PARK CITY PRODUCTS LIMITED

Décisions


PARK CITY PRODUCTS LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-128

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 21 septembre 1993

Appel n o AP-92-128

EU ÉGARD À un appel entendu le 23 février 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 29 juin 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

PARK CITY PRODUCTS LIMITED Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis (dissidence du membre Gracey).


W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national. L'appelant a demandé le remboursement de sommes d'argent, au montant de 177 986,90 $, qui auraient, selon lui, été remises par erreur au ministère du Revenu national pendant la période allant du 1 er mai 1989 au 31 décembre 1990. Dans l'avis de détermination daté du 30 septembre 1991, le ministre du Revenu national a rejeté la demande, en indiquant qu'aucune erreur n'avait été commise attendu que les clients de l'appelant avaient choisi d'utiliser une autre méthode pour rendre compte de la taxe dans le cas des détaillants - grossistes, et que, de ce fait, l'appelant serait tenu de remettre les taxes à l'intimé. La question dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit à un remboursement des sommes d'argent qui, selon lui, ont été versées par erreur au ministère du Revenu national.

DÉCISION : L'appel est admis (dissidence du membre Gracey). La majorité du Tribunal n'a pas reçu d'éléments de preuve suffisants pour être convaincue que l'appelant et ses clients utilisaient une autre méthode pour rendre compte de la taxe dans le cas des détaillants - grossistes. La majorité du Tribunal a conclu que l'appelant était exonéré du versement de la taxe sur la vente d'aliments pour animaux familiers aux termes de l'alinéa 50(5)k) de la Loi sur la taxe d'accise et qu'il a pourtant continué de remettre au ministère du Revenu national des sommes d'argent dont il a été tenu compte à titre de taxes conformément à la Loi sur la taxe d'accise. L'appelant avait droit à un remboursement des sommes d'argent aux termes de l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 23 février 1993 Date de la décision : Le 21 septembre 1993
Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Charles A. Gracey, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Terrance A. Sweeney, pour l'appelant Geoffrey S. Lester, pour l'intimé





Il s'agit d'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le Ministre). Dans une demande datée du 29 mai 1991, l'appelant a réclamé un remboursement de sommes d'argent au montant de 177 986,90 $ qui auraient, selon lui, été remises par erreur au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pendant la période allant du 1er mai 1989 au 31 décembre 1990. Dans l'avis de détermination daté du 30 septembre 1991, le Ministre a rejeté la demande, en indiquant qu'aucune erreur n'avait été commise attendu que les clients de l'appelant avaient choisi d'utiliser une autre méthode pour rendre compte de la taxe pour les détaillants-grossistes (l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe) et que, de ce fait, l'appelant serait tenu de remettre les taxes à l'intimé. La question dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelant a droit à un remboursement des sommes d'argent qui, selon lui, auraient été versées par erreur à Revenu Canada.

M. James E. Neumann, président et unique actionnaire de Park City Products Limited (Park City), a témoigné pour celle-ci. Il a déclaré que l'appelant est le seul fabricant d'aliments secs pour animaux familiers au Manitoba. La société vend essentiellement à des grossistes et à des distributeurs, et parfois au grand public. Des brochures descriptives du produit ont été déposées au dossier à titre de pièce A-1, et notamment des opuscules sur la nourriture pour chiens et pour chats de marque «Super Treat» et la nourriture pour chiens de marque «Golden Chunks». Ces produits rendent compte d'environ 20 p. 100 de la production d'aliments pour animaux familiers de l'appelant, le reste étant vendu sous des marques de distribution. Les aliments pour animaux familiers représentent 50 p. 100 de l'activité totale de la société.

