en vue de satisfaire aux exigences d'un client, lorsque cette activité n'est pas orientée vers la «mise en valeur» du produit mais représente plutôt un service rendu à l'utilisateur des marchandises [12] .

L'avocat de l'appelant a fait valoir que les activités de l'appelant visent la préparation de marchandises pour satisfaire aux exigences d'un utilisateur, car l'appelant offre un service en coupant les barres d'armature à la longueur voulue.

L'avocat de l'appelant a prétendu que l'expression «coupant sur mesure», utilisée à l'alinéa 2(1)f) de la Loi, exclut la seule activité de «couper à la longueur voulue». Après avoir invoqué la définition lexicographique du terme anglais «size» (mesure), l'avocat a souligné que ce terme porte sur plus d'une dimension. Par conséquent, l'activité de «coupant sur mesure» englobe la coupe des marchandises en tenant compte de plus d'une dimension, ce qui exclut le seul fait de couper à la longueur voulue. Par ailleurs, l'expression «coupant sur mesure» ne peut désigner que le fait de couper des marchandises en longueurs préétablies, ce qui exclurait la coupe des barres d'armature à la longueur exigée par un client.

En outre, l'avocat de l'appelant a prétendu que la coupe des barres d'armature aux longueurs exigées par un client constitue la préparation des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux clients. À ce titre, les activités de l'appelant sont exclues de l'alinéa 2(1)f) de la Loi.

Pour ce qui est du pliage des barres d'armature, l'avocat de l'appelant a fait remarquer que cette activité n'est pas comprise dans la fabrication marginale. Elle doit donc être considérée comme une activité traditionnelle de fabrication ou de production pour que le produit obtenu soit taxable. Se reportant à la cause York Marble, l'avocat a fait valoir que le seul fait de plier les barres d'armature ne leur confère pas une nouvelle forme, pas plus qu'il ne modifie les qualités, propriétés ou combinaisons des matériaux.

L'avocat de l'appelant a soutenu que le point de vue commercial généralement accepté d'une activité particulière permet de déterminer si l'activité constitue de la fabrication ou de la production. Le pliage des barres d'armature selon les exigences d'un client ne serait habituellement pas reconnu comme une activité de fabrication ou de production des marchandises. Le pliage des barres d'armature ne permet pas d'obtenir un produit nouveau; il s'agit plutôt d'un service offert par l'appelant.

L'avocat de l'intimé a prétendu que la coupe des barres d'armature à la longueur voulue constitue une activité traditionnelle de fabrication ou de production, de même qu'une activité de fabrication marginale, aux termes de l'alinéa 2(1)f) de la Loi. La cause York Marble a été citée comme cas d'espèce faisant autorité aux fins de la définition d'un fabricant. L'avocat a fait valoir que, lorsque l'appelant coupe des barres d'armature à des longueurs précises pour se conformer aux prescriptions d'un projet particulier, notamment lorsqu'il travaille à partir de bleus, il ajoute une nouvelle forme et de nouvelles qualités, propriétés ou combinaisons aux marchandises. Lorsque les barres d'armature sont coupées à la longueur voulue, elles présentent une nouvelle forme. En outre, les barres d'armature coupées ont de nouvelles qualités et propriétés car, du fait qu'elles sont plus courtes, elles peuvent être utilisées d'autres façons.

Pour ce qui est de la fabrication marginale, l'avocat de l'intimé a prétendu que le processus de coupe est une condition de vente des barres d'armature. Si ces dernières n'étaient pas coupées selon les modalités du contrat, il n'y aurait pas d'achat. À ce titre, la coupe à la longueur voulue est une activité qui permet de préparer les barres d'armature pour la vente. En outre, l'appelant met en valeur les barres d'armature au point de vue commercial et il ne se limite pas à offrir un service à ses clients. Après réexamen des définitions lexicographiques du terme «size» (mesure) fournies par l'avocat de l'appelant, l'avocat de l'intimé a soutenu que la coupe à la longueur voulue est comprise dans l'expression «coupant sur mesure». Pour ce qui est de l'argument de l'appelant selon lequel il prépare les barres d'armature [traduction] dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs» l'avocat a formulé plusieurs observations. Premièrement, il a fait remarquer que l'appelant vend certaines barres d'armature à des cours à bois qui les revendent aux consommateurs. Ainsi, l'appelant ne vend pas exclusivement aux consommateurs. Deuxièmement, il vend en grande partie par le biais d'appels d'offres, activité qui n'a rien à voir avec celle d'un magasin de détail. Troisièmement, dans la pratique, l'expression «magasin de détail» sous-entend un lieu dont l'entrée est libre et où les consommateurs peuvent examiner et acheter des marchandises. Après avoir admis que certains clients passent des commandes dans les locaux de l'appelant, l'avocat a soutenu que les ventes sont effectuées en grande partie par voie d'appels d'offres. Enfin, il a fait remarquer que les entrepreneurs et les constructeurs qui achètent des barres d'armature à l'appelant ne sont pas les consommateurs des barres d'armature. Ils les utilisent plutôt pour ériger un ouvrage qu'ils revendent par la suite avec les barres d'armature.

