AUTOMATIC SPRINKLER OF CANADA, LTD.

Décisions


"AUTOMATIC" SPRINKLER OF CANADA, LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-92-130

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 18 octobre 1993

Appel n o AP-92-130

EU ÉGARD À un appel entendu le 24 mars 1993 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 juin 1992 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

"AUTOMATIC" SPRINKLER OF CANADA, LTD. Appelant

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis.


Desmond Hallissey ______ Desmond Hallissey Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Lise Bergeron ______ Lise Bergeron Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire





Le présent appel porte sur la question de déterminer si les poulies d'angle utilisées par l'appelant dans son système extincteur d'incendie Range Guard constituent du «[m]atériel à combattre et à détecter l'incendie devant être installé dans des bâtiments» au sens de l'article 5 de la partie I de l'annexe IV de la Loi sur la taxe d'accise et, par conséquent, si elles sont admissibles au taux de taxe réduit prévu par l'alinéa 50(1.1)b) de la Loi sur la taxe d'accise. Les poulies d'angle sont utilisées pour permettre de plier en équerre un câble installé entre les dispositifs de détection d'incendie et le robinet régulateur du débit du produit ignifuge. Les poulies sont constituées d'aluminium résistant aux températures élevées et comportent une roue à gorge sur laquelle est enroulé un câble.

DÉCISION : L'appel est admis. Les poulies d'angle ont été conçues expressément pour le système extincteur d'incendie Range Guard et ne sont fabriquées ni vendues pour aucun autre usage. Elles constituent des appareils essentiels au bon fonctionnement en toute sécurité du système. De l'avis du Tribunal, il ne fait aucun doute que les poulies d'angle constituent du matériel de lutte contre l'incendie, car elles sont uniquement destinées à un système conçu à cette fin bien précise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 24 mars 1993 Date de la décision : Le 18 octobre 1993
Membres du Tribunal : Desmond Hallissey, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Lise Bergeron, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Dyna Côté
Ont comparu : Roland Gilbert Morris, pour l'appelant Yvonne E. Milosevic, pour l'intimé





Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) à l'égard d'une cotisation portant sur la période comprise entre le 1er septembre 1986 et le 30 novembre 1989. Une cotisation de 24 069,67 $, comprenant l'intérêt et la pénalité au 30 septembre 1990, a été imposée à l'appelant sur le motif que ce dernier a mal calculé le taux de la taxe de vente fédérale versée sur les poulies d'angle. Le présent appel porte sur la question de déterminer si les poulies d'angle utilisées par l'appelant dans son système extincteur d'incendie Range Guard constituent du «[m]atériel à combattre et à détecter l'incendie devant être installé dans des bâtiments» au sens de l'article 5 de la partie I de l'annexe IV de la Loi et, par conséquent, si elles sont admissibles au taux de taxe réduit prévu par l'alinéa 50(1.1)b) de la Loi.

M. Roland Gilbert Morris qui est le vice-président et le directeur général d'"Automatic" Sprinkler of Canada, Ltd. a représenté l'appelant et témoigné au nom de celui-ci. Il a déclaré que l'appelant fabrique un système chimique d'extinction d'incendie par voie humide désigné Range Guard et conçu pour être installé à demeure dans des cuisines commerciales et de grands établissements. Ce système permet de déceler les incendies et de les éteindre par pulvérisation localisée d'un agent chimique liquide appelé Karbaloy.

En raison de leur conception, les cuisines commerciales modernes ne prévoient pas d'espace pour le matériel de lutte contre l'incendie; le Range Guard a donc été conçu pour être installé à distance du centre de cuisson. Ce système utilise des dispositifs détecteurs d'incendie à éléments fusibles (éléments fusibles) montés à proximité des zones à risque. Un élément fusible muni d'un ressort est fixé à l'aide d'un câble d'acier inoxydable (diamètre de 1/16 po) à un boîtier de commande mécanique qui maintient le robinet d'une bouteille en position fermée. Lorsqu'un incendie se déclare, l'élément fusible fond, ce qui entraîne un relâchement de la tension du câble, permettant ainsi au robinet de la bouteille de s'ouvrir. La solution de Karbaloy, maintenue sous pression dans la bouteille, est acheminée au moyen de tuyaux vers la zone d'incendie et est expulsée par des gicleurs.