Une liste des quatres principaux clients de l'appelant (les clients) a été déposée au dossier à titre de pièce A-2. Il s'agit de MacDonalds Consolidated, de Western Grocers-Calgary, de Codville Company et de Premier Mix Feeds. La taxe de vente fédérale (TVF) totale remise sur les ventes d'aliments pour animaux familiers aux clients pendant la période visée totalisait 177 986,90 $, ce qui représente le montant en cause dans le présent appel. Le témoin a déclaré que Park City a fait tous les mois des remises de TVF selon des modalités réglementaires fondées sur les montants perçus de ses clients. L'avocat de l'intimé a admis que l'appelant avait versé les taxes réclamées «sous réserve d'une ordonnance», voulant dire par là que «les sommes d'argent avaient été remises».

Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a confirmé que la TVF versée consistait en des sommes d'argent reçues des clients de l'appelant. Il a déclaré que quelques clients, des éleveurs pour la plupart, avaient demandé à faire des achats en franchise de taxe, ce que l'appelant a pu leur accorder. Aucun arrangement spécial n'a été pris dans le cas des clients qui ont continué à payer la taxe, et, autant que le sache le témoin, aucun client vendant à des grossistes et à des utilisateurs finals n'a demandé à faire des achats en franchise de taxe.

Le témoin a déclaré que les clients agissent en tant que grossistes en produits alimentaires, qu'ils vendent à d'autres distributeurs et aux utilisateurs finals. Il a indiqué qu'ils ne vendent pas exclusivement aux utilisateurs finals. L'avocat de l'intimé a admis que les clients sont des fabricants titulaires de licence aux termes de la Loi.

M. Neumann a indiqué que les aliments pour animaux familiers n'étaient pas imposables aux termes de la Loi avant le 1er juillet 1985. Le changement de régime fiscal a été opéré à la suite de diverses interventions, y compris celles des clients de la société, qui ont fait savoir à l'appelant que ses prix devaient être révisés de façon à inclure la TVF. Le témoin a soutenu que la procédure de perception de la taxe par la société et de remise de celle-ci à Revenu Canada n'avait pas changé avant le 31 décembre 1990, et ce, bien que l'appelant ait été libéré de l'obligation de payer la taxe en application de l'alinéa 50(5)k) de la Loi qui a été ajoutée à celle-ci le 1er mai 1987. Il a soutenu que l'examen des dossiers de la société, et surtout de ceux des clients, n'a pas révélé l'existence de documents mentionnant l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe qui, selon l'intimé, a été utilisée par les clients. M. Neumann a témoigné, en outre, qu'il n'avait pas souvenir ni connaissance d'avoir été mis au courant de l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe entre mai 1985 et le 31 décembre 1990. Il a expliqué qu'il s'est rendu compte pour la première fois du fait que l'appelant payait peut-être les taxes par erreur en mai 1991.

Pour les besoins du présent appel, les dispositions suivantes de la Loi sont pertinentes :

2.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[...]

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés :

[...]

i) toute personne qui vend des marchandises mentionnées à l'annexe III.1 sauf une personne qui vend ces marchandises exclusivement et directement aux consommateurs.

50.(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

i) payable [...] par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre.

50.(5) Par dérogation au paragraphe (1), la taxe de consommation ou de vente n'est pas exigible sur les marchandises suivantes :

[...]

k) celles vendues à une personne [...] visée à l'alinéa i) de la définition de «fabricant ou producteur» au paragraphe 2(1) qui est un fabricant titulaire de licence sous le régime de la présente loi, si les marchandises sont mentionnées à l'annexe III.1.

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

ANNEXE III.1

MARCHANDISES VENDUES PAR DES FABRICANTS

OU PRODUCTEURS PRÉSUMÉS

1. Aliments, ou suppléments devant y être ajoutés, pour animaux — notamment les poissons et les oiseaux — qui ne sont pas ordinairement élevés pour produire des aliments destinés à la consommation humaine ou pour être utilisés à ce titre.