Dans sa plaidoirie selon laquelle la coupe des barres d'armature à la longueur voulue constitue une activité de production, l'avocat de l'intimé s'est reporté à deux causes [13] et a fait valoir que la production est un processus créant une marchandise utilisable. L'avocat a souligné que la coupe des barres d'armature à la longueur voulue est un processus qui est exigé avant que les acheteurs puissent les utiliser. En outre, la coupe des barres d'armature à la longueur voulue est assimilable au découpage des flancs d'un boeuf pour produire diverses coupes [14] ou à «la coupe de l'acier sur mesure [15] », activités réputées constituer de la production.

L'avocat de l'intimé a soutenu que le pliage des barres d'armature représente une activité de fabrication ou de production. Se reportant de nouveau à la cause York Marble, il a fait valoir que cette activité confère une nouvelle forme et de nouvelles qualités et propriétés aux barres d'armature parce que ces marchandises peuvent être utilisées d'une manière qui ne serait pas autrement possible. En outre, cette activité peut être considérée comme de la production parce qu'elle crée une marchandise utilisable à une fin prévue et qu'elle crée une marchandise nouvelle [16] .

Pour appuyer son argument selon lequel les activités de l'appelant seraient, sur le plan commercial, reconnues comme des activités de fabrication ou de production, l'avocat de l'intimé a mentionné la machinerie lourde utilisée par l'appelant pour couper et plier les barres d'armature.

Conformément aux motifs énoncés dans la cause Stuart House, le Tribunal ne considère pas que la coupe des barres d'armature à la longueur voulue constitue une activité de fabrication ou de production des marchandises dans le sens traditionnel. Cette activité ne peut être réputée conférer une nouvelle forme aux barres d'armature et aucune modification n'a été apportée aux qualités ou aux propriétés de ces barres. En outre, le Tribunal ne croit pas que l'appelant produisait des barres d'armature du seul fait qu'il coupait lesdites barres à la longueur voulue.

Le Tribunal ne croit pas non plus que l'appelant est un fabricant marginal aux termes de l'alinéa 2(1)f) de la Loi. Il a été décidé qu'en cas de doute sur le sens de la législation, les politiques et l'interprétation administratives «ont une certaine valeur et [...] peuvent être un "facteur important" [17] » aux fins de l'interprétation de la Loi. À cet égard, l'avocat de l'appelant a invoqué les Nouvelles de l'accise, document dans lequel Revenu Canada a déclaré que «le seul fait de tailler des marchandises à la longueur exigée par le client» n'est pas visé par la signification de l'alinéa 2(1)f) de la Loi. Après avoir examiné les dispositions de la Loi et les arguments présentés au nom des parties, le Tribunal est convaincu par cet énoncé, qui reprend l'interprétation de cette disposition par Revenu Canada, que le fait que l'appelant coupe des barres d'armature à la longueur exigée par ses clients ne constitue pas une activité de fabrication marginale au sens de l'alinéa 2(1)f) de la Loi.

Le Tribunal conclut, en outre, que le pliage des barres d'armature selon les exigences d'un client ne constitue pas de la fabrication ou de la production. Le Tribunal est d'accord avec les observations du juge Addy dans la cause Stuart House selon lesquelles les termes que renferme l'expression «formes, qualités et propriétés ou combinaisons», adoptées par la Cour suprême du Canada dans la cause York Marble, doivent être considérés globalement. Bien que les barres d'armature pliées puissent avoir une nouvelle forme en ce sens qu'elles présentent une nouvelle configuration, le Tribunal ne croit pas qu'elles ont acquis de nouvelles qualités et propriétés. Le pliage n'a pas modifié la nature des barres et ces dernières continuent d'exercer les mêmes fonctions que les barres droites. En outre, les barres d'armature étaient tout à fait utilisables avant d'être pliées et elles pouvaient être vendues sans autre modification. Le pliage des barres n'a rien créé, car les barres droites peuvent exercer toutes les fonctions des barres pliées, quoique peut-être pas nécessairement aussi bien.

En outre, le Tribunal est d'avis que la combinaison de la coupe et du pliage des barres d'armature ne constitue pas de la fabrication ou de la production.

Par conséquent, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. [1968] R.C.S. 140.

3. Ibid. à la p. 145.

4. [1976] 2 C.F. 421.

5. Ibid . à la p. 426.

6. La fiche de décision révèle que la cause est devenue passive le 28 novembre 1985, car elle était considérée comme contraire à l'alinéa 2(1) f ) de la Loi.

7. Étant donné que la fiche portait sur une décision rendue aux fins de l'application de la Loi en vigueur au 1 er janvier 1981, l'avocat de l'appelant a soutenu qu'elle était incorrectement datée.

8. Voir Gene A. Nowegijick c. Sa Majesté La Reine , [1983] 1 R.C.S. 29.

9. Publié dans ECG Canada Inc. c. La Reine , [1987] 2 C.F. 415 à la p. 420.

10. Ibid.

11. Supra , note 9 à la p. 421.

12. Ibid.

13. Fiat Auto Canada Limited c. La Reine , [1984] 1 C.F. 203, et Lorne Shields Intertrade Corp. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1985), 10 R.C.T. 215.

14. Hobart Canada Inc. c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, Cour d'appel fédérale, non publié, n o du greffe A - 1868 - 83, le 18 septembre 1985.

15. M. Brown & Sons Limited c. Le ministre du Revenu national , Tribunal canadien du commerce extérieur, appel n o 2798, le 3 septembre 1992.

16. Supra , note 13.

17. Supra , note 8 à la p. 37.


Publication initiale : le 5 juin 1997