NOMAD EAST DISTRIBUTION CORPORATION

Décisions


NOMAD EAST DISTRIBUTION CORPORATION
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel no AP-92-180

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 22 décembre 1993

Appel n o AP - 92 - 180

EU ÉGARD À un appel entendu le 14 avril 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

NOMAD EAST DISTRIBUTION CORPORATION Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

L'appel est rejeté.

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





L'appelant a importé des triporteurs et leurs parties connexes au Canada. Les triporteurs sont utilisés par des personnes qui ont de la difficulté à se déplacer. La question dans le présent appel consiste à déterminer si les triporteurs importés sont «d'une classe ou d'une espèce non faite au Canada [...] et les parties de ces articles» et s'ils relèvent ainsi du code tarifaire 2530 de l'annexe II du Tarif des douanes. Le classement de ces marchandises n'est pas contesté.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal n'a pas été convaincu que les différences entre les marchandises importées et les triporteurs fabriqués au Canada sont suffisamment importantes pour que les marchandises importées soient considérées comme des triporteurs «d'une classe ou d'une espèce non faite au Canada».

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 14 avril 1993 Date de la décision : Le 22 décembre 1993
Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : Robert Desjardins
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Carol A. McGlennon, pour l'appelant Ian McCowan, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en application de l'article 63 de la Loi.

Fabriquées aux États-Unis par Ortho-Kinetics, Inc. (Ortho-Kinetics), les marchandises faisant l'objet du présent appel sont des triporteurs électriques de modèle Triumph 4390 et leurs parties connexes. Les triporteurs sont utilisés par des personnes qui ont de la difficulté à se déplacer. Les personnes âgées qui souffrent d'arthrite ou de problèmes respiratoires comptent parmi les acheteurs de ces marchandises. Les triporteurs ont été importés au Canada par l'appelant et classés dans le numéro tarifaire 8713.90.00, et leurs parties connexes dans le numéro tarifaire 8714.20.00; les triporteurs et leurs parties connexes bénéficiaient de l'avantage conféré par le code tarifaire 2530 de l'annexe II du Tarif des douanes [2] . Ce code englobe les chaises d'invalides «d'une classe ou d'une espèce non faite au Canada [...] et les parties de ces articles». Dans une série de décisions, l'intimé a retiré aux marchandises en question l'avantage du code tarifaire 2530.

La question en litige dans le présent appel est très simple, à savoir si les marchandises en cause sont «d'une classe ou d'une espèce non faite au Canada» et relèvent ainsi du code tarifaire 2530. Le classement des marchandises en question n'est pas contesté par les parties.

Les deux premiers témoins cités par l'appelant ont été MM. Thomas Villiesse et Kevin Knapp, qui occupent respectivement les postes d'ingénieur électricien et de directeur des ventes internationales auprès d'Ortho-Kinetics. Le témoignage de M. Villiesse a principalement porté sur un essai effectué par Ortho-Kinetics sur trois triporteurs, c'est-à-dire ceux en question et deux autres fabriqués au Canada — le Carrette 1000 et le Fortress 2001LX (fabriqués par Everest & Jennings Canadian Limited [Everest & Jennings] et Fortress Scientific Limited [Fortress], respectivement). Le Tribunal a visionné une bande vidéo ayant trait à cet essai. Ce dernier avait pour but de comparer la capacité maximale au gravissement de ces triporteurs. Les résultats ont révélé, selon M. Villiesse, que les triporteurs importés, qui sont fabriqués par Ortho-Kinetics, offrent un meilleur rendement au chapitre de la capacité au gravissement. Sur ce point, M. Knapp a ajouté que le modèle Triumph 4390 peut gravir une pente de 25 degrés en transportant une personne de 100 lb. Au cours du contre-interrogatoire, M. Knapp a déclaré au Tribunal que le siège ordinaire du triporteur peut supporter une charge maximale de 250 lb.

Le président de la société appelante, M. John S. Vincent, a également témoigné au nom de l'appelant. Il a décrit de façon générale les triporteurs importés et a déclaré que ceux-ci peuvent monter [traduction] «un peu plus haut et avec une charge un peu plus lourde» que les autres triporteurs, que leur présentation est très soignée et qu'ils sont à la fine pointe de la technologie dans l'industrie du triporteur. Il a également souligné le rayon de braquage plus court des triporteurs en question. De plus, il a affirmé que la concurrence est très vive dans l'industrie du triporteur. Comme il l'a précisé au cours du contre-interrogatoire, M. Vincent croit que l'appelant partage un même créneau avec le fabricant canadien, Fortress.