L'avocat de l'appelant a allégué que les éléments de preuve avaient clairement établi que l'appelant fabrique des aliments pour animaux familiers au sens de l'annexe III.1 de la Loi. Le 1er juillet 1985, l'appelant est devenu redevable de la taxe sur la vente d'aliments pour animaux familiers. Puis, en mai 1987, la Loi a de nouveau été modifiée, avec pour effet de transmettre l'obligation en aval de la chaîne de distribution, aux clients de l'appelant, ou peut-être aux clients de ceux-ci, en tant que présumés fabricants ou producteurs. L'avocat a soutenu que les éléments de preuve présentés par M. Neumann indiquaient clairement que de juin 1985 au 31 décembre 1990, l'appelant a continué comme à l'habitude de recouvrer la taxe de ses clients et de la remettre à Revenu Canada. Les éléments de preuve ont montré que les clients de l'appelant ne vendaient pas exclusivement et directement aux consommateurs. Puisque l'appelant a continué de payer la taxe lorsqu'il n'était pas tenu de le faire, il avait droit à un remboursement des sommes d'argent versées par erreur aux termes de l'article 68 de la Loi.

L'avocat de l'intimé a plaidé que l'appelant n'avait pas vraiment payé de sommes d'argent par erreur. L'appelant savait que certains clients pouvaient acheter en franchise de taxe, mais il ne s'est pas informé au sujet des clients. L'avocat a fait valoir que, puisque l'appelant s'est abstenu de s'enquérir et n'a pas cherché à en connaître davantage, il ne peut être considéré comme ayant versé des sommes d'argent par erreur.

L'avocat s'est reporté à la cause Alpha Fuels Limited c. Le ministre du Revenu national [2] pour plaider que le Tribunal a reconnu qu'une partie s'acquitte de son obligation fiscale lorsqu'elle paie selon le schéma établi par l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe. L'avocat a déclaré que le Tribunal a décrit une partie comme l'appelant, au regard de l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe, en tant que percepteur ayant la responsabilité de remettre à Revenu Canada les taxes perçues de ses clients. À ce titre, lorsque l'appelant remet la taxe en tant que percepteur, il ne peut être considéré comme la versant par erreur de fait ou de droit ou autrement.

L'avocat a allégué que, pour avoir droit à un remboursement aux termes de l'article 68 de la Loi, il faut que les sommes d'argent aient été prises en compte à titre de taxes aux termes de la Loi. S'il y a une autre explication au paiement des sommes d'argent, elles deviennent des paiements volontaires ne relevant pas des dispositions de la Loi. Attendu qu'aucune obligation fiscale n'incombait à l'appelant, il ne peut être dit que les sommes d'argent ont été prises en compte à titre de taxes.

Pour ce qui est de la cause Jack Herdman Limited c. Le ministre du Revenu national [3] , que l'avocat a reconnu être la plus difficile à concilier avec la position de l'intimé, l'avocat a soutenu qu'elle pouvait être distinguée de la présente cause car les dispositions pertinentes de la Loi s'y lisaient différemment, en ceci qu'il n'était pas exigé que les sommes d'argent soient prises en compte à titre de taxes. En outre, cette cause ne portait pas sur une demande de remboursement. Pour l'avocat, cette cause faisait intervenir l'estoppel, du fait que l'appelant a changé sa position à son détriment à la faveur des observations présentées par Revenu Canada. L'avocat a plaidé que la cause Herdman étaye la position selon laquelle la partie qui a bel et bien remis des sommes d'argent à Revenu Canada doit, pour avoir droit au remboursement, avoir «essuyé une perte» avant d'être dûment remboursé. L'avocat a cité la cause Geocrude Energy Inc. c. Le ministre du Revenu national [4] en faveur de la thèse selon laquelle le remboursement devrait être refusé à l'appelant sur le motif qu'il n'était pas tenu de payer la taxe et que, par conséquent, les sommes d'argent n'avaient pas été versées par erreur.

