GILMOUR SPORTS LTÉE

Décisions


GILMOUR SPORTS LTÉE
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-92-102 et AP-92-354

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 1er novembre 1993

Appels n os AP - 92 - 102 et AP - 92 - 354

EU ÉGARD À des appels entendus le 22 avril 1993 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise les 9 juin et 14 décembre 1992 concernant des demandes de réexamen déposées aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

GILMOUR SPORTS LTÉE Appelant

ET

LE SOUS - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE Intimé

Les appels sont admis.


W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de deux décisions rendues par le sous - ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise les 9 juin et 14 décembre 1992. La question consiste à déterminer si des marchandises décrites comme des «planches à neige» sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.99.90 du Tarif des douanes à titre d'autre matériel de sport, comme l'a soutenu l'intimé, ou sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.11.00 à titre d'autres skis de neige, comme l'a soutenu l'appelant.

DÉCISION : Les appels sont admis. Les planches à neige sont plus correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.11.00 à titre d'autres skis de neige. Les planches à neige sont semblables à des skis de neige pour ce qui est de l'utilisation et de la fabrication et elles sont reconnues comme des skis de neige dans le commerce et l'industrie du ski de neige.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 22 avril 1993 Date de la décision : Le 1 er novembre 1993
Membres du Tribunal : W. Roy Hines, membre présidant Charles A. Gracey, membre Desmond Hallissey, membre
Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Jack R. Miller et Arthur L. Brunette, pour l'appelant Christine Hudon, pour l'intimé





Les présents appels sont interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes [1] (la Loi) à l'égard de deux décisions rendues par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise les 9 juin et 14 décembre 1992. La question consiste à déterminer si les marchandises décrites comme des «planches à neige» sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.99.90 à titre d'autre matériel de sport, comme l'a soutenu l'intimé, ou plus correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.11.00 à titre d'autres skis de neige, comme l'a soutenu l'appelant.

Les dispositions suivantes de l'annexe I du Tarif des douanes [2] s'appliquent aux présents appels :

95.06 Articles et matériel pour la gymnastique, l'athlétisme, les autres sports (y compris le tennis de table) ou les jeux de plein air, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre; piscines et pataugeoires.

- Skis de neige et autre matériel pour la pratique du ski de neige :

9506.11.00 - - Skis

9506.11.00.10 - - - - - Skis alpin

9506.11.00.20 - - - - - Skis de fond

9506.11.00.90 - - - - - Autres

9506.19 - - Autres

9506.19.90.00 - - - Autres

- Autres :

9506.99 - - Autres

9506.99.90 - - - Autres

- - - - - Autres articles et matériel :

9506.99.90.89 - - - - - - Autres

Dans les témoignages du président de la société appelante, M. Robert M. Gilmour, et du directeur du marketing de la société appelante, M. Rod Gilmour, qui est également néviplanchiste et instructeur agréé en sport de planche à neige, il a été établi que les caractéristiques, les matériaux constitutifs et les techniques de fabrication des planches à neige sont semblables à ceux d'autres skis, notamment les skis alpins. Les planches à neige, comme les skis, présentent une longueur comprise entre environ 90 cm et 230 ou 235 cm; toutefois, les planches à neige sont plus larges. Elles sont habituellement fabriquées à l'aide des mêmes presses et machines à injection [3] que celles utilisées pour les autres types de skis, sont constituées de bois stratifié et de fibre de verre, sont revêtues de polyuréthane comme les autres skis, sont construites dans plusieurs des cas par les mêmes fabricants d'autres skis de marques et leurs bords sont revêtus de bandes d'acier, comme les autres skis. Les fixations d'une planche à neige diffèrent de celles d'autres types de skis, en particulier les skis alpins, en ce qu'elles ne sont pas munies d'un dispositif de déblocage. Cependant, les planches à neige en question n'ont pas été importées de concert avec des fixations. Les fixations ne sont donc pas visées par les présents appels.

Pour ce qui est de l'utilisation des planches à neige, M. Rod Gilmour a déclaré dans son témoignage que lors de la descente, la position du corps et les techniques de déplacement, c'est-à-dire «moving [...] flexing and carving» ([traduction] les mouvements, les flexions et les déplacements latéraux) et «weighting of [the] body» ([traduction] la pression exercée sur la planche avec le corps) ou «riding» ([traduction] la glissade), sont semblables à celles du ski alpin. En général, les néviplanchistes et les skieurs empruntent les mêmes pentes et environ 20 à 25 p. 100 des néviplanchistes pratiquent les deux sports. De l'avis de M. Gilmour, les planches à neige se distinguent principalement des skis par le fait que les pieds du néviplanchiste sont fixés à un ski, ce qui nécessite des mouvements différents au niveau des membres inférieurs. En outre, sur une planche à neige, les pieds sont placés en angle au lieu d'être perpendiculaires à la pente, comme c'est le cas pour les autres skis. Enfin, le sport de la planche à neige se pratique sans bâtons.