M. Steve Elder a été le premier témoin de l'intimé. M. Elder occupe actuellement le poste de directeur du génie biomédical, à l'hôpital Victoria, de London (Ontario), et il est président du conseil d'administration de la Canadian Adaptive Seating and Mobility Association, où il est chargé du programme d'évaluation des appareils de déplacement. Ce programme a pour but d'évaluer les triporteurs offerts sur le marché en vue de veiller au respect des normes du ministère de la Santé de l'Ontario, et de déterminer si ces derniers peuvent être ajoutés à la liste des triporteurs admissibles à une aide financière. M. Elder a expliqué en détail la méthode d'essai normalisée utilisée pour les triporteurs. Certaines de ces normes ont trait à la capacité au gravissement des triporteurs, comme la stabilité dynamique et statique. M. Elder ne recommanderait pas à une personne souffrant de handicap moteur d'utiliser un triporteur dans des pentes de 20 ou 25 degrés. Selon son expérience, la plupart des gens sont très inconfortables dans des pentes de plus de 12 à 14 degrés. Pour ce qui est du but des triporteurs, M. Elder a indiqué que la plupart des triporteurs sont destinés à être utilisés comme véhicules de transport de personnes qui ont de la difficulté à se déplacer et non comme véhicules tout-terrains ou de plaisance.

M. William Zerter a été le deuxième témoin de l'intimé. M. Zerter est vice-président, Finances, de Fortress. Il a décrit les principales caractéristiques du triporteur Fortress 2001LX. À son avis, la société qu'il représente et l'appelant se livrent concurrence sur le même marché. Il a fait remarquer que les produits de l'appelant sont, à bien des égards, semblables à ceux de Fortress. Il a également déclaré qu'en Europe les normes qui régissent les triporteurs sont plus rigoureuses que celles en vigueur en Amérique du Nord. Pour ce qui est de la capacité au gravissement, la norme hollandaise prévoit une pente de 12 degrés. Après avoir précisé que les normes hollandaises sont les plus rigoureuses, il a souligné que le triporteur fabriqué par sa société a été coté le meilleur en Hollande en 1987. En ce qui touche la charge maximale du Fortress 2001LX, M. Zerter a indiqué qu'elle dépasse 400 lb, à condition que le triporteur comporte un siège plus large. Pour pouvoir transporter une charge plus lourde, le triporteur doit être équipé d'un siège fait sur mesure ou son rapport d'engrenage doit être adapté.

Les deux derniers témoins de l'intimé ont été M. Drew Gibney, directeur de la recherche-développement et de l'ingénierie de produits auprès d'Everest & Jennings et M. Gregg McBurnie, président de Ranger Scooters Ltd. (Ranger). Ces deux témoins ont décrit brièvement les produits de leurs sociétés respectives. Il convient de noter que Ranger achète certaines parties pour ses triporteurs à l'extérieur du Canada. Elle écoule la majeure partie de sa production en Colombie-Britannique, où elle détient entre 20 p. 100 et 25 p. 100 du marché.

La représentante de l'appelant a soutenu que la décision rendue par la Commission du tarif dans l'affaire Aisco Industrial Safety Apparel c. Le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [3] a trait à une question qui ressemble beaucoup à celle de la présente cause, car elle porte sur le même type de marchandises. Dans la cause précitée, la Commission du tarif a conclu qu'il existait d'importantes différences entre les marchandises en question et les marchandises canadiennes, notamment pour ce qui est du poids, de la puissance et de la traction. La représentante de l'appelant a soutenu que les éléments de preuve montrent qu'il existe manifestement une différence importante entre les triporteurs importés et les triporteurs fabriqués au Canada en ce qui touche la capacité au gravissement. À son avis, lorsque le conducteur est une personne plus lourde, lorsqu'il doit franchir des pentes plus abruptes (p. ex. en terrain accidenté) ou lorsque le rayon de braquage est réduit, il n'a d'autre choix que d'acheter le triporteur importé. En outre, elle a demandé au Tribunal de déterminer si Ranger peut être considérée un fabricant canadien de triporteurs.

L'avocat de l'intimé a fait valoir qu'il incombe à l'appelant de démontrer sans équivoque que les marchandises en question sont visées par l'exception mentionnée au code tarifaire 2530. Selon lui, la formulation utilisée dans l'affaire Aisco est déterminante dans la présente cause. En conséquence, l'appelant doit prouver que les marchandises en question représentent, en raison de leurs caractéristiques sensiblement différentes, un type différent de triporteur. Il a soutenu que compte tenu d'éléments de preuve indépendants déposés auprès du Tribunal, ces différences ne s'appliquent pas à la présente cause. Il se peut qu'il y ait des différences au chapitre de la qualité des divers triporteurs dont il a été question au cours de l'audience, mais celles-ci ne permettent pas de conclure que le meilleur triporteur est un triporteur différent. Enfin, pour ce qui est de Ranger, l'avocat de l'intimé a prétendu qu'aucun élément de preuve ne laisse supposer que cette société n'est pas un fabricant.