Pour la majorité du Tribunal, il ressort clairement des éléments de preuve que les aliments pour animaux familiers vendus par l'appelant entrent dans la catégorie des marchandises mentionnées à l'annexe III.1 de la Loi. De même, des éléments de preuve non contestés montrent que l'appelant ne vend pas des aliments pour animaux familiers exclusivement et directement aux consommateurs. À ce titre, il est admissible au statut de fabricant ou de producteur aux termes de l'alinéa 2(1)i) de la Loi.

Aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi, l'appelant, en tant que fabricant ou producteur, est tenu de payer la taxe sur le prix de vente des aliments pour animaux familiers qu'il a vendus à ses clients, à moins d'être exonéré du paiement de cette taxe. Sur ce point, l'appelant a soutenu être exonéré en vertu de l'alinéa 50(5)k) de la Loi. M. Neumann a présenté des éléments de preuve non contestés quant au fait que les clients de l'appelant, dont les achats constituent les transactions en cause, n'ont pas revendu les aliments pour animaux familiers achetés à l'appelant exclusivement et directement à des consommateurs. À ce titre, ces clients seraient également admissibles au statut de fabricants ou de producteurs aux termes de l'alinéa 2(1)i) de la Loi. L'intimé a reconnu que ces clients sont titulaires de licence aux termes de la Loi. Pour cette raison, aux termes de l'alinéa 50(5)k) de la Loi, la taxe de consommation ou de vente n'était pas payable par l'appelant sur les ventes d'aliments pour animaux familiers à ces clients. L'appelant a payé sur ces transactions la taxe de vente au montant total de 177 986,90 $ pendant la période visée et a demandé le remboursement de ces sommes d'argent aux termes de l'article 68 de la Loi.

La cause Herdman, citée par les deux avocats, appuie la proposition selon laquelle les taxes payées sans obligation légale sont payées «par erreur». Les éléments de preuve présentés par M. Neumann montrent que les sommes d'argent versées par erreur l'ont été sur une base mensuelle selon les formes prévues par le règlement aux termes de la Loi relatif aux déclarations de la taxe payable à Revenu Canada. Revenu Canada a accepté les déclarations de l'appelant sur cette base. La majorité du Tribunal estime que, lorsqu'une telle déclaration est faite et acceptée par Revenu Canada, les sommes d'argent concernées sont prises en compte à titre de taxes aux termes de la Loi, à moins que l'intimé ne puisse établir qu'il en est autrement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Comme l'appelant a versé par erreur des sommes d'argent qui n'ont pas été prises en compte à titre de taxes aux termes de la Loi, et a demandé le remboursement de ces sommes d'argent moins de deux ans après leur versement, il a droit, aux termes de l'article 68 de la Loi, à leur remboursement.

Ainsi que le Tribunal l'a déclaré dans la cause Alpha Fuels, «l'Autre méthode de rendre compte de la taxe a pour effet de faire du vendeur un percepteur d'impôt dès lors qu'il est convenu avec l'acheteur que les ventes [...] se feront moyennant le paiement de la taxe [5] ». Dans cette cause, le Tribunal avait conclu, sur la base des éléments de preuve documentaires détaillés et des témoignages, que les parties s'étaient entendues quant au fait que l'achat se ferait moyennant le paiement de la taxe comme le prévoit l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe. Cependant, dans la présente cause, la majorité du Tribunal n'est pas convaincue, au vu des éléments de preuve que, au moment où les sommes d'argent ont été versées à Revenu Canada, l'appelant et les acheteurs de ses aliments pour animaux familiers s'étaient entendus sur l'utilisation de l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe.

L'avocat de l'intimé s'est reporté à l'avis d'opposition de l'appelant, dans lequel il était déclaré que les clients de l'appelant [traduction] «n'achetaient pas nos marchandises en franchise de TVF en raison de la politique administrative créée par Revenu Canada», qui faisait allusion à l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe. Cependant, cette déclaration a été faite dans un document daté d'après la période visée. De plus, M. Neumann a témoigné du fait qu'il n'avait pas connaissance de l'existence de l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe pendant la période en cause.