M. Rod Gilmour s'est reporté à plusieurs documents qui, selon lui, montrent que la planche à neige et le ski sont considérés comme s'ils faisaient partie de la même industrie, soit le programme de l'«Expo Ski et Surf des Neiges 93» tenue à Montréal du 21 au 24 février et organisée par l'Association nationale de l'industrie du ski, le livre de M. Jim Rennie, intitulé What's New! What's Hot! What's Priced to Hit the Spot [4] , dans lequel l'auteur présente en primeur le matériel de ski et de planche à neige montré à la foire de Montréal, et l'article intitulé «Open Your Mind to Snowboarding [5] » paru dans le numéro de novembre 1991 de Ski Canada.

Le directeur du transit international auprès de Burton Snowboards, M. C. Paul Demers, qui est à la fois chargé du dédouanement et du transport des marchandises et courtier en douane aux États-Unis, a témoigné au nom de l'appelant à l'égard d'une décision du Department of Treasury, U.S. Customs, à Washington, D.C. [6] , et a affirmé que les planches à neige devraient être classées à titre d'«autres skis», comme c'est toujours le cas aux États-Unis. Il a déclaré que parmi tous les pays où Burton Snowboards exporte des planches à neige, seul le Canada ne classe pas ces marchandises dans le numéro tarifaire 9506.11.00 à titre d'«autres skis».

L'avocate de l'intimé a cité un témoin, M. Vincent Lo Monaco, Applicateur du Tarif auprès du ministère du Revenu national (Revenu Canada) qui, en qualité du responsable de la question du classement contradictoire des planches à neige dans les bureaux régionaux des douanes de Revenu Canada partout au pays, a déclaré qu'après avoir examiné le dossier des planches à neige en 1990, Revenu Canada a modifié sa politique pour classer les planches à neige dans la sous-position no 9506.99 à titre d'autre matériel de sport plutôt que dans le numéro tarifaire 9506.11.00 à titre d'autres skis. Ce changement était justifié par le fait que les planches à neige ne pouvaient être considérées comme des skis.

Dans leur argumentation, les avocats de l'appelant ont fait valoir que les planches à neige sont un type de ski en raison de leur fonction ainsi que de leur association et de leurs rapports étroits avec d'autres skis et avec l'industrie du ski au chapitre de la conception, du fonctionnement du matériel et de l'emplacement des installations. De plus, ils ont repris le raisonnement de M. John A. Durant dans la décision du Department of Treasury, U.S. Customs, selon laquelle les planches à neige devraient être classées à titre d'autres skis.

L'avocate de l'intimé a fait valoir que les planches à neige sont des marchandises séparées et différentes des skis de neige. Elle a invoqué la définition du terme «skis» (skis) dans The Concise Oxford Dictionary of Current English [7] et a insisté tout particulièrement sur le fait que les skis sont longs et étroits et se vendent par paire. De l'avis de l'avocate, les planches à neige ne correspondent pas à cette définition. Elle a ajouté que la pratique du sport de la planche à neige constitue une activité sportive séparée et distincte, comme l'a précisé M. Rod Gilmour dans son témoignage et comme le décrivent des articles parus dans The Ottawa Sun [8] , dans Ski Canada [9] et dans l'ensemble de la revue Snowboard Canada [10] . L'avocate a invoqué plus particulièrement les différences au chapitre de la terminologie, des techniques, des revues, des vêtements et des points de vente au détail expressément associés à la pratique du sport de la planche à neige, par rapport au ski, de même que les observations formulées par la vice-présidente de l'Ontario Boarding Association, Mme Catherine Jones, à l'émission Canada AM, où elle a déclaré que «[snowboarding] is actually a sport of its own» ([traduction] la planche à neige constitue en fait un sport en soi).

La question soumise au Tribunal consiste à déterminer si les planches à neige sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.99.90 à titre d'autre matériel de sport ou plus correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.11.00 à titre d'autres skis. À cet égard, il convient de faire remarquer que le numéro tarifaire 9506.11.00 ne traite que des «skis» et que la position en question n'est pas divisée en skis alpins, en skis de fond et en autres skis. Ces désignations ne sont utilisées qu'à des fins statistiques. Par conséquent, pour être classées dans le numéro tarifaire 9506.11.00, les marchandises en question doivent uniquement être des skis, sans autre condition; la question consiste donc à déterminer si une planche à neige est un ski. Le Tribunal en vient à la conclusion qu'une planche à neige est un ski de neige en se fondant sur les témoignages et les éléments de preuve soumis concernant l'utilisation générale des planches à neige et sur la terminologie appliquée à ce sport au sein du commerce et de l'industrie du ski de neige.