Après avoir examiné les éléments de preuve et tenu compte des arguments qui lui ont été présentés, le Tribunal est d'avis que l'appel doit être rejeté. Comme il a déjà été mentionné, la question en litige dans le présent appel est restreinte, à savoir si les triporteurs en question comportent des caractéristiques suffisamment différentes de celles des triporteurs de fabrication canadienne pour être admissibles à l'avantage du code tarifaire 2530. Il convient de faire remarquer que les parties n'ont pas contesté le fait que des triporteurs soient fabriqués au Canada en quantités suffisantes pour satisfaire aux exigences du paragraphe 12(1) du Tarif des douanes [4] et du décret [5] y afférent pris aux termes du paragraphe 12(2) du Tarif des douanes. Pour ce qui est de l'argument de la représentante de l'appelant au sujet de Ranger, le Tribunal est convaincu, à la lumière des éléments de preuve qui lui ont été soumis, et plus particulièrement des explications de M. McBurnie au sujet des activités de la société, que cette entreprise fabrique des marchandises.

Le Tribunal est d'avis que la présente cause est différente de l'affaire Aisco. Comme l'a fait remarquer l'avocat de l'intimé, les triporteurs fabriqués ou produits actuellement au Canada sont des véhicules plus perfectionnés que ceux dont il était question dans la cause Aisco. À cet égard, les éléments de preuve déposés au cours de l'audience au sujet des caractéristiques des triporteurs fabriqués au Canada sont explicites quant aux capacités de ces marchandises.

De plus, le Tribunal n'a pas été convaincu que les différences entre le modèle Triumph 4390 d'Ortho-Kinetics et les triporteurs fabriqués au Canada sont suffisamment importantes pour que les marchandises en question soient considérées comme des triporteurs d'une classe ou d'une espèce non faite au Canada. Il n'y a pas de doute qu'il existe des différences entre ces marchandises et, à cet égard, il se peut fort bien que le succès qu'a connu le modèle Triumph 4390 sur le marché ontarien ces dernières années soit attribuable à ces différences (p. ex. une présentation plus soignée). Cependant, de l'avis du Tribunal, ces différences ne sont pas suffisantes pour faire du modèle Triumph 4390 un triporteur d'une espèce différente. Les marchandises en question et les triporteurs fabriqués au Canada représentent des produits passablement semblables qui sont destinés à une même clientèle. Selon les propos sincères de M. Vincent, il peut être affirmé sans risque d'erreur que le modèle Triumph 4390 partage le même créneau que les triporteurs fabriqués au Canada.

Pour ce qui est de la capacité au gravissement du modèle Triumph 4390 d'Ortho-Kinetics, facteur sur lequel l'appelant fonde essentiellement toute son argumentation, le Tribunal tient à faire remarquer qu'il se préoccupe davantage de la capacité au gravissement dans une fourchette de degrés de pente jugés sûrs pour les conducteurs dont l'agilité et la mobilité sont limitées. À cet égard, le témoignage d'expert de M. Elder concernant l'usage prévu et réel de la plupart des triporteurs (p. ex. véhicule de transport de personnes plutôt que véhicule tout-terrains) et la fourchette de degrés de pente acceptables était particulièrement important dans la présente cause. Comme l'a souligné M. Elder, la norme du ministère de la Santé de l'Ontario précise que le triporteur doit être capable de gravir une pente de 9 degrés, d'y démarrer et de s'y arrêter. À une exception près, tous les modèles canadiens dont il a été question à l'audience ont fait l'objet d'essais dans le cadre du programme d'évaluation des appareils de déplacement et ont satisfait aux critères relatifs à la capacité au gravissement. De l'avis du Tribunal, un autre élément convaincant avait trait au fait que les triporteurs fabriqués par Fortress ont répondu à certaines des exigences les plus rigoureuses applicables aux triporteurs en Europe.

Compte tenu de ce qui précède, l'appel est rejeté.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2 e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3 e suppl.).

3. (1987) 12 R.C.T. 247.

4. Le paragraphe 12(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : «[P]our l'application de la présente loi, les marchandises ne sont pas réputées de la même nature ou de la même espèce que des marchandises fabriquées ou produites au Canada, sauf si elles ne sont pas ainsi fabriquées ou produites en quantités importantes».

5. Décret de 1987 sur le pourcentage de la consommation canadienne normale pour qu'une quantité de marchandises soit considérée comme importante , DORS/88 - 81, le 31 décembre 1987, Gazette du Canada Partie II, vol. 122, n o 2 à la p. 843.


Publication initiale : le 5 juin 1997