Le câble d'acier, qui relie les éléments fusibles au boîtier de commande, est monté dans une canalisation. Étant donné qu'une certaine distance sépare en général les éléments fusibles du boîtier de commande, les câbles doivent souvent contourner plusieurs obstacles. Afin d'assurer les changements de direction en équerre des câbles, l'appelant utilise des poulies d'angle qui servent de raccords reliant les éléments de la canalisation et assurent le déplacement libre du câble. Les poulies d'angle sont en aluminium résistant aux températures élevées et comportent une roue à gorge sur laquelle est enroulé un câble. La roue tourne librement grâce à des paliers à billes en acier.

Le témoin a décrit le système extincteur d'incendie Range Guard comme étant un système «type», chacun des composants destiné à constituer un système fonctionnel étant approuvé par les Laboratoires des assureurs du Canada. Un système peut comporter jusqu'à 50 poulies d'angle. L'appelant ne vend ses produits qu'à des distributeurs agréés qui sont formés et accrédités pour l'installation du système. Tous les composants sont vendus séparément et non sous forme de système autonome. Le témoin a ajouté que les poulies d'angle ne sont destinées qu'au système Range Guard et qu'il n'était au courant d'aucun autre usage.

Le représentant de l'appelant a prétendu que les poulies d'angle constituent un composant essentiel du système extincteur d'incendie Range Guard. Tout le système, y compris les poulies d'angle, doit être considéré comme un ensemble intégré complet et admissible au taux de taxe réduit. Le représentant a signalé que bon nombre des composants du système, y compris la solution Karbaloy, le robinet et le boîtier de commande, ont été assujettis au taux réduit de la taxe.

Le représentant de l'appelant a fait remarquer que certains tuyaux et robinets utilisés dans le système ont également été jugés admissibles au taux réduit de la taxe aux termes de l'article 16 [2] de la partie I de l'annexe IV de la Loi. Il a soutenu que les poulies d'angle sont des «raccords» aux termes de l'article 16. Il a expliqué que le système Range Guard utilisait au départ un coude simple à 90 degrés monté sur la canalisation, ce qui est maintenant interdit par les règlements relatifs aux incendies. Étant donné que les poulies d'angle remplissent la même fonction que les coudes, qui sont assujettis au taux de taxe réduit, elles devraient également être admissibles au taux réduit de la taxe.

L'avocate de l'intimé a soutenu qu'il incombe à l'appelant de faire la preuve que la cotisation est erronée. Elle a fait valoir que les dispositions d'exemption et d'allégement des lois fiscales doivent être interprétées avec rigueur.

Aux termes de l'article 50 de la Loi, la taxe de vente est perçue sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes les marchandises produites, fabriquées ou importées au Canada. Le taux de taxe payable à l'égard des marchandises taxables est précisé au paragraphe 50(1.1) de la Loi. À moins que les marchandises ne soient visées par les alinéas 50(1.1)a) à c) de la Loi, elles sont assujetties au taux de taxe général prescrit à l'alinéa 50(1.1)d) de la Loi, c'est-à-dire 12 p. 100 à compter du 1er avril 1986 et 13,5 p. 100 depuis le 1er janvier 1989. L'alinéa 50(1.1)b) de la Loi prévoit que les marchandises énumérées à l'annexe IV de la Loi sont assujetties à un taux réduit, c'est-à-dire 8 p. 100 à compter du 1er avril 1986 et 9 p. 100 depuis le 1er janvier 1990.

L'avocate a prétendu que le système Range Guard représente essentiellement un ensemble de pièces et de composants, dont certains, à titre de marchandises individuelles, sont expressément et principalement destinés à assurer la protection contre l'incendie, contrairement à certains autres qui servent à protéger contre l'incendie uniquement parce qu'ils sont intégrés au système. Elle a fait valoir que seuls les éléments du système qui, considérés séparément, sont expressément destinés à la lutte contre l'incendie ou à la détection de l'incendie sont admissibles au taux de taxe réduit. Il en découle donc que les marchandises en cause ne sont pas admissibles au taux réduit parce qu'elles ne constituent pas en soi du matériel à combattre ou à détecter l'incendie. Si elles sont retirées du système, elles ne peuvent être réputées, que ce soit de par leur conception ou leur fonction, être utilisées à une fin expressément liée à la lutte contre l'incendie ou à la détection de l'incendie. Elles représentent plutôt des marchandises neutres destinées à être intégrées à un système de protection contre l'incendie.