Les éléments de preuve présentés au Tribunal révèlent que même si la planche à neige constitue un sport relativement nouveau, elle est étroitement liée au ski alpin et à son industrie. Les planches à neige sont généralement produites par les mêmes fabricants que ceux de skis alpins, sont constituées des mêmes matériaux et sont fabriquées en grande partie à l'aide des mêmes méthodes que celles utilisées pour les skis alpins. Les néviplanchistes empruntent les mêmes pentes que les skieurs alpins. Les témoignages des témoins de l'appelant à cet égard n'ont pas été contestés à l'audience.

Pour expliquer la décision de Revenu Canada concernant le reclassement des planches à neige en 1990, le témoin de l'intimé a déclaré que «[t]he single most important factor [...] in our classification work, is what the product is. In order to be classified in subheading [No.] 9506.11 [the snowboard] has to be snow-skis or other snow-ski equipment. We have not found one person yet in the industry or associations who is willing to come forward and call a snowboard a ski, or skis [11] »([traduction] le principal critère de classement réside dans la nature du produit. Pour être classée dans la sous-position no 9506.11, une planche à neige doit être un ski de neige ou un autre matériel de ski de neige. L'intimé n'a pas encore trouvé une personne dans l'industrie ou au sein des associations qui serait disposée à considérer une planche à neige comme un ski). En conséquence, de l'avis de Revenu Canada, puisque les planches à neige ne sont pas des skis, elles doivent être classées dans la sous-position résiduelle no 9506.99 à titre d'autres articles ou matériel de sport.

La difficulté dans la présente question réside manifestement dans la terminologie utilisée dans le commerce pour décrire des produits différents dont l'usage est essentiellement le même. Les skis alpins, les skis de fond et les planches à neige servent tous à glisser ou à se déplacer sur la neige. Quoique les skis de neige et les skis de fond possèdent des caractéristiques matérielles passablement différentes, ils sont tous pris en compte dans le terme «skis» dans le numéro tarifaire 9506.11.00. Cependant, même si les planches à neige sont utilisées à la même fin, le Tribunal n'a pas trouvé de documents et n'a reçu aucun élément de preuve décrivant une planche à neige comme un ski, à l'exception de la décision des autorités douanières des États-Unis selon laquelle les marchandises en question sont des «snowboard ski» (ski planche à neige). En effet, toutes les définitions des dictionnaires consultés précisent que le terme «ski» désigne une paire de patins longs et minces en bois, en métal, etc. Toutefois, les définitions ne précisent pas la longueur ni la largeur requises pour que les produits soient désignés skis.

Selon le dictionnaire Webster's, le verbe «to ski» (skier) signifie «to engage in the sport of gliding down snow - covered inclines on skis [12] » ([traduction] glisser sur une pente enneigée sur des skis). Selon les membres du Tribunal, il ne fait aucun doute que les planches à neige sont utilisées exclusivement pour glisser sur des pentes enneigées ou pour glisser sur la neige, comme les skis alpins ou les skis de fond permettent de le faire. Comme il a déjà été mentionné, plusieurs similitudes existent entre ces marchandises, notamment au chapitre de l'utilisation et de la construction. Le fait que la planche à neige soit utilisée seule plutôt qu'en paire et qu'elle soit plus large qu'un ski ordinaire ne lui confère pas, de l'avis du Tribunal, un statut différent du ski. En outre, le fait que le classement statistique des planches dans le numéro tarifaire 9506.11.00 prévoit une catégorie «autres» indique bien que le législateur avait l'intention de classer les skis de neige autres que les skis alpins et les skis de fond dans ce numéro tarifaire.

Ainsi, bien qu'une planche à neige soit, sur les plans matériel et visuel, différente d'un ski ou d'une paire de skis de neige ordinaire, le Tribunal conclut qu'une planche à neige est un type de ski de neige et qu'elle est ainsi reconnue dans le commerce et dans l'industrie du ski de neige.

En conséquence, les appels sont admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Pièce du Tribunal no AP-92-102-354-A.13, lettre du 20 janvier 1993 que M. A. J. Rennie, un journaliste réputé dans l'industrie du ski, a fait parvenir à M. Rod Gilmour.

4. Collingwood, Rennie Publications, 1992.

5. Doug Brett, (1991) vol. 20 no 2 Ski Canada 62.

6. HQ 085523, le 28 décembre 1989.

7. Huitième édition, Oxford, Clarendon Press, 1990 à la p. 1137.

8. «"Shredders" Head for the Slopes» (2 février 1993) 16.

9. Brian Peck, «Shred-Tested Boards» (1991) vol. 20 no 2 Ski Canada 95.

10. (1993) vol. 1 no 2 Snowboard Canada Magazine.

11. Transcription à la p. 113.

12. Webster's New World Dictionary, édition Second College, Toronto, Nelson, Foster & Scott, 1974 à la p. 1334.


Publication initiale : le 17 juin 1997