En admettant cet appel, la majorité du Tribunal est tout à fait consciente du fait que cette décision donnera lieu à une rentrée de fonds importante pour l'appelant. Il ressort clairement des éléments de preuve que, à partir de 1985, le prix demandé par l'appelant pour ses aliments pour animaux familiers incluait un montant pour compenser la TVF et que ce montant a été remis à Revenu Canada. La Loi a été modifiée en 1987, avec pour effet de libérer l'appelant de son obligation fiscale et de transmettre cette dernière à ses clients, mais l'appelant a continué de percevoir un élément de la TVF dans le prix de vente de ses aliments pour animaux familiers et de le remettre à Revenu Canada. En plus de cette modification, l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe permettait à un acheteur d'acheter des marchandises en franchise de taxe à titre de marchandises libérées de taxe et, par conséquent, de ne remettre les taxes à Revenu Canada que sur sa marge bénéficiaire. Selon ce schéma, le vendeur devait remettre à Revenu Canada les taxes qu'il avait perçues sur des ventes autrement exonérées, de façon à acquitter la dernière obligation fiscale. L'avocat de l'intimé a soutenu, mais n'a pas prouvé, que c'est là l'explication simple du fait que les clients de l'appelant ont continué à verser la taxe sur des ventes exonérées et du fait que l'appelant a continué de remettre la taxe à Revenu Canada. L'avocat a rappelé à la majorité du Tribunal qu'il existe en droit d'autres moyens de corriger toute injustice qui pourrait découler de la présente décision.

OPINION DISSIDENTE DU MEMBRE GRACEY

Je diffère respectueusement d'opinion avec mes collègues sur cette question, et suis convaincu que l'appelant n'a pas payé les taxes par erreur au sens de l'article 68 de la Loi.

Les faits essentiels dans cette cause sont que l'appelant a fait payer à ses clients le bon montant de taxe de vente sur les marchandises qu'il leur a vendues pendant la période visée, a remis ce même montant à Revenu Canada de façon régulière et demande maintenant le remboursement de ce montant sur le motif qu'il a versé les taxes par erreur aux termes de l'article 68 de la Loi.

L'appelant soutient que son erreur consiste à n'avoir pas compris qu'il n'était pas, après mai 1987, redevable de la taxe et que l'obligation fiscale, pendant la période visée, était passée à ses clients qui étaient réputés fabricants. Cependant, le témoin de l'appelant a admis que l'appelant avait vendu ses marchandises taxes incluses à ses principaux clients.

Dans son avis d'opposition au rejet de sa plainte par Revenu Canada, l'appelant déclare que [traduction] «les fabricants réputés n'ont pas acheté nos marchandises en franchise de TVF à cause de la politique administrative créée par Revenu Canada - Accise, qui a été renforcée par de nombreuses publications telles que le no 59 des Nouvelles de l'Accise [6] , et la fiche de décision 3700-83/1». Plus loin, l'avis d'opposition dénote une bonne compréhension de l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe. Cette déclaration fait un contraste assez net avec la déposition de M. Neumann selon laquelle il n'était pas au courant, de façon générale, des dispositions de cette politique administrative. Nonobstant le fait que l'avis d'opposition était daté du 30 septembre 1991, le témoin a déclaré sous serment qu'il n'a appris l'existence de l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe qu'«il y a environ un mois». Quoique l'avocat de l'appelant ait souligné que l'avis d'opposition n'a pas été rédigé avec son aide, cela ne change rien au fait que l'appelant connaissait l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe au moins à la date de l'avis d'opposition. Cependant, l'appelant soutient également dans son avis d'opposition que [traduction] «cette politique administrative ne modifie pas le fait que nous avons remis la TVF par erreur parce que l'alinéa 50(5)k) de la Loi annule cette politique administrative et permet d'exonérer ces transactions de TVF».