L'avocate de l'intimé a soutenu que l'article 5 de la partie I de l'annexe IV de la Loi ne peut être interprété comme s'appliquant à un système de détection ou d'extinction d'incendie dans son ensemble, comprenant toutes les pièces, tous les composants et tous les articles de quincaillerie nécessaires à son installation ou à son fonctionnement. Il est évident, à la lecture des alinéas 2f), r) et u) du Règlement relatif à la taxe de vente sur les matériaux de construction [3] (le Règlement), promulgué aux termes de l'article 35 de la partie I de l'annexe IV de la Loi, que le législateur avait l'intention d'établir dans la loi une distinction entre le matériel conçu pour un usage spécial et le système dans lequel ledit matériel pouvait être installé dans des immeubles. Conformément à ces dispositions, l'expression «matériel à combattre et à détecter l'incendie» désigne une gamme plus restreinte et plus précise de marchandises que celles qui pourraient être installées dans un système intégral de protection contre l'incendie.

Pour ce qui est des divers alinéas du Règlement cités par l'avocate de l'intimé, le Tribunal fait remarquer que, dans tous les cas, ce sont certaines pièces de «matériel» qui jouissent du taux de taxe réduit. L'installation dans un système est perçue comme une réserve imposée à l'égard de ce matériel. En principe, le matériel doit être installé à demeure dans un système pour être admissible au taux réduit de la taxe. Ces alinéas montrent que le matériel peut être intégré à un système tout en demeurant admissible au taux réduit de la taxe. Le Tribunal observe que l'article 5 de la partie I de l'annexe IV de la Loi ne contient pas cette réserve. Il croit cependant que le matériel à combattre ou à détecter l'incendie peut être intégré à un système installé en permanence dans un bâtiment tout en demeurant admissible au taux de taxe réduit.

Selon The Oxford English Dictionary [4] , le terme «equipment» (matériel) désigne, entre autres, «[t]he state or condition of being equipped,» (le fait d'être équipé) et «[a]nything used in equipping» (tout ce qui sert à équiper). Pour sa part, le Gage Canadian Dictionary [5] définit ainsi le terme anglais «equipment» : «the act of equipping» (l'action d'équiper) et «the state of being equipped» (le fait d'être équipé). Selon l'Oxford, le terme «equip» (équiper) signifie «to provide with what is requisite for efficient action, as arms, instruments, or apparatus of any kind [6] » (fournir le nécessaire pour une action efficiente, par exemple des armes, des instruments ou des appareils de tout genre). Pour sa part, le Gage considère que le terme «equip» signifie «furnish with all that is needed; fit out; provide [7] » (munir de tout ce qui est nécessaire, pourvoir, fournir). En se fondant sur ces définitions, le Tribunal est d'avis que le «matériel à combattre et à détecter l'incendie» comprend tout ce qui est nécessaire ou requis pour mettre au point un dispositif fonctionnel de lutte ou de protection contre l'incendie.

Le fait que les poulies d'angle ont été conçues expressément pour le système extincteur d'incendie Range Guard et qu'elles ne sont fabriquées ni vendues pour aucun autre usage est incontesté. Les poulies d'angle constituent des appareils essentiels au bon fonctionnement en toute sécurité du système. De l'avis du Tribunal, il ne fait aucun doute que les poulies d'angle constituent du matériel de lutte contre l'incendie, car elles sont uniquement destinées à un système conçu à cette fin bien précise. Pour ce qui est de l'argument invoqué par l'avocate de l'intimé selon lequel le matériel de lutte contre l'incendie admissible au taux de taxe réduit doit être expressément et principalement destiné à protéger contre les incendies, le Tribunal fait remarquer que l'article 5 de la partie I de l'annexe IV de la Loi n'impose pas une telle réserve au sens préconisé par l'avocate. À ce titre, toute distinction arbitraire ainsi fondée est injustifiée.

En conséquence, l'appel est admis.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. E-15.

2. 16. Tuyaux, conduites et tubes conçus pour servir dans des bâtiments, des égouts, des réseaux d'irrigation ou de drainage, de pipelines et dans d'autres constructions; leurs robinets, soupapes et raccords.

3. C.R.C., ch. 587; 2f) matériel et quincaillerie non visés à l'article 4 de la partie I de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise, conçus pour être installés en permanence dans un système d'alimentation en électricité; r) matériel de traitement et d'épuration des eaux usées devant être installé à demeure dans des réseaux d'égout pour bâtiments; u) matériel pour la pression et le traitement de l'eau devant être installé à demeure dans des systèmes d'alimentation en eau pour bâtiments.

4. Vol. 5, 2e ed., Oxford, Clarendon Press, 1989 à la p. 355.

5. Toronto, Gage Publishing, 1983 à la p. 400.

6. Supra, note 4 à la p. 354.

7. Supra, note 5.


Publication initiale : le 18 juin 1997