Je constate que cette suite de déclarations et d'événements place l'appelant très en dehors du champ visé par l'intention de la disposition relative aux taxes payées par erreur. En affirmant le fait évident que la loi l'emporte sur de simples procédures administratives, l'appelant semble soutenir que, chaque fois qu'une procédure administrative telle que l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe est utilisée, les taxes sont en quelque sorte payées par erreur parce que la loi l'emporte. Tel n'est visiblement pas le cas puisque Revenu Canada a le pouvoir de créer et d'utiliser des procédures administratives. L'appelant avait la possibilité de faire savoir à ses clients que, en raison de son exonération d'obligation fiscale, il cesserait non seulement de remettre la taxe, mais encore de leur vendre ces marchandises taxe incluse. L'appelant ne l'a pas fait parce que, comme l'a déclaré M. Neumann, l'appelant ne savait pas à ce moment qu'il n'était pas tenu de payer la taxe. Cependant, il ressort également clairement du témoignage de M. Neumann que l'appelant n'a fait que remettre la taxe qu'il avait déjà imposée à ses clients et qu'il n'avait donc aucunement essuyé de perte au titre de la taxe qu'il soutient maintenant avoir été payée par erreur et pour laquelle il demande un remboursement.

Dans la cause précédente, Alpha Fuels, le Tribunal a admis un appel dans lequel l'appelant avait acheté ses marchandises (du carburant) libérées de taxe aux termes de l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe. Une cotisation au titre de taxes impayées avait été imposée à l'appelant parce que la société à laquelle il avait acheté ses marchandises n'avait pas remis à Revenu Canada les taxes qu'elle avait exigé d'Alpha Fuels et perçues de celle-ci. Revenu Canada, dans cette cause, tenait l'appelant redevable de la taxe, nonobstant le fait que ce dernier s'était conformé aux dispositions de la politique administrative. Le Tribunal avait conclu que, en se conformant à la politique administrative, l'appelant s'était acquitté de son obligation fiscale. Dans la présente cause, je conclurais que les clients de l'appelant se sont acquittés de leur obligation fiscale en achetant leurs marchandises libérées de taxe comme le prévoit l'Autre méthode pour rendre compte de la taxe, et il s'ensuit logiquement que l'appelant n'a pas payé la taxe par erreur. En fait, l'appelant, qui n'était pas redevable de la taxe, l'a fait payer à ses clients et l'a remise en leur nom.

Enfin, je remarquerais que l'arrangement pris par l'appelant et ses clients et selon lequel l'appelant leur vend ses marchandises libérées de taxe était en vigueur, sans modification, depuis 1985. Il est vrai qu'entre 1985 et mai 1987, c'était l'appelant qui était redevable de la taxe et, qu'après cette date, l'obligation était passée à ses clients. Cependant, rien n'indique que l'arrangement entre l'appelant et ses clients visant la vente de ses marchandises libérées de taxe avait été annulé ou modifié de quelque manière. Par conséquent, la seule conclusion raisonnable est que l'arrangement est resté en vigueur. De fait, les clients de l'appelant n'avaient aucun besoin de faire modifier cet arrangement puisqu'il signifiait qu'ils s'acquitteraient de leur obligation fiscale en continuant d'acheter leurs marchandises libérées de taxe. Comme rien n'indique que l'appelant a tenté de modifier l'arrangement qu'il avait pris en toute liberté, je ne peux conclure qu'il a payé des taxes par erreur.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no AP-89-264, le 6 avril 1992.

3. Cour d'appel fédérale, no du greffe A-682-81, le 25 mai 1983.

4. Tribunal canadien du commerce extérieur, appel no 2937, le 21 août 1989.

5. Supra, note 2 à la p. 6.

6. Ministère du Revenu national, Douanes et Accise, janvier 1988.


Publication initiale : le 18 juin